jeudi 27 septembre 2012

Mensonges médiatiques, mensonges historiques : L'Algérie vue par Le Monde en 2012

Le conformisme, l’inculture et l’absence de tout regard critique ne cessent de progresser dans les médias. A partir du moment où une affirmation est politiquement ou historiquement correcte les journalistes se croient tout permis : à-peu-près et invraisemblances s’accumulent. Les faits n’interviennent plus, seule compte l’idéologie. Voici un décryptage d’un article du Monde. Le très rigoureux Pierre Milloz y compare ce qu’il a connu de l’Algérie et ce qu’en dit Le Monde.
Polémia.
Traitant d'une récente exposition sur l'Algérie, Le Monde évoque dans son numéro du 20 septembre dernier, sous la signature de Catherine Simon, « les tombereaux de morts “indigènes” que 130 années de colonisation ont laissés derrière elles ».
Des tombereaux… J'ai couru au dictionnaire Larousse : « Caisse montée sur deux roues, servant au transport des matériaux et se déchargeant par basculement ». Mme Catherine Simon ne dit pas où se faisait le basculement, mais son lecteur est invité à le deviner : la mer, sans doute, ou pis encore les charniers, bien sûr.
Et moi qui ai passé les trente premières années de ma vie en Algérie, et qui n'étais pas au courant ! Et mes grands-parents ne m'en ont jamais parlé ! Bien que leur ancienneté remontât aux années 1880, ils ne devaient pas être au courant non plus. Et pas davantage mes parents. Il est vrai qu'ils n'ont guère quitté Alger et que les services secrets massacraient sans doute plus facilement ailleurs que dans les grandes villes.
Pourtant l'expérience de mes beaux-parents plaide en sens contraire : ils ont vécu la plus grande partie de leur vie dans des petites villes « de l'intérieur », comme on disait, et il semble que durant toutes ces années ils n'aient pas davantage remarqué les hécatombes méthodiques d' « indigènes ». Les tombereaux étaient assurément nombreux et chargés et pourtant malgré les carnages la population augmentait rapidement de 3.750.000 en 1886 à 9.730.000 en 1954.
Si l'on interrogeait Mme Simon elle expliquerait sans doute que les tueries et les tombereaux qui en évacuaient les résultats constituaient un phénomène propre au bled. Mais là j'ai un exemple qui ferait hésiter. Mon oncle et ma tante ont été instituteurs de 1920 à 1946 dans le bled. Ils étaient affectés non dans une ville mais dans un douar de Kabylie : celui de Sidi Naaman, dans la vallée de l'Oued Chélif. Jusque dans les années trente (de ce que l'on m'a maintes fois raconté, je crois me souvenir que le pont fut construit en 1934), l'école et le douar étaient l'hiver coupés de la route d'Alger à Tizi-Ouzou par les crues de l'Oued Chélif. J'y ai passé plusieurs mois lorsque, après le débarquement américain du 8 novembre 1942 et les bombardements allemands qui ont suivi, mes parents ont jugé préférable de mettre leurs enfants à l'abri à Sidi Naaman. J'ai ainsi fait avec plaisir la connaissance des enfants du lieu scolarisés et des notables du douar avec qui mon oncle et ma tante avaient noué des relations amicales et conviviales.
Lorsque survinrent les événements de Sétif en 1945, on sut qu'après ce début de guerre civile, les auteurs de la sédition se repliaient vers l'ouest en Kabylie et pouvaient menacer l'école. Alors les hommes du douar de Sidi Naaman se sont constitués en groupes armés pour, jour et nuit, défendre celle-ci et les instituteurs.
Je n'ai jamais de ce côté non plus, entendu parler de tombereaux.
Il me vient à l'esprit que je me suis donné beaucoup de mal pour contester non pas une pensée mûrie sur une réalité complexe mais un réflexe conditionné. Celui-ci en vaut-il la peine ? Peut-être en ce qu'il est représentatif de certains médias, mais sûrement pas en lui-même car il exprime la plus attristante des imbécillités : l'imbécillité mécanique du robot.
Pierre Milloz, 25/09/2012 http://www.polemia.com

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