Atlantico.fr - 10/07/2012
À l'occasion de la polémique lancée par les élus communistes de Paris contre l'acteur Lorànt Deutsch et son livre "Paris-Métronome", le site Atlantico.fr a interviewé Jean Sévillia.
Alantico.fr - Des élus du groupe communiste ont annoncé qu’ils allaient s’attaquer au livre à succès de Lorànt Deutsch lors du prochain Conseil de Paris qui doit avoir lieu lundi, mardi et mercredi prochains. Ils dénoncent en effet « de nombreuses erreurs et inventions historiques », et affirment que l’ouvrage offrirait une « lecture idéologique très discutable », notamment sur les épisodes de la Commune, ainsi que des anecdotes touchant à certaines figures de la Révolution, Robespierre en tête. « Tout ceci n’est que nostalgie de l’Ancien Régime et camelote historique » concluent-ils. Qu’en pensez-vous ?
Jean Sévillia - Notons d’abord que les adversaires de Lorànt Deutsch se réveillent bien tard : son livre est paru il y a trois ans, et approche les deux millions d’exemplaires vendus avec l’édition illustrée. Un incroyable succès populaire, qui a valu à l’auteur d’être décoré d’une médaille de la Ville de Paris par Bertrand Delanoë en personne. Or le maire de la capitale ne passe pas pour un nostalgique de l’Ancien Régime… Derrière cette affaire, il y a sans doute quelques règlements de comptes à gauche, et le désir du Parti communiste de faire parler de lui. Quand on est en perte de vitesse politique, c’est un coup classique. Mais il y a là aussi un réflexe idéologique. Lorànt Deutsch est un esprit libre, et l’on comprend que cela déplaise aux derniers apparatchiks communistes.
Ces élus évoquent notamment les récits de Lorànt Deutsch sur la Commune, ou la Révolution... Sont-ce là des pans de l'Histoire auxquels on n'a pas le droit de toucher, avec une version "officielle" qu'on ne peut mettre en cause, ou alors en prenant le risque d'être forcément taxé de révisionnisme historique ?
La Révolution française, la Commune de 1871, le Front populaire : il y a des moments d’histoire de France sacralisés par la gauche, et dont la version officielle est en effet intouchable, parce qu’elle relève du mythe constitutif du socialisme français, héritage disputé entre les socialistes et les communistes. Mais ce mythe ne résiste pas à l’examen. Il y a déjà trente ans qu’un historien comme François Furet, une figure venue de la gauche et ayant évolué vers le libéralisme, a montré qu’il y a une dimension totalitaire dans la Révolution française. Les élus communistes de Paris devraient mettre leurs connaissances historiques à jour.
Les communistes ont parfois une version assez arrangée de l’Histoire… Sont-ils vraiment bien placés pour donner des leçons quant au traitement de celle-ci ?
Les communistes sont depuis longtemps passés maîtres dans le maniement du terrorisme intellectuel. C’est ainsi qu’au temps flamboyant de l’URSS et du goulag, ils ne cessaient de revenir sur les crimes nazis – qui furent tragiquement réels, mais qui relevaient du passé -, ce qui évitait qu’on se penche sur les crimes du communisme, qui étaient non moins réels, et qui relevaient du présent. C’est la technique du rideau de fumée.
Le livre de Lorànt Deutsch n'est pas présenté comme un livre d'Histoire. Faut-il alors nécessairement exiger une objectivité totale pour ce genre d'ouvrage ? La subjectivité n'est-elle pas inévitable lorsqu'on conte ainsi des évènements ?
Lorànt Deutsch n’est pas historien et ne prétend pas l’être. Dès lors qu’il parle d’histoire, on est cependant en droit d’attendre de lui le respect d’une certaine rigueur dans la manière d’approcher le passé. Mais au-delà de tel ou tel détail qui peut être discuté, Métronome est un livre qui embrasse le passé de Paris – et le passé français en général – dans sa totalité, depuis les origines. Plus aucun historien sérieux ne pense que notre histoire commence en 1789. Il est donc absurde de reprocher à Lorànt Deutsch de l’illustrer par l’exemple.
Propos recueillis par Romain de Lacoste http://www.jeansevillia.com
À l'occasion de la polémique lancée par les élus communistes de Paris contre l'acteur Lorànt Deutsch et son livre "Paris-Métronome", le site Atlantico.fr a interviewé Jean Sévillia.
Alantico.fr - Des élus du groupe communiste ont annoncé qu’ils allaient s’attaquer au livre à succès de Lorànt Deutsch lors du prochain Conseil de Paris qui doit avoir lieu lundi, mardi et mercredi prochains. Ils dénoncent en effet « de nombreuses erreurs et inventions historiques », et affirment que l’ouvrage offrirait une « lecture idéologique très discutable », notamment sur les épisodes de la Commune, ainsi que des anecdotes touchant à certaines figures de la Révolution, Robespierre en tête. « Tout ceci n’est que nostalgie de l’Ancien Régime et camelote historique » concluent-ils. Qu’en pensez-vous ?
Jean Sévillia - Notons d’abord que les adversaires de Lorànt Deutsch se réveillent bien tard : son livre est paru il y a trois ans, et approche les deux millions d’exemplaires vendus avec l’édition illustrée. Un incroyable succès populaire, qui a valu à l’auteur d’être décoré d’une médaille de la Ville de Paris par Bertrand Delanoë en personne. Or le maire de la capitale ne passe pas pour un nostalgique de l’Ancien Régime… Derrière cette affaire, il y a sans doute quelques règlements de comptes à gauche, et le désir du Parti communiste de faire parler de lui. Quand on est en perte de vitesse politique, c’est un coup classique. Mais il y a là aussi un réflexe idéologique. Lorànt Deutsch est un esprit libre, et l’on comprend que cela déplaise aux derniers apparatchiks communistes.
Ces élus évoquent notamment les récits de Lorànt Deutsch sur la Commune, ou la Révolution... Sont-ce là des pans de l'Histoire auxquels on n'a pas le droit de toucher, avec une version "officielle" qu'on ne peut mettre en cause, ou alors en prenant le risque d'être forcément taxé de révisionnisme historique ?
La Révolution française, la Commune de 1871, le Front populaire : il y a des moments d’histoire de France sacralisés par la gauche, et dont la version officielle est en effet intouchable, parce qu’elle relève du mythe constitutif du socialisme français, héritage disputé entre les socialistes et les communistes. Mais ce mythe ne résiste pas à l’examen. Il y a déjà trente ans qu’un historien comme François Furet, une figure venue de la gauche et ayant évolué vers le libéralisme, a montré qu’il y a une dimension totalitaire dans la Révolution française. Les élus communistes de Paris devraient mettre leurs connaissances historiques à jour.
Les communistes ont parfois une version assez arrangée de l’Histoire… Sont-ils vraiment bien placés pour donner des leçons quant au traitement de celle-ci ?
Les communistes sont depuis longtemps passés maîtres dans le maniement du terrorisme intellectuel. C’est ainsi qu’au temps flamboyant de l’URSS et du goulag, ils ne cessaient de revenir sur les crimes nazis – qui furent tragiquement réels, mais qui relevaient du passé -, ce qui évitait qu’on se penche sur les crimes du communisme, qui étaient non moins réels, et qui relevaient du présent. C’est la technique du rideau de fumée.
Le livre de Lorànt Deutsch n'est pas présenté comme un livre d'Histoire. Faut-il alors nécessairement exiger une objectivité totale pour ce genre d'ouvrage ? La subjectivité n'est-elle pas inévitable lorsqu'on conte ainsi des évènements ?
Lorànt Deutsch n’est pas historien et ne prétend pas l’être. Dès lors qu’il parle d’histoire, on est cependant en droit d’attendre de lui le respect d’une certaine rigueur dans la manière d’approcher le passé. Mais au-delà de tel ou tel détail qui peut être discuté, Métronome est un livre qui embrasse le passé de Paris – et le passé français en général – dans sa totalité, depuis les origines. Plus aucun historien sérieux ne pense que notre histoire commence en 1789. Il est donc absurde de reprocher à Lorànt Deutsch de l’illustrer par l’exemple.
Propos recueillis par Romain de Lacoste http://www.jeansevillia.com
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