L’échec
de l’Algérie française date du lendemain de la guerre de 1870 quand le
régime civil remplaça le régime militaire. La colonisation de l’Algérie
se fit alors au nom de l’universalisme républicain qui prétendait
transformer les musulmans en Français grâce à l’ « école de la
République ».
Dans ce numéro spécial de l’Afrique Réelle
[de Juin 2012], est reproduit un document peu connu. Daté du 1er
décembre 1870, au lendemain donc de la défaite française face à la
Prusse, ce texte fut écrit de la main de Mgr Lavigerie (1) à l’intention
d’Adolphe Isaac Crémieux (2), alors en charge des affaires algériennes.
Le prélat y livre ses intentions résolument jacobines au sujet de
l’Algérie, faisant ainsi cause commune avec le farouche républicain
qu’était Crémieux. Les deux hommes se trouvèrent alliés pour détruire
les Bureaux arabes, cette élite de l’armée française qui avait
réussi la pacification de l’Algérie avec peu de moyens, pratiquant la
politique du prestige, du respect et de la différence, à l’image de ce
que feront plus tard les Affaires Indigènes au Maroc sous
Lyautey (3) et ses successeurs. Or, Mgr Lavigerie et Adolphe Isaac
Crémieux considéraient tous deux, à juste titre d’ailleurs, que les Bureaux arabes
étaient un obstacle à la colonisation, protecteurs qu'ils étaient des
indigènes et de leurs biens. Crémieux dénonçait également leur peu de
zèle républicain, ce corps d’élite étant effectivement largement
monarchiste. Leur disparition signa l’échec de l’Algérie française. A
l’opposé de Mgr Lavigerie et de Crémieux, Lyautey ne voulut pas changer
l’homme et c’est pourquoi il a réussi au Maroc. Il ne s’était en effet
pas fixé pour but de donner aux Marocains d’autres ancêtres que les
leurs. Il n’avait pas, comme le déclara avec arrogance le président
Sarkozy dans son « discours de Dakar », l’intention de les faire «
entrer dans l’Histoire », eux qui en ont une, glorieuse et ancienne.
La
vision de Lyautey présentait deux caractéristiques principales qui sont
l’exact contre-pied de ce que voulaient Crémieux et Mgr Lavigerie :
- – Selon lui, la colonisation n’était pas éternelle car il avait bien vu que les colonies, départements d’Algérie compris, étaient à la France, mais n’étaient pas la France. Transposée aujourd’hui cette idée permettrait de parler d’islam en France et non d’islam de France, ce qui n’est pas la même chose
- – C’était une forme d’ « ethno-différentialisme » avant l’heure car elle n’impliquait ni assimilation, ni intégration, qui sont d’abord des pertes de substance vive pour les uns comme pour les autres. Elle ne débouchait ni sur l’acculturation républicaine, ni sur la christianisation des musulmans. Lyautey était pourtant plus que « bon » catholique, mais, tout comme Charles Maurras, il faisait la part entre le politique et le religieux. Homme de terrain, il avait tout simplement observé que les peuples du Maghreb sont « autres ».
L’histoire
a donné raison à Lyautey contre Lavigerie et Crémieux. Quant à De
Gaulle, s’il voyait juste quand il déclara à Jacques Soustelle que
l’intégration était « un danger pour les Blancs, une arnaque pour les autres », la manière dont il s’y prit pour « soulager »
la France de ce qu’il nommait « le fardeau algérien » fut à la fois
odieuse par son inhumanité, honteuse par sa mise en oeuvre et criminelle
par ses conséquences. D’autant plus que la victoire militaire française
étant totale dès 1959-1960, des solutions autres que celle de la remise
du pouvoir à la clique du FLN étaient envisageables.
Notes de la rédaction :
(1)
homme d’Eglise, nommé en 1867 archevêque d’Alger et de Carthage,
fondateur de la société des missionnaires d’Afrique (les Pères blancs)
en 1869.
(2) avocat, homme politique français, franc-maçon, député, membre du gouvernement provisoire de 1848 et ministre de la Justice dans le gouvernement de Défense nationale de 1870, surtout connu par le décret du 24/10/1870, à qui il a laissé son nom, octroyant la citoyenneté française aux juifs d’Algérie, mesure parfaitement discriminatoire à l’égard des « indigènes musulmans ».
(3) militaire français, officier pendant les guerres coloniales, premier résident général du protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, académicien.
(2) avocat, homme politique français, franc-maçon, député, membre du gouvernement provisoire de 1848 et ministre de la Justice dans le gouvernement de Défense nationale de 1870, surtout connu par le décret du 24/10/1870, à qui il a laissé son nom, octroyant la citoyenneté française aux juifs d’Algérie, mesure parfaitement discriminatoire à l’égard des « indigènes musulmans ».
(3) militaire français, officier pendant les guerres coloniales, premier résident général du protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, académicien.
1 commentaire:
Voilà une conférence qui s'accorderait très bien avec cet article basé sur les travaux de Bernard Lugan "Le rôle du décret Crémieux" :
http://ploncard-dassac.over-blog.fr/article-le-role-du-decret-cremieux-dans-la-deterioration-des-relations-franco-arabes-113771410.html
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