Léon
Bloy est né le 11 juillet 1846, dans une famille qui compta sept
enfants. Son père était fonctionnaire aux Ponts et Chaussées, et
probablement franc-maçon. Sa mère, d'ascendance espagnole était très
pieuse. L'enfant avait un caractère rêveur et enclin aux larmes. Ses
parents furent cependant contraints de le retirer du lycée, parce que
considéré comme insociable et paresseux, après qu'il se fut rué, armé
d'un couteau, sur des camarades qui l'avaient, il est vrai frappé. Il
occupera divers petits métiers jusqu'à la guerre de 1870. Enclin à la
révolte, imperméable à toute discipline, il a perdu la foi et professe
des idées républicaines et anarchisantes. Il semble avoir bien connu le
futur communard Vallès. La rencontre de l'écrivain Barbey d'Aurevilly,
qui le pousse à lire les écrivains contre-révolutionnaires tels Maistre
ou Bonald, l'amène à abandonner ses idées républicaines et le ramènent à
la foi. Il prit part, pendant la guerre de 1870, aux opérations de
l'Armée de la Loire et se fit remarquer par sa bravoure. Il racontera
cette expérience dans Sueur de sang. Démobilisé, sans situation et sans
but, il va errer jusqu'en 1873 où, grâce à Barbey d'Aurevilly il entre à L'Univers,
le grand quotidien catholique dirigé par Louis Veuillot qui lui donne
des conseils de modération. Conseils que Léon Bloy s'empresse de ne pas
suivre. Très vite, en raison de son intransigeance religieuse et de sa
violence, il se brouille avec Veuillot et quittera le journal dès juin
1874. Sa vie bascule à nouveau en 1877. Il rencontre Anne-Marie Roulé,
prostituée occasionnelle, qu'il recueille et convertit en 1878.
Rapidement, la passion que vivent Bloy et la jeune femme se transforme
en aventure mystique, avec visions et pressentiments apocalyptiques.
Elle se met à prophétiser. Elle passe de dix à quinze heures en prière,
s'adressant à Jésus-Christ comme s'il était devant elle. Elle est
persuadée, et Léon Bloy tout autant, que des événements extraordinaires
vont se produire le jour de la saint-Joseph, le 19 mars 1879. Léon Bloy
écrira : « Jésus-Christ crucifié ne peut plus attendre que quelques jours. » Rien ne se passe. L'échéance est repoussée à 1880. Léon Bloy en gardera rancune à... Dieu. Il écrira : « En
récompense tout m'est refusé. Cette œuvre était uniquement à la gloire
de Dieu. Eh bien, j'aurais honte de traiter un chien galeux comme Dieu
me traite. » ! Bloy, qui était aussi exalté que son épouse, prétendra disposer d'« un secret inouï, effroyable que je ne puis communiquer à personne », « un secret à déconcerter l'équilibre des constellations et de l'entendement des deux. » Il prétendait avoir « reçu le don de "l'intelligence" des réalités profondes
» qu'il n'avait pas le droit de divulguer, prétendant « vivre en
contact permanent avec un être tout à fait exceptionnel. » Début 1882,
Anne-Marie commence à donner des signes de folie. Elle sera internée en
juin à l'hôpital Sainte-Anne de Paris. Léon Bloy est atteint au plus
profond de lui-même, mais ne la reverra plus. Il restera convaincu toute
sa vie que la fin du monde était proche et qu'il aurait un rôle à y
jouer. Ce curieux catholique n'hésite pas à flirter dangereusement avec
les hérésies, expliquant dans Le salut par les juifs que la Rédemption
n'était pas achevée, Jésus toujours crucifié, bafoué par la populace et
maudit par Dieu lui-même. Il reprendra même à son compte une vieille
hérésie, défendue notamment par les Cathares, celle dite « des deux fils
», selon laquelle Satan est le second fils de Dieu. Curieusement, la
lecture de ce livre permit la conversion de Jacques et Raïssa Maritain,
cette dernière étant juive, qui furent des personnalités intellectuelles
et mondaines de premier plan en ce début de siècle, qui convertirent
eux-mêmes de nombreuses personnalités du monde littéraire notamment,
dont cet étonnant Maurice Sachs, personnage tout à fait fascinant,
excellent écrivain auteur du Sabbat, qui porte bien son nom, juif qui
voulut entrer dans les ordres, qui a escroqué et volé ses protecteurs,
dont l'écrivain juif Marcel Schwob, qui travailla avec la Gestapo,
dénonçant des juifs avant de tenter d'escroquer les Allemands. Il
disparut dans un camp allemand, décapité, dit-on, par des résistants
qu'il avait aussi trahis.
Mais revenons à Léon Bloy et à ses idées politiques. Il pratique aisément l'invective, l'insulte, mais sans aucune profondeur dans la pensée. Il n'aime pas la République et méprise le suffrage universel mais ne dit pas vraiment pourquoi. Le 14 juillet, c'est « la fête de la canaille ». Il poursuit par : « Les nuages et le tonnerre étaient refoulés, pourchassés au-delà des monts, pour que les bombes et pétards de l'anniversaire des Assassins puissent être ouïs exclusivement sur le territoire de la République. » Léon Bloy hait le monde moderne et admire le Moyen-Âge. Il exalte la pauvreté, qu'il écrit avec un P majuscule, alors qu'il fut en permanence à la recherche d'un riche mécène, qu'il ne trouva jamais. Il se déclare cependant adversaire de l'argent et de la bourgeoisie, patriote et opposé à la colonisation. Ce très curieux personnage s'éteint à Bourg-la-Reine,le 3 novembre 1917.
R. S. Rivarol du 1er juin 2012
Mais revenons à Léon Bloy et à ses idées politiques. Il pratique aisément l'invective, l'insulte, mais sans aucune profondeur dans la pensée. Il n'aime pas la République et méprise le suffrage universel mais ne dit pas vraiment pourquoi. Le 14 juillet, c'est « la fête de la canaille ». Il poursuit par : « Les nuages et le tonnerre étaient refoulés, pourchassés au-delà des monts, pour que les bombes et pétards de l'anniversaire des Assassins puissent être ouïs exclusivement sur le territoire de la République. » Léon Bloy hait le monde moderne et admire le Moyen-Âge. Il exalte la pauvreté, qu'il écrit avec un P majuscule, alors qu'il fut en permanence à la recherche d'un riche mécène, qu'il ne trouva jamais. Il se déclare cependant adversaire de l'argent et de la bourgeoisie, patriote et opposé à la colonisation. Ce très curieux personnage s'éteint à Bourg-la-Reine,le 3 novembre 1917.
R. S. Rivarol du 1er juin 2012
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