Voilà
un personnage particulièrement sympathique, qui mériterait que l’on se
penche avec beaucoup d’attention et de précision sur ses activités. Mais
force est de reconnaître qu’à l’heure actuelle, la littérature à son
sujet est infiniment plus mince que celle qui fleurit sur ses homologues
nationaux-socialistes. Et pourtant ….
Iagoda
naît en 1891 dans une famille juive de Lodz, en Pologne, qui fait alors
partie de l’empire tsariste. Il rejoint les bolcheviques en 1907 et
après la révolution d’octobre, intègre la tchéka.
Cette
police secrète chargée des basses œuvres du régime – et il y aura
amplement de quoi s’occuper – est créée le 20 décembre 1917 par un
décret signé de Lénine. A partir de cette date, elle va agir en dehors
de toute légalité, ne répondant de ses actes que devant le gouvernement.
Elle sera dirigée dans un premier temps par Félix Dzerzhinsky, qui
mourra en 1926 d’une attaque cardiaque.
Iagoda
grimpe vite les échelons à l’intérieur de la tchéka et il seconde avec
zèle Dzerzhinsky dès septembre 1923. Il a alors 32 ans. A la mort de
celui-ci, en 1926, il secondera avec autant d’efficacité le nouveau
patron, Vyacheslav Menzhinsky.
Ce
dernier ne tarde pas à tomber gravement malade, circonstance qui permet
à Iagoda de contrôler en fait la police secrète dès la fin des années
20. La tchéka sera « remplacée » en 1922 par la GPU – Guépéou – qui sera à son tout remplacée par le NKVD
en 1934. Mais si les appellations changent, les méthodes ne
s’adoucissent pas pour autant. Elles vont même se sophistiquer et
atteindre des raffinements dans la torture assez hallucinants. Les
activités de ces polices secrètes, encore un sujet d’étude à creuser. A
condition d’avoir le coeur bien accroché.
Il
y avait même au sein de la tchéka bon nombre de volontaires chinois
venus pour apprendre certaines « méthodes révolutionnaires » et qui, en
retour, enseigneront à leurs distingués collègues quelques subtilités
inconnues jusque là sous leurs cieux.
Chef
de la police secrète, Iagoda participera à toutes les campagnes de
terreur menées par le pouvoir et en particulier à la collectivisation
forcée des campagnes et à la « dékoulakisation », déportation en masse de tous les paysans prétendument aisés, les koulaks. En février 1930, il remarque ainsi au bas d’un rapport : « Les régions nord-est et Léningrad n’ont pas compris nos consignes ou bien ne veulent pas les comprendre ; il faut les obliger à comprendre.
Nous ne sommes pas en train de nettoyer les territoires de popes,
commerçants et autres. S’ils disent « autres », cela veut dire qu’ils ne
savent pas qui ils arrêtent. On aura tout notre temps pour se débarrasser des popes et des commerçants, il faut aujourd’hui frapper précisément la cible : les koulaks et les koulaks contre-révolutionnaires ».
A
partir de 1930, il aura également la responsabilité de l’organisme
chargé de gérer les « camps de travail forcé » d’URSS, le fameux Goulag. Et il sévira également durant l’horrible famine organisée par le pouvoir en 1932-33.
Iagoda est un proche de Staline qui le nomme en 1934 – c’est le sommet de sa carrière – commissaire du peuple aux affaires intérieures (NKVD), où
il dirige police secrète et police officielle. Staline compte sur lui
pour mettre en scène les grandes purges et les procès qui se préparent.
Cela fonctionnera bien jusqu’en 1936 car Iagoda donne tout d’abord
satisfaction à son maître lors du 1er procès de Moscou, qui verra
l’exécution de Zinoviev et Kamenev.
Mais les
choses ne tardent pas à se gâter pour lui. En septembre 1936, Staline
adresse un télégramme comminatoire au Bureau politique, ainsi rédigé: « Il
est absolument nécessaire et urgent que le camarade Iejov soit désigné
au poste de commissaire du peuple à l’Intérieur. Iagoda ne s’est
manifestement pas montré à la hauteur de sa tâche pour démasquer le bloc
trotskiste-zinoviéviste. La Guépéou a quatre ans de retard dans cette
affaire ».
Le
voilà donc remplacé par son ex-adjoint, Nikolai Yezhov, autre sinistre
personnage, qui supervisera à sa place les grandes purges de 1937-38. En
mars 1937, Iagoda est arrêté sous l’accusation de trahison et de
complot contre l’Etat. Il sera exécuté le 15 mars 1938 à Moscou.
Je vous suggère de relire l’article du journaliste israélien Sever Plocker, Les juifs de Staline, dont j’avais donné la traduction sur ce blog le 3 mars. A propos de Iagoda, il écrivait ceci :
« (…) Un étudiant israélien termine le lycée sans avoir jamais entendu prononcer le nom de Genrikh Yagoda,
le plus grand meurtrier juif du XXe siècle, chef adjoint de la GPU et
fondateur-dirigeant du NKVD. Yagoda a consciencieusement exécuté les
ordres de Staline pendant la collectivisation, et est responsable de la
mort d’environ 10 millions de personnes. Ses employés juifs ont mis en
place et géré le système des goulags. Après être tombé en disgrâce
auprès de Staline, Yagoda fut dégradé et exécuté, puis remplacé en tant
que chef des bourreaux, en 1936, par Yezhov, le « nain sanguinaire ».
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