Positionner [sic]
Otto Strasser (1) dans le spectre de la résistance antinazie n’est pas
une mince tâche. Hôte inconfortable partout, il ne réussit jamais à
s’allier ses compatriotes en exil, qu’ils fussent de gauche ou même de
droite. Certes Strasser soutint une activité qui dénote un courage
certain, mais qui, cependant, ne fut jamais motivée par des raisons
d’ordre moral. L’ambiguïté de ses positions vis-à-vis du nazisme n’était
certainement pas étrangère au malaise qu’il créait un peu partout, à
plus forte raison encore chez ses compatriotes en exil. Au Canada, ces
équivoques viendront s’ajouter au déroulement de la guerre et causeront
sa déchéance, son chant du cygne. Sans appuis politiques importants, il
dut se résigner à une activité de polémiste.
La production historique portant sur l’exil d’Otto Strasser au Canada
est marquée par la rareté à la fois quantitative et qualitative (2).
Nous proposons donc d’analyser la pensée d’Otto Strasser en étudiant ses
textes rédigés à Montréal. Leur analyse permettra de faire ressortir
les thèmes et valeurs d’une pensée et d’une vision du monde sur
lesquelles est fondé un programme politique qui ne mourra pas avec la
défaite du nazisme, mais qui lui survivra, d’abord au sein du propre
parti de Strasser (DSU – Deutsch-Soziale Union), puis en inspirant des
partis d’extrême droite tels le NPD (Nationaldemokratische Partei
Deutschlands) et même le Front National en France [sic] à une certaine époque.
1. Influences intellectuelles et action politique, 1919-1933
Otto Strasser naquit à Windsheim en Bavière le 10 septembre 1897. Son
père, fonctionnaire de justice de l’État bavarois, initia très tôt ses
enfants à la politique par le biais de soirées consacrées à des
discussions sur le sujet. Pour Peter Strasser, le socialisme chrétien et
national s’imposait comme seule voie politique possible pour
l’Allemagne du tournant du siècle (3).
À 17 ans, Strasser s’engagea pour le front, dont l’expérience constitua
sans doute l’une des pierres d’assises de sa carrière politique. La
guerre en tant que telle et, plus précisément, le retour et le choc
causés par l’ampleur de la défaite lui firent prendre conscience que son
destin était manifestement lié à celui de l’Allemagne. A posteriori,
il écrira : « la solution au futur de l’Allemagne devint ma tâche
personnelle » (4). De même, il garda de la vie au front un sentiment et
un esprit communautaires dont les traces sont visibles dans plusieurs de
ses écrits polémiques et politiques (5). Quant à sa participation en
1919 à la répression de la révolution communiste à Munich au sein du
corps franc du général Ritter von Epp, elle se pose comme l’origine de
sa méfiance à l’égard du bolchevisme, de son nationalisme qualifié de «
revanchard » par Patrick Moreau, ainsi que d’un certain antisémitisme
(6).
Alors que son frère Gregor se lança, dès la révolution communiste
matée, dans la politique active, d’abord en mettant sur pied la division
de Landshut de l’Association nationaliste des soldats7 puis en devenant
membre du parti national-socialiste naissant, Otto Strasser retourna
aux études qui avaient été interrompues par la guerre. Toujours attiré
par le socialisme chrétien qui s’imposait alors comme catalyseur de sa
pensée politique, il fonda, en tant que membre du SPD, l’Association
universitaire des anciens combattants du SPD8, et se fit même élire au
parlement estudiantin. Dans la même foulée, il organisa en 1920 3
centuries socialistes qui défendirent le quartier berlinois de Steglitz
contre les putschistes de Kapp (9).
Cependant, le sort réservé aux ouvriers de la Ruhr laissés aux mains
des corps francs, et ce malgré les promesses qui leur avaient été faites
par le gouvernement, écoeura Strasser à un point tel qu’il quitta le
parti (10). Cet événement qui marquait sa rupture définitive avec la
social-démocratie le désempara. De retour à Munich au début de l’automne
1920, il fit la rencontre de Ludendorff et de Hitler, pour lequel il
entretint dès l’abord de l’antipathie. Évidemment, Strasser refusa alors
d’adhérer au NSDAP (11). Parallèlement à la poursuite de ses études en
économie (il remettra sa thèse en 1925), Strasser fréquenta, entre 1920
et 1925, les cercles de discussions révolutionnaires-conservateurs, où
il put se familiariser avec les thèses des Jünger, Jung, Moeller van den
Bruck et Spengler. Par ces fréquentations et l’étude des idées de
Moeller van den Bruck et de Spengler, il trouva les jalons qui guideront
sa carrière politique.
L’échec du putsch de Munich en 1923 signait l’arrêt passager des
activités du NSDAP. Hitler fut emprisonné et le parti interdit. Au sud
de l’Allemagne, les membres se fondirent au sein des organisations
paramilitaires racistes qui y étaient légion, tandis qu’au nord, on
forma le Mouvement nationaliste grand-allemand pour la liberté (12).
Cette refonte du NSDAP-nord pour obvier à son interdiction, permit à
Gregor de débuter l’énorme travail d’organisation du parti pour le nord
de l’Allemagne. Hitler en prison, Gregor avait donc les coudées franches
et pouvait mettre en branle son plan de construction d’un noyau
"socialiste" dans cette partie de l’Allemagne. C’est dans ce but,
précisément, que Gregor invita Otto à mettre en valeur ses talents de
théoricien, ce que ce dernier accepta d’emblée, puisqu’il trouvait dans
ce projet l’expression de la synthèse des idées nationale et sociale
(13). Avec les gauleiters et les cadres de cette partie de l’Allemagne
(Goebbels, Schlange, Kaufmann, etc.), le groupe s’attacha à adapter le
programme fondateur du NSDAP (les "vingt-cinq points") de 1920 à la
réalité socio-économique particulière du nord-ouest de l’Allemagne,
industrialisé et gagné aux partis de gauche (14).
Le projet de rénovation du parti se pose ainsi comme une première
ébauche du programme politique strassérien. Fruit des travaux et
réflexions de la Communauté de travail des gauleiters nord- et
ouest-allemands du NSDAP (15), il proposait des améliorations et
approfondissements aux points un peu confus ou dépassés du programme de
1920, sur les plans de la politique étrangère, de la politique
intérieure et de l’organisation de l’État national-socialiste, de
l’économie et de la politique culturelle (16). Par la suite, Les quatorze thèses de la Révolution allemande (1929), National-socialisme et État (1929), puis Construction du socialisme allemand (1932), amèneront à maturité ce programme politique ainsi que ses fondements idéologiques (17).
2. L’exil
L’antagonisme entre les "socialistes" et la centrale munichoise allait,
entre 1925 et 1930, constamment grandir. La fin de non-recevoir opposée
par Hitler au projet de rénovation rédigé par les gauleiters de
l’Allemagne du nord, l’adhésion de Goebbels aux idées de Hitler,
l’activité déployée par la machine munichoise à l’encontre des frères
Strasser et de leur groupe, débouchèrent, le 4 juillet 1930, sur la
scission de Strasser et des "socialistes" du parti (18). Cet événement
força Strasser et son groupe à une certaine clandestinité, et ce même
avant la prise du pouvoir nazie en janvier 1933. Cet exil intérieur se
mua, bien sûr en 1933, en véritable exil, alors que Strasser dut se
réfugier d’abord en Autriche et en Tchécoslovaquie, puis successivement
en Suisse, en France et au Portugal. C’est de cette dernière étape, en
septembre 1940, qu’il fut secouru par les services secrets britanniques
ou, plus précisément, par le SOE (Special Operations Executive), agence responsable de la subversion, de la propagande et du support à la résistance (19).
Lorsque Strasser arriva au Canada en avril 1941, la presse lui accorda
un accueil plutôt favorable. Le caractère spectaculaire de son activité
était attisé par le correspondant de guerre pour le Times de Londres,
Douglas Reed, ainsi que par Strasser lui-même, qui ne manquait jamais
une occasion de vanter son action, de souligner sa haine pour Hitler, et
de rappeler qu’il possédait des informations prétendument secrètes au
sujet des plans de guerre nazis. Son arrivée fut donc considérée comme
celle d’un allié qui, fort de son réseau de résistance et de ses
informations, aiderait les Britanniques à vaincre l’Allemagne nazie qui,
à cette époque précise de la guerre, connaissait des succès militaires.
En préambule de sa chronique bi-hebdomadaire dans les pages du
quotidien montréalais The Gazette, on présentait Strasser comme :
[...] le fondateur et chef du Front Noir, le plus grand mouvement clandestin de résistance d’Allemagne. Sur la base de sa connaissance intime du parti nazi et de ses chefs, combinée avec le flot continu d’informations lui parvenant hebdomadairement d’Allemands de tout acabit, incluant des officiers de l’armée, des fonctionnaires d’État et des membres du parti nazi [...] (20)
Dans une critique du livre de Douglas Reed, Nemesis ? The Story of Otto Strasser and the Black Front, paru dans The Gazette
du 4 octobre 1941, Donald C. MacDonald présentait Strasser de façon
plutôt flatteuse, le dépeignant comme le « premier leader
national-socialiste à s’être joint aux rangs de la résistance pour
ensuite combattre sans relâche tant en Allemagne qu’à l’extérieur
del’Allemagne » (21). Traitant d’un livre rédigé par Strasser, Germany Tomorrow,
MacDonald ira même jusqu’à le conseiller « à tout étudiant sérieux
intéressé à l’histoire présente » (22). Ce même journaliste n’hésitera
pas, dans un article portant sur l’entrée des États-Unis dans la guerre,
de faire de Strasser « l’anti-nazi numéro un » (23).
Mais cette aura pâlira avec le temps : au fur et à mesure que les
Alliés prendront l’initiative, les articles de Strasser perdront de leur
importance et de leur pertinence, et les lecteurs cesseront de croire à
ce type de ragots. L’isolement progressif de Strasser peut être
ressenti dans son écriture : de plus en plus, ses propos sont
invraisemblables, voyant dans les gestes de tout un chacun les signes de
l’éclatement imminent du régime hitlérien. Sous les pressions des
autorités britanniques, le gouvernement canadien dut consentir à museler
Strasser, lui interdisant formellement toute activité publique.
Strasser continua tout de même à publier et les autorités n’eurent
d’autre choix que de le condamner en vertu des Lois pour la Défense du
Canada. Strasser vécut chez un ami en Nouvelle-Écosse et ne put
retourner en Allemagne qu’en 1955, où il créa un parti d’extrême droite,
l’Union sociale allemande (DSU).
3. La Révolution conservatrice à Montréal. Analyse thématique de l’activité de pamphlétaire d’Otto Strasser
Nous entendons par "Révolution conservatrice" le mouvement
d’intellectuels d’extrême droite, dont les thèses furent publicisées par
des auteurs tels que Arthur Moeller van den Bruck, Oswald Spengler,
Ernst Jünger, Edgar Jung, Wilhelm Stapel, ou encore Ernst Niekisch. La Révolution conservatrice
entend détruire le "système" démocratique et vise à une modernisation
du nationalisme allemand, qui intégrerait les effets de la
modernisation, de la technique et de l’avènement des masses. Son côté
conservateur s’exprime par la volonté d’un retour aux valeurs dites
germaniques que sont le sang, le sol et la nation.
L’expérience de la guerre et le choc de la défaite donnèrent
l’impulsion positive au mouvement qui est en fin de compte une
"dynamique conservatrice", pour reprendre le terme de Louis Dupeux (24).
L’"adhésion à l’Ouest" que constituent, selon ses tenants, la signature
des traités de Versailles (1919) et de Locarno (1925), et l’entrée de
l’Allemagne au sein de la SDN (1926), ralliera les activistes contre le
"système" de Weimar et ce, bien avant les déboires économiques de
1929-1930. Les révolutionnaires-conservateurs partagent — et c’est là
peut-être leur seul véritable point commun — une vision ou perception du
monde (Weltbildung ou Weltanschauung) et de
l’histoire commune, qui s’oppose essentiellement à l’héritage politique,
économique, social et culturel légué par les Lumières et la Révolution
française. À cela, ils opposent les "forces de la Vie", "la toute
puissance de l’Idée", une communauté du peuple (Volksgemeinschaft)
liée et hiérarchisée organiquement, gouvernée par un régime
corporatiste, dont la valeur suprême est le service à la Nation, qui
prend ici, sous la plume de nombreux auteurs de la mouvance, la forme
d’un être vivant (25). Cette vision du monde est dénuée de toute
rationalité, qui est évacuée au profit de l’expérience philosophique,
instinctive et inconsciente de la vie (26).
De la lecture des textes rédigés par Strasser durant son exil à
Montréal, nous avons retenu 5 grands thèmes : le prussianisme, le
nazisme hitlérien, l’entre-deux-guerres, la conduite de la guerre, puis
l’Allemagne d’après-guerre et le programme strassérien.
3.1. Le prussianisme
Otto Strasser retrace dans le prussianisme l’origine à la fois du
nazisme et du bolchevisme, de la même manière qu’il y retrouve les
germes de la domination et de l’absolutisme (27). Selon lui, c’est
imprégnés de cet esprit prussien que les généraux conduisirent
l’Allemagne à la défaite de 1918. Il ajoute que ces derniers avaient une
faim insatiable de territoires, « le globe terrestre devenait trop
petit pour la fantaisie des politiciens de café qui se partageaient le
monde » (28). C’est ce qui les empêcha de réaliser le désespoir de la
situation et de demander la paix plus tôt, alors qu’il était encore
temps.
L’esprit prussien a insuflé au terme "nation" des velléités
d’impérialisme et de domination, au lieu de retrouver dans cette idée
"le sens de son unité". L’ambition de la Prusse était de faire
l’Allemagne à la manière des rois de France, ce qui est contraire au
caractère allemand. La Prusse, mue par un esprit vindicatif et
militariste, imposa sa puissance en rassemblant sous son joug des
régions jusque-là indépendantes. Aux yeux de Strasser, cette folie
centralisatrice prônée par la Prusse, l’industrie lourde et par Hitler
était anti-allemande :
La Prusse avait su faire sienne l’idée d’unité nationale pour conquérir
peu à peu, au cours du XIXe siècle, tous les États allemands. C’était
là une performance certes remarquable, mais correspondait-elle à la
mission réelle des peuples allemands ?
Cette mission est européenne comme le prouve l’histoire du Saint
Empire. Elle est fédératrice et non pas nationaliste dans le sens
impérialiste du mot (29).
Cela rejoint le coeur du problème selon Strasser : la Prusse, de par
son aristocratie terrienne, est fondamentalement anti-européenne. La
bourgeoisie prussienne, adoratrice des junkers et des militaires, adhère
aux mêmes valeurs et idées. Ainsi, par ce consensus qui lie ses élites,
la Prusse a pu maintenir ensemble les États allemands de la même
manière qu’elle assit sa domination sur l’Europe (30).
La Prusse et ses piliers, l’aristocratie, l’armée et l’administration,
n’ont cependant pas le courage de leurs convictions. Ils veulent assumer
le pouvoir politique indirectement et ont donc besoin d’un masque,
d’une façade. Sous la république de Weimar, ils utilisèrent Ebert et
Hindenburg, et par la suite, ce fut le tour de Hitler. Strasser, dans un
article, émet même la conjecture suivante : Göring serait le choix des
généraux, ce qui expliquerait la prétendue "propagande" dirigée par la
vieille garde prussienne, vantant les mérites du chef de la Luftwaffe (31).
Il faut chercher l’origine des plans des généraux dans la constante
rivalité, au sein du "système hitlérien", opposant le parti à l’armée
prussienne. Cette rivalité, selon Strasser, découle de visions
diférentes et fondamentales, qui rendent l’éclatement imminent, sinon
inévitable (32). Cet antagonisme se ressent de plus en plus, au fur et à
mesure que l’armée s’enlise en Russie et que le redoutable hiver russe
change les données stratégiques. L’armée (la "réaction" dans le jargon
strassérien) s’accommode du parti tant qu’elle y trouve son profit. La
victoire qui semble inatteignable et les pertes qui s’accumulent
éloignent les généraux prussiens de leur objectif de domination
prusso-germanique de l’Europe (33).
Pour terminer l’année 1941, Strasser rédigea un article faisant état de
la désertion des généraux prussiens sous le double choc de l’échec de
la campagne de Russie et de l’entrée en guerre des États-Unis. Par un
parallèle historique fort douteux, il nous dit que les généraux
préparent la dictature prussienne en Allemagne, comme en 1918, lorsque
l’échec de l’offensive du printemps fut consommé. Envisageant la
défaite, les généraux concentrent tous leurs efforts au maintien et à la
survie de leur groupe. Strasser avertit les lecteurs du danger que
représente la vieille garde prussienne : en gardant son armée intacte,
en imposant sa volonté politique sur l’Allemagne, elle cherchera à
négocier une paix qui ne sera rien d’autre qu’une trève, pavant la voie à
de futures actions belliqueuses (34).
Strasser, dans son analyse du prussianisme, introduit l’élément de
continuité, d’une évolution historique qui mène vers le nazisme. Pour ce
Bavarois, c’est la survivance des structures socio-économiques
traditionnelles prussiennes qui sont responsables. L’aristocratie, la
bureaucratie, l’armée et le grand capital prussiens sont tous mis au
banc des accusés, en tant que forces porteuses de cette évolution
funeste, contraire au caractère allemand. Hitler, on le verra dans la
prochaine section, est réduit à un rôle d’outil, de "façade" servant
leurs intérêts.
3.2. Le nazisme hitlérien
La conception du "système hitlérien" de Strasser est étroitement liée
au prussianisme, qui permit à Hitler et à ses acolytes de se hisser au
pouvoir. D’entrée de jeu, notons la très nette distinction que fait
Strasser entre le "national-socialisme" (nationaler Sozialismus
; Strasser dirait plutôt, "socialisme national" [35]) — idée violée par
Hitler — et le "nazisme" — le mariage de Hitler, de l’industrie lourde
et de l’armée prussienne. Le premier est d’origine tchèque (36), fut
défendu en Allemagne par le groupe des frères Strasser au sein du NSDAP
entre 1925 et 1930, et jouissait d’une supériorité intellectuelle. Le
deuxième fut offert à Hitler comme un instrument mis au service de sa
soif de pouvoir, lui octroyant de fait une nette supériorité matérielle
(SA, SS, armes, moyens financiers) qui fut décisive dans la lutte
opposant la « Révolution allemande » au « système hitlérien » (37).
Pour Strasser, l’hitlérisme est d’abord et avant tout Hitler : dénué de
tout sens moral, intoxiqué du pouvoir, « il était capable des pactes et
des promesses les plus contradictoires et des tricheries de toutes
sortes » (38). Lors d’une conférence donnée en français à Québec le 7
décembre 1941, Strasser s’exprimait ainsi : « Parce qu’il s’agit-là de
l’essence même de la folie, de ne pas avoir d’autres limites que celle
du territoire. S’il atteignait ces limites, il continuerait jusqu’aux
limites de l’univers - dans une tentative de détrôner Dieu » (39). Cette
soif de pouvoir eut raison de ses premiers collaborateurs : à
l’origine, Hitler était l’homme de paille et l’instrument politique de 4
hommes, Ludendorff, von Epp, Röhm et von Kahr (40), qui ont tous été
trahis au profit du grand capital prussien. La vieille politique de
puissance prussienne, la démagogie moderne et l’absence de moralité chez
la personne de Hitler se juxtaposent dans la logique strassérienne pour
constituer le nazisme hitlérien. La politique traditionnelle de
puissance prussienne a constitué une menace pour l’Allemagne et l’Europe
depuis des décennies, mais elle « devint un véritable danger mondial à
partir du moment où sa force destructrice fut élégamment vêtue de
démagogie moderne — comme une idée qui libérerait les peuples » (41).
Tout le mérite de Hitler réside dans le fait qu’il réussit à convaincre
le peuple de la validité et de la légitimité du pouvoir prussien.
Ernst Jünger et Oswald Spengler expliquent la logique du nazisme comme
étant la création d’un État au sein duquel le peuple, bien nourri mais
dépourvu de droits, travaille pour l’État, qui est représenté et dominé
par la « classe des guerriers » (42). Pour Strasser, cette « classe des
guerriers » est constituée de l’industrie lourde, de l’armée, de Hitler
et de ses lieutenants, les seuls qui tirent des bénéfices de cette
guerre.
Mais
Strasser n’a-t-il jamais ressenti quelque sympathie pour le mouvement
national-socialiste ? Deux exemples portant sur le putsch de 1923, tirés
de Flight from Terror, démontrent que oui :
Les troupes se formèrent rapidement en colonne de quatre. Les bannières furent montées de façon arrogante. Les yeux brillaient de la promesse des émotions à venir. Le désir, la jeunesse et le courage étaient les armes les plus puissantes de cette petite armée. Même les spectateurs, alignés en bordure, se sentirent soulevés par ce tableau d’hommes qui osent (43).
Plus tard, il avouera avoir été impressionné par ce spectacle, par cette irrésistible dynamique :
Aussi étrange que cela puisse paraître, les effets du putsch de Munich sur mon esprit furent exactement le contraire de ce que l’on aurait pu s’attendre. Au lieu de m’aliéner entièrement le national-socialisme, ils m’ont rapproché du parti, encouragé toute sympathie que j’avais dans le passé (44).
Cette
dynamique, si invitante fût-elle aux yeux de Strasser, perdit
rapidement de son attrait en se heurtant aux objectifs de Hitler. Ces
objectifs atteints, il fallait trouver le moyen de maintenir le régime.
La propagande constituait le premier élément. Dirigée par « l’homme le
plus intelligent du système hitlérien », Goebbels, celle-ci viole
consciemment les nobles sentiments humains à des fins mauvaises, elle
utilise et travaille avec des mots modernes afin d’atteindre des buts
réactionnaires : « ordre nouveau », « unification de l’Europe », «
nécessité de l’expansion agricole ». Le règne de la terreur, avec comme
chef de file Göring, constitue le deuxième élément de la stratégie qui
vise à assurer la stabilité du régime (45).
Au début de 1942, Hitler et le pouvoir nazi se préparent à une
éventuelle guerre civile, écrit Strasser. Afin de mater le front
intérieur où germent la révolution et l’agitation, Hitler dissout la SA
et renforce la SS. Selon Strasser, la SA est redevenue un bastion de la
"gauche" nationale-socialiste révolutionnaire, forçant ainsi Hitler à
éparpiller ses chefs et ses troupes dans différentes unités de combat.
De façon concomitante, Heinrich Himmler grossit les rangs de la SS de
500.000 nouveaux hommes, dont la moitié sera en opération dans le Reich
même, et la dote de sa propre force de l’air (46). À n’en pas douter,
par cet article, Strasser tente de démontrer que le contexte en
Allemagne est propice à la propagande anti-hitlérienne, et qu’il existe
toujours une majorité de "véritables" nationaux-socialistes de "gauche"
au sein même du parti, prète à faire cause commune avec les démocraties
pour renverser Hitler et son régime. Mais ces propos ne servent, en
dernière analyse, qu’à justifier l’action de Strasser, irrémédiablement
liée au maintien du programme de guerre politique du gouvernement
britannique (propagande, guerre de partisans, révoltes...). Strasser,
tel un metteur en scène, crée de toute pièce un scénario qui favorise
l’emploi de sa propagande.
3.3. L’entre-deux-guerres
Deux mots, selon Strasser, résument parfaitement la défaite allemande
de 1918 : « trop tard ». L’armistice, la défaite déshonorante, la chute
des Habsbourg et celle des Hohenzollern, tout est arrivé trop tard. La
paix, dans un premier temps, aurait dû être offerte plus tôt aux
puissances de l’Entente (47). Ce geste de bonne volonté aurait permis la
conclusion d’une véritable paix et aurait évité cette « trève de vingt
ans », imputable d’abord au fait que les Alliés, inspirés par le
Versailles de 1871, n’aient cherché qu’à affaiblir l’Allemagne —
affaiblir l’ennemi ne règle rien, car une paix conclue sur ces bases ne
peut durer que le temps nécessaire au pays pour reprendre ses forces —,
et ensuite, parce qu’on appliqua « la théorie de l’affaiblissement de
l’Allemagne », un remède du XIXe siècle, à un mal du XXe siècle. Au lieu
de parler de paix, de reconstruire l’Europe « depuis ses fondations
pour créer l’équivalent de l’Europe du Moyen Âge », l’on dut se
contenter d’une fiction, la Société des Nations, institution étrangère
en raison de ses 2 grands protagonistes, les États-Unis (48) et
l’Angleterre, 2 puissances extra-continentales (49).
Né de la défaite, « le cirque de Weimar » était mû par une constitution
copiée sur les textes français et américain. La Constitution de la
république de Weimar ne créa pas un ordre nouveau mais permit plutôt,
sous le masque de la démocratie parlementaire, aux forces
traditionnelles de l’époque wilhelmienne d’exercer le pouvoir. La
domination prussienne, dans ce contexte, ne s’éteignit pas, mais se
perpétua plutôt en prenant des « masques » — Ebert, Hindenburg — et en
concoctant une alliance avec le national-socialisme hitlérien. Hitler
put donc profiter des piliers de la Prusse que sont l’industrie lourde,
l’aristocratie terrienne, l’armée et la bureaucratie, pour atteindre son
objectif de régner sur l’Allemagne (50).
Ainsi, pour Strasser, il aurait mieux valu que l’Allemagne ne signe pas
le traité de Versailles, ce véritable goulot d’étranglement. Certes, la
totalité du territoire allemand aurait été occupée « pour un temps »,
mais en revanche, la situation aurait été claire. D’une part,
l’Allemagne et l’Europe auraient pu repartir sur de nouvelles bases,
puis l’extrême droite (!) aurait compris que la guerre était bel et bien
terminée. Enfin, la France aurait pu apprécier plus justement sa
victoire et constater sur place ce qu’elle pouvait demander ou non en
réparations aux Allemands (51).
3.4. La conduite de la guerre
Entre le 30 juin 1934 (la nuit des longs couteaux) et le 1er septembre
1939, un effort gigantesque fut entrepris en Allemagne pour se préparer à
la guerre. Le ministre de l’Économie, le Dr. Schacht, cacha les
intensions belliqueuses de Hitler, ce qui attira la confiance des
banquiers étrangers qui ont cru que les véritables motivations du Führer
n’étaient que de s’attaquer aux problèmes franco-allemands et de
préparer le retour de l’Allemagne dans le circuit économique mondial,
alors qu’en fait, le Dr. Schacht s’efforçait plutôt de « renforcer la
position impérialiste de l’économie allemande» (52). Cette politique ne
profitait qu’aux grandes entreprises, les grandes gagnantes de la
politique de réarmement qui, en retour, le rendaient bien au parti par
de généreux versements dans ses coffres.
Pour Strasser, la guerre, à n’en pas douter, débuta en 1938, avec une
offensive de propagande visant à démoraliser et à diviser l’adversaire.
Cette offensive psychologique, politique et économique déboucha avec
succès sur les accords de Munich (53). Pourtant Strasser répétait à cor
et à cri, à qui voulait l’entendre depuis 1936, qu’avec Hitler c’était
la guerre ; puisqu’un tel régime ne peut survivre sans coups de théâtre,
sans crise perpétuelle, sans ennemis. Il faut que le peuple soit
mobilisé, qu’il n’ait pas le temps de réfléchir : lorsqu’on marche, on
ne pense pas. En toute logique, la guerre devient alors inévitable (54).
Dans la logique strassérienne, la guerre ne pouvait que révéler les
profondes dissensions au sein du système hitlérien. Alors que les armées
de Hitler enregistrent des succès, la défection de Rudolf Hess fournit à
Strasser la première occasion de soulever l’imminent divorce armée -
parti. Selon lui, Hess n’est ni plus ni moins que la première victime
d’un plan dirigé par l’armée allemande afin de renverser le Führer. En
effet, Hess, parce que totalement dévoué à sa personne, représente un
danger pour les généraux. De plus, si l’éventuelle invasion de
l’Angleterre devait se solder par un échec, les généraux blâmeraient
Hitler et le déposeraient afin de négocier une paix séparée55. Dans un
message retransmis sur les ondes de Radio-Canada le 15 mai 1941,
Strasser soutient qu’un plan de putsch militaire avait été élaboré en
avril 1941. Selon ses sources en Allemagne, le groupe des militaires
prussiens avait perdu confiance en Hitler. Ils attendaient donc une
défaite afin de mettre l’opinion publique de leur côté et de justifier
leur action (56).
L’invasion de la Russie et les victoires de l’armée allemande à
l’automne 1941 firent déferler une vague de pessimisme chez les Alliés.
Strasser pensait, en octobre 1941, soit avant que l’hiver russe ne
vienne gâcher et compliquer les choses, que les victoires allemandes
n’étaient en définitive que des victoires locales, que l’invasion de la
Russie s’imposait en raison de l’échec de Hitler à l’Ouest, c’est-à-dire
de son incapacité à mettre la Grande-Bretagne à genoux, dont l’invasion
couronnée de succès constituait la condition sine qua non pour une
victoire totale (57).
À partir de ce moment précis, tout, dans l’esprit de Strasser, tend à
s’écrouler dans le système hitlérien. Tout devient preuve de cet
écroulement latent et inévitable. La nomination de Reinhard Heydrich à
la tête du protectorat tchèque, marquant la soi-disant transition vers
le stade final de l’ordre nouveau nazi en Europe, ne serait dans ce
contexte que le résultat de la frustration de Hitler à ne pouvoir
asseoir son hégémonie sur l’Europe (58). Ce « désespoir » plonge ses
racines dans le bourbier russe qui provoque le désillusionnement des
généraux et de la population en général. L’armée se bat tant qu’il y a
de l’espoir : cet espoir meurt à petit feu en Russie. Le soldat ne voit
dans l’avenir qu’une succession de batailles, sans jamais en voir la
finalité : la guerre sans fin. Les généraux, nous dit encore Strasser,
en sont tout à fait conscients (59).
Le découragement pousse Hitler à mettre en scène l’unité de l’Axe. La
signature du pacte anti-komintern à Berlin lui donne l’occasion de
montrer une Europe unie dans une lutte commune contre le communisme. Cet
exercice n’est évidemment qu’une façade pour Strasser, qui tient pour
preuve l’intense activité de résistance dans ces pays. Hitler « singe »
Napoléon (1803) qui avait lui aussi rassemblé ses alliés, espérant ainsi
obtenir la paix avec l’Angleterre. La paix ne vint pas et, comme
Hitler, Napoléon avait engagé ses armées dans une difficile guerre à
l’Est (60).
Évidemment, l’entrée en guerre des États-Unis suite à l’attaque
japonaise sur Pearl Harbour, fournit l’occasion à Strasser de faire
d’autres analogies historiques. Dans le cadre d’une entrevue accordée au
quotidien The Gazette, il entrevoit la fin prochaine de la
guerre. Les États-Unis déclarent la guerre à la troisième année du
conflit (pour Strasser, on l’a vu, la guerre débuta en 1938) tout comme
durant le premier conflit mondial, alors qu’ils n’intervinrent qu’en
1917. Les démocraties, poursuit Strasser, gagnent à tous les niveaux -
militaire, économique et psychologique. Se souvenant de l’effet
dévastateur de la déclaration de guerre américaine de 1917 : « ce fut un
moment de dépression indescriptible, qui sera non seulement répété
aujourd’hui, mais qui sera plus grand encore en raison de l’impasse sur
le front russe » (61).
Avec l’entrée du Japon, la guerre s’étend au théâtre asiatique. Selon
Strasser, il n’est plus possible pour les Alliés de garder la même
stratégie de guerre d’usure. Il faut en finir le plus rapidement et avec
le moins de pertes possibles avec la guerre en Europe, pour s’attaquer
ensuite au Japon. Il s’agit là de 2 guerres différentes de par leur
nature. Si la guerre en Europe est idéologique et transcende ainsi les
nations, les classes et même les familles, c’est l’avenir même de la
civilisation occidentale, de la « race blanche » qui se joue en Asie, de
là toute l’importance du front pacifique (62).
3.5. L’Allemagne d’après-guerre et le programme strassérien
Dans la préface de son livre L’Aigle prussien sur l’Allemagne, Strasser expose en quelques lignes sa conception de l’après-guerre :
Je suis intimement convaincu que, sans une Allemagne satisfaite, ni l’Europe ni le Monde (sic) ne seront jamais satisfaits ; j’affirme donc que, sans l’annihilation complète du nazisme et du prussianisme, il ne pourra jamais exister une Allemagne pacifique et chrétienne (63).
Si
l’on en croit Strasser, il n’existe pour les Allemands que 2 options
politiques. Ses pamphlets en font d’ailleurs souvent allusion :
L’Allemagne n’[avait] le choix qu’entre 2 options desquelles dépendait son existence en tant que nation : l’une [consistait] en une réforme interne, ce qui [voulait] dire le socialisme ; l’autre [consistait] en une tentative d’exploitation du reste du monde, afin que peut-être les énormes richesses accumulées par les quelques individus qui dirigent l’Allemagne, débordent et atteignent le petit. Mais la domination et l’exploitation du monde ne sont atteignables que d’une façon et tout se résume par un choix : révolution interne ou Seconde Guerre mondiale (64).
En définitive, 2 éléments se posent comme conditions sine qua non
à une victoire ultime sur le nazisme : la défaite militaire de Hitler
et de la Prusse et la victoire spirituelle sur le nazisme — le point le
plus important. Celle-ci consiste, pour Strasser, en la destruction
complète de l’esprit prussien afin d’éviter une résurgence de ses
instincts impérialistes et belliqueux qui conduirait inévitablement à
une autre guerre, qui pourrait bien prendre « les traits du marteau et
de la faucille » (65).
Sur le plan politique, cela signifie diviser la Prusse et garder
l’Allemagne intacte; briser l’esprit prussien, détruire la Prusse jusque
dans ses racines, c’est-à-dire détruire le « junkerisme », le
militarisme et l’esprit de la soldatesque, ainsi que le
"prusso-centrisme" qui caractérise l’histoire de l’Allemagne depuis
1871. Dans ce même article, il résume l’essentiel de son programme
politique en 5 points :
- 1) démocratie économique et coopération sociale ;
- 2) autonomie gouvernementale et fédéralisme ;
- 3) fédération de tous les États européens ;
- 4) coopération avec toutes les démocraties du monde (ce que l’Allemagne ne serait évidemment pas) ;
- 5) retour à Dieu (66).
Lorsque Strasser parle de « démocratie économique » et de « coopération sociale », il veut vraiment dire une économie au service des intérêts de la communauté du peuple, dont les membres partagent la possession et la gestion. Le "retour à Dieu" signifie à la fois le retour aux valeurs chrétiennes et la chrétienté comme trait d’union de l’Allemagne fédérée et de l’Europe.
Mais encore faut-il, avant de bâtir cette communauté, purger les
horreurs du nazisme, punir les crimes commis, et Strasser a, à cet
égard, son propre plan. Le manifeste du mouvement de l’Allemagne libre
proclame : « Guerre au nazisme et punition à tous ceux qui sont
coupables de ses horreurs » (67). La première opération serait de
prendre bien soin de ne pas mettre tous les Allemands dans le même
panier, ce qui équivaudrait à jouer le jeu de Hitler, qui tentait de
faire de tous les Allemands ses complices. La distinction entre "bons"
et "mauvais" Allemands se pose comme base à toute action judiciaire
suivant la défaite du nazisme.
Strasser, s’il prenait la tête d’un gouvernement allemand
d’après-guerre, agirait selon ces principes de base : tous les criminels
seraient jugés dans les pays où ont été commises leurs horreurs, tandis
qu’en Allemagne même, les procès auraient lieu en 3 phases. En premier
lieu, les têtes dirigeantes (environ 100 personnes) du parti, les
leaders économiques et militaires, feraient face à la justice et
seraient passibles de la peine de mort ; les chefs intermédiaires
seraient ensuite jugés ; finalement, les millions de SS et les membres
de la Gestapo seraient traduits en justice en bloc, parce que trop
nombreux. Ceux-ci seraient enrôlés au sein de bataillons de travail et
forcés de reconstruire ce qu’ils avaient eux-mêmes détruit dans les pays
qui souffrirent de l’occupation allemande. Les membres du parti
(environ 5 à 7 millions de personnes) verseraient l’équivalent de leur
contribution dans la caisse du parti pendant une période de dix ans. Ces
sommes constitueraient un fond d’aide à la reconstruction de l’Europe
(68).
Ce plan est fort peu sévère et manque de réflexion, sinon de recul.
Aveuglé par la foi qu’il a envers le courage et le bon jugement de ses
compatriotes, Strasser minimise l’ampleur de l’horreur de cette guerre.
Il est vrai cependant que le sort des juifs d’Europe n’est pas encore
connu du public et que les Alliés, au courant depuis 1942, ne
réaliseront pleinement l’extrême monstruosité des crimes commis, qu’à la
libération des camps (69).
4. Les valeurs
Les textes rédigés par Otto Strasser sont aussi le reflet de valeurs
qui, pour l’essentiel, s’opposent à celles issues de la Révolution
française. Le voile de retenue ne réussit pas complétement à dissimuler
les tendances anti-libérales de Strasser. Cet ensemble de valeurs
guident la vision du monde de Strasser et, par conséquent, ses idées
politiques. Au faîte de son échelle de valeurs, se trouvent la foi en
Dieu et dans les dogmes chrétiens (70). Cette valeur tient la place
suprême dans sa vision du monde et a été héritée de son père, Peter,
profondément religieux, qui plaçait alors celle-ci au premier plan de sa
pensée politique. La foi chrétienne est l’élément clé : elle était le
vecteur de l’unité européenne du Moyen Âge et le bris de cette unité
confessionnelle provoqua la désunion de l’Europe au XVIe siècle. La
Révolution française marquait le début d’un processus de laïcisation de
l’Europe et Strasser compte bien faire de l’idée chrétienne la base de
la reconstruction de l’Europe.
L’amour de la patrie ne fait aucun doute chez Strasser. Héros de la
Première Guerre mondiale, il combattit au sein des corps francs et
défendit même le gouvernement républicain légitime contre les
putschistes de Kapp. Le nationalisme, dans la pensée de Strasser, est
intimement lié au christianisme. L’Allemagne strassérienne se pose comme
le flambeau de l’Europe fédérée. Elle est également völkisch ; épurée de ses étrangers — les Juifs notamment, qu’il appelle souvent Palästiner (71) —, elle pourra enfin devenir une Volksgemeinschaft.
Strasser reconnaît à son peuple une grande moralité, un sens aigu de la
justice et c’est pourquoi il croit sincèrement qu’il se trouve en
Allemagne une majorité d’opposants au régime hitlérien. Ce peuple,
toutefois, n’est pas fait pour la démocratie. Il a besoin d’une forte
direction, ce que le plan de Strasser saisit parfaitement, de l’avis du
principal intéressé.
Cette propension qu’il a de parler de l’Europe et de la coopération
connaît ses limites ; si l’Allemagne "exportera" son système politique,
elle vivra en vase clos. En 1931, Strasser avait écrit : « Ni Rome, ni
Moscou, mais l’Allemagne, rien que l’Allemagne ! » (72). On sent ce
nationalisme restrictif et résolument tourné vers lui-même dans sa
volonté que soient réglés les problèmes allemands par des Allemands,
notamment au niveau de la conduite de la guerre : que les Alliés se
chargent de la guerre "externe", les Allemands s’occuperont de la
propagande et de l’organisation du soulèvement interne (73). Le même
sentiment se dégage de la lecture des plans de Strasser pour punir les
criminels de guerre (74).
L’antilibéralisme de Strasser, malgré des efforts évidents pour le
cacher, est apparent dans les articles qu’il rédige en exil. Ainsi, il
prend ses distances lorsqu’il parle des "démocraties" comme d’un groupe
distinct sans liens idéologiques et culturels avec l’Allemagne.
Celles-ci sont après tout responsables de cette guerre, d’abord parce
qu’elles n’ont cherché qu’à écraser l’Allemagne avec le diktat de
Versailles et ensuite, parce qu’elles ont, par leur faiblesse, pavé la
voie à Hitler. Cet esprit antidémocratique est doublé d’un fort
ressentiment à l’égard du système économique capitaliste. S’il n’est pas
aussi explicite que dans ses textes rédigés avant son arrivée à
Montréal, Strasser dévoile ses penchants lorsqu’il relate comment Hitler
s’allia le grand capital, ou lorsqu’il parle de "socialisme" (75).
Strasser est un conservateur, peu porté sur la modernité, contrairement
à d’autres révolutionnaires-conservateurs (76). En mettant de l’avant
le retour à Dieu, l’idée de fief, il prône, à l’instar d’Edgar Jung, un
retour ni plus ni moins au Moyen Âge, apogée de la solidarité
européenne. Le présent n’a donc aucune importance pour lui : il se pose
tout au plus comme un stade transitoire vers un futur porteur des vraies
valeurs germaniques. Les constants retours dans l’histoire, à cette
Europe du Moyen Âge dont l’unité fut brisée en 1530, s’imposent ici
comme autant de preuves. Ce retour au conservatisme sera le symbole de
l’union européenne qui aura retrouvé des valeurs comme la solidarité, la
spiritualité, bref le "nous" comme élément central de la vision du
monde.
Des valeurs liées à la personnalité de Strasser interpellent également
le lecteur attentif : le courage, le penchant pour l’action, cette
volonté qu’ont certains individus à jouer un rôle actif, mais aussi
l’honneur ou l’héroïsme; nous ne les avons pas traitées en profondeur
parce qu’elles ont peu d’incidences directes sur ses idées politiques,
bien qu’en revanche, elles jouent un rôle importantdans l’articulation
de sa vision du monde. Ces valeurs sont généralement implicites,
indirectement affirmées dans les écrits montréalais de Strasser. On les
"sent" toutefois présentes entre les lignes, ou sous une fine couche de
retenue, qui ne se manifeste que par l’emploi de certains termes ou par
un certain bémol dans sa rhétorique.
* * *
Si nous dressions un bilan de l’activité d’Otto Strasser en sol
montréalais, la continuité et une légère évolution de sa pensée,
imputable à la guerre qui, forcément, changea quelque peu sa
perspective, seraient les points saillants. Ses attaques contre l’esprit
prussien et le prussianisme en général, son ouverture aux démocraties
ne doivent pas atténuer notre appréciation de son activité de polémiste.
En attaquant le prussianisme, c’est véritablement à l’encontre du grand
capital et de la monarchie qu’il s’insurge. Son opposition au nazisme
hitlérien est dans la note du mouvement révolutionaire-conservateur,
puisqu’il fonde celle-ci sur des principes essentiellement idéologiques :
la collusion avec l’industrie lourde et les élites prussiennes,
"l’embourgeoisement" du parti, le primat de la volonté du Führer sur
l’idée nationale-socialiste, la stratégie légaliste... Aussi, il a une
réaction typiquement bourgeoise à l’égard des origines modestes de
Hitler et de son rang dans l’armée. Ses articles portant sur
l’entre-deux-guerres sont l’occasion d’attaquer le "système"
démocratique de Weimar et ses faiblesses, sinon de rappeler son
caractère étranger à la nature allemande. Il en est de même lorsqu’il
met l’accent sur l’inéluctabilité de la révolte des Allemands contre le
régime de Hitler : ainsi, il défend sa thèse de la "révolution latente".
Le programme qu’il défend au Canada est essentiellement le même qu’à
l’époque de l’aile gauche du NSDAP ou du Front Noir. Son projet politique prône toujours, à mots feutrés, l’instauration d’une communauté du peuple (Volksgemeinschaft)
allemande, la fédération des États allemands autonomes et, dans une
certaine mesure, auto-gouvernés, la fédération européenne unie sur la
base du christianisme et du nationalisme, retrouvés enfin après près de
400 années de désunion.
La pensée politique d’Otto Strasser s’inscrit volontiers dans la foulée
de la tradition antidémocratique allemande qui tire ses racines du
romantisme et qui fut répandue au XIXe siècle par des auteurs tels que Julius Langbehn
et Paul de Lagarde. Ces 2 critiques culturels élaborèrent des schémas
de réflexion qui inspirèrent des hommes comme Oswald Spengler, Arthur
Moeller van den Bruck, Edgar Jung, tous membres, pour la plupart, de
cette "génération du Front" imbue des "idées de 1914" qui se sacrifia
inutilement dans une guerre qui changea d’un coup les mentalités,
marquant de façon très dure la difficile transition vers la modernité.
Ce groupe d’hommes dont Otto Strasser faisait partie, fort de cette
tradition antidémocratique, s’insurgea contre cette modernité (technique
et culturelle) qui brisait toutes les valeurs dans lesquelles il avait
été élevé, pour lesquelles il s’était battu et auxquelles il croyait
par-dessus tout. En raison des valeurs qu’il défendait, de sa vision du
monde, du programme politique qu’il élabora, Otto Strasser était un
révolutionnaire-conservateur au même titre que Jung, Spengler, Moeller
van den Bruck, et ce malgré son association avec le parti
national-socialiste, qui fut motivée par son ambition politique
démesurée et par une incompréhension des véritables desseins du
mouvement nazi. Ses origines bourgeoises, son engagement dans la guerre
et ses influences intellectuelles ne font que confirmer cette
"appartenance" à ce mouvement d’intellectuels d’extrême droite.
► Joey Cloutier, Cahiers d'histoire n°19, 1999. http://vouloir.hautetfort.com
♦ Notes :
- Cet article n’aurait jamais vu le jour sans l’aide financière du GERSI (Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale) et du CCEAE (Centre canadien d’études allemandes et européennes), qui nous ont permis de nous rendre à Strasbourg afin d’y effectuer un court mais fructueux séjour de recherche. Au Centre d’Études germaniques de Strasbourg, Mme Christiane Falbisaner-Weeda nous a reçu avec un professionnalisme et une gentillesse qui ont grandement facilité nos efforts, ce pourquoi nous la remercions vivement. Cet article est en partie tiré de notre mémoire de maîtrise (M.A.) portant sur l’activité de propagandiste d’Otto Strasser en Amérique du Nord, intitulé : Un national-socialiste en exil à Montréal : Les activités anti-hitlériennes d’Otto Strasser et la Révolution conservatrice (1941-1943), Univ. de Montréal, 1998, 120 p. Nous remercions également notre directeur, le professeur Paul Létourneau, pour son support à la fois moral et intellectuel.
- Hormis pour les travaux des sympathisants de la tendance Strasser – Douglas Reed, Nemesis ? The Story of Otto Strasser and the Black Front (Boston, Houghton Miffin, 1940) et The Prisoner of Ottawa : Otto Strasser (Londres, Jonathan Cape, 1953) ; Karl O. Paetel, « Otto Strasser und die "Schwarze Front" des "wahren Nationalsozialismus" », Politische Studien, 8, 92 (Dezember 1957) – il n’existe pas d’études portant sur l’évolution de la pensée politique d’Otto Strasser durant son séjour au Canada. Notons cependant qu’un article fort intéressant est paru sur la présence de Strasser au Canada et sur le rôle des autorités britanniques et canadiennes : Robert Keyserlingk, « Political Warfare Illusions : Otto Strasser and the Britain’s World War Two Strategy of National Revolts Against Hitler », The Dalhousie Review n°61, 1 (1981), pp. 71-92.
- Patrick Moreau, La Communauté de combat nationale-socialiste révolutionnaire et le Front Noir - Actions et idéologie en Allemagne, Tchécoslovaquie et Autriche de 1930 à 1935, Thèse de doctorat de 3e cycle d’histoire, Université de Paris-I, Sorbonne, 1978, p. 2.
- Otto Strasser et Michael Stern, Flight from Terror (New York, Robert M. McBride et Co., 1943), p. 11. Sauf indication contraire, les traductions de l’allemand et de l’anglais sont de l’auteur de l’article.
- Not. « Vierzehn Thesen der deutschen Revolution », dans Richard Schapke, Die Schwarze Front : Von den Zielen und Aufgaben und vom Kampfe der Deutschen Revolution, (Leipzig, Wolfgang Richard Lindner Verlag, 1932), p. 98 : « Ainsi nous, les jeunes, sentons le pouls de la Révolution allemande et nous, soldats du front, voyons devant nous le visage du futur proche [...] ».
- Moreau, op. cit., p. 4. Sur l’antisémitisme d’Otto Strasser, on consultera : David Bankier, « Otto Strasser und die Judenfrage », Bulletin des Leo Baeck Instituts n°60 (1981), pp. 3-20.
- Verband nationalgesinnter Soldaten (VnS).
- Akademischer Kriegteilnehmerverband SPD.
- Moreau, op. cit., p. 5 ; Reed, The Prisoner of Ottawa..., op. cit., p. 58 et Otto Strasser, L’Aigle prussien sur l’Allemagne (Montréal, Bernard Valiquette, 1941), p. 104.
- Les mouvements de grève des ouvriers de la Ruhr, qui démontraient leur mécontentement à l’égard du traitement clément des fauteurs du putsch de Kapp, furent réprimés dans le sang par les corps francs. Le bilan est lourd : 3.000 morts. Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945 (Armand Colin, 1993), p. 27.
- Moreau, op. cit., pp. 6-7 et Strasser, Mein Kampf : Eine politische Autobiografie (München, Heinrich Heine Verlag, 1969), pp. 13 sq.
- Nationalistische Freiheitsbewegung Großdeutschland. Moreau, op. cit., pp. 13-14.
- Dans un récent ouvrage, Christoph H. Werth résume bien cette allégeance tout à la fois au nationalisme et au socialisme. Loin d’être un thème nouveau dans la pensée révolutionnaire-conservatrice, il fut toutefois développé de façon particulière par le cercle Strasser. Christoph H. Werth, Sozialismus und Nation : Die deutsche Ideologiediskussion zwischen 1918 und 1945 (Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 1996), pp. 243 et sq.
- Ibid., pp. 18-19, et Peter Stachura, Gregor Strasser and the Rise of Nazism (Londres, George Allen and Unwin, 1983), pp. 38-39.
- Arbeitsgemeinschaft der nord- und westdeutschen Gauleiter der NSDAP.
- Le manuscrit : Arbeitsgemeinschaft der nord- und westdeutschen Gauleiter der NSDAP, Der nationale Sozialismus : Dispositionsentwurf eines umfassenden Programms des nationalen Sozialismus, tiré de Reinhard Kühnl, « Zur Programmatik der nationalsozialistischen Linken : Das Strasser-Programm von 1925-26 », Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte n°14 (1966), pp. 317-333.
- « Vierzehn Thesen der Deutschen Revolution », parurent originalement dans les Nationalsozialistische Briefe en 1929 ; la copie que nous possédons est tirée de Schapke, op. cit., pp. 98-101. « Nationalsozialismus und Staat », Grünen Hefte der NS Briefe n.1 : Der Nationalsozialismus - die Weltanschauung des 20. Jahrhunderts (Berlin, Kampfverlag, 1929). Otto Strasser, Aufbau des deutschen Sozialismus (Leipzig, W. R. Lindner Verlag, 1932), 101 p.
- Strasser, le major Buchrucker et Herbert Blank, « Die Sozialisten verlaßen die NSDAP. Aufruf der Strasser Gruppe anläßlich ihner Abspaltung der NSDAP », Der nationale Sozialist n°110 (4. Juli 1930), tiré de Strasser, L’Aigle prussien..., op. cit., pp. 211 sq. Pour ce qui concerne Gregor Strasser, il restera au sein du parti et deviendra, par sa qualité de Reichsorganisationsleiter, le numéro 2 du NSDAP et l’interlocuteur prévilégié avec les autres partis politiques. Le 8 décembre 1932, il remettra sa démission et sera abbattu lâchement dans sa cellule lors de la purge du 30 juin 1934. Sur Gregor, on consultera avec un vif intérêt : Peter Stachura, « Der Fall Strasser : Gregor Strasser, Hitler and National Socialism », in Peter Stachura (dir.), The Shaping of the Nazi State (Londres, Croom Helm, 1978), pp. 88-130. La lettre de démission en allemand se trouve aux pp. 113-115, suivie de sa traduction anglaise.
- Sur le Special Operations Executive, voir : Michael Balfour, Propaganda in War 1939-1945 : Organisations, Policies and Publics in Britain and Germany (Londres, Routledge and Kegan Paul, 1979) Richard Deacon, A History of the British Secret Services (New York, Taplinger Publishing & Co, 1969) ; Michael R. D. Foot, « Was the SOE Any Good ? », Journal of Contemporary History n°16 (1981), 167-181 ; David Stafford, Britain and European Resistance, 1940-1945. A Survey of the Special Operations Executive, with Documents (Univ. of Toronto Press, 1980).
- En plus de commenter à brûle-pourpoint différents événements majeurs dans le déroulement de la guerre, Strasser disposait d’une colonne régulière dans les pages du quotidien The Gazette. Cette collaboration s’échelonna entre le 22 août 1941 et le 20 juillet 1942.
- Chronique littéraire : « Books of the Day and their Authors », The Gazette, 4.10.1941, p. 10.
- Dans la même chronique. Otto Strasser, Germany Tomorrow (Londres, Jonathan Cape, 1940).
- MacDonald, « Nazis Know War Lost, as in 1917, Due to US Entry Says Strasser », The Gazette, 12.12.1941, p. 13.
- L. Dupeux, « "Kulturpessismismus", konservative Revolution und Modernität », in Manfred Mangl et Gérard Raulet (Hrsg.), Intellektuellendiskurse in der Weimarer Republik : Zur politischen Kultur einer Gemengelage (Frankfurt a. M., Campus-Verlag, 1994), p. 291.
- L. Dupeux, Stratégie communiste et dynamique conservatrice : Essai sur les différents sens de l’expression "National Bolchevisme" en Allemagne sous la République de Weimar (1919-1933), Thèse de doctorat d’État, Univ. de Paris-I (H. Champion, 1976), p. 5 ; Stefan Breuer, Anatomie de la Révolution conservatrice (MSH, 1996), p. 228.
- Bernhard Jenschke, Zur Kritik der konservativ-revolutionären Ideologie in der Weimarer Republik. Weltanschauung und Politik bei Edgar Julius Jung (München, Verlag C.H. Beck, 1971), p. 30.
- Strasser, L’Aigle prussien..., op. cit., p. 8.
- Ibid., p. 16.
- Ibid., p. 54.
- Ibid., pp. 56-57, et MacDonald, « Strasser Pictures Post-War Germany », The Montreal Gazette, 22.08.1941, p. 13.
- « Strasser Sees Reichswehr Plot to Make Göring Germany’s Ruler », The Montreal Gazette, 10.09.1941, p. 14.
- Ibidem.
- « Nazi Party, Army Break Imminent ; Russian War Factor, Says Strasser ", The Montreal Gazette, 19.11.1941, p. 7.
- « Strasser Says Prussian Generals Quitting Now as in August 1918 », The Montreal Gazette, 31.12.1941, p. 17.
- Cette précision sémantique avait été à l’origine de la première querelle entre Hitler et Strasser lors de leur première rencontre en 1920. Cf. not. Strasser, Mein Kampf..., op. cit., pp. 13 sq.
- Selon Strasser, le mouvement national-socialiste est né en Tchécoslovaquie en 1897, lorsque le leader travailliste d’origine autrichienne, Klofac, devint le président du parti national-socialiste tchécoslovaque. Il devait cependant quitter le parti parce qu’il répudiait le marxisme matérialiste et le leadership de Vienne, puis parce qu’il voulait promouvoir l’idée nationaliste. Plus tard, Masaryk et Bénès poursuivront cette tradition. « Nazism. Its Origin, Activity, and Doom », Dalhousie Review n°21, 2 (1941), p. 273.
- Ibid., pp. 273-274.
- Ibid., p. 277.
- « Strasser Stresses Peril of Nazi Win », The Montreal Gazette, 8.12.1941, p. 11.
- Strasser et Michael Stern, Flight..., op. cit., p. 81.
- Nazism. Its Origin..., loc. cit., p. 278.
- Ibid., p. 279.
- Strasser et Stern, Flight..., op. cit., p. 81.
- Ibid., p. 87.
- « Nazism. Its Origin... », loc. cit., p. 282.
- « Hitler Preparing for Civil War at Home Declares Otto Strasser », The Montreal Gazette 11.02.1942, p. 7. Ces arguments sont de la pure fabulation, puisque ces réaffectations étaient dues à 2 choses : l’effort de guerre plus important et l’application de la "solution finale".
- L’Aigle prussien..., op. cit., pp. 24-26.
- Bien que le Congrès s’opposât à ce que les États-Unis fassent partie de la SDN, il n’en demeure pas moins qu’ils jouèrent un rôle majeur dans sa création.
- Ibid., pp. 62-63.
- Ibid., pp. 98-99 et « Nazism. Its Origin... », loc. cit., p. 278.
- L’Aigle prussien..., op. cit., pp. 100-101.
- Ibid., pp. 315-316.
- Ibid., pp. 333-334.
- Sur cette question, l’analyse de Strasser est semblable à celle que feront les historiens de "l’école" totalitariste dans les années 1960, soit, entre autres, Hannah Arendt, Hans-Joachim Winkler, Walther Hofer et Carl Friedrich.
- « Strasser Sees Rift of Army and Party », The Montreal Gazette, 14.05.1941.
- « Strasser Alleges Nazi Revolt Plan », The Montreal Gazette, 16.05. 1941, p. 13.
- « Strasser Holds Russian Setbacks by no Means Defeat for British », The Montreal Gazette, 22.10.1941, p. 2. Jamais, dans son analyse de la politique étrangère nazie, Strasser ne souligne l’importance de l’opération en Russie. On doute fort qu’il n’ait pas compris qu’il s’agissait de l’objectif suprême de la politique étrangère du Troisième Reich. Puisque le programme du Front Noir soulignait lui aussi la nécessité d’acquérir des terres (sans toutefois préciser où), il est permis de penser qu’il élude tout simplement la question. Nous renvoyons le lecteur au document suivant : « Vierzehn Thesen der Deutschen Revolution », in R. Schapke, Die Schwarze Front..., op. cit., pp. 94-98 ; en anglais : Barbara M. Lane et Leila J. Rupp (Éd.), Nazi Ideology before 1933. A Documentation (Austin, Univ. of Texas Press, 1978), pp. 107-110
- « Strasser Says New Nazi Terrors Sign of Very Real Desperation », The Montreal Gazette, 8.10.1941, p. 7.
- « Nazi Party, Army Break Imminent ; Russian War Factor, Says Strasser », The Montreal Gazette, 19.11.1941, p. 7.
- « Hitler Once More Apes Napoleon in Assembling Puppets of Europe », The Montreal Gazette, 3.12.1941, p. 10.
- Donald C. MacDonald, « Nazis Know War Lost as in 1917, Due to US Entry Says Strasser» , The Montreal Gazette, 12.12.1941, pp. 13-14.
- « A New Strategy of War and Peace », Dalhousie Review n°22, 1 (1942), pp. 58-63.
- L’Aigle prussien..., op. cit., p. 11.
- Strasser et Michael Stern, Flight from Terror, op. cit., p. 239. Cet extrait provient d’un pamphlet rédigé par Strasser, probablement en 1938. Bien qu’il ne mentionne pas le titre, nous croyons qu’il puisse s’agir de : Innere Revolution oder Weltkrieg.
- « Nazism. Its Origin... », loc. cit., p. 285.
- Ibid., p. 286.
- « Strasser Says Guilty Nazi Heads Should Get Post-War Punishment », The Montreal Gazette, 5.11.1942, p. 2.
- Idem. et Strasser, « To Make Britain’s Victory Complete », loc. cit., pp. 154-165.
- Voir not. Dennis L. Bark et David R. Gress, Histoire de l’Allemagne depuis 1945 (Robert Laffont, 1992), pp. 3 sq. D’aucuns disent, peut-être avec raison, que le processus de dénazification ne fut pas lui non plus très sévère.
- Cette valeur est présente dans nombre de ses écrits et a une influence certaine sur ses idées politiques depuis son retour de la Première Guerre mondiale. Le manuscrit du congrès de Hanovre, les 2 textes polémiques de 1929, le manifeste du Front Noir, ses écrits en exil, portent tous la marque indélébile de cette valeur centrale dans la pensée de Strasser.
- Cf. section V. du programme de l’Arbeitsgemeinschaft : "Kulturpolitik", point numéro 1 sur la question juive. Kühnl, loc. cit. Il est intéressant de constater que Strasser resta fidèle à ses idées antisémites jusqu’à sa mort ; dans son autobiographie, à laquelle il ajoute quelques documents, il reproduit des extraits choisis du programme de 1925-26, en prenant bien soin d’y inclure sa solution au "problème juif" : Strasser, Mein Kampf..., op. cit., p. 215. (Publiée en 1969).
- Ulrich von Utten (Otto Strasser), « Rußland und wir », Die Schwarze Front, 1, 6 (8. Sept. 1931), tiré de L. Dupeux, Stratégie communiste et dynamique conservatrice..., op. cit., p. 503.
- Not. dans : « Nazi Home Front... », loc. cit., pp. 13-14 ; « To Make Britain’s Victory Complete », loc. cit., p. 160; « Collapse of the Hitler System Predicted in Letter from Nazi », The Montreal Gazette, 1.03.1942, p. 10.
- « Strasser Says Nazi Heads Should Get Post-War Punishment», loc. cit., p. 2.
- Par ex. dans L’Aigle prussien sur l’Allemagne, op. cit., « Nazism. Its Origin... », loc. cit., ou encore Flight from Terror, op. cit.
- Not. Ernst Jünger.
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