Kaganovitch
naît dans une famille juive d’Ukraine et débute dans la vie comme
apprenti cordonnier. Il adhère au bolchevisme en 1911 et se bat dans
l’Armée Rouge durant la guerre civile. En 1920, il est envoyé en Asie
centrale, dans le Turkestan.
Contrairement
à ses collègues qui l’ont précédé dans cette série, Kaganovitch
commence donc sa carrière plutôt petitement. Mais une fois parti, il ne
s’arrêtera plus.
Stalinolâtre dès le tout début, il en sera bien récompensé puisqu’il intègre le Comité central du Parti en 1924 et est promu 1er secrétaire du Parti d’Ukraine
de 1925 à 1928. Il va s’illustrer une première fois durant cette triste
période en soutenant à fond la collectivisation forcée des campagnes,
véritable guerre déclarée par le pouvoir aux paysans, et en éliminant
sans états d’âme tous les opposants et autres « éléments parasitaires et
antisociaux ». Et ils sont nombreux.
Son zèle sera reconnu à sa juste valeur : il est élu en 1930 au Politburo, où il restera jusqu’en 1957, date du début de la déstalinisation. Une longévité absolument remarquable.
De 1930 à 1935, le voilà 1er secrétaire à Moscou. Comme l’indique pudiquement Wikipédia, « Durant
les années 1930, Kaganovitch participe avec zèle et sans état d'âme à
la mise en œuvre des réformes économiques et sociales de Staline,
notamment la collectivisation de l'agriculture et l'industrialisation
aussi rapide que violente de l'URSS, ainsi qu'aux purges politiques. »
Derrière
cette phraséologie lisse, se cache un épisode particulièrement abject
d’une carrière pourtant bien remplie à cet égard. Kaganovitch jouera en
effet un rôle de premier plan lors de l’Holodomor, la
famine orchestrée par le pouvoir, qui fit au bas mot six millions de
victimes, dont deux millions d’enfants. Le plan de collecte totalement
irréaliste prévu par le gouvernement des soviets n’ayant pas été rempli,
et pour cause, Kaganovitch et Molotov sont envoyés en octobre 1932 dans
le Caucase du nord et en Ukraine afin d’ « accélérer les collectes » et
d’ empêcher à tout prix les paysans de fuir vers les villes.
Le
2 novembre 1932 – il y a tout juste 75 ans – la commission présidée par
Kaganovitch, envoyée dans le Caucase du nord, adoptera la résolution
suivante : « A la suite de l’échec particulièrement honteux du plan
de collecte des céréales, obliger les organisations locales du Parti à
casser le sabotage organisé par les éléments koulaks
contre-révolutionnaires, anéantir la résistance des communistes ruraux
et des présidents de kolkhoze qui ont pris la tête de ce sabotage ».
A partir de ce moment-là, les opérations « anti-sabotage » vont aller
bon train et les victimes se compteront par dizaines de milliers. Sans
compter les déportations de villages entiers. Un certain Nikita
Khrouchtchev s’illustrera d’ailleurs également par sa férocité durant
cette sombre période, en Ukraine. Il a été calculé qu’au plus fort de la
famine, jusqu’à 33 000 personnes mourraient de faim chaque jour dans
cette région.
Durant la Grande Terreur
et ses purges, dans les années 1936-39, Kaganovitch continuera à
seconder efficacement son maître. Sa signature apparaît au bas de 191
listes de condamnés, en général à mort. Il se rendra d’ailleurs
personnellement en 1937 purger le Donbass, Tchéliabinsk, Iaroslav,
Ivanovo, Smolensk. Résultat : il monte encore en grade et devient en
1938 vice-président du Conseil des commissaires du peuple - soit n°2 du pays -, poste qu’il réussira à conserver jusqu’en 1957.
Pendant la guerre, il est membre du Comité d’Etat à la Défense et obtient même en 1943 la distinction rare de Héros du travail socialiste.
Il est, le 5 mars 1940, l'un des responsables soviétiques qui
contresignent l'ordre d'exécution par le NKVD de 25 700 officiers
polonais faits prisonniers par l'Armée Rouge. Ils seront abattus à Katyn et cette tuerie sera, lors du procès de Nuremberg, portée sur la facture payée par les nazis.
Après la guerre, il continue à faire partie du 1er cercle du pouvoir et cumule nouveaux postes et nouveaux honneurs, puisqu’il intègre le Présidium en 1952. Jamais il ne s’opposera aux campagnes « antisémites » de Staline, qu’il soutiendra, bien au contraire.
Il réussira même le tour de force de conserver son influence après la mort inopinée de Staline en 1953, puisqu’il devient ministre du Travail et des Salaires en 1955-56.
Il contribue à la montée en puissance d’une vieille connaissance du
temps de l’Ukraine, Nikita Khrouchtchev, mais n’en sera pas vraiment
récompensé. Ce dernier, qui cherche à se débarrasser de souvenirs
gênants, et de témoins embarrassants de la période stalinienne – à
laquelle il a pourtant largement contribué – le démet de ses fonctions
gouvernementales en 1957.
Mais,
heureusement pour lui, les temps ont (un peu) changé. Il n’est donc pas
liquidé et ne sera finalement exclu du Parti qu’en 1964.
Il lui reste près de trente ans à vivre, avec ses souvenirs et sans jamais avoir été inquiété pour ses activités criminelles qui en font pourtant l’équivalent d’un Adolf Eichman. L’un comme l’autre zélés, dévoués à la cause et sans états d’âme superflus.
Mais
voyez comme c’est étrange : l’un a été justement puni, l’autre est mort
dans son lit, médaillé de l’Ordre de l’Union soviétique. http://france-licratisee.hautetfort.com
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