Dans la nuit du 13 au 14 février 1945, la ville de Dresde est victime du plus brutal bombardement aérien de la Seconde Guerre mondiale (à l’exception de Tokyo, Hiroshima et Nagasaki).
Dent pour dent…
Dès le début du conflit, le Premier ministre britannique Winston Churchill confie au «Bomber Command» de la Royal Air Force
la mission de détruire les sites stratégiques de l’ennemi. Il veut de
cette façon briser les défenses militaires de l’Allemagne et relever le
moral de ses concitoyens, durement affecté par les attaques de
l’aviation allemande sur les villes anglaises (le «Blitz»).
Charles Portal, chef du «Bomber Command»,
préférerait des attaques aériennes massives à des attaques ciblées.
Mais il n’a pas le temps de rallier le Premier ministre à son idée. Il
devient chef de l’État-Major des Forces Aériennes (Chief of Air Staff) en octobre 1940 et se fait remplacer par Richard Peirse à la tête du «Bomber Command».
Ce
dernier lance des attaques sur des sites stratégiques uniquement (zones
industrielles et noeuds de communication). Mais ces attaques ciblées se
révèlent de plus en plus coûteuses et inefficaces.
Devant l’échec de sa stratégie, le Premier ministre remplace Richard Peirse par le général Arthur Harris à la tête du «Bomber Command» en février 1942.
Il
se rallie aux préconisations de Charles Portal, déjà mises en oeuvre
contre Cologne, frappée dans la nuit du 30 au 31 mai 1941 par 1047
bombardiers et 1455 tonnes de bombes, dont un tiers de bombes
incendiaires.
Le 14 février 1942, une directive spécifie des bombardements massifs «étendus»,
c’est-à-dire incluant les zones urbaines, et de nuit. Churchill espère
de cette façon dresser la population allemande contre Hitler…
Escalade de la violence
Dès le mois de mai 1942, Sir Arthur Harris démontre l’efficacité des
tapis de bombes incendiaires en attaquant la ville de Cologne.
L’année
suivante, l’aviation américaine prête son concours aux Britanniques.
Les deux alliés divergent quant aux choix tactiques : les Britanniques
privilégient les vols de nuit à basse altitude pour limiter les pertes
cependant que les Américains préfèrent les vols à haute altitude mais de
jour car ils les jugent plus précis.
Du 25 juillet au 3 août 1943, sept attaques aériennes (nom de code : opération «Gomorrah») déversent un tapis de bombes incendiaires sur Hambourg.
2740 avions déversent un total de 8650 tonnes de bombes. Il s’ensuit sur le port allemand un gigantesque incendie de 20 km2.
L’appel d’air induit par le brasier propage celui-ci à la vitesse d’une tornade (le «Feuersturm»)
et brûle par endroits tout l’oxygène de l’atmosphère. C’est au point
que les gens sont asphyxiés jusque dans les abris souterrains.
Un an plus tard, c’est Berlin qui est attaqué par 2.000 bombardiers dans le cadre de l’opération «Tonnerre».
1,35
million de tonnes de bombes sont au total déversées sur l’Allemagne par
les Anglo-Saxons. Un rapport américain estime le nombre de victimes à
305.000 morts et 780.000 blessés (*).
La France occupée n’est pas épargnée. Elle reçoit 0,58 million de tonnes de bombes qui auraient causé 20.000 morts.
Les bombardements anglo-saxons atteignent leur plus grande intensité après le débarquement alliésur les plages normandes.
Toutefois,
ces bombardements s’avèrent d’un coût élevé pour l’aviation
anglo-saxonne. D’un raid à l’autre, 5% des équipages anglais ne
reviennent pas à leur base. Les pertes au cours d’un seul raid
atteignent jusqu’à 9% des équipages en 1944, voire 11% lors d’un raid
sur Nuremberg.
Autant
dire que les Anglo-Saxons ne sont pas en mesure de continuer
durablement dans cette voie. Cela d’autant plus que les bombardements
n’empêchent pas les Allemands de construire toujours plus d’avions et
d’armes… Et, au contraire de ce qu’espérait Churchill, ils tendent à
resserrer les Allemands autour de leur Führer (*).
Tragédie humaine et culturelle
Dresde marque le paroxysme de cette stratégie.
L’ancienne capitale du royaume de Saxe est surnommée la «Florence de l’Elbe»
en raison de ses richesses artistiques et architecturales. Elle n’en
subit pas moins de nombreux bombardements de la part des Anglo-Saxons
d’octobre 1944 à avril 1945. Cela n’empêche pas d’innombrables civils de
s’y réfugier dans les dernières semaines de la guerre, hissant sa
population de 600.000 habitants à près d’un million.
Le
bombardement des 13 et 14 février 1945 survient alors même que ces
réfugiés tentent d’oublier les horreurs de la guerre dans un carnaval
improvisé.
Une première vague de bombardiers passe au-dessus de la ville le 13 février au soir, vers 21h30.
Elle lâche 460.000 bombes à fragmentation Stabbrand, qui descendent en vrille et explosent en perçant les murs, les planchers et les plafonds des habitations.
Dans
les trois gares de la cité, les trains s’empressent de s’éloigner vers
la campagne. La population se rue vers les caves et les abris.
Une
deuxième vague de bombardiers, à 3 heures du matin, déverse pendant 20
minutes 280.000 bombes incendiaires au phosphore et 11.000 bombes et
mines. Les incendies se propagent avec d’autant plus de facilité que les
immeubles ont été préalablement éventrés. Des habitants se rassemblent
sur les bords de l’Elbe et certains tentent de s’enfuir en bateau.
La
troisième vague survient le 14 février à 11h 30. Pendant 30 minutes,
elle lâche à son tour bombes incendiaires et bombes explosives.
Au
total, en quinze heures, ce sont 7.000 tonnes de bombes incendiaires
qui tombent sur Dresde, détruisant plus de la moitié des habitations et
le quart des zones industrielles.
Une
grande partie de la ville est réduite en cendres et avec elle environ
35.000 personnes, dont 25.000 ont été identifiées. Beaucoup de victimes
disparaissent en fumée sous l’effet d’une température souvent supérieure
à 1000°C.
L’évaluation
du nombre de morts a beaucoup fluctué sous l’effet de diverses
propagandes. Ainsi, l’encyclopédie Michel Mourre (Larousse-Bordas) cite
le maximum de 250.000 morts qui était avancé par les Soviétiques.
L’historien britannique David Irving avance un nombre de 135.000
victimes… mais son impartialité est fortement contestée par ses
confrères.
L’évaluation
actuelle de 35.000 morts (dont 25.000 corps identifiés) résulte des
travaux d’une commission d’historiens mandatée par la ville de Dresde.
Le chercheur allemand Jörg Friedrich, qui n’est pas tendre pour les
Alliés, fait état de 40.000 morts dans son livre Der Brand(L’incendie).
Les raisons du drame
Sir Arthur Harris déclarera plus tard : «L’attaque de Dresde fut, à l’époque, considérée comme une nécessité militaire par des personnages plus importants que moi». Ce qui veut dire que l’attaque (opération «Thunderclap» ou coup de tonnerre) a été préméditée par Churchill.
En
détruisant cette ville au prestigieux passé culturel, le Premier
ministre a voulu asséner le coup de grâce à l’Allemagne hitlérienne et
détruire un centre industriel majeur. Il a voulu aussi détruire un noeud
de communication important entre Berlin et Leipzig de façon à briser
toute résistance face à l’avancée des troupes soviétiques, alors à 130
km de la ville. Selon une interprétation quelque peu malveillante, il
aurait au contraire voulu montrer sa force à ses «alliés» soviétiques dans la perspective de la future guerre froide !
Après
la chute du régime nazi, sous la tutelle communiste, le centre
historique de Dresde a été reconstruit à l’identique à l’exception du
vieux Schloss (château), toujours en travaux. Le reste de la ville a été doté de constructions modernes (Prager Strasse…).
Le général Arthur Harris, surnommé «Harris Bomber» ou mieux «Harris Butcher» (Harris le boucher),
a été anobli dès 1942. Mais après la Victoire, il est devenu le bouc
émissaire pour tous les excès commis pendant le conflit. C’est ainsi
qu’il fut écarté de la liste des honneurs établie par le Premier
ministre Clement Attlee et sa demande d’une médaille de guerre pour le «Bomber Command» fut rejetée.
Christian Guyard http://www.herodote.net
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