Alors
que les rois de France et d'Angleterre semblaient voués à se faire à
tout jamais la guerre, saint Louis donna au monde la plus époustouflante
leçon de pardon.
Cette année-là, la trente-deuxième de son règne, le saint roi Louis IX, quarante-quatre ans, s'apprêtait à manifester au plus haut point ce qu'était l'arbitrage capétien. Il était rentré trois ans plus tôt de la croisade vaincu mais plus rayonnant que jamais de gloire intérieure. Ce beau royaume de France qu'il avait si heureusement confié à sa mère Blanche de Castille tandis que, pendant six ans, il avait guerroyé et atrocement souffert sur les terres mêmes où souffrit le Christ, il entendait maintenant l'ériger en un reflet du royaume de Dieu et se consacrer à maintenir la justice et la paix entre ses sujets, et même avec les hommes des pays voisins.
Déjà de toutes parts, on recourait à lui comme au justicier suprême ; les humbles savaient qu'il les comprenait, les puissants n'osaient plus devant lui s'obstiner dans leurs querelles. Tous, fussent- ils évêques ou ducs opulents, étaient invités à rendre à leurs malentendus de justes proportions à l'aune de la miséricorde divine.
C'est alors que le roi donna au monde la plus époustouflante leçon de pardon. (Rien à voir avec la moderne "repentance" !) En fait, les rois de France et d'Angleterre semblaient voués depuis Guillaume le Conquérant à se faire à tout jamais la guerre. Depuis qu'Henri Plantagenêt, déjà héritier des comtés d'Anjou, du Maine et du duché de Normandie, était parvenu à s'emparer du trône d'outre-Manche, et que, pour tout aggraver, la trop belle Aliénor d'Aquitaine, à peine son mariage annulé avec le roi de France Louis VII, était allée apporter dans les larges bras de ce même Plantagenêt tout son héritage aquitain (Poitou, Auvergne, Limousin, Périgord, Bordelais, Gascogne), les rois de France avaient quelques raisons de ne plus dormir tranquilles. Philippe Auguste, grand-père de Louis IX, avait commencé de grignoter avec succès l'empire Plantagenêt, reprenant la Normandie et retirant de force au roi anglais d'alors, Jean Sans Terre, tous ses fiefs français.
La carte du pardon
Or voici qu'en 1258, le roi de France annonça sa décision de rendre au fils de Jean Sans Terre, Henri III, le Périgord, le Limousin, le Quercy, une partie de l'Agenais et de la Saintonge ! Les barons français n'en crurent pas leurs oreilles. La controverse fut vive pendant quelques mois. Mais le roi ne se plaçait pas sur le même plan que ses conseillers : en donnant au roi d'Angleterre ce qu'il n'était point tenu de lui donner, il voulait, disait-il, « mettre amour extrême entre mes enfants et les siens qui sont cousins germains ». (Allusion au fait que son épouse Marguerite de Provence et l'épouse du roi Henri III, Éléonore de Provence, étaient soeurs.)
Ne croyons surtout pas qu'agissant ainsi, le saint roi négligeait les considérations politiques. « Il me semble, ajoutait-il, que ce que je lui donne, je l'emploie bien, puisqu'il n'était pas mon homme et qu'il entre en mon hommage. »
Le roi anglais, en effet, devenait homme lige du roi de France, lequel, en roi chrétien, jouait la carte du pardon et se fondait sur le respect de la parole donnée.
Un “cadeau” mesuré
Mieux, le "cadeau" était mesuré : Louis XI gardait pour lui la Normandie, l'Anjou, la Touraine le Maine, le Poitou et Henri consentait donc à rendre hommage à Louis pour tous ses territoires français. En tout cela l'avenir était réservé et l'arrondissement futur du "pré carré" point perdu de vue !
Les deux rois signèrent donc le 4 décembre 1258 le traité de Paris, un traité qui pour une fois n'avait pas l'intérêt pour origine, mais seulement la charité, et qui fut ratifié le 4 décembre 1259, le jour où, dans l'île de la Cité, Henri III, « tête nue, sans manteau, ceinture, armes ni éperons, s'agenouilla devant son suzerain le roi de France, et mettant sa main dans la sienne, lui jura fidélité » (Paul Guth : Saint Louis roi de France). Bientôt Henri III lui-même harcelé par ses barons, ferait appel à l'arbitrage du roi Louis, « véritable suzerain moral de tous les princes d'Occident » (Guillain de Bénouville : Saint Louis ou le printemps de la France).
« La pensée de saint Louis, écrit Bainville, était politique, et non pas mystique. Il portait seulement plus haut que les autres Capétiens la tendance de sa maison qui était de mettre le bon droit de son côté. » De là vient assurément la mission que la France reçoit de sa tradition même, d'apporter dans les relations internationales quelque "supplément d'âme"...
MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 1 er août au 3 septembre 2008
Cette année-là, la trente-deuxième de son règne, le saint roi Louis IX, quarante-quatre ans, s'apprêtait à manifester au plus haut point ce qu'était l'arbitrage capétien. Il était rentré trois ans plus tôt de la croisade vaincu mais plus rayonnant que jamais de gloire intérieure. Ce beau royaume de France qu'il avait si heureusement confié à sa mère Blanche de Castille tandis que, pendant six ans, il avait guerroyé et atrocement souffert sur les terres mêmes où souffrit le Christ, il entendait maintenant l'ériger en un reflet du royaume de Dieu et se consacrer à maintenir la justice et la paix entre ses sujets, et même avec les hommes des pays voisins.
Déjà de toutes parts, on recourait à lui comme au justicier suprême ; les humbles savaient qu'il les comprenait, les puissants n'osaient plus devant lui s'obstiner dans leurs querelles. Tous, fussent- ils évêques ou ducs opulents, étaient invités à rendre à leurs malentendus de justes proportions à l'aune de la miséricorde divine.
C'est alors que le roi donna au monde la plus époustouflante leçon de pardon. (Rien à voir avec la moderne "repentance" !) En fait, les rois de France et d'Angleterre semblaient voués depuis Guillaume le Conquérant à se faire à tout jamais la guerre. Depuis qu'Henri Plantagenêt, déjà héritier des comtés d'Anjou, du Maine et du duché de Normandie, était parvenu à s'emparer du trône d'outre-Manche, et que, pour tout aggraver, la trop belle Aliénor d'Aquitaine, à peine son mariage annulé avec le roi de France Louis VII, était allée apporter dans les larges bras de ce même Plantagenêt tout son héritage aquitain (Poitou, Auvergne, Limousin, Périgord, Bordelais, Gascogne), les rois de France avaient quelques raisons de ne plus dormir tranquilles. Philippe Auguste, grand-père de Louis IX, avait commencé de grignoter avec succès l'empire Plantagenêt, reprenant la Normandie et retirant de force au roi anglais d'alors, Jean Sans Terre, tous ses fiefs français.
La carte du pardon
Or voici qu'en 1258, le roi de France annonça sa décision de rendre au fils de Jean Sans Terre, Henri III, le Périgord, le Limousin, le Quercy, une partie de l'Agenais et de la Saintonge ! Les barons français n'en crurent pas leurs oreilles. La controverse fut vive pendant quelques mois. Mais le roi ne se plaçait pas sur le même plan que ses conseillers : en donnant au roi d'Angleterre ce qu'il n'était point tenu de lui donner, il voulait, disait-il, « mettre amour extrême entre mes enfants et les siens qui sont cousins germains ». (Allusion au fait que son épouse Marguerite de Provence et l'épouse du roi Henri III, Éléonore de Provence, étaient soeurs.)
Ne croyons surtout pas qu'agissant ainsi, le saint roi négligeait les considérations politiques. « Il me semble, ajoutait-il, que ce que je lui donne, je l'emploie bien, puisqu'il n'était pas mon homme et qu'il entre en mon hommage. »
Le roi anglais, en effet, devenait homme lige du roi de France, lequel, en roi chrétien, jouait la carte du pardon et se fondait sur le respect de la parole donnée.
Un “cadeau” mesuré
Mieux, le "cadeau" était mesuré : Louis XI gardait pour lui la Normandie, l'Anjou, la Touraine le Maine, le Poitou et Henri consentait donc à rendre hommage à Louis pour tous ses territoires français. En tout cela l'avenir était réservé et l'arrondissement futur du "pré carré" point perdu de vue !
Les deux rois signèrent donc le 4 décembre 1258 le traité de Paris, un traité qui pour une fois n'avait pas l'intérêt pour origine, mais seulement la charité, et qui fut ratifié le 4 décembre 1259, le jour où, dans l'île de la Cité, Henri III, « tête nue, sans manteau, ceinture, armes ni éperons, s'agenouilla devant son suzerain le roi de France, et mettant sa main dans la sienne, lui jura fidélité » (Paul Guth : Saint Louis roi de France). Bientôt Henri III lui-même harcelé par ses barons, ferait appel à l'arbitrage du roi Louis, « véritable suzerain moral de tous les princes d'Occident » (Guillain de Bénouville : Saint Louis ou le printemps de la France).
« La pensée de saint Louis, écrit Bainville, était politique, et non pas mystique. Il portait seulement plus haut que les autres Capétiens la tendance de sa maison qui était de mettre le bon droit de son côté. » De là vient assurément la mission que la France reçoit de sa tradition même, d'apporter dans les relations internationales quelque "supplément d'âme"...
MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 1 er août au 3 septembre 2008
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