Article rédigé en 1994 pour la Revue d'Europe Centrale.
Avec un décalage de près de
quarante ans, cette fois non plus à cause du Canal, mais de
l'ex-Yougoslavie, Paris a réussi un doublé inattendu : le "coup de
Suez".
C'est-à-dire
faire les frais d'une expédition militaire et y souffrir des pertes
pour constater qu'il revient à nouveau aux États-Unis et à la Russie de
négocier le règlement d'une crise que l'on n'a pas su prévenir, encore
moins conclure.
Et, de surcroît, devoir admettre que les
pourparlers aient lieu à Bonn, origine du drame yougoslave et à Vienne,
par où transitaient les armes inondant les Balkans en dépit de
l'embargo. Enfin, voir rejeter les plans d'organisation de la Bosnie qui
avaient l'approbation des nations — dont la France au premier chef —
qui contribuèrent activement à la sauvegarde des populations les plus
meurtries par la guerre. Gribouille n'aurait pas fait pis.
Le 5 février 1994, au soir, le jour même
où la destruction du marché de Markale causa la mort de 68 personnes et
en blessa 197, le président de la République et le Premier ministre
s'accordèrent sur la nécessité d'agir, d'en appeler aux principales
nations concernées par le drame des Balkans afin que, par l'action, l'on
réponde à l'attente de l'opinion publique. Il est vrai que mise en
condition par une intense propagande — dont on évoquera plus loin les
sources — profondément émue par cette tuerie, la population réclamait
des mesures immédiates, y compris l'usage de la force. En démocratie, la
règle est d'entendre l'électeur même, et surtout, s'il a été quelque
peu abusé par la "désinformation". Mais si puissante et si convaincante
qu'elle ait pu être, il n'en demeurait pas moins que Sarajevo était
assiégée depuis des mois et que, chaque jour, on y mourrait par le fer
et par le feu.
Solliciter l'ONU ? Les Résolutions
précédemment votées permettaient le recours à la force (interprétation
de la Résolution 836 de juin 1993). C'eût été risquer un veto russe. Et
puis, régulièrement et consciencieusement informé de la situation locale
par les chefs militaires de la FORPRONU, le Secrétaire général se
serait montré réservé. ("Toutes ces gesticulations à propos de frappes
aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un accord,
elles ont envenimé la situation", déclarait le général Francis
Briquemont.) Que demander aux Douze qui n'ait déjà été fait. Assez
paradoxale était la démarche française, la France ayant, à terre, en
ex-Yougoslavie, le contingent le plus nombreux et l'un des plus exposés à
d'éventuelles représailles, la retenue britannique paraissant mieux
inspirée. Mais l'opinion publique réclamait que l'on mit un terme à
l'inaction.
Aussi,
le lendemain de la triste affaire de Markale, le ministre français des
Affaires étrangères s'adressa-t-il à son collègue américain. Difficile
requête pour Paris : on n'y avait cessé de revendiquer la reconnaissance
de l’"identité de défense européenne", des pouvoirs et des moyens (?)
de l'UEO, l'emprise militaire américaine sur l'Europe devant leur faire
place. Et voici que pour une guerre spécifiquement européenne,
ensanglantant une région dont M. Clinton avait dit qu'elle ne présentait
pas d'intérêt stratégique pour les États-Unis, voici que Paris
demandait à Washington de prendre l'initiative d'un ultimatum adressé
aux Serbes, éventuellement suivi d'interventions aériennes. À Bruxelles,
le ministre français de la Défense afficha la détermination de Paris. "On nous dit,
déclara-t-il en substance, que la présence de la FORPRONU interdit que
nous frappions en utilisant la force aérienne. Intenable position..."
Sous-entendu il convient de passer outre et d'en venir à la menace
d'emploi de la force si l'ultimatum n'est pas suivi d'effet. "On nous
dit" ? C'est bien l'opinion qui le disait, lassée des souffrances
indéfiniment tolérées de la population de Sarajevo.
À Washington l'appel fut entendu.
Certes, aussi longtemps que seuls Serbes et Croates s'affrontaient, la
Maison-Blanche demeura passive. Il y eut bien, de sa part, quelques
velléités d'agiter la menace aérienne, mais devant les objections de
Paris et de Londres, Washington sembla se désintéresser des événements
des Balkans. Et cela jusqu'à ce que, gagnant la Bosnie, la guerre
mobilise à nouveau le Département d'État. Les intérêts pétroliers
américains sont assez puissants pour que l'allié musulman soit secouru.
Pour les États-Unis, la démarche française présentait l'avantage de
justifier l'Otan — en dépit de la disparition du Pacte de Varsovie. Elle
répondait à l'attente de Bonn, l'Allemagne étant désireuse d'étendre la
garantie américaine à ses voisins de l'est et du sud. La démonstration
était faite que l'Amérique était bien la seule superpuissance et, qu'à
ce titre, il lui revenait de contribuer à rétablir un "ordre
international" convenable là où il était gravement menacé.
L'intervention des États-Unis renforçait également l'allié turc et elle
allait appuyer la présence en Macédoine du petit contingent qui y avait
été dépêché. Bref, les Européens invitaient les États-Unis à jouer un
rôle dans les Balkans mettant en évidence leur leadership en Europe. À
l'initiative de la France.
Nous sommes directement concernés,
affirma alors Bill Clinton, qui disait le contraire l'année précédente.
Préparé depuis longtemps à intervenir en Yougoslavie — et déplorant de
ne pas y avoir été invité l'état-major de l'Otan prit aussitôt sous sa
coupe les formations maritimes et aériennes déployées en Adriatique et
sur le littoral italien. Et, sous l'autorité de l'amiral Jeremy Boorda,
commandant la 6e Flotte des États-Unis, "l'identité de défense
européenne" devint "l'identité de défense américaine".
Chacun s'attendait à l'emploi de la
force, le souhaitait ou le redoutait. C'était compter sans la manœuvre
diplomatique et les avantages que Washington pouvait retirer de
l'invitation qui lui avait été adressée. Alors que Moscou venait de
réitérer son opposition aux attaques aériennes, y procéder eût placé
Boris Eltsine dans une situation critique. Ni le peuple russe, ni la
Chambre basse, la Douma, n'eussent admis que leur pays subisse une
nouvelle humiliation. Bien que l'échec des réformes socio-économiques
dont on attendait bien prématurément des résultats bénéfiques ait
conduit à l'élimination de Galdar et d'une partie de ses conseillers
économiques, Washington misait toujours sur Boris Eltsine de crainte que
la Russie ne succombe aux sollicitations des extrêmes, unis dans un
même nationalisme. Aussi fallait-il ménager Moscou, tenir compte des
liens l'unissant à Belgrade et l'inviter à un tête-à-tête
américano-russe qui devrait trouver un compromis acceptable par les
trois belligérants.
C'est sans doute la raison pour
laquelle, devenu le maître tout-puissant des forces alliées déployées
face aux Balkans, l'amiral Boorda, à son tour et probablement sur ordre
de son gouvernement, déclara "... qu'il ne lancerait aucune attaque
aérienne sans l'ordre de l'ONU". Paris avait souhaité contourner
l'Organisation des Nations Unies, mais l'amiral annonçait qu'il
n'agirait que selon les instructions qu'il en recevrait.
Peut-être sans illusion, mais soucieux
d'utiliser le prétexte bosniaque pour servir leurs intérêts nationaux,
Américains et Russes ont pris à leur compte le puzzle balkanique devant
lequel l'ONU et les Douze avaient échoué. Mais c'est aux Russes qu'il
est revenu de jouer le rôle principal. Non seulement Washington les
sollicitent et les placent en vedette sur la scène internationale mais,
par les pressions qu'ils sont en mesure d'exercer sur les Serbes — et
grâce aux garanties qu'en échange ils leur promettent — ils sont les
seuls à pouvoir éviter l'extension du conflit de Bosnie. Moyennant les
assurances qu'ils donneront à Belgrade sur l'issue des négociations
auxquelles, désormais, ils participent, les Serbes replieront leur
artillerie à distance de Sarajevo sans paraître obéir à l'ultimatum,
mais à la demande de leur allié ; les Américains y gagnent d'éviter un
engagement militaire qu'à juste titre ils redoutent et la FORPRONU ne
risquera pas d'être la cible facile d'éventuelles représailles. Les
"va-t-en-guerre" manifesteront leur satisfaction, la force ayant été
brandie et les "pacifiques" également puisqu'elle ne sera pas utilisée,
du moins comme sanction d'un ultimatum qui n'aurait pas eu d'effet.
Enfin, et surtout, Sarajevo bénéficie d'une accalmie.
Pour Boris Eltsine ce fut là une
occasion inespérée d'être à nouveau le principal interlocuteur de la
superpuissance, de fournir un motif de satisfaction au peuple russe
meurtri par toutes les manifestations d'une grandeur perdue et aussi
atténuer la virulence des attaques des partis nationalistes. Peut-être
sans l'avoir voulu, Eltsine fit mieux à propos des Balkans que
Gorbatchev lors de la guerre du Golfe.
Avant d'étudier la proposition des
nouveaux négociateurs, Américains et Russes s'étant substitués aux deux
médiateurs représentant l'un l'ONU, l'autre les Douze, il faudrait
revenir sur le très étrange comportement de la communauté internationale
devant le drame yougoslave.
Il apparaîtrait que les Serbes ne furent
pas les auteurs de la tragédie de Markale. Il est vraisemblable que les
experts militaires qui étudièrent les traces de la détonation — ou des
détonations — et qui évaluèrent les dégâts matériels qui en résultèrent,
sans être assurés, s'étaient cependant formé une opinion. Adressée au
Conseil des Ministres des Douze, deux jours après l'ultimatum, une
lettre de la FORPRONU accuserait les Bosniaques musulmans. Fort
courageusement, Bernard Volker l'avait révélé lors du "journal de TF1"
le 18 février, mais allant à l'encontre de la thèse officielle,
l'annonce avait été étouffée. Techniquement l'attentat suscitait
l'interrogation. Les mortiers, fut-ce de 120 mm, identifiés lors des
premières investigations, sont trop imprécis pour qu'un seul tir
atteigne un objectif relativement réduit en dimensions (quelque 1200
mètres carrés). Ou alors, quel qu'ait été le camp des tireurs, le hasard
est à incriminer et, seul, il dissiperait le mystère s'il s'agissait
vraiment d'un projectile lancé par un mortier. L'autopsie des victimes
aurait peut-être permis de préciser la nature de l'explosif et celle des
projectiles ayant fait un tel carnage : les malheureux avaient été mis
en terre précipitamment. Belgrade obtint la réunion d'une commission
d'enquête. Mais, autre singularité, la tragédie fut attribuée aux Serbes
et l'ultimatum lancé contre eux, avant que les experts aient déposé
leurs conclusions. Enfin, il est pour le moins étrange qu'une
association "TV carton jaune animé par des magistrats, des juristes et
des journalistes" soit sortie de l'ombre pour porter plainte contre TF1
sous prétexte de "défendre l'honnêteté de l'information diffusée" alors
que la scandaleuse désinformation subie par le téléspectateur lors de la
guerre du Golfe, par exemple, n'avait pas heurté ses conceptions de la
déontologie. C'est sans doute pourquoi, le 11 mars, M. Bernard Volker
appuyait sa révélation du 18 février par la publication de la lettre
officielle de la FORPRONU aux Douze. Lettre dont la teneur fut démentie
par le Quai d'Orsay.
Tout s'est donc passé comme si
n'ignorant rien du caractère équivoque de l'accusation dirigée contre
les Serbes, les capitales occidentales avaient décidé de leur faire
porter la responsabilité de l'attentat afin de légitimer l'ultimatum et,
si nécessaire, l'attaque aérienne de leurs positions autour de
Sarajevo. Peu importait le coupable du massacre. Il était assez
révoltant pour que les opinions publiques approuvent toute action de
guerre, quel que soit l'ennemi plus ou moins arbitrairement désigné.
Ce comportement, des plus discutables,
est à rapprocher de celui qui fut adopté après l'attentat du 27 mai 1992
(20 morts, 70 blessés) également attribué à l'artillerie serbe. Le 22
août 1992, le journal britannique The Independent l'imputait à
une machination bosniaque. Mais la grande presse se garda de reprendre
la révélation. Elle fut confirmée plusieurs mois plus tard par le
général MacKenzie, commandant en second de la FORPRONU, lors de la
publication de son livre Peacemaker (1) :
"... la rue (Vase Miskina où se trouvait la boulangerie de Sarajevo) a
été bloquée à ses deux extrémités juste avant l'incident. Après que la
foule ait été admise et que la queue se soit formée, les médias
apparurent mais se tinrent à distance. L'attaque eut lieu et les médias
se trouvèrent immédiatement sur place. La majorité des morts étaient des
Serbes tenus pour être des 'modérés'. Qui peut savoir ? La seule chose
certaine, c'est que des innocents furent tués..."
De même que l'attentat de Markale permit
l'ultimatum et justifia d'éventuelles attaques aériennes, de même celui
du 27 mai 1992 fut le prétexte de l'embargo imposé à la Serbie et au
Monténégro. Bien qu'il ait été officiellement reconnu que les Serbes
n'étaient pas impliqués dans le massacre dit de la boulangerie,
l'embargo ne fut pas levé. Il a déjà fait des milliers de victimes parmi
la population civile et atteint pour longtemps non seulement l'économie
de la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, mais aussi celle de
ses voisins.
Pour celui qui se soucie de morale
politique — l'un à côté de l'autre les deux mots surprennent — et, plus
généralement, de la dignité des peuples dans les relations
internationales, ces deux événements ne laissent pas d'être
préoccupants. Ils provoquent au moins deux questions :
— Sommes-nous devant une nouvelle ruse
de guerre ? L'Histoire n'en offre guère d'exemples malgré la malignité
des hommes. L'on s'en prend à son propre parti, l'on massacre les siens
et l'on accuse l'adversaire du forfait (2).
Grâce à la toute-puissance des médias et, en particulier, de l'image
télévisée, l'on bénéficie aussitôt de la commisération, puis de
l'assistance internationale.
Celle-ci donne la victoire au coupable
en croyant prendre parti pour la victime ou en feignant de le croire.
Les succès du procédé invitent à la répétition. Les Bosniaques musulmans
y eurent recours à la veille de chaque importante négociation où leur
sort allait être évoqué. Et chaque fois à leur avantage. Devant
l'émotion provoquée par la mort de civils en quête de pain ou faisant
leur marché, les dirigeants musulmans furent en mesure de rompre les
négociations lorsqu'elles leur étaient défavorables. Il suffisait
d'évoquer les souffrances que l'adversaire infligeait à leur peuple.
Seconde question également suscitée par
les guerres récentes, celle du Golfe et celle de l'ex-Yougoslavie : pour
les démocraties également, la "désinformation" des populations est-elle
devenue, officieusement, une des composantes de l'art de gouverner ?
Afin de sataniser Saddam Hussein en mobilisant contre l'Irak une opinion
publique indifférente, le président Bush reprit à son compte, dans ses
discours officiels et au moins une demi-douzaine de fois, le récit
mensonger de la fille de l'ambassadeur du Koweït aux États-Unis qui
prétendait avoir été témoin du pillage d'un hôpital pédiatrique à Koweït
City. Amnesty International démontra le subterfuge, mais il
avait atteint ses objectifs. En toute bonne conscience, les Alliés
pouvaient déverser 90.000 tonnes de bombes sur l'Irak, puis lui imposer
un embargo qui fit plus de 200.000 victimes parmi la population civile.
Mystérieuse serait également la
partialité dont firent preuve les médias rendant compte par l'écrit et
par l'image des événements de Yougoslavie. L'étrangeté de ce
comportement ne s'explique que par la mise en œuvre de très puissants
intérêts stratégiques et économiques, sans doute la force du mark et
l'argent du pétrole lorsque la Bosnie fut en guerre.
Le véritable diktat allemand des 16 et
17 décembre 1991, une semaine après la signature du Traité de Maastricht
d'où devait naître une "diplomatie et une défense communes", fut à peu
près ignoré. Pourtant les ministres des Affaires étrangères des Douze
réunis à Bruxelles, sous la houlette de M. H.D. Genscher, furent soumis à
une rude épreuve et ce n'est qu'après des heures de débats que le 17,
au petit matin, le ministre allemand obtint satisfaction. On
reconnaîtrait l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie le 15
janvier suivant. Bonn et le Vatican, ce dernier manifestant son
hostilité millénaire aux schismatiques orthodoxes, devancèrent
l'engagement du 17 décembre et, le 23, reconnurent l'indépendance des
Républiques sécessionnistes. Celle de la Bosnie suivra inéluctablement.
C'était priver de citoyenneté près de trois millions de Serbes vivant en
Slovénie, en Croatie et en Bosnie, en faire des minorités plus ou moins
bien traitées. C'était également décider de l'éclatement de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, violer la Constitution
yougoslave de 1974 en transformant des limites administratives en
frontières internationales et faire bon marché de l'Acte final
d'Helsinki et de la Charte de Paris. Bref, les Douze piétinaient les
textes qu'ils avaient eux-mêmes conçus, défendus et signés, s'inclinant
devant la volonté de la déjà toute-puissante Allemagne. Il est vrai
qu'elle était réunifiée, officiellement, depuis un an et qu'elle
bénéficiait largement de son unité reconstituée sans avoir encore à en
payer le prix. Mais, de ces manigances, les populations ne furent pas
informées. Pas plus que, dès le début du conflit, on ne leur révéla la
chasse aux Serbes de Croatie, leur fuite par centaines de milliers vers
la mère-patrie, leurs villages rasés, leurs biens perdus à jamais :
première phase de l'épuration ethnique pratiquée par les Croates et dont
on ne s'émut que lorsque les Serbes, à leur tour, ripostèrent contre
les exactions dont ils venaient d'être les premières victimes. Bien
rares ont été les commentaires relatifs à la visite de M. Delors à
Belgrade, réclamant du gouvernement fédéral, alors en fonction, qu'il
maintienne l'unité du pays et subordonnant l'assistance de la CEE à la
cohésion de la fédération yougoslave. Les Douze justifiaient ainsi les
tentatives de l'armée fédérale cherchant à stopper les mouvements
sécessionnistes. Ses unités furent encerclées dans leurs casernes et
contraintes à la capitulation ou à un combat tenu alors par les Serbes
eux-mêmes pour fratricide. Lorsque Sarajevo devint le symbole menacé
d'une nouvelle construction politique fondée sur une confession et non
sur la volonté des diverses nationalités de vivre ensemble, l'on s'est
gardé de préciser que 30% de ses habitants étaient Serbes, tandis que
près de 11% se déclaraient encore Yougoslaves, si bien qu'il était
légitime que l'armée serbe ait pris position pour défendre ses
concitoyens contre les 49% de Musulmans bosniaques. La dictature exercée
en Croatie par M. Tudjman et son parti a été discrètement escamotée, de
même que la profession de foi de M. Izetbegovic selon laquelle : "...
il n'y a pas de paix, ni de coexistence entre la religion islamique et
les institutions sociales non islamiques. Ayant le droit de gouverner
lui-même son monde, l'Islam exclut clairement le droit et la possibilité
de la mise en œuvre d'une idéologie étrangère sur son territoire".
Allez, ensuite, imposer aux 32 % de Serbes et aux 17% de Croates vivant
en Bosnie- Herzégovine d'accepter la loi d'un gouvernement bosniaque
musulman faisant de l'exclusion des autres confessions le fondement de
sa politique ! Enfin, bien rares ont été seulement les allusions au rôle
des Croates et des Musulmans aux côtés des forces du Reich, pas plus
qu'il n'a été rappelé qu'à défendre la cause des Alliés contre l'empire
wilhelminien, puis hitlérien, la Serbie a perdu 23% de sa population en
1914-1918 et encore 15% entre 1941 et 1945.
Les voix des nombreux experts en science
politique et en relations internationales ne se sont guère fait
entendre lorsque la Communauté européenne a repris à son compte
l'héritage du maréchal Tito décidant qu'une religion donnait droit à
former un État. On ne les a pas davantage entendus au moment où les pays
occidentaux concernés par le drame yougoslave luttaient pour le
maintien et le développement d'une République musulmane bosniaque.
Après la proposition de Lord Peel
relative au partage de la Palestine (1937), dix ans de lutte et les
terribles années d'extermination par les Nazis, les Juifs réussirent à
s'installer en milieu musulman et, par leur vaillance guerrière, à s'y
maintenir. Mais au prix d'un demi-siècle de guerres. Probablement plus
encore. Aujourd'hui, les Occidentaux s'efforcent de créer et de
renforcer une République musulmane (confession islamique minoritaire) en
milieu chrétien. Sans doute en acceptant l'éventualité de conflits
permanents. De surcroît, peut- être un jour membre d'une Union très
grandement élargie, la Bosnie- Herzégovine en sera-t-elle à part entière
pour être alors l'antichambre de l'Islam en Europe. Curieusement, les
États-Unis s'en réjouissent : "Il serait important qu'il y ait en Europe
un État où coexistent Musulmans et non- Musulmans", déclarait un haut
fonctionnaire du gouvernement américain (3).
En somme, il serait important de créer en Europe une "nouvelle
Palestine". Afin, sans doute, que Washington y trouve prétexte à
intervention.
Discutables certes, ces sombres
perspectives sont bien rarement évoquées par des médias qui nous avaient
habitués à plus de liberté. Les difficultés économiques dont souffrent
plus particulièrement les pays industrialisés sont-elles à incriminer ?
Privés des ressources normalement fournies par les diverses activités
publicitaires des entreprises hier prospères, les médias deviennent-ils
dépendants des soutiens gouvernementaux ? Il ne faudrait pas que, la
crise aidant, les démocraties rejoignent les autocraties dans leurs
méthodes d'information.
Mais la crise yougoslave a d'autres
conséquences moins sujettes à l'interrogation. Elle a détruit les
derniers vestiges de la victoire de 1945. Vainqueurs sur terre, les
Russes font modeste figure devant l'Amérique, puissance de la mer.
Tenants du statu quo balkanique, Français et Britanniques se sont
inclinés devant les Allemands qui l'avaient mis à mal en 1941. La
politique, la diplomatie et la défense communes dont les partisans du
Traité de Maastricht nous ont rebattu les oreilles, s'évanouissent dans
les brumes d'un très lointain et très incertain avenir. Et le "couple
franco-allemand", mariage de raison, en a tous les défauts tant sont
nombreuses et graves les infidélités.
Lors de son retour de Maastricht, le
président de la République déclara que le texte qu'il venait de signer
n'était pas négociable ; il fallait le prendre — ou le laisser — tel
qu'il était. Chacun pensa qu'il en irait de même pour tous les autres
pays signataires. Les mois qui suivirent démontrèrent que la plupart des
grands partenaires de la France non seulement le négociaient mais,
qu'unilatéralement, ils le modifiaient à leur convenance. Ce fut le cas
de l'Allemagne, premier "pilier" du Traité. En effet, la Cour
Constitutionnelle fédérale siégeant à Karlsruhe interpréta le traité de
Maastricht de telle manière que s'il n'a pas été vidé de son contenu, il
l'a été de sa finalité. Lors d'un entretien publié par la revue
Politique Internationale (4),
le chancelier Kohl avait clairement défini sa politique : "... le
fédéralisme, la subsidiarité et l'intégration des intérêts des régions
constituent, pour nous, les principes structurels essentiels de
l'édification de l'Europe de demain". Mais la cour de Karlsruhe affirma
que "l'Union européenne n'est pas un nouvel État fédéral, plus
simplement un groupe d'États qui repose sur la volonté des États membres
et respecte leur identité nationale" — Exit le fédéralisme.
"L'appartenance à ce groupe d'États peut toujours cesser par un acte
contraire.... l'Union européenne ne dispose ni de pouvoirs de
commandement, ni d'une personnalité juridique propre... le passage à la
troisième phase de l'Union monétaire n'est pas automatique..." La Cour
rappelle les moyens dont disposent les autorités allemandes, et
spécialement les tribunaux allemands qui ont le pouvoir de ne pas
reconnaître la force juridique à des actes qui excéderaient
manifestement les compétences des organes européens tels que prévues par
le Traité. (Rappelons qu'en mai 1974 la Cour avait déclaré inapplicable
en Allemagne un acte communautaire contraire au droit fondamental
allemand.)
Manfred Brunner, président de la Fondation démocrate et avocat à Munich, réitérait à Jean-Paul Picaper (5)
l'interprétation restrictive allemande du Traité : "... La Cour
Constitutionnelle allemande agit, certes, en coopération avec la Cour de
Justice européenne, mais elle a le dernier mot en cas de conflit". La
légitimation démocratique de la CEE sera incarnée essentiellement par
les parlements nationaux : le Parlement européen n'a qu'une fonction
complémentaire (?) ... l'Union monétaire peut être résiliée... Pour
toutes les questions dépassant le cadre du marché unique, il faudrait
conserver dans le Conseil des Ministres la règle de l'unanimité... Mieux
vaut ce type de démocratisation qu'une extension des compétences du
Parlement européen parce qu'il ne peut y avoir de représentation
populaire sans peuple..." Et J.P. Picaper ajoute : "... on comprend
pourquoi le gouvernement s'est efforcé de passer sous silence ces
conclusions de la Cour".
D'ailleurs, les efforts déployés par
Bonn pour élargir l'Union vise deux objectifs : déplacer vers l'est,
vers Berlin, le centre de gravité économique et politique de l'Union par
l'adhésion de la Suède, de la Finlande, de l'Autriche et de la Norvège,
pays formant une zone d'influence linguistique et économique allemande,
et aussi interpréter le Traité selon les vœux de la Cour de Karlsruhe
en diluant au maximum les responsabilités des institutions
supranationales, toutes dispositions réalistes, mais contraires aux
fantasmes européens français.
Les apparences, sinon peut-être la
réalité, donneraient à croire que l'Allemagne réunifiée — ou plutôt, à
peine réunifiée — a mis en œuvre deux diplomaties : l'une se manifeste à
Bruxelles et lors des rencontres des chefs d'État, comme celles qui
rassemblent périodiquement les dirigeants allemands et français.
L'autre, discrète, consiste à "façonner" l'Europe conformément aux
intérêts de la future nation allemande. Brunner le laissait entendre :
"... l'Allemagne doit se défaire de sa peur de penser en contextes
géopolitiques (à nous, Haushofer !). Le concept de la Mitteleuropa...
nous a été légué par l'Histoire comme tâche particulière redevenue
actuelle par la dépolarisation et le dégel qui a succédé à la guerre
froide..." (6)
Quoi de plus normal qu'un grand peuple, capable d'être le premier
exportateur mondial et dont le commerce rayonne sur tous les continents,
quoi de plus naturel qu'il pratique une politique ambitieuse, à la
mesure de sa puissance démographique et économique. Seulement il faut
dissiper les illusions entretenues par les fédéralistes français et,
plus généralement, par les partisans du Traité de Maastricht. On ne peut
prétendre que le diktat du 17 décembre 1991, une semaine à peine après
la signature du Traité de Maastricht, ait été une manifestation
d'entente entre les partenaires européens et l'amorce d'une diplomatie
commune. La décision de M. Genscher, imposée à ses collègues, s'est
révélée désastreuse. MM. R. Dumas et C. Warren en ont convenu.
L'éléphant allemand entrait avec fracas dans le magasin de porcelaines
que sont les Balkans. Le ministre des Affaires étrangères de Bonn a
déclenché un processus infernal et malheureusement irréversible. Lord
Carrington le confiait ainsi au Figaro (du 13 juillet 1993) :
"... Alija Izetbegovic m'avait alerté : 'je dois demander l'indépendance
de la Bosnie... Si je ne le fais pas, j'aurai la gorge tranchée. Mais
je dois vous dire qu'une telle démarche aboutira à la guerre civile' ".
Aussi, après de tels débuts, la politique étrangère allemande ne
laisse-t-elle pas d'être inquiétante.
Elle l'est aussi vis-à-vis de l'Europe
des Douze où Bonn ne se soucie guère de la "préférence communautaire"
lorsque ses intérêts économiques sont en jeu : dès 1986, alors que la
France cherchait à réunir les éléments d'une forte présence européenne
dans l'espace, le gouvernement allemand s'opposa à deux des trois
composantes essentielles de cette ambition : pas de station européenne
sur orbite, mais un module amarré à celle des États-Unis, pas de
"navette", mais peut-être un strapontin quémandé aux Américains et aux
Soviétiques, si bien que le sort d' "Hermès" fut déjà compromis
avant d'être réglé par l'abandon du projet. Ariane, par ses succès,
échappa seule au naufrage. De même, convoitant le marché mondial,
l'européen n'étant pas à sa mesure, Siemens choisit de s'allier à IBM
américain et à Hitachi et Fujitsu japonais plutôt qu'aux firmes
françaises et britanniques. Après avoir pris le contrôle de MBB
(Messerschmidt, Bolkow, Blohm), Daimler-Benz s'est tourné vers
Mitsubishi... Pourtant, les partenaires européens de l'Allemagne
s'étaient montrés de bonne composition puisqu'ils se soumirent aux
conséquences de la stratégie de la Bundesbank : taux d'intérêt élevés,
afflux de devises en Allemagne, mais augmentation du chômage chez eux.
"La politique monétaire de la Bundesbank est une véritable catastrophe
pour toute l'Europe", dira Henri Martre, alors patron de l'Aérospatiale
0. Quant à la politique militaire, elle est pour le moins étrange : les
forces armées d'outre- Rhin sont maintenant réparties entre quatre
organisations : le futur corps d'armée franco-allemand, un groupe
germano-hollandais, une participation à une force d'action rapide de
l'Otan, enfin, une solide contribution à l'Otan, le tout, d'ailleurs,
devant être placé sous le commandement américain en cas de crise grave.
C'est là une curieuse façon de se préparer à une "défense commune"
proprement européenne.
Chacun applaudit : l'intervention des
États-Unis et celle, correspondante, de la Russie a décidé, en quelques
heures, de la levée du siège de Sarajevo et du retour à la vie des
citadins canonnés. Mais elle a mis en évidence l'incapacité des Douze à
remédier à la catastrophe déclenchée par l'un des leurs. Il est vrai que
le comportement de l'Allemagne dans les Balkans, fut-il vieux d'un
demi- siècle, neutralisait la Communauté tout entière, accusée sous la
pression de Bonn, puis de Washington, de partialité. L'entrée en scène
de Moscou a rétabli l'équilibre entre des intérêts opposés. Celle des
États-unis risque de se révéler périlleuse pour les pays européens dans
la mesure où, pour plaire aux pays pétroliers arabes, c'est à
l'instauration d'un État musulman en Europe qu'œuvre la Maison-Blanche.
L'éveil de la Russie a été soudain et volontariste. Il n'est pas exclu
que la destruction des quatre avions serbes ait été un avertissement :
d'accord pour négocier à deux sur les décombres de l'ex-Yougoslavie,
d'accord également pour substituer nos projets à ceux des médiateurs
(c'est-à- dire à ceux de l'ONU et des Douze européens), mais qu'on ne
s'y trompe pas, il n'existe toujours qu'une seule superpuissance et
c'est l'Amérique.
Celle-ci a-t-elle un projet balkanique,
comme l'intérêt subit qu'elle témoigne pour la Macédoine pourrait le
laisser à croire ? Sinon à la Maison-Blanche où la politique intérieure
accapare les esprits, mais dans de nombreux centres universitaires de
recherche, des hommes de valeur étudient ces trois bouleversements qui
transforment sur ce versant de l'Europe l'ordre international :
l'effondrement du communisme, la réunification de l'Allemagne et la
puissance croissante de l'intégrisme musulman. Vue d'outre-Atlantique,
la péninsule occidentale de l'Eurasie — seconde en importance après
l'Asie du Pacifique — prend un aspect nouveau. Deux forces la dominent :
au nord les 80 millions d'Allemands, au sud les 80 millions que seront
les Turcs dans un proche futur. C'est avec Bonn/Berlin d'une part,
Ankara de l'autre, qu'il faut défendre les intérêts américains. À Bonn,
l'on pardonnera la dangereuse précipitation de M. Genscher et, à Ankara,
la répression des Kurdes. L'Allemagne aura toute liberté d'action dans
cette Mitteleuropa "léguée par l'Histoire comme tâche
particulière", selon M. Manfred Brunner avec, en prime immédiate, le
rattachement économique de la Slovénie et de la Croatie. Quant à la
Turquie, elle exercera son influence sur l'Albanie, la Bosnie, le Kosovo
musulman — au détriment des Serbes, affaiblis par l'embargo et désignés
à la vindicte publique par une campagne de désinformation intense. Si
l'Allemagne participera — avec mesure — à la réhabilitation de
l'économie de la Russie, elle devra aussi demeurer la plaque tournante
des forces de l'Otan si, par exemple, un néopanslavisme actif succédait
un jour au messianisme marxiste. De surcroît, elle sera, en Europe, le
champion du libre-échangisme si favorable à l'économie américaine — du
moins à court et à moyen terme. L'Irak détruit, l'option laïque et
socialiste du baassisme éliminée et l'option intégriste ralliant de plus
en plus de fidèles, il reviendra à la Turquie, encore laïque, de former
un môle de résistance tandis que son influence politique, et peut-être
économique, s'exercerait sur les pays turcophones, hier membres de
l'U.R.S.S, leur offrant une autre voie que le retour dans le giron de
Moscou. Aussi l'intervention américaine dans la triste affaire des
Balkans, aux côtés de l'Allemagne d'une part, des pays musulmans de
l'autre, constitue-t-elle une bonne approche pour mettre en pratique,
peu à peu, cette nouvelle — et élémentaire — stratégie.
Dans un délai qu'on ne saurait fixer,
Moscou pourrait être en mesure d'altérer ces objectifs et de limiter les
moyens nécessaires pour les atteindre. La crise yougoslave a stimulé
une diplomatie paralysée par les difficultés internes. Mais, entre le
comportement des Russes lors de la guerre du Golfe et le leur depuis que
l'Amérique est diplomatiquement présente dans les Balkans, grande est
la différence. Le Kremlin doit compter avec la nouvelle Douma d'autant
qu'elle répond aux aspirations profondes de la population recrue
d'humiliation. Après avoir tenu une place quasi dominante dans les
affaires du monde, les Russes réclament une plus grande considération.
Et les politiques comme les analystes devront se rendre à l'évidence :
il faudra, à nouveau, s'accommoder des volontés de ce grand pays.
D'ailleurs, si pour les hommes le pouvoir absolu conduit à l'arbitraire,
de même l'omnipotence d'une seule nation l'amène à commettre des excès.
Source d'équilibre, la bipolarité est aussi le gage de plus de mesure.
C'est ainsi que l'attaque de Bagdad, le 23 juin 1993, pour punir l'Irak
d'un attentat qui n'eut pas lieu (et qui ne fut même pas envisagé, selon
la presse américaine), la partialité dont l'Occident a fait preuve tout
au long du drame yougoslave n'ont été possibles que parce que la Russie
avait pratiquement disparu de la scène internationale. Elle y entre et
veut s'y faire entendre.
Dans un monde bipolaire, les forces
antagonistes s'équilibrant à peu près, le complot antiserbe n'aurait pu
prendre autant d'ampleur. On remarque, par exemple, que l'attentat du
marché de Markale ayant eu lieu le 5 février en fin de matinée, le soir
même, le gouvernement français s'apprêtait à réclamer un ultimatum aux
Serbes et à l'accompagner de menaces d'attaques aériennes. Dans une
démocratie, un suspect est présumé innocent jusqu'à ce qu'ait été
prouvée sa culpabilité. Or, avant même que soit réunie la commission
d'enquête et alors que les premières investigations des experts
militaires concluaient à l'impossibilité de déterminer l'origine du tir
(si tir il y avait eu), Paris décidaient que les Serbes étaient les
coupables et qu'il convenait de les châtier. Étrange.
Étranges, également, les renvois
successifs des chefs militaires de la FORPRONU. Sur le terrain et disant
des vérités contraires à la tournure que les politiques voulaient faire
prendre à cette guerre civile, ils furent, l'un après l'autre,
contraints d'abandonner leur commandement. "La présidence bosniaque
entretient là des combats qui n'ont, et ils le savent, aucune chance
d'aboutir, mais qui ont le mérite d'attirer l'attention du monde",
déclara le général Morillon. Il est rappelé à Paris. Le général
MacKenzie révèle-t-il que l'attentat de la rue Vase Miskina a été
préparé par les Bosniaques, qu'il est prié d'aller exercer ses talents
au Canada, son pays d'origine. "Toutes ces gesticulations à propos des
frappes aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un
accord militaire, elles ont envenimé la situation... Il faut en finir
avec l'antiserbisme primaire véhiculé par quelques intellos en
goguette", dira le général Briquemont aussitôt renvoyé en Belgique.
Honnêtes et clairvoyants, ces militaires de haut rang dérangeaient les
desseins des politiques qui entendaient que soit fardée la vérité.
Le "nouvel ordre international", conçu
pour un monde unipolaire, en Irak comme en Yougoslavie, a cherché à
atteindre ses objectifs par la "mise en condition" des opinions
publiques, le recours aux cruautés des embargos et, si besoin était, les
destructions massives. Ce sont maintenant les démocraties qui violent
le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se comportant comme les
autocraties auxquelles, légitimement cette fois, elles eurent le mérite
de longtemps s'opposer.
Pierre-Marie GALLOIS (1911-2010) http://www.theatrum-belli.com
Général
de brigade aérienne et géopoliticien, artisan de la dissuasion
nucléaire française.Article issu de la Revue d'Europe Centrale, du 1er
semestre 1994
Notes :
(1) Lewis MacKenzie. Douglas and McIntyre. Vancouver/Toronto, 1993, p. 194.
(2) Le général
MacKenzie, lors d'une conférence de presse : "... je ne suis pas en état
d'empêcher les deux belligérants de tirer sur leurs propres positions
pour satisfaire CNN"
(3) Alain Frachon, Washington veut amener les Serbes à la table des négociations, Le Monde. 16 mars 1994, p. 3
(4) N°52. Eté 1991.
(5) Une Europe des Etats souverains. Géopolitique, n° 44, p. 73
(6) Ibid., p. 75
(7) Henri Tricot : "Le patron de l'Aérospatiale accuse l'Allemagne de provoquer la récession". Le Quotidien, 14 janvier 1992, p. 7
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