Né à Paris le 2 avril 1840 d'un père italien, Emile Zola est dès son plus jeune âge passionné de littérature, mais aussi de peinture. Au collège, il se lie d'amitié avec Paul Cézanne, à qui il confie sa certitude d'être un jour un écrivain reconnu. Le premier amour de Zola s'appelle Berthe : « une fille à parties », prostituée dont il s'entiche à 20 ans. Il conçoit le projet de « la sortir du ruisseau ». Sans succès. Ayant échoué au baccalauréat, il occupe finalement, chez Hachette, un emploi équivalent à nos attachés de presse. À la librairie Hachette, règne une idéologie positiviste et anticléricale qui le marquera profondément. Devenu journaliste, il pratique d'abondance la polémique, affichant ses haines et ses goûts, tant dans le domaine de l'esthétique que de la politique. « Haïr, écrit-il, c'est aimer (?), c'est sentir son âme chaude et généreuse, c'est vivre largement du mépris des choses honteuses et bêtes… Je me suis senti plus jeune et plus courageux après chacune de mes révoltes contre la platitude de mon âge… Si je vaux quelque chose aujourd'hui, c'est que je suis seul et que je hais. » À force de “haïr”, il tombe deux fois sous le coup de la loi, et est mis en état d'arrestation en mars 1871. Sans conséquence. Il est libéré le jour même. À vrai dire, Zola ne se sera jamais engagé dans l'action politique. Républicain convaincu, il suit, bien sûr, avec ironie la chute de l'Empire, mais ne partage pas vraiment l'esprit de la Commune, écrivant même du peuple de Paris : « Le bain de sang qu'il vient de prendre était peut-être d'une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur. » Zola appartenait à un temps de guerre civile larvée, un temps où, pour reprendre la formule de Maurras, « les Français ne s'aimaient pas » : la Commune, la lutte à mort contre les monarchistes, les hobereaux, les curés, le grand chambard antisémite mené par Drumont, le cirque boulangiste qui secoua violemment la France, la furieuse affaire de Panama, et enfin l'Affaire. L'affaire Dreyfus. Pour ou contre « le traître », c'était mal parler. On est pour ou contre l'Armée. Des familles divisées, des mariages rompus. Dreyfus était, comme le décrivait Pierre Dominique, raide, plus traîneur de sabre que nature. Patriotard. Un homme qu'on ne pouvait imaginer en civil. Une tête à képi, toujours au garde-à-vous. « Ah ! madame, devait s'écrier son avocat Pierre Mille, dans le salon - de gauche - de madame Muhlfeld, quel détestable innocent nous avons là ! » Et Léon Blum devait, plus tard, se poser la question : « S'il n'avait été Dreyfus, aurait-il été seulement dreyfusard ? »
Zola, avec son style pompeux et amphigourique, se lance dans la bataille en faveur de Dreyfus : « Jeunesse, jeunesse ! Sois humaine, sois généreuse. Si nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu'un innocent subit une peine effroyable et que notre cœur révolté s'en brise d'angoisse… Jeunesse, jeunesse ! Comment ne fais-tu pas ce rêve chevaleresque, s'il est quelque part un martyr succombant sous la haine, de défendre sa cause et de le délivrer ? … Et n'es-tu pas honteuse, enfin, que ce soient des aînés, des vieux qui se passionnent, qui fassent aujourd'hui ta besogne de généreuse folie ? » Ce n'est pas vraiment un modèle de polémique… Rien que du médiocre…
Mais le pire, qui fut aussi la chance de Zola de passer aux yeux de l'Histoire pour un polémiste talentueux, fut ce fameux article paru le 13 janvier 1898 dans l'Aurore. De lourdes strophes aussi mal rythmées que possible. Une sorte de charabia. Mais où Zola a le mérite de faire, pour la première fois, la synthèse de l'Affaire. Le titre imaginé par Zola ? « Lettre ouverte à Félix Faure, Président de la République ». Un titre nul, qui n'aurait attiré aucun lecteur supplémentaire. C'est Clemenceau qui biffa ce titre pour le remplacer par “J'accuse !”. L'Aurore tira dans la journée 300 000 exemplaires, dix fois plus que d'habitude. Un succès colossal qui permit à Zola de devenir, grâce à Clemenceau, le grand polémiste de la gauche… qu'il ne fut en réalité jamais. Zola fut bien sûr poursuivi et renvoyé devant la Cour d'Assises. Sa gloire était assurée. Citons encore Pierre Dominique qui définit ce que doit être, et surtout ne pas être un polémiste : « Le polémiste, tel le dieu Mercure, doit avoir des ailes au talon. On peut tout lui pardonner, pas la lourdeur de la démarche, pas la solennité du ton, et surtout pas, dans la lourdeur et la solennité, la platitude. »
Le 29 septembre 1902, Emile Zola et son épouse sont intoxiqués par la combustion d'un feu dans la cheminée de leur chambre, à Paris. Il meurt. La presse nationaliste et antisémite exulte. Ses cendres sont transférées au Panthéon le 4 juin 1908.
R.S. RIVAROL 8 AVRIL 2011
1 commentaire:
Quel grand homme que ce Mr Emile Zola !
Je lui rend hommage sur le site www.emile-zola-les-rougon-macquart.fr/.
Bravo pour ce billet très bien écrit.
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