De retour à Paris, le futur Charles V trouve une ville sous la coupe d'Étienne Marcel, allié à Charles le Mauvais. Le dauphin interdira toute forme de représailles, préférant cicatriser les convulsions révolutionnaires.
Cette année-là, le dauphin Charles, duc de Normandie, futur roi Charles V, dix-neuf ans, assumait la tâche de lieutenant général et gouverneur du royaume, en l'absence de son père le roi Jean II le Bon, fait prisonnier par les Anglais le 19 septembre de l'année précédente après s'être bravement défendu à la bataille de Poitiers. Nous avons également aperçu deux démagogues qui rêvaient de profiter du malheur de la dynastie pour agiter le peuple : le roi de Navarre, comte d'Evreux, Charles le Mauvais, vingt-cinq ans, qui revendiquait le trône de France du chef de sa mère, petite- fille de Philippe le Bel, et le drapier Étienne Marcel, environ cinquante ans, prévôt des marchands de Paris et, à ce titre, nanti de pouvoirs économiques et juridiques, mais aussi militaires.
Frêle et timide
Quand le dauphin Charles était revenu de Poitiers, jeune homme frêle et timide, beaucoup se demandaient comment il pourrait s'imposer. Il avait dû affronter les États généraux, plus arrogants que jamais, qui, sous l'instigation du fourbe Robert Le Coq, évêque de Laon, avaient décidé de libérer Charles le Mauvais, que le roi Jean avait sagement fait arrêter l'année précédente. C'est alors que le dauphin, sûr au moins de l'appui des États de Normandie et du Languedoc, se rendit à Metz pour demander à son cousin l'empereur Charles IV sa médiation entre la France et l'Angleterre en vue de délivrer le roi son père. Succès diplomatique réel. Mais quand il revint (mars 1357), Paris était sous la coupe d'Étienne Marcel, véritable dictateur.
Les États, auxquels les représentants de la province se lassaient de participer, rédigèrent alors des ordonnances, puis établirent un conseil avec Marcel et Le Coq en vue de s'emparer du pouvoir exécutif. Se sentant ainsi ligoté, le dauphin partit chercher de l'aide en Normandie, mais fut bientôt rappelé à Paris par Marcel qui voulait l'amadouer. En fait, Charles le Mauvais (dont les liens avec les Anglais n'étaient pas très nets), entrait bientôt dans Paris et, dès le 30 novembre, haranguait la foule au Pré-aux-Clercs, tandis que Marcel faisait sortir de prison les condamnés de droit commun ! Le dauphin, qui se souciait, lui, d'organiser la défense de Paris contre des foules de mercenaires désoeuvrés, prit aussi la parole (11 janvier 1358) et hardiment !, devant la foule des Halles. La lutte entre les deux Charles (qui, en outre, étaient beaux-frères) allait tourner au désavantage du Mauvais (dont les Parisiens se méfiaient), mais le ton monta, le dauphin ne pouvant évidemment pas accepter qu'on lui imposât une monarchie contrôlée par les bourgeois de Paris.
Étienne Marcel
Ni Le Coq, ni Marcel, ni le Mauvais n'avaient intérêt à ce que la paix fût signée avec l'Angleterre : dès que des envoyés du roi Jean eurent annoncé à Paris qu'un traité était en projet, le trio infernal lâcha le 22 février 3 000 émeutiers sur le palais de la Cité. Le dauphin, terrorisé, fut éclaboussé du sang des maréchaux de Champagne et de Clermont abattus dans sa propre chambre, où Étienne Marcel le força à coiffer le chaperon rouge et bleu (depuis lors les couleurs de Paris…). Sentant que l'on voulait faire de lui le roi d'une révolution, le dauphin n'eut plus qu'à s'échapper de nuit avec l'aide de deux bateliers de la Seine…
À Compiègne, il convoqua les États qui désavouèrent la révolution de Paris, tandis qu'Étienne Marcel soutenait les chefs d'une jacquerie de paysans ravageant les alentours de la capitale. Pour sa part Charles le Mauvais, nommé par Marcel capitaine général de Paris et ne voulant pas s'aliéner la noblesse, écrasa cruellement ces miséreux à Meaux avant de laisser, à Paris même, une bande d'Anglais perpétrer des massacres. Voilà donc Étienne Marcel incapable de maîtriser les violences qu'il avait lui-même engendrées. Il allait offrir la couronne au Mauvais et plaçait déjà à la Porte Saint-Denis les gardes devant ouvrir les portes à ce misérable prince, quand le 31 juillet, il fut abattu au cours d'une rixe avec un bourgeois, Jean Maillart.
Sagesse royale
Le corps du traitre fut jeté à la Seine, tandis que le dauphin, déjà en route pour le Dauphiné, fit demi-tour et entra solennellement dans Paris, veillant à interdire toutes formes de représailles. Le temps des partis était révolu. Puis Jean II le Bon revint à Paris et régna jusqu'en 1364. Déjà l'héritier avait montré ce qu'il serait quand il deviendrait Charles V le Sage, imposant sa souveraineté contre les Anglais et contre Charles le (toujours aussi) Mauvais…
La preuve fut ainsi donnée que la sage hérédité monarchique assurait le triomphe de l'unité nationale et cicatrisait les convulsions révolutionnaires. Quand cent trente-quatre ans plus tard l'on revivrait à Paris les mêmes scènes d'horreur, les “philosophes” seraient hélas passés par là pour donner aux pires exactions la coloration idéologique et libertaire qui paralyserait le roi…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 mars 2009
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