dimanche 21 août 2011

1356 : Bravoure royale


Harcelé par les Anglais, tandis qu'un vent de trahison souffle sur le royaume, Jean II le Bon fait face à la débandade de ses armées. Descendant de cheval, il se saisit d'une hache pour combattre seul jusqu'à épuisement.
Cette année-là, la sixième de son règne, Jean II le Bon, trente-sept ans, deuxième roi de la branche des Valois, devait faire face à une situation exécrable, héritée de son père Philippe VI. Le roi d'Angleterre Édouard III, petit-fils par sa mère de Philippe IV le Bel, non seulement prétendait que les Valois lui avaient volé la couronne de France, mais il avait, en 1346 à Crécy, infligé à la royauté française sa première grande défaite.
L'événement avait fortement démoralisé la noblesse, la trahison planait partout, même au sein de la famille royale où le gendre du roi Jean, le puissant et tortueux roi de Navarre, Charles le Mauvais, arrière-petit-fils par sa mère de Philippe le Bel, prétendait au trône, et intriguait partout dans le pays…
L'autre “bataille de Poitiers”
En 1354, le parti de Navarre avait assassiné le connétable de France, Charles de La Cerda. Le roi répondit en séquestrant les nombreux domaines que possédait le Mauvais en Normandie et dans l'Ouest de la France - ce qui eut pour effet de pousser celui-ci dans le camp anglais. Puis un jour le roi parvint par surprise à mettre la main sur ce gendre insupportable en train de dîner secrètement à Rouen chez le jeune dauphin Charles, duc de Normandie (premier prince héritier à porter le titre de dauphin). L'arrestation du Mauvais mit la Normandie, l'Artois, la Picardie en ébullition. Édouard III pensa que l'heure était venue pour lui de s'emparer de la France. Dès 1355, les troupes anglaises se mirent à ravager le Sud-Ouest…
Édouard pouvait compter sur l'aide de grands industriels et commerçants, ainsi que des banquiers florentins ; Jean, lui, n'avait pratiquement pas un sou, ni pour améliorer l'armement, ni pour entretenir des troupes. Le pays rechignait fort à l'idée de payer plus d'impôts. Il fallut s'adresser aux États provinciaux, notamment ceux du Languedoc, les plus fidèles, puis aux États généraux. Quelques taxes furent votées, mais sans grand succès. Puis le roi procéda à des variations monétaires, prit quelques fermes mesures de discipline militaire, institua même un ordre pour redonner aux féodaux le sens de l'honneur. Enfin il décréta le 1er septembre 1355 la mobilisation générale des seigneurs et des troupes soldées.
Une année d'heureuses mais aléatoires escarmouches réduisirent les traitres angevins, mais quand il fallut en septembre 1356 barrer la route de Poitiers au prince de Galles, dit le Prince Noir, remontant du Languedoc (qu'il avait dévasté), les deux armées se trouvèrent face à face près de Maupertuis. Une trêve d'un jour, demandée par le légat du pape Innocent IV, le cardinal de Talleyrand-Périgord, n'eut pour résultat que de permettre aux Anglais de s'organiser. Très vite, le 19 septembre, dans l'armée française, pourtant supérieure en nombre, commandée par deux maréchaux qui ne s'entendaient pas, ce fut le sauve-qui-peut.
C'est alors que l'on vit sur le lieu dit champ Alexandre Jean II le Bon, faisant mettre à l'abri les Enfants de France, descendre de cheval et se saisir d'une hache pour combattre seul jusqu'à épuisement, tandis que son plus jeune fils, Philippe, quatorze ans, futur duc de Bourgogne, revenu à ses côtés, lui criait les héroïques conseils restés célèbres dans la grande histoire (et qui n'ont jamais cessé d'être de circonstance…) : « Père, gardez-vous à droite ! - Père, gardez-vous à gauche ! »
La deuxième bataille de Poitiers de notre histoire fut hélas une grande défaite. Le roi de France, blessé au visage, fut emmené captif en Angleterre, mais au moins avait-il sauvé sa couronne, et sa bravoure lui avait acquis un immense prestige, qui émut même ses vainqueurs. Édouard III le reçut à Bordeaux puis à Londres en souverain.
Royaume orphelin
Toutefois le pays privé de son roi « payait cher cinquante ans d'insubordination et de désordre », comme dit Jacques Bainville. Le jeune et courageux dauphin Charles, à dix-huit ans, avait à faire face à la révolution menée par le prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel, tandis que Charles le Mauvais était à deux doigts de prendre la couronne. Nous reviendrons dans cette rubrique sur ces faits terribles qui préfigurent déjà 1793.
Le roi, quant à lui, de moins en moins bien traité par les Anglais, dut se résoudre en 1360 à signer sous la contrainte, donc sans engagement moral, le traité de Brétigny, rendant aux Anglais tout le Sud-Ouest français et leur cédant Calais. Quelques années de paix permirent alors à Jean II rentré à Paris de procéder à d'utiles réformes fiscales, notamment de créer le franc, monnaie forte qui allait durer jusqu'en 2002 ! Puis, son fils Louis d'Anjou retenu en otage à sa place s'étant enfui, il revint lui-même à Londres négocier la rançon. Il y mourut le 8 avril 1364, laissant le pays quasi ruiné, mais aux mains du jeune Charles V qui portait tous les espoirs de redressement et qu'on allait bien vite appeler “le Sage”.
MICHEL FROMENTOUX  L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 19 février au 4 mars 2009

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