mardi 14 juin 2011

De Gaulle contre Roosevelt ?

Un témoignage peu connu du Caudillo
Franco qui commanda ou, comme eût dit l’esprit du temps, guida son pays avant qu’il n’accoste sur les rives de la démocratie ordinaire et y attende, toutes portes ouvertes, le tsunami prévu de la crise, était un dictateur peu commun ; il publiait en effet, lors du blocus international de l’Espagne débuté par la démocratie chrétienne de Georges Bidault en France et appuyé sur les Nations Unies, des articles, dans le quotidien madrilène « Arriba » (Debout), sous le pseudonyme de Jakim Boor, afin justement d’échapper à une censure plus importante que la sienne, à savoir une censure mondiale, venue d’une organisation qui était pour lui un spectre, comme à tout catholique normal d’alors, depuis le pape Clément XII en 1738 1, y compris aux autres sectes chrétiennes et musulmanes : la Maçonnerie. Société de pensée déiste dans sa Constitution, puisqu’elle jure initialement sur la Bible, athée ou plutôt impie dans la pratique, et utile aux ambitieux. C’est sur ce plan qu’il situait l’opposition de De Gaulle à Roosevelt, ou plus exactement celle des ateliers londoniens aux ateliers états-uniens, et dont la conséquence aurait été l’assassinat à Alger, le 24 décembre 1942, de l’amiral François Darlan 2 dévoué à ces derniers.
Cette page de Franco journaliste peu connue du public français, mettant en scène l’influence américaine en Europe, mérite d’être lue attentivement : « L’amiral Darlan était de mèche avec Roosevelt et avec la Maçonnerie américaine, mais le personnage de Darlan gênait la conception anglaise d’un De Gaulle britannisé, et devant la décision américaine d’utiliser Darlan en Afrique du Nord, la maçonnerie européenne s’est chargée de l’élimination. Ne convenait pas aux intérêts maçonniques européens contrôlés par l’Angleterre la prépondérance de Darlan que coiffaient Roosevelt et la Maçonnerie américaine, et ne manquait la main d’un fanatique qui s’y prêterait facilement. Faire silence sur la mort correspondra à l’action maçonnique. C’est ainsi ce qui s’est produit  », commente le Caudillo d’Espagne, « mais la franc-maçonnerie américaine l’a su et ne l’a pas pardonné. Un abîme s’est ensuite ouvert entre les deux Maçonneries que rien ni personne ne réussira à remplir. Ce n’est pas en vain que la maçonnerie est une arme pour la prédominance et a sonné l’heure de la décadence des empires européens. La doctrine de Monroe 3 est ancrée dans les milieux maçonniques américains et l’obédience européenne est remplacée à grands pas sur le Continent par la discipline américaine «  » 4
L’intérêt du pieux et perspicace généralissime espagnol à cette question, dont il était devenu un expert, car il aimait à s’instruire en affinant le détail, venait de son père libéral et de l’influence, qu’il jugeait maligne, exercée sur lui par cette organisation aux racines anglaises et maintenue par tous les régimes de l’île jusqu’à ce jour, en premier dans ses colonies d’Amérique. Qui ne connaît, après la reprise, plus ou moins négociée, de la place forte de Philadelphie en décembre 1778 aux Britanniques - en fait des mercenaires majoritairement allemands du Hanovre -, ce défilé dans lequel le général Washington s’est montré avec les attributs maçonniques : épée au côté, tablier sur le ventre, écharpe barrant la poitrine et paré de tous les bijoux de l’Ordre : équerre, compas, phénix, pentagramme, lettre « G », étoile flamboyante, etc ? Le général La Fayette, dans sa déclaration enregistrée à la loge « Quatre » de Wilmington dans le Delaware avoue que son intronisation dans la loge « l’Union Américaine » lui valut l’estime immédiate du principal Père fondateur des Etats-Unis : « Auparavant je ne pouvais arracher de mon esprit le soupçon que le général commandant l’armée américaine avait des doutes sur mon cas ; ce soupçon était confirmé par le fait que je n’avais jamais reçu un commandement en chef. Cette pensée m’obsédait et parfois me rendait bien malheureux. Après que je fus entré dans la Maçonnerie américaine, le général Washington sembla avoir reçu une illumination. Depuis ce moment je n’eus plus jamais à douter de son entière confiance. Et peu après je reçus un commandement en chef important  ». 5
L’amiral Darlan, maçon avéré, fils de député radical-socialiste du Lot-et-Garonne de la même fraternité, a-t-il songé à suivre l’exemple du « frère » La Fayette ? C’est ce que veut nous faire entendre Franco après l’assassinat du marin français par le pied-noir algérois Fernand Bonnier de la Chapelle, précipitamment passé par les armes. Mais l’histoire ne s’est pas répétée de la même façon pour deux raisons : l’une évidente au regard du chercheur, quoique inconnue du public et en ce sens cachée, celle des rivalités entre obédiences maçonniques anglo-américaines (thèse de Franco), une autre soupçonnable, celle de l’opposition personnelle feutrée de De Gaulle, non pas des gaullistes, - ce terme désignant une adhésion grégaire et souvent momentanée, un agrégat aurait dit le grand philosophe allemand Leibniz, et non pas une substance - opposition, dis-je, à l’ordre mondial que dénonçait sa formation catholique et nationaliste, au sens le plus large.
« Un nouveau Vichy » (De Gaulle)
L’absence de résistance française au débarquement en Afrique du Nord marque la rupture des conditions d’Armistice et permet juridiquement à l’armée allemande d’occuper la zone libre. Ceci est bien connu. En même temps s’affaiblissait populairement la raison d’être du gouvernement du Maréchal qui était de maintenir une France libre d’occupation ; mais De Gaulle, qui est la lance offensive d’une France dont son ancien instructeur à l’Ecole militaire se voulait le bouclier, désigne d’instinct - selon l’expression de son télégramme de Londres du 12 novembre 1942 au général Catroux, au gouverneur général Félix Eboué de l’Afrique Française Libre (A.F.L.), au général Leclerc qui en commande les forces et à l’amiral Thierry d’Argenlieu Haut-Commissaire du Pacifique - un nouveau Vichy inféodé à l’Amérique de Roosevelt.
Effectivement De Gaulle reprend les termes de l’analyse franquiste que nous venons de présenter de la situation ; il suffit de lire ce passage du télégramme sur Darlan, agent non pas Allemand comme le clament les aveugles aujourd’hui, mais bien des Américains, agent rooseveltien : « C’est alors que Darlan est entré en scène. S’étant laissé faire, pour commencer, prisonnier des Américains, il a négocié avec eux la reddition d’Alger. Puis, il vient d’ordonner de cesser le combat en proclamant qu’il exerçait l’autorité en Afrique du Nord au nom du Maréchal, que tous les chefs actuels restaient en place et que les troupes devaient garder la neutralité. Les Américains pressés d’en finir et espérant qu’un jour Darlan se joindra activement à eux, inclinent maintenant à trouver cette situation satisfaisante…Tout se passe comme si une sorte de nouveau Vichy était en train de se reconstituer en Afrique du Nord, sous la coupe des Etats-Unis » 6.
Ceci ne fait point apparaître la position hostile de Roosevelt à l’égard de De Gaulle. Il faut attendre le débarquement, que les Allemands présentent comme une invasion de l’Europe, De Gaulle n’est du reste point encore éclairé sur l’impérialisme états-unien car il reprocherait à cette puissance grossie par la Grande Guerre, comme on a nommé la première, de ne pas avoir été assez interventionniste. Il dit : « Sa conception me paraît aussi grandiose qu’inquiétante pour l’Europe et pour la France. Il est vrai que l’isolationnisme des Etats-Unis est pour lui une grande erreur révolue. Mais passant d’un système à l’autre, c’est un système permanent d’intervention qu’il entend instituer de par la loi internationale. Dans sa pensée, un directoire à quatre : Amérique, Russie soviétique, Chine, Grande-Bretagne, règlera les problèmes de l’univers. Un parlement des Nations Unies donnera un aspect démocratique à ce pouvoir des « quatre grands ». La suite est une prophétie : « J’écoute Roosevelt me décrire ses projets. Comme cela est humain, l’idéalisme y habille la volonté de puissance. C’est par touches légères qu’il dessine, si bien qu’il est difficile de contredire catégoriquement cet artiste, ce séducteur. Je lui réponds, cependant, marquant qu’à mon sens son plan risque de mettre en péril l’Occident. »

Sans commentaire. M. Ben Ali voulez-vous prendre la parole sur la maçonnerie américaine ?
par Pierre Dortiguier http://www.geopolintel.fr/

Notes :

(1) « et tels des renards, ne travaillent à démolir la vigne, ne pervertissent le cœur des simples et ne le transpercent dans le secret de leurs dards envenimé… » (Bulle pontificale « In eminenti - 28 avril 1738). Corsini, le pape en question, relève que « dans plusieurs États, ces dites sociétés ont été, depuis longtemps déjà, proscrites et bannies comme contraires à la sûreté des royaumes ».
(2) Varios han sido los asesinatos de este orden cometidos durante la última contienda ; pero uno sólo ha sido la causa de la gran escisión : el del almirante Darlan, del que nadie se atreve a hablar. El almirante Darlan estaba en inteligencia con Roosevelt y con la masonería norteamericana ; pero la figura de Darlan estorbaba a la concepción inglesa de un De Gaulle britanizado, y ante la decisión americana de utilizar a Darlan en el norte de Africa, la masonería europea se encargó de la eliminación. No convenía a los intereses masónicos europeos, controlados por Inglaterra, la preponderancia de Darlan, que Roosevelt y la masonería americana patrocinaban, y no faltó la mano de un fanático que se prestara fácilmente a ello. A la acción masónica correspondería hacer silencio sobre la muerte. Así ocurrió, pero la masonería americana lo supo y no lo perdonó. Un abismo se abrió desde entonces entre las dos masonerías, que nada ni nadie logrará llenar. No en vano la masonería es arma para el predominio y había sonado la hora de la decadencia de los imperialismos europeos. La doctrina de Monroe había arraigado en los medios masónicos americanos y la obediencia masónica europea es sustituida a grandes pasos en aquel Continente por la disciplina masonica americana (op. cit. Los que no pardonan, 16 de febrero 1949).
(3) L’Amérique aux Américains (entendez les États-Unis).cf. Discours du 8 décembre 1823 du Président Monroe qui excluait par ailleurs toute intervention dans les affaires intérieures européennes
(5) Je remercie mon ami corse de toujours, le penseur traditionaliste Jean-Pierre Barbieri de la communication de son Discours encore inédit sur l’Histoire de l’Angleterre, qui est le travail d’une vie.
(6) Général de Gaulle, Mémoires de Guerre, l’unité 1942-1944, tome 2, Plon 1956, 712 pp. p.398-399

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