Cantonné à son duché de Basse-Lorraine, le frère du roi Lothaire, Charles, laissait planer la menace d'un retour des Carolingiens. Face à son cousin, qui s'empara de Laon, Hugues Capet se montra aussi patient qu'obstiné, jusqu'à son entrée solennelle dans la ville libérée.
Cette année-là - la deuxième de son règne – Hugues Capet, quarante-huit ans, qui venait de faire sacrer par Adalbéron son fils aîné Robert, seize ans, semblait avoir bien établi sa lignée sur le trône de France. C'était sans compter avec le dernier des princes carolingiens, le peu recommandable Charles, duc de Basse-Lorraine, frère cadet du feu roi Lothaire, mort en 986, donc oncle de feu Louis V, mort en 987.
Trahisons
Rappelons que, comme son frère Lothaire, Charles était cousin germain d'Hugues Capet, leur oncle commun ayant été feu Otton 1er le Grand, empereur romain germanique, mort en 973, dont le fils, Otton II, était mort à son tour en 983, laissant un fils de trois ans qui, en cette année 988, atteignait tout juste ses huit ans. L'empire était donc tenu à bout de bras par les veuves des deux Otton, respectivement Adélaïde de Bourgogne et la régente, la Byzantine Théophano – deux femmes de tête qui avaient laissé élire Hugues Capet pour se débarrasser des Carolingiens, mais sans enthousiasme.
Alors Charles crut son heure arrivée. Il avait déjà trahi le roi son frère en 978 quand, celui-ci ayant provoqué par son expédition ridicule contre Aix-la-Chapelle la fureur de l'empereur Otton II, fut à deux doigts de perdre sa couronne. Charles, alors, avait tenté de se faire proclamer roi de France. Exilé, il devait depuis lors se contenter de son petit duché de Basse-Lorraine dont il avait été investi par le même Otton II (ce qui lui avait valu d'être exclu de l'élection de Senlis en 987…). Il s'y sentait d'autant plus mal à l'aise que son voisin le duc de Haute-Lorraine était alors Thierry, fils de Béatrice, soeur d'Hugues Capet ! Pour compliquer encore les choses, étaient apparentés à Thierry l'archevêque de Reims Adalbéron et toute une quirielle de prélats eux-mêmes prénommés Adalbéron…
À force de se plaindre de son sort, Charles avait réussi à se constituer une petite clientèle. Voici qu'en mai 988, grâce au fourbe et hargneux clerc Arnoul - un fils de la main gauche du roi Lothaire – qui fit semblant de se faire voler les clefs de la ville, Charles s'empara de Laon - la cité carolingienne par excellence -, annonça la réduction des impôts, chassa l'évêque du lieu, Adalbéron dit Ascelin, et emprisonna la veuve de Lothaire, la reine Emma (fille d'un premier mariage de la vieille impératrice Adélaïde avec Lothaire II d'Italie). Protestation des deux impératrices, et, bien sûr d'Hugues Capet qui convoqua un synode pour faire excommunier Charles et le bâtard Arnoul, puis assiégea Laon avec 15 000 hommes qui, même armés d'un bélier géant, ne purent enfoncer la porte principale.
Coup de théâtre au début de 889. Après la mort du grand Adalbéron (de Reims), le 23 janvier, voici qu'Hugues Capet, écartant le vertueux serviteur du défunt, Gerbert, fit désigner pour la succession épiscopale rémoise contre toute attente …le clerc félon, Arnoul ! Habileté diplomatique ? Peut-être, mais qui ne porta pas chance à Hugues, car Arnoul s'empressa dès le mois d'août d'ouvrir Reims, la ville des sacres, à Charles, qui déjà se disait roi de France !
Donner du temps au temps…
Situation extrêmement périlleuse pour Hugues Capet. Les impératrices laissaient faire. Laon était imprenable. Par deux fois, il fallut battre en retraite. Mais le Capétien était aussi patient qu'obstiné. Il avait grandement raison de donner du temps au temps… Gerbert, un instant engagé du côté de Charles et d'Arnoul, fut le premier à revenir dans le camp capétien. Puis l'on vit resurgir Adalbéron dit Ascelin, que Charles avait chassé de Laon. Celui-ci, encore un fourbe sans pareil, joua la comédie du ralliement, écrivant humblement à Arnoul qu'il se rallierait à Charles s'il lui rendait son évêché de Laon. Charles se laissa apitoyer et lui prépara le dimanche des Rameaux un fastueux souper d'accueil dans la tour de Laon. À la suite de quoi, tandis que Charles et Arnoul dormaient comme des bienheureux, Ascelin introduisit ses complices qui se saisirent des dormeurs et les enfermèrent à double tour.
Aussitôt Ascelin courut à Senlis annoncer à Hugues Capet la délivrance de Laon. Le roi fit dans la ville une entrée solennelle et obtint sans difficulté le serment de fidélité des autorités. Au même moment, Charles, son épouse, et trois de leurs enfants étaient emmenés à Orléans pour y finir leurs jours en prison. Charles allait y mourir en 995 ; un de ses fils, resté libre, allait mourir jeune sans progéniture. Ainsi finit sans descendance mâle la dynastie des Carolingiens.
Enfin Hugues Capet allait pouvoir s'occuper d'une chose sérieuse : commencer à faire la France…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 – du 7 au 20 mai 2009
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire