mardi 31 mai 2011

996 : Robert l’amoureux

Quelques mois avant la mort de son père, Robert s'éprend de sa cousine Berthe de Bourgogne. En dépit du scandale, le roi s'obstine, jusqu'au jour où Sylvestre II, le premier pape français, le persuade de la congédier…
Cette année-là, la neuvième de son règne, Hugues Capet, cinquante-sept ans, rendit son âme à Dieu, le 24 octobre, à Melun. Il avait vécu ces dernières années, où son pouvoir avait cessé d'être sérieusement contesté, dans une certaine ascèse religieuse, comme il convenait à un ami des grands moines de Cluny qui forgeaient alors l'Occident chrétien. Cela ne l'empêchait pas d'imposer avec une autorité grandissante et une simplicité peu commune ses arbitrages à ses turbulents vassaux.
Le plus terrible avait été Eudes 1er, comte de Blois, qui entretenait des relations assez floues avec l'entourage de l'empereur Otton III et qui avait même fait main basse sur la ville de Melun. Hugues l'avait aisément délogé grâce à l'appui de Foulque Nera, comte d'Anjou. Peu après, Eudes de Blois était mort en demandant la paix.
Complications
Tout s'était compliqué très vite à cause des aventures sentimentales du jeune roi associé, Robert, dont on se souvient qu'il était sacré depuis Noël 987. Ce bon garçon, au sortir d'une éducation excellente dispensée à Reims par Gerbert d'Aurillac, avait été marié discrètement en 988 à Rosala dite Suzanne, fille du roi Béranger d'Italie, et veuve du comte de Flandre Arnoul II. Avec ses vingt ans de plus que lui, cette femme ne pouvait guère s'accorder plus avec Robert que quelques années plus tôt Adélaïde d'Anjou avec le dernier des Carolingiens Louis V ! La rupture semble avoir été rapide et aussi discrète que le mariage. Sacrifiant la galanterie à la politique, le roi de France avait gardé une partie de la dot : Montreuil- sur-Mer, une fenêtre sur la Manche !
Le coeur de Robert était donc resté disponible. Quelques mois avant la mort de son père, ce jeune prince de vingt-quatre ans était tombé follement amoureux de… la veuve d'Eudes de Blois, Berthe de Bourgogne, vingt-six ans, déjà six enfants ! Or, cette trop jolie femme, fille de Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, était sa cousine : leurs deux grands-mères, celle de Robert, Hedwige, épouse d'Hugues le Grand, duc des Francs, et celle de Berthe, Gerberge, épouse de Louis IV roi de France, étaient les deux soeurs de l'empereur Otton 1er ! Immense scandale : Gerbert, enfin devenu depuis peu archevêque de Reims, interdit le mariage, le pape Jean XV (déjà excédé de la manière dont Hugues Capet avait disposé de l'archevêché de Reims) menaça Robert de l'anathème. Rien n'y fit : Robert s'obstina. Pire : il se mit à soutenir les intérêts des enfants d'Eudes de Blois (qui étaient aussi ceux de Berthe) contre la Maison d'Anjou qui avait si fidèlement servi Hugues Capet.
Savoir se sacrifier
Les choses en étaient là quand celui-ci mourut en recommandant à son fils le modèle du grand saint Benoît. Toujours aussi aveuglément épris, Robert réussit juste après les funérailles du vieux roi à faire bénir son mariage par Archambaud, le complaisant archevêque de Tours, mais le pape Grégoire V, succédant à Jean XV, somma aussitôt les époux de rompre.
Bravant toutes les menaces d'excommunication, et voulant amadouer Rome, Robert allait même oser sacrifier son ancien maître Gerbert, lui retirant l'évêché de Reims pour le rendre à Arnoul, l'intrigant et fourbe fils naturel du roi Lothaire.
Savoir se sacrifier
Pendant cinq années, Robert et Berthe résistèrent sans faille. Toutefois, Gerbert, de son côté, utilisait avantageusement sa retraite : devenu en 998 archevêque de Ravenne, le voici pape le 18 février 999, sous le nom de Sylvestre II. Le premier pape français, le pape de l'an Mil ! C'est alors lui qui parvint à persuader son ancien élève de congédier Berthe. Ils se séparèrent la mort dans l'âme, mais, après tout, cette femme ne lui avait pas donné d'enfant…
Le roi doit savoir se sacrifier pour la dynastie. Robert courut alors aussitôt en Arles demander la main de Constance, dix-sept ans, fille de Guillaume Taillefer, comte de Provence. Belle et cultivée, mais de la race dont on fait des mégères qui ne se laissent pas apprivoiser, Constance allait être le purgatoire de Robert. Détail quelque peu croustillant : elle était la fille qu'eut, de son troisième mariage, Adélaïde d'Anjou, la femme éphémère de Louis V venue oublier ce gringalet dans des bras provençaux. Ainsi, les enfants qu'elle n'a pas donnés au dernier des carolingiens, sa fille les donnerait au deuxième des capétiens…
Nous retrouverons dans notre prochaine chronique en 1003 le roi Robert, qui, ayant surmonté ses peines d'amour, allait se révéler un modèle de roi chrétien.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 21 mai au 3 juin 2009

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