Le 1er novembre, Louis VII fait sacrer à Reims son fils Philippe. Son ennemi Henri Plantagenêt est représenté à la cérémonie. Issue inespérée d'une lutte où le roi s'appuya sur la force morale renforcée du sceptre capétien.
Cette année-là, la quarante-deuxième année de son règne, Louis VII, cinquante-neuf ans, sentant sa santé décliner, faisait sacrer le 1er novembre à Reims son fils Philippe, quatorze ans, que lui avait donné le 21 août 1165 sa troisième épouse Adèle de Champagne. Ce sacre solennel était le signe du prestige moral qu'au soir d'un des règnes les plus difficiles de la dynastie, Louis VII avait su acquérir : son tout puissant ennemi le roi d'Angleterre, Henri II Plantagenêt, avait envoyé de somptueux cadeaux et s'était fait représenter à la cérémonie par son son propre fils, Henri Court-Mantel.
Droit féodal
Qui eût osé espérer un tel dénouement en 1152 quand la reine de France Aliénor d'Aquitaine, ayant obtenu de Rome la reconnaissance de la nullité de son mariage, partit se jeter dans les bras épais de cette brute d'Henri II Plantagenêt, offrant du même coup la moitié de la France à l'Angleterre ? Ce drame avait été pour Louis VII, homme de paix, de justice et de grande piété, l'occasion de révéler un grand courage et un grand sens politique.
S'appuyant sur le droit féodal, il avait fait valoir que son ex-épouse, en tant que duchesse d'Aquitaine, et Henri Plantagenêt, en tant que duc de Normandie et comte d'Anjou, étaient tous deux ses vassaux et n'auraient pas dû se marier sans son autorisation ! Il pouvait donc se permettre de soutenir ouvertement tous les seigneurs affichant dans ces provinces des velléités d'indépendance. Plantagenêt avait même revendiqué le comté de Toulouse appartenant à Raymond V, mais Louis, beau-frère de celui-ci, s'était rendu en personne sur les bords de la Garonne et le roi d'Angleterre, comprenant qu'il ne pourrait plus tout se permettre, avait renoncé à attaquer la ville…
Du pain, du vin, de la gaieté
Soufflant un peu, Louis avait pu s'occuper de renforcer son autorité dans ses domaines, de faire progresser les libertés communales, d'imposer son arbitrage au-dessus des grands fiefs, de préparer même une percée capétienne vers la vallée du Rhône, de créer des villes neuves, d'adoucir le sort des serfs. Certes la cour de France ne roulait pas sur l'or, comme celle d'outre-Manche, mais au moins, pouvait dire le roi, « nous n'avons que du pain, du vin et de la gaieté »…
Pour assurer le prolongement de la lignée Louis VII avait dû remplacer Aliénor. Hélas, son mariage avec Constance de Castille ne lui avait donné qu'une fille, Marguerite, née en 1158 ! C'est alors que l'insatiable Plantagenêt avait trouvé le moyen de recueillir de son frère la succession du comté de Nantes (donc la Bretagne). Situation grave pour la France. On avait trouvé un semblant de paix en fiançant le fils Plantagenêt Henri, trois ans à la petite Marguerite, six mois, qui devrait apporter en dot Gisors et le Vexin !
Face au despote
Puis Louis avait pris pour troisième épouse Adèle de Champagne, nièce d'Étienne de Blois, dont les Plantagenêt avaient accaparé la succession en Angleterre. Nouvelle crise. Le roi d'Angleterre s'affirmait en même temps de plus en plus comme un despote surchargeant les Anglais de taxes. Il devait aller en 1170 jusqu'à faire assassiner dans sa cathédrale l'archevêque de Cantorbery, Thomas Beckett, qui lui reprochait sa façon de soumettre l'Église au pouvoir politique.
Les enfants Plantagenêt, Henri dit Court-Mantel (gendre de Louis VII), Richard futur Coeur-de-Lion, avaient durant quelques jours dû fuir ce père insupportable, et Aliénor elle-même avait dû s'échapper en habits d'homme d'une prison. Qui avait recueilli ces fugitifs ? Louis VII, roi de France, qui n'était point rancunier et dont la force morale en imposait à tous !
L'auguste héritier
La naissance du petit Philippe l'avait récompensé de ses patients efforts. Ami du martyr Thomas Beckett, Louis était allé prier sur sa tombe pendant la grossesse de la reine, puis il y retourna cette année 1179 juste avant le sacre de Philippe. Un saint protégerait donc ce jeune homme qui allait laisser un glorieux souvenir dans l'Histoire sous le nom de Philippe II Auguste.
Quant à Louis, il allait pouvoir mourir en paix le 18 septembre 1180. Lui qui n'avait pratiquement aucun atout contre le monstre anglo-normand lequel lui avait enlevé même son épouse avec plus de la moitié du territoire français, ne fit jamais figure de vaincu. La lignée capétienne au sortir de son règne avait gagné, par sa dignité, sa simplicité, son ascension spirituelle une grande force morale dont la fleur de lys allait être désormais le fer de lance.
Un dernier regard sur Aliénor : l'ancienne diablesse, bien assagie, allait mourir à quatre-vingt-deux ans et être inhumée à l'abbaye de Fontevraud, en terre angevine. Notons que par le mariage de sa fille du lit Plantagenêt, prénommée aussi Aliénor, avec le roi de Castille, elle et Louis VII, en dépit de leur séparation, allaient être grand-mère et grand-père du grand saint Louis…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 30 juillet au 2 septembre 2009
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