samedi 14 mai 2011

1149 : Le rêve évanoui

Partant en croisade, Louis VII fut accompagné par Aliénor. Mais sa femme était devenue son mauvais génie… Moins de deux mois après leur séparation, Henri Plantagenet s'appropria la dot échappant au roi de France.
Cette année-là, la douzième de son règne, Louis VII, vingt-neuf ans, rentrait le coeur bien douloureux de la deuxième croisade dans laquelle il s'était engagé deux ans plus tôt avec enthousiasme. Le royaume franc de Jérusalem était alors en grand péril et les musulmans venaient de s'emparer d'Edesse. Le grand saint Bernard de Clairvaux avait prêché avec fougue à Vézelay à la demande de pape Eugène III, et l'on était parti joyeux avec une armée de soixante-dix mille hommes, s'ajoutant à celle aussi nombreuse de l'empereur germanique Conrad III.
Bravoure
Louis VII avait commencé par accomplir des prodiges de bravoure, comme au mont Cadmos, le 6 janvier 1148, où il s'était défendu tout seul, juché sur un rocher, contre une troupe d'assaillants. Mais les fourberies de l'empereur de Byzance avaient découragé Conrad III, lequel était rentré chez lui, et l'armée du roi de France était arrivée à Antioche exsangue et affamée.
Le drame pour Louis allait venir de ce que la reine Aliénor était du voyage ! Nous avons dit dans la dernière AF 2000 l'événement extraordinaire qu'avait représenté en 1137 le mariage de Louis avec l'héritière du vaste duché d'Aquitaine. Tous les espoirs semblaient alors permis pour la monarchie capétienne. Et les jeunes gens s'aimaient follement… Toutefois, la belle princesse, férue des contes et légendes à la mode, rêvait d'un mari qui pût sans cesse l'éblouir. Louis s'était alors senti poussé à se montrer toujours plus ferme tant contre les féodaux qui relevaient trop la tête que contre les communes tentées de devenir insurrectionnelles, notamment à Poitiers (terre d'Aliénor !). En ces années où Paris brillait d'un éclat exceptionnel, où s'installait le goût de fêtes élégantes, où les étudiants de l'Europe entière étaient attirés par l'Université, et où se livraient de grands débats d'idées (pensons à Abélard et saint Bernard…), la reine était hélas en train de devenir le mauvais génie du roi.
Elle avait entraîné celui-ci dans une affaire sordide : sa propre soeur, Pétronille, rêvait de remplacer la nièce du comte de Champagne dans le lit du comte de Vermandois. Louis, pour soutenir cette ardente belle-soeur avait dû guerroyer contre le comte de Champagne, et porter ainsi la responsabilité d'un horrible massacre dans l'église de Vitry. C'est autant pour expier cette faute que pour se montrer héroïque aux yeux d'Aliénor qu'il avait voulu partir en croisade et souhaité qu'elle l'accompagnât. Le malheur est qu'à Antioche, Aliénor avait retrouvé son jeune oncle Raymond de Poitiers dont le charme ne la laissait pas indifférente… Point aveugle, le roi voulut emmener sa femme de force à Jérusalem et l'on ne songea plus à reprendre Edesse aux musulmans… L'échec était piteux.
Mésentente
De Paris où il exerçait la régence, l'abbé Suger demandait au roi de revenir. Celui-ci s'y décida en 1149, mais Aliénor, que la mort au combat de Raymond de Poitiers avait rendue enragée, ne prit pas le même bateau. Louis, pas assez brillant en amour, ne pouvait plus la satisfaire… Pourtant les époux se retrouvèrent à Tusculum, près de Rome, où le pape tenta l'impossible pour les réconcilier, allant jusqu'à bénir le lit où il leur offrit de passer la nuit ! Pendant deux années encore, Suger allait essayer de sauver ce ménage, mais à sa mort en 1151, Louis et Aliénor engageraient une procédure pour faire dénouer par Rome leur lien conjugal. Évoquant une lointaine consanguinité (remontant à la femme d'Hugues Capet !), le concile de Beaugency prononça la nullité du mariage en 1152, tout en reconnaissant la légitimité de leurs deux filles, Marie et Alix, futures comtesses de Champagne.
Passage outre-Manche
Aliénor emmenait toutefois dans ses bagages le Poitou, l'Auvergne, le Limousin, le Périgord, le Bordelais et la Gascogne ! Et qui allait être le nouvel élu de son coeur, qu'elle épouserait le 18 mai, moins de deux mois après sa séparation d'avec Louis ? C'est tout juste croyable : Henri Plantagenêt (un arrière-petit-fils de Foulques le Réchin, à qui Philippe 1er avait enlevé son épouse Bertrade.
Cet Henri, à peine vingt ans, sans doute bel homme, mais peu scrupuleux et peu raffiné, venait d'hériter des comtés d'Anjou et du Maine, et aussi du duché de Normandie récemment conquis par son père Geoffroy. Plus inquiétant, sa mère était Mathilde d'Angleterre, fille du roi Henri 1er Beauclerc, lequel, juste avant de mourir, reconnut le droit à la couronne anglaise de son gendre Geoffroy, défunt, donc du fils de ce gendre, c'est-à-dire Henri !
Voilà donc dés Noël 1154, lors d'un sacre grandiose à Westminster, Henri et Aliénor, roi et reine d'Angleterre ! C'est donc cette brute de Plantagenêt qui recevrait la dot échappant à Louis VII. Avec cela, la moitié de la France devenait anglaise… Louis VII, qui, lui, avait une grande force morale, allait-il se laisser abattre ? Nous verrons que non dès le prochain numéro…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 16 au 29 juillet 2009

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