lundi 7 février 2011

L’Occident contre l’Europe

La question de l’ex-Yougoslavie a provoqué une véritable cassure au sein de notre famille de pensée. Les positions sont même incompatibles et prétendre le nier serait bien artificiel. Longtemps, le débat fut impossible. Aujourd’hui, il s’engage, signe évident d’une volonté de continuer à mener ensemble le combat commun pour lequel nous sommes tous réunis autour de la « Maison France ».
Toute autre attitude serait d’ailleurs suicidaire. Ma position qui est claire et qui a été maintes fois exposée dans les colonnes du Libre Journal tient en trois points principaux :
1. Face à une guerre entre deux nationalismes tous deux historiquement fondés, le Serbe et le Croate, où étaient nos intérêts ?
Du côté de la Croate catholique historiquement vecteur du germanisme dans les Balkans et dont les centres d’intérêt ne sont aujourd’hui pas dirigés vers la France ? Ou bien vers la Serbie, notre amie et alliée hier, lorsqu’il s’agissait de combattre les Empires centraux et demain quand nous devrons nous appuyer sur les mondes slaves pour contenir la poussée islamique qui bat déjà tout notre flanc sud ?
Le « politique d’abord » appris de Maurras nous poussait à prendre parti pour la Serbie. Et pourtant nous sommes demeurés neutres durant la première partie de la guerre, quand Serbes et Croates s’affrontaient.
2. Le contexte changea totalement quand la guerre serbo-croate s’interrompit devant le conflit qui venait d’éclater en Bosnie et qui opposait Serbes orthodoxes et musulmans, les premiers refusant de devoir vivre sous le joug d’un "Etat" musulman qui n’avait aucune légitimité historique. J’ai très longuement développé ce point ici même et il n’est pas donc nécessaire d’y revenir.
Contre l’islam, il paraissait naturel de soutenir les chrétiens, or, certains de ceux qui, par fraternité catholique soutenaient la cause croate embrassèrent le combat des musulmans de Bosnie. Epouser ce combat revenait à militer pour la création du premier Etat musulman sur le sol européen avec toutes les conséquences qui en découleront.
3. La troisième rupture est peut-être encore plus fondamentale ; le monde a en effet changé depuis la guerre froide mais certains ne veulent pas croire à la mort du communisme, confondant le marxisme qui pollue encore nos sociétés, et qui, lui, est hélas bien vivant, avec le défunt bloc soviétique.
Désormais, notre principal ennemi idéologique n’est plus à l’Est, mais à l’Ouest où la notion d’Occident, vidée de son sens doit désormais être comprise comme l’américanisation de l’Europe.
Or, dans les Balkans, les USA ont des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Pour eux, la puissance turque doit être renforcée afin de faire de ce pays le relais agissant de leur influence. D’une certaine manière, ils "sous-traiteraient" volontiers le maintien de l’ordre régional à Ankara en qui ils voient une puissance émergente en plus d’être un allié docile et empressé.
C’est dans ce sens que le soutien actif des USA aux musulmans de Bosnie, d’Albanie et du Kossovo doit être compris et dénoncé.
La Croatie a joué un bien mauvais tour à l’Europe en ouvrant les Balkans à son protecteur américain. Elle en a été remerciée par un soutien militaire exceptionnellement important. L’armée US allant jusqu’à assurer la logistique, les communications, les observations aérienne et radar de l’armée de Zagreb et par un appui diplomatique sans faille. L’ensemble a permis, (paradoxe de l’histoire) de reconstituer quasiment la "Grande Croatie" des années 1941-1942. Celle qui avait été édifiée sous protection allemande. Déjà.
Les bénéficiaires de celle guerre sont d’une part les USA qui viennent de placer la Croatie, l’Albanie, la Macédoine et le Kossovo sous leur quasi protectorat et d’autre part la Turquie qui va faire son retour dans les Balkans en s’appuyant sur les trois bastions islamiques régionaux.
Voilà pourquoi je persiste à penser qu’il fallait laisser se constituer une Serbie puissante, adversaire de l’islam et imperméable à l’américanisation des Balkans.
par Bernard Lugan Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 77 du 26 septembre 1995

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