mardi 11 janvier 2011

1254 : Un État chrétien

Ayant appris le décès de sa mère qui assurait la régence, Louis IX revient de croisade. Il entreprend alors son oeuvre législative, censée organiser la cité terrestre comme un reflet de la charité du royaume de Dieu.
Cette année-là, la vingt-sixième de son règne, Louis IX, quarante ans, rentrait de la croisade après six années d'absence et de souffrances. Il était triste, sujet même à des colères, mais dès qu'il eut accosté le 17 juillet à Hyères, puis traversé la Provence de son épouse Marguerite, la joie de son peuple l'émut profondément : quittant son humeur maussade, il revêtit l'image d'un roi sûr de lui et fier de son autorité.
Un échec total ?
En fait cette croisade avait-elle été un échec total ? De Chypre, les croisés avaient débarqué en juin 1249 en Égypte et très vite brisé la dure résistance des Sarrasins en s'emparant du port de Damiette que Louis espérait échanger par négociations contre Jérusalem. De là il avait voulu marcher sur Le Caire. Son frère Robert comte d'Artois avait déjà trouvé la mort en franchissant le Nil quand il atteignit lui-même Mansourah au prix de grands exploits d'énergie, mais un espion soudoyé prépara la capture du roi et de ses troupes (avril 1250).
Prisonnier des musulmans, Louis fut maltraité, mais sa dignité, sa grandeur d'âme, son imperturbable fierté en imposaient même à ses geôliers. La cour d'Égypte accepta de négocier une rançon contre la reddition de Damiette. Libéré en mai, le roi alla rejoindre Marguerite à Saint-Jean d'Acre, où elle venait d'accoucher dans des conditions tragiques de leur sixième fils Jean-Tristan. Là, malgré les conseils de ses chevaliers, il décida de demeurer quelque temps en Palestine, pour remettre de l'ordre dans ce qui restait du royaume franc, redresser les fortifications, entreprendre de convertir des musulmans… voire tenter, profitant des divisions entre ces derniers, de reprendre Jérusalem ! Il avait à cet effet, comme l'a montré René Grousset, amorcé une oeuvre de grande diplomatie en s'appuyant sur le grand khan, chef des Mongols, favorable au christianisme, qui aurait donc pu aider les Français à reprendre Jérusalem, voire à établir en Terre sainte un embryon de nouvelle France…
Toutefois, après la mort de sa mère la régente Blanche de Castille (27 novembre 1252, à soixante-quatre ans) qu'il n'apprit qu'au printemps 1253, il devenait urgent pour Louis de revenir en son royaume. Il laissait inachevée une mission qu'il savait divine, souffrance infinie pour une âme qui déjà tendait de toute évidence à la sainteté. Heureusement deux autres enfants étaient venus égayer le foyer conjugal : Pierre en 1251, Blanche en 1253. Laissant sur place une partie de l'armée, on réembarqua donc à Tyr, le 24 avril 1254. Le saint sacrement étant en permanence exposé et gardé sur la nef royale, l'on parvint non sans tribulations à Hyères en juillet, avant de remonter la vallée du Rhône, l'Auvergne et le Bourbonnais..
Grand législateur
Dès cette année 1254 commença la partie plus proprement législatrice de son règne. Il souhaitait organiser la cité terrestre comme un reflet de la charité du royaume de Dieu. En décembre, il signait une première ordonnance dite de Beaucaire qui, tout en respectant le droit féodal, empruntait au droit romain : les baillis et les magistrats des villes, représentants du roi, responsables du maintien de l'ordre, devraient recevoir une instruction complète de leurs droits et de leurs devoirs et s'entourer d'assesseurs. On a vu là comme le germe de ce que seraient plus tard les états provinciaux. Allait alors bien vite se propager l'image immortelle du roi rendant la justice sous le chêne de Vincennes, ferme quand il le fallait, toujours porté à écouter avant de se prononcer, parmi les plaideurs, les plus pauvres et les plus démunis.
L'enseignement intéressait particulièrement le roi. C'est en cette année 1253 que Robert de Sorbon, chapelain du roi, créa le célèbre collège qui allait devenir la Sorbonne. Heureuse époque où régnait sur l'État un saint et où s'apprêtait à régner sur l'Université le grand saint Thomas d'Aquin, donnant alors ses premiers enseignements à Paris avant de voyager à travers l'Europe et de se mettre à rédiger sa puissante Somme théologique.
La première charte de l'industrie
N'oublions pas non plus que ce temps fut celui où parut le Livre des Métiers d'Étienne Boileau, première charte de l'industrie française et de l'organisation des métiers. Le temps aussi où le peuple, loin d'être hébété, dressait vers le ciel ces lances de pierre que sont toujours nos cathédrales…
Du fait que Louis fût devenu l'arbitre reconnu par tous les princes de l'Europe et sur le “supplément d'âme” qu'il apportait en politique internationale, nous avons traité dans L'AF 2000 du 1er août 2008. Reste qu'après avoir tant souffert là-bas sur les lieux mêmes où souffrit et mourut le Christ, il ne se consolait toujours pas de n'avoir point réduit les Infidèles. Il regardait déjà du côté de Tunis où le souverain semblait, disait-on, s'ouvrir au christianisme…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 19 novembre au 2 décembre 2009

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