Georges Sorel et la grève générale prolétarienne.
Pour Georges Sorel (1847-1922) il convient de distinguer entre la “nature naturelle”, objet de simple observation et qui conserve encore son mystère et révèle de multiples indéterminations, et la “nature artificielle”, objet d’expérimentation et qui est soumise aux lois et aux déterminations. L’Etre humain ne peut réellement connaître que ce qu’il crée lui-même, et le progrès scientifique ne peut être que le résultat d’une action constructive et volontaire, conquérante, par laquelle le monde est transformé.
La création scientifique du monde suppose deux conditions : l’existence d’un système de symboles particuliers qui atteignent leur plus haut degré d’efficacité lorsqu’il s’agit de “mythes” irrationnels ou de principes d’action, en général projetés en idéologies abstraites et rationalisées, et l’existence d’un groupe social, d’une classe sociale, qui détermine sa conduite selon les “mythes” et principes de l’idéologie dont il se réclame, et agit ainsi “en vérité”.
Pour Georges Sorel il n’y a pas de Vérité absolue mais des vérités qui prennent les formes les plus diverses de l’expérience, les doctrines humaines n’ayant de valeur que par leur utilité. Selon lui la société industrielle est déchirée par des antagonismes profonds que l’idéologie officielle entend camoufler sous une solidarité fictive qui entend s’appuyer sur le “mythe” du progrès matériel indéfini, condition du bonheur de tous. Le slogan de la bourgeoisie est :” Tous solidaires pour le maintien d’un système qui oeuvre pour le bonheur de tous”. Et la bourgeoisie n’épargne pas ses efforts en vue d’absorber les dirigeants politiques et syndicaux du prolétariat et d’apaiser les masses par des promesses fallacieuses.
Tout cela est normal. Ce qui est plus étonnant c’est de voir que la bourgeoisie se laisse prendre aux pièges de sa propre propagande, et les chrétiens, notamment, vouloir sincèrement, semble-t-il, “aller vers le peuple”, comprendre et satisfaire les aspirations du peuple dans un esprit de collaboration. Pour Sorel ce “pacifisme social” de la bourgeoisie est un des symptômes de sa décadence. Le capitalisme devient “mou”, parce qu’il perd sa conscience de classe, sa foi en son droit naturel d’orienter la civilisation à son gré.
Si la bourgeoisie va vers le peuple c’est qu’elle a peur du peuple et qu’elle essaye, en allant vers lui, de le neutraliser, mais, par le fait même, elle perd de son agressivité – si, par ailleurs, le prolétariat lui-même “s’amollit”, ce qui entraîne une dégénérescence globale de la société par entropie (chute de l’énergie).
Selon Sorel le socialisme doit réagir avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement le socialisme contemporain est social-démocrate, qui se vautre dans le parlementarisme et ne refuse pas sa part de butin. Quant à la dictature du prolétariat elle laisse subsister les anciennes hiérarchies, en haut les politiciens et en bas les victimes de toujours : ”On répond que l’État futur sera tout autre chose qu’aujourd’hui ; mais on se borne à nous promettre ce beau changement sans nous donner aucune garantie”.
En réalité le processus de contamination réciproque qui se développe entre la bourgeoisie et le prolétariat trouve ses agents les plus efficaces dans la social-démocratie. Le mouvement révolutionnaire doit être sauvé. Seul le syndicalisme peut le faire. Seul le syndicalisme peut isoler le prolétariat des autres classes sociales afin de lui permettre de cultiver ses qualités propres, celles qui lui permettront de se libérer lui-même. Toutefois, amollis par la mollesse même des capitalistes, les syndicats peuvent se laisser conduire au réformisme s’ils ne poursuivent que des objectifs médiocres, tels que : augmentation du salaire, diminution de la journée de travail, améliorations diverses.
Ce qu’il faut c’est ordonner les revendications conjoncturelles immédiates à un objectif ultime, de caractère catastrophique et sublime. Cet objectif sera le “mythe” de “la grève générale prolétarienne“.
Peu importe, pour Sorel, que la victoire ne soit pas davantage accessible par ce moyen que par un autre. Ce qui importe pour lui c’est que le militant ouvrier ait foi dans sa lutte et conserve pour, par et dans, la lutte des qualités d’homme régénéré et régénérateur.
La violence est morale, car accoucheuse d’un monde vivant et énergique, un monde des antagonismes qui rendent impossibles les compromissions, la corruption et la faiblesse.
Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, Slatkine, Paris, 1981, Ed. du Trident, Paris, 1987 ; Matériaux d’une théorie du prolétariat, 1919, Slatkine, Paris, 1981
Reflexions sur la violence Pdf / http://classiques.uqac.ca/classiques/sorel_georges/reflexions_violence/Sorel_Reflexions_violence.pdf
http://fr.altermedia.info/
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