Le 24 septembre, Henri III marie sa belle-soeur Marguerite de Lorraine à l'un de ses favoris : Anne de Joyeuse, baron d'Arques, qui appartient à une vieille lignée du Vivarais.
Cette année-là, la sixième de son règne, Henri III, trente ans, époux de Louise de Lorraine-Vaudémont, mariait sa belle-soeur Marguerite de Lorraine, vingt et un ans, à Anne de Joyeuse, baron d'Arques, vingt et un ans. L'événement, qui fit en son temps grand bruit à la Cour, n'appartient pas à la grande histoire. Nous le retenons quand même parce qu'il nous permet de fustiger ceux qui répandent des inepties sur la prétendue homosexualité du roi Henri III.
Sur les bords riants de la Baume
Anne de Joyeuse appartenait à une vieille lignée du Vivarais établie sur les bords riants de la Baume, affluent de l'Ardèche, et qui servait fidèlement le roi depuis le XIIIe siècle. Dès ses jeunes années, Anne partagea la vie militaire de son père Guillaume, vicomte de Joyeuse, lieutenant général du Languedoc, futur maréchal de France. Très tôt, il se fit remarquer par sa bravoure et sa vive intelligence, à tel point que le roi le nomma à dix-neuf ans gouverneur du mont Saint-Michel, puis érigea en août 1581 la vicomté de Joyeuse en duché-paierie, avec préséance sur tous les autres ducs (hors les princes du sang). Enfin, le 24 septembre 1581, le voici devenu beau-frère de la reine de France. On peut s'étonner d'une telle ascension d'un jeune homme qui, de plus, était d'une grande beauté.
Les historiens sérieux n'ont jamais éprouvé le besoin d'imaginer des histoires scabreuses. Ils s'en sont tenus à ce que l'on sait d'Henri III, et que Olivier Tosseri résume ainsi dans Historia de février 2010 « un caractère entreprenant auprès des femmes, une très grande piété qu'il exprimait de manière spectaculaire au cours de démonstrations d'expiations... » Certes il combla ses amis, ses mignons (mot qui à l'époque signifiait ses préférés, et rien d'autre), de grands bienfaits, au risque de provoquer la jalousie d'autres courtisans, plus nobles, plus âgés, qui se sentirent évincés et qui joignirent leurs calomnies à celles des dirigeants de la Ligue entendant discréditer le roi parce qu'il reconnaissait son cousin Henri de Navarre, chef du parti protestant, comme l'héritier du trône.
Or on doit tout simplement admettre que le roi, dont nul n'a jamais pu relever le moindre comportement équivoque en public, reportait sur ses amis l'affection qu'il aurait eue pour ses fils, si le Ciel lui en avait donné. Reste encore l'extrême raffinement qu'il imposait à sa Cour. Rappelant qu'Henri III introduisit l'usage de la fourchette à table et qu'il faisait preuve d'une hygiène alors peu commune de son temps, Olivier Tosseri dit qu'il portait « à son comble la recherche vestimentaire pour les hommes » et manifestait « un goût appuyé pour les artifices de la mode ». Laissons braire les gens de mauvaise foi qui ont fondé sur ces observations l'image d'un Henri III efféminé et revenons à ce beau mariage du 24 septembre.
Le faste des noces
C'était un dimanche et le goût du roi pour le faste se donna libre cours. L'Encyclopédie de D'Alembert, deux siècles plus tard, cite un contemporain : la cérémonie eut lieu « à trois heures après midi en la paroisse de Saint-Germain de l'Auxerrois. […] Le roi mena la mariée au moûtier, suivie de la reine, princesses et dames tant richement vêtues, qu'il n'est mémoire en France d'avoir vu chose si somptueuse. Les habillements du roi et du marié étaient semblables, tant couverts de broderie, de perles, pierreries, qu'il n'était possible de les estimer. » Et cela continua les jours suivants, le sommet ayant été, semble-t-il, la représentation, après un festin au Louvre le dimanche 15 octobre, du Ballet de Circé et de ses nymphes rebaptisé pour l'occasion Ballet comique de la reine, où l'on entendit les meilleurs violonistes et chanteurs du temps. N'oublions pas de mentionner que les époux reçurent aussi 300 000 écus du roi…
De la gloire au trépas
Être un favori du roi n'était pourtant point vivre d'hédonisme. Ces jeunes hommes mettaient leur virilité à servir la couronne. Devenu en 1582 grand-amiral de France, puis gouverneur de la Normandie, Anne, après moult campagnes, se laissa emporter par sa jeunesse impétueuse jusqu'à faire massacrer 800 huguenots à La Mothe Saint-Héray, dans le Poitou. Repentant et se croyant perdu aux yeux du roi pour cet acte inexpiable, il crut se racheter en allant barrer la route à Henri de Navarre, le 20 octobre 1587 à Coutras en Gironde ; il y fut non seulement battu mais reconnu par un parent des victimes de La Mothe Saint-Héray qui le tua d'un coup de pistolet. Grand seigneur Henri de Navarre fit rendre les corps d'Anne et de son jeune frère Claude à la famille de Joyeuse et pria pour eux. Déjà Henri IV perçait sous celui que les circonstances forçaient encore à être un chef de parti.
Petit détail gourmand, pour conclure : à l'occasion du mariage,la reine-mère Catherine de Médicis fit servir des macarons apportés d'Italie, dont le jeune duc fut si friand qu'il voulut en faire réaliser par les pâtissiers de son village de Joyeuse (Ardèche). La tradition des macarons s'y perpétue aujourd'hui.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 18 février au 3 mars 2010
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