Et si l’absence quasi absolue de commémorations de la Grande Guerre était due au fait que, décidément, Il est impossible d’évoquer cette effroyable tuerie européenne sans montrer qu’elle fut purement et simplement inspirée par des considérations raciales auxquelles adhéraient, sans l’ombre d’un complexe, toutes les intelligences du temps, quelle que fût leur position politique ?
Quelque temps après la défaite de 1870, Gambetta écrivait dans une lettre inédite à son ami Arthur Ranc, alors réfugié à Bruxelles :
« A une époque de civilisation raffinée comme la nôtre, on ne conquiert pas les peuples malgré eux. La conquête morale n’a jamais suivi la conquête matérielle. Et là, en Alsace-Lorraine, les populations annexées, formées par ce qu’il y a de plus chevaleresque, de plus séduisant dans la culture française, résistent aux attraits de la germanisation, attraits de brutalité, d’esclavage, qu’elles ne comprennent pas (…) Ils ont meurtri le coeur de l’Europe. Tant qu’ils n’auront pas réparé cette faute, personne ne déposera les armes. La paix du monde, si nécessaire à tous les peuples, restera toujours à la merci d’un incident. »
Maurice Barrès racontait dans un article publié par Le Matin (8 mai 1915) qu’une famille restée en Alsace avait reçu d’un de ses fils qui, n’ayant pu s’évader, avait été enrôlé dans les rangs allemands, une lettre datée d’une ville du Nord dans laquelle se trouvait le passage suivant :
« Chère maman, nous manquons de pain, mais je suis en vie. Dis à père que j’ai tenu parole : je n’ai pas tiré un seul coup de fusil sur un soldat français. »
Et Barrès ajoutait qu’en travers de la carte et d’une écriture brutale, à l’encre rouge, le contrôle allemand avait ajouté ces mots : « L’auteur de cette carte a été fusillé le 10 mars par ordre de ses chefs. »
Un diplomate grec, M. Zographos, alors ministre des Affaires étrangères à Athènes, dans une interview recueillie par M. Gaston de Maizières pour Le Petit Parisien (17 avril 1915) expliquait :
« … D’où vient cette guerre (…) cette guerre satanique ? Qui l’a déchaînée ? Ce n’est pas tel prétexte fortuit, telle ambition personnelle : c’est la même force supérieure qui impose tôt où tard la réparation d’une injustice, comme elle veut que dans un corps sain les lèvres d’une plaie béante, d’elles-mêmes, se rapprochent. L’Europe entière se bat pour l’Alsace-Lorraine ; cette guerre, c’est la blessure de la France qui se ferme. »
Beau rêve dont on connaît le réveil amer.
Mais beau rêve qui fut celui de toute une génération.
Les frères Tharaud rapportaient que Jules Ferry, le politicien de gauche à qui Paul Déroulède, l’homme de droite, exposait la colère et le dégoût qu’il éprouvait à voir l’aventure coloniale détourner les âmes et les forces de l’indispensable oeuvre de revanche, s’étonnait :
« Monsieur Déroulède, vous finirez par me faire croire que vous préférez l’Alsace-Lorraine à la France. Ne pensez-vous pas qu’il serait sage de sacrifier les provinces perdues et de prendre des compensations ailleurs ? »
A quoi Déroulède répondit sèchement :
« C’est ça : j’ai perdu deux enfants et vous m’offrez vingt domestiques ! »
Le peuple entier pensait ainsi. Le Germain était un homme inachevé, d’une civilisation inférieure, brutale parce que brute, et le Nègre était un domestique plus encore qu’un enfant.
Et cette conviction était partagée par les meilleurs esprits.
par Serge de Beketch Le Libre Journal de la France Courtoise - n° 106
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