Cocos collabos !
On savait que, en 1940, peu après l'entrée des troupes allemandes à Paris, la direction clandestine du Parti communiste avait négocié (en vain) avec les Allemands pour obtenir le droit de faire reparaître l'Humanité. On ignorait en revanche qu'elle était allée jusqu'à dénoncer « le juif Mandel » !
Il y a soixante ans à l'Assemblée nationale, le député MRP Pierre de Chevigné, compagnon de la Libération, avait créé un incident de séance. En possession d'un procès verbal d'interrogatoire de sa collègue Denise Ginollin, député communiste de la Seine, après que celle-ci, alors simple militante communiste, avait été arrêtée par la police française le 20 juin 1940 près de la station de métro Saint-Martin (1), il avait entrepris de dénoncer les contacts pris par la direction clandestine du Parti communiste français avec l'occupant dans les jours suivant l'entrée des troupes allemandes dans Paris, le 14 juin 1940, afin d'obtenir le droit de faire paraître L'Humanité.
Le tollé avait été à la hauteur de l'accusation. « Tout cela est une affaire de police et de flics », avait lancé Jacques Duclos. « C'est absolument faux », s'indignait un autre. « On a mis deux ans pour fabriquer un faux ! », s'étranglait un troisième élu de ce qui était devenu, de façon très abusive, le « parti des 75 000 fusillés », tandis qu'un quatrième parlait d'une « insulte à nos morts » et que Madeleine Braun, vice-présidente communiste de l'Assemblée nationale et médaillée de la Résistance, osait : « C'est un roman d'Agatha Christie que vous nous racontez là. »
Depuis, les faits ont été établis et il ne restait plus, dans les années 1970, que quelques irréductibles staliniens, comme la veuve Thorez, pour prétendre que, si de tels pourparlers avaient pu avoir lieu, ils étaient le fait de « quelques camarades » ayant pris une malheureuse initiative sans en référer à la direction du Parti qui les en aurait empêchés, et que, « après l'invasion [...], [le Parti] s'engagea sans réserve dans la résistance à l'occupant ». Ce qu'on ignorait en revanche, et que révèle l'ouvrage Juin 1940, La Négociation secrète, de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, c'est jusqu'à quel degré d'ignominie une partie de l'appareil communiste était allée, en parfaite connivence avec Moscou.
Le PCF totalement aligné sur Moscou
Les deux historiens, collaborateur (pour le premier) et dirigeant (pour le second) du « Maitron », l'irremplaçable Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, ont découvert dans les archives de la Ville de Paris un document jusqu'alors totalement inconnu, saisi par la police sur Denise Ginollin lors de son arrestation, et qu'ils intitulent « La Déclaration d'intention du 20 juin ». Ce texte dactylographié constitue l'argumentaire que celle-ci doit, sous les ordres de Maurice Tréand, responsable de la commission des cadres du Parti après avoir été formé à l'École léniniste internationale de Moscou, développer devant les plus hauts responsables allemands à Paris.
Quelques rappels du contexte historique sont nécessaires. Après la signature, le 23 août 1939, du pacte germano-soviétique, l'Allemagne national-socialiste et l'Union soviétique sont alliées. Or, comme le rappellent Besse et Pelletier. « depuis le VIIe congrès de l'Internationale communiste [en 1935], aucun congrès n'a été convoqué et l'Internationale communiste n'est plus qu'un appareil appliquant les stratégies staliniennes » sur lesquelles la direction du PCF est alignée. Le Parti communiste, allié de Berlin, via Moscou ? Exactement.
Le 1er septembre 1939, jour de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, la mobilisation générale est décrétée en France et en Angleterre, qui déclarent la guerre à l'Allemagne deux jours plus tard. Le 24 août, la presse communiste a déjà été interdite. Le 26 septembre, le Parti communiste est dissous par décret du gouvernement Daladier, ainsi que toutes les organisations qui lui sont affiliées. Les dirigeants qui n'ont pas pris la fuite sont arrêtés, les locaux perquisitionnés. Le 10 avril 1940, un décret du gouvernement Reynaud assimilera toute activité communiste à un acte de trahison, passible de la peine de mort.
Ce 20 juin 1940 donc, cela fait trois jours que le maréchal Pétain a demandé l'armistice ; deux que le général De Gaulle a lancé son célèbre appel. La veille, à la radio de Londres, il a encore dénoncé « la confusion des âmes françaises ». Nous y sommes.
Le « juif Mandel » dénoncé à trois reprises
Pour le Parti communiste, la guerre que la France vient de perdre était une « guerre impérialiste ». La « classe ouvrière » en a été la victime. S'il n'avait tenu qu'à lui, jamais la France n'aurait déclaré la guerre à l'Allemagne. Alliés, les communistes et les nazis, dans Paris occupée ? Plus que jamais !
Sténographiée par Denise Ginollin, la « déclaration d'intention du 20 juin » reproduit, en une dizaine de points, tous les messages que Maurice Tréand et Jacques Duclos, rentré de Belgique où il avait fui en octobre 1939 - et qui obtiendra 20,5 % des voix à la présidentielle de 1969... - entendent faire passer à l'occupant. Les points deux et trois sont hallucinants : « 2°) Sommes communistes, avons appliqué ligne PC sous Dal[adier] Ray [Reynaud], juif Mandel, juif M[andel] après Dal[adier] nous a emprisonné[s]. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat[ionale]. Sommes PC français pas eu peur 3°) pas cédé face dictature Juif M[andel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud] » (2)
« Juif Mandel »... A trois reprises est dénoncé, pas comme adversaire politique mais bien comme « juif », celui qui était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Reynaud et qui mourra assassiné par des miliciens en juillet 1944 en forêt de Fontainebleau, tragique fin d'une carrière politique brillante tout au long de laquelle, parce qu'il était né Louis Georges Rothschild, cet homme de la droite libérale fut la cible des attaques antisémites les plus viles et les plus véhémentes (3).
A quand une repentance pour les sabotages meurtriers ?
Le livre de Besse et Pennetier tout juste paru, le Parti communiste français a publié une mise au point, que Marie-George Buffet s'est empressée de faire porter au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Cette fois, pas question d'arguer d'un quelconque faux. Les deux historiens, qui sont proches de la gauche communiste, sont « reconnus pour le sérieux de leurs travaux scientifiques ». Aussi le PCF dénonce-t-il des « propos antisémites tout à fait odieux » qui s'inscriraient dans une « stratégie injustifiable » menée toutefois « sous la pression de l'Internationale ». Et d'accabler prioritairement les « cadres dirigeants de l'URSS et de l'Internationale communiste », initiateurs d'une stratégie « heureusement abandonnée à partir d'août 1940 ».
Le PCF veut se dédouaner. il s'enfonce et reconnaît explicitement - pour la première fois ! - que les dirigeants français étaient totalement, absolument aux ordres de Moscou, quitte à trahir la France et à assassiner des Français ainsi que l'indique le passage sur les saboteurs qui ont été fusillés. En mai 1940 par exemple, plusieurs aviateurs français trouvèrent la mort à bord d'avions sortis des usines Farman qui avaient explosé en plein vol pour l'unique raison que des ouvriers communistes avaient sectionné une pièce de l'appareil. A quand une « repentance » du Parti communiste ?
Dans leur « déclaration d'intention » Duclos et Tréand se vantent d'ailleurs d'avoir œuvré... pour la victoire de l'Allemagne ! « Notre défense du pacte [germano-soviétique] vous a avantagé. Pour l'Urss, nous avons bien travaillé, par conséquent pour vous. » Et de développer une ahurissante dialectique : « En interdisant L'Huma, vous montrez que vous voulez combattre les classes ouvrières [...], que vous voulez combattre l'URSS à Paris » accompagnée de ces promesses tout aussi incroyables : « Nous prenons engagement ne pas faire l'éloge d'Hitler et de l'URSS mais rien contre vous. Prenons engag(ement] de nous taire [...] Nous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous »...
Un axe Paris-Berlin-Moscou sérieusement envisagé
Aux militants qui, le 18 juin, rechignaient à s'engager dans ce qu'il faut bien appeler la voie de la collaboration, en allant négocier de la sorte avec Otto Abetz, plénipotentiaire du ministère des Affaires étrangères auprès du commandement militaire en France - il sera nommé ambassadeur d'Allemagne en novembre 1940 -, Maurice Tréand aurait répondu : « Ce sont les ordres de la Maison. »
Denise Ginollin s'est bien rendue à la Kommandantur. Différents contacts avaient même été pris afin que, si une filière échoue, un autre canal de négociation soit prêt à être opérationnel. Le journaliste collaborationniste Jean Fontenoy avait été sollicité en ce sens. La reparution d'une Humanité ni pour ni contre Hitler devait être effective pour le 21 juin. Son arrestation par la police française retarda l'événement mais ne stoppa pas le processus.
Libérée sur ordres des Allemands, elle se retrouve, le 26 juin 1940, dans le bureau d'Abetz en compagnie notamment de Tréand et de Jean Catelas, membre du comité central du Parti. En sortant, ces derniers cosignent une lettre à Abetz. Les propos sont plus prudents mais ils promettent tout de même ceci : « L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre [...] L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable »... Un axe Paris-Berlin-Moscou en somme, dont l'invasion de l'Union soviétique par les troupes allemandes, le 22 juin 1941, ruinent tout espoir de concrétisation.
Après la Libération encore, le Parti communiste français faisait de l'adhésion pleine et entière au pacte germano-soviétique un élément d'appréciation majeur de bonne conduite des militants du Parti. Jusque dans les années cinquante, racontent Besse et Pennetier, « on demande aux militants : « Quelle a été votre position au moment de Munich » et « au moment du traité germano-soviétique » et on double la question « Quels sont les arguments que vous développez en face d'adversaires sur ces deux problèmes ? » »
« Certes, pourra-t-on lire dans le rapport du Xe congrès du PCF tenu à Paris en juin 1945, le travail réalisé par un camarade avant septembre 1939 ou après août 1944 doit être considéré comme très important. Toutefois, la fidélité envers la ligne politique se vérifiant plus particulièrement dans les moments dangereux, les éléments suivants sont déterminants : position d'août 1939 [... ] à juin 1940. » Ne manquait qu'un bilan politico-ethnique de l'action du « juif Mandel ».
Gabriel Giauque le Choc du Mois Janvier 2007
Juin 40, La Négociation secrète, par Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Les éditions de l'Atelier, 208 pages, 14,90 euros.
1). Son procès verbal d'interrogatoire par le commissaire Lafont est reproduit dans le tome 1 du Dictionnaire de la politique française d'Henry Coston.
2). Les passages entre crochets ont été ajoutés par Besse et Pennetier afin de rendre mieux compréhensible ce mémo où ne figurent parfois que des abréviations ou des initiales.
3). Nicolas Sarkozy lui a consacré une biographie : Georges Mandel, le moine de la politique (Grasset, 1994).
On savait que, en 1940, peu après l'entrée des troupes allemandes à Paris, la direction clandestine du Parti communiste avait négocié (en vain) avec les Allemands pour obtenir le droit de faire reparaître l'Humanité. On ignorait en revanche qu'elle était allée jusqu'à dénoncer « le juif Mandel » !
Il y a soixante ans à l'Assemblée nationale, le député MRP Pierre de Chevigné, compagnon de la Libération, avait créé un incident de séance. En possession d'un procès verbal d'interrogatoire de sa collègue Denise Ginollin, député communiste de la Seine, après que celle-ci, alors simple militante communiste, avait été arrêtée par la police française le 20 juin 1940 près de la station de métro Saint-Martin (1), il avait entrepris de dénoncer les contacts pris par la direction clandestine du Parti communiste français avec l'occupant dans les jours suivant l'entrée des troupes allemandes dans Paris, le 14 juin 1940, afin d'obtenir le droit de faire paraître L'Humanité.
Le tollé avait été à la hauteur de l'accusation. « Tout cela est une affaire de police et de flics », avait lancé Jacques Duclos. « C'est absolument faux », s'indignait un autre. « On a mis deux ans pour fabriquer un faux ! », s'étranglait un troisième élu de ce qui était devenu, de façon très abusive, le « parti des 75 000 fusillés », tandis qu'un quatrième parlait d'une « insulte à nos morts » et que Madeleine Braun, vice-présidente communiste de l'Assemblée nationale et médaillée de la Résistance, osait : « C'est un roman d'Agatha Christie que vous nous racontez là. »
Depuis, les faits ont été établis et il ne restait plus, dans les années 1970, que quelques irréductibles staliniens, comme la veuve Thorez, pour prétendre que, si de tels pourparlers avaient pu avoir lieu, ils étaient le fait de « quelques camarades » ayant pris une malheureuse initiative sans en référer à la direction du Parti qui les en aurait empêchés, et que, « après l'invasion [...], [le Parti] s'engagea sans réserve dans la résistance à l'occupant ». Ce qu'on ignorait en revanche, et que révèle l'ouvrage Juin 1940, La Négociation secrète, de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, c'est jusqu'à quel degré d'ignominie une partie de l'appareil communiste était allée, en parfaite connivence avec Moscou.
Le PCF totalement aligné sur Moscou
Les deux historiens, collaborateur (pour le premier) et dirigeant (pour le second) du « Maitron », l'irremplaçable Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, ont découvert dans les archives de la Ville de Paris un document jusqu'alors totalement inconnu, saisi par la police sur Denise Ginollin lors de son arrestation, et qu'ils intitulent « La Déclaration d'intention du 20 juin ». Ce texte dactylographié constitue l'argumentaire que celle-ci doit, sous les ordres de Maurice Tréand, responsable de la commission des cadres du Parti après avoir été formé à l'École léniniste internationale de Moscou, développer devant les plus hauts responsables allemands à Paris.
Quelques rappels du contexte historique sont nécessaires. Après la signature, le 23 août 1939, du pacte germano-soviétique, l'Allemagne national-socialiste et l'Union soviétique sont alliées. Or, comme le rappellent Besse et Pelletier. « depuis le VIIe congrès de l'Internationale communiste [en 1935], aucun congrès n'a été convoqué et l'Internationale communiste n'est plus qu'un appareil appliquant les stratégies staliniennes » sur lesquelles la direction du PCF est alignée. Le Parti communiste, allié de Berlin, via Moscou ? Exactement.
Le 1er septembre 1939, jour de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, la mobilisation générale est décrétée en France et en Angleterre, qui déclarent la guerre à l'Allemagne deux jours plus tard. Le 24 août, la presse communiste a déjà été interdite. Le 26 septembre, le Parti communiste est dissous par décret du gouvernement Daladier, ainsi que toutes les organisations qui lui sont affiliées. Les dirigeants qui n'ont pas pris la fuite sont arrêtés, les locaux perquisitionnés. Le 10 avril 1940, un décret du gouvernement Reynaud assimilera toute activité communiste à un acte de trahison, passible de la peine de mort.
Ce 20 juin 1940 donc, cela fait trois jours que le maréchal Pétain a demandé l'armistice ; deux que le général De Gaulle a lancé son célèbre appel. La veille, à la radio de Londres, il a encore dénoncé « la confusion des âmes françaises ». Nous y sommes.
Le « juif Mandel » dénoncé à trois reprises
Pour le Parti communiste, la guerre que la France vient de perdre était une « guerre impérialiste ». La « classe ouvrière » en a été la victime. S'il n'avait tenu qu'à lui, jamais la France n'aurait déclaré la guerre à l'Allemagne. Alliés, les communistes et les nazis, dans Paris occupée ? Plus que jamais !
Sténographiée par Denise Ginollin, la « déclaration d'intention du 20 juin » reproduit, en une dizaine de points, tous les messages que Maurice Tréand et Jacques Duclos, rentré de Belgique où il avait fui en octobre 1939 - et qui obtiendra 20,5 % des voix à la présidentielle de 1969... - entendent faire passer à l'occupant. Les points deux et trois sont hallucinants : « 2°) Sommes communistes, avons appliqué ligne PC sous Dal[adier] Ray [Reynaud], juif Mandel, juif M[andel] après Dal[adier] nous a emprisonné[s]. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat[ionale]. Sommes PC français pas eu peur 3°) pas cédé face dictature Juif M[andel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud] » (2)
« Juif Mandel »... A trois reprises est dénoncé, pas comme adversaire politique mais bien comme « juif », celui qui était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Reynaud et qui mourra assassiné par des miliciens en juillet 1944 en forêt de Fontainebleau, tragique fin d'une carrière politique brillante tout au long de laquelle, parce qu'il était né Louis Georges Rothschild, cet homme de la droite libérale fut la cible des attaques antisémites les plus viles et les plus véhémentes (3).
A quand une repentance pour les sabotages meurtriers ?
Le livre de Besse et Pennetier tout juste paru, le Parti communiste français a publié une mise au point, que Marie-George Buffet s'est empressée de faire porter au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Cette fois, pas question d'arguer d'un quelconque faux. Les deux historiens, qui sont proches de la gauche communiste, sont « reconnus pour le sérieux de leurs travaux scientifiques ». Aussi le PCF dénonce-t-il des « propos antisémites tout à fait odieux » qui s'inscriraient dans une « stratégie injustifiable » menée toutefois « sous la pression de l'Internationale ». Et d'accabler prioritairement les « cadres dirigeants de l'URSS et de l'Internationale communiste », initiateurs d'une stratégie « heureusement abandonnée à partir d'août 1940 ».
Le PCF veut se dédouaner. il s'enfonce et reconnaît explicitement - pour la première fois ! - que les dirigeants français étaient totalement, absolument aux ordres de Moscou, quitte à trahir la France et à assassiner des Français ainsi que l'indique le passage sur les saboteurs qui ont été fusillés. En mai 1940 par exemple, plusieurs aviateurs français trouvèrent la mort à bord d'avions sortis des usines Farman qui avaient explosé en plein vol pour l'unique raison que des ouvriers communistes avaient sectionné une pièce de l'appareil. A quand une « repentance » du Parti communiste ?
Dans leur « déclaration d'intention » Duclos et Tréand se vantent d'ailleurs d'avoir œuvré... pour la victoire de l'Allemagne ! « Notre défense du pacte [germano-soviétique] vous a avantagé. Pour l'Urss, nous avons bien travaillé, par conséquent pour vous. » Et de développer une ahurissante dialectique : « En interdisant L'Huma, vous montrez que vous voulez combattre les classes ouvrières [...], que vous voulez combattre l'URSS à Paris » accompagnée de ces promesses tout aussi incroyables : « Nous prenons engagement ne pas faire l'éloge d'Hitler et de l'URSS mais rien contre vous. Prenons engag(ement] de nous taire [...] Nous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous »...
Un axe Paris-Berlin-Moscou sérieusement envisagé
Aux militants qui, le 18 juin, rechignaient à s'engager dans ce qu'il faut bien appeler la voie de la collaboration, en allant négocier de la sorte avec Otto Abetz, plénipotentiaire du ministère des Affaires étrangères auprès du commandement militaire en France - il sera nommé ambassadeur d'Allemagne en novembre 1940 -, Maurice Tréand aurait répondu : « Ce sont les ordres de la Maison. »
Denise Ginollin s'est bien rendue à la Kommandantur. Différents contacts avaient même été pris afin que, si une filière échoue, un autre canal de négociation soit prêt à être opérationnel. Le journaliste collaborationniste Jean Fontenoy avait été sollicité en ce sens. La reparution d'une Humanité ni pour ni contre Hitler devait être effective pour le 21 juin. Son arrestation par la police française retarda l'événement mais ne stoppa pas le processus.
Libérée sur ordres des Allemands, elle se retrouve, le 26 juin 1940, dans le bureau d'Abetz en compagnie notamment de Tréand et de Jean Catelas, membre du comité central du Parti. En sortant, ces derniers cosignent une lettre à Abetz. Les propos sont plus prudents mais ils promettent tout de même ceci : « L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre [...] L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable »... Un axe Paris-Berlin-Moscou en somme, dont l'invasion de l'Union soviétique par les troupes allemandes, le 22 juin 1941, ruinent tout espoir de concrétisation.
Après la Libération encore, le Parti communiste français faisait de l'adhésion pleine et entière au pacte germano-soviétique un élément d'appréciation majeur de bonne conduite des militants du Parti. Jusque dans les années cinquante, racontent Besse et Pennetier, « on demande aux militants : « Quelle a été votre position au moment de Munich » et « au moment du traité germano-soviétique » et on double la question « Quels sont les arguments que vous développez en face d'adversaires sur ces deux problèmes ? » »
« Certes, pourra-t-on lire dans le rapport du Xe congrès du PCF tenu à Paris en juin 1945, le travail réalisé par un camarade avant septembre 1939 ou après août 1944 doit être considéré comme très important. Toutefois, la fidélité envers la ligne politique se vérifiant plus particulièrement dans les moments dangereux, les éléments suivants sont déterminants : position d'août 1939 [... ] à juin 1940. » Ne manquait qu'un bilan politico-ethnique de l'action du « juif Mandel ».
Gabriel Giauque le Choc du Mois Janvier 2007
Juin 40, La Négociation secrète, par Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Les éditions de l'Atelier, 208 pages, 14,90 euros.
1). Son procès verbal d'interrogatoire par le commissaire Lafont est reproduit dans le tome 1 du Dictionnaire de la politique française d'Henry Coston.
2). Les passages entre crochets ont été ajoutés par Besse et Pennetier afin de rendre mieux compréhensible ce mémo où ne figurent parfois que des abréviations ou des initiales.
3). Nicolas Sarkozy lui a consacré une biographie : Georges Mandel, le moine de la politique (Grasset, 1994).
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