Carlus Magnus, « Charles le Grand » : ce surnom a donné Charlemagne. Pourtant, le qualificatif de «Grand» fut au moins aussi largement mérité par un autre Charles - le grand-père de Charlemagne, Charles Martel.
À l'abbaye d'Echternach, le moine chargé de noter dans un Calendrier les grands événements écrit : « Octobre 741, mort du roi Charles. » lapsus révélateur : le grand chef franc qui vient de mourir à Quierzy, dans la vallée de l'Oise, n'a jamais porté le titre de roi. Pourtant, sa dépouille est ensevelie à Saint-Denis, la nécropole des rois mérovingiens. C'est la meilleure preuve du fait que, sans porter la couronne, Charles Martel a bel et bien été un souverain, un chef du peuple.
Il connut des débuts très difficiles. Fils de Pépin d'Herstal et d'une concubine nommée Alpaide, il a reçu le nom de «Carl», nouveau dans l'anthroponymie de la Gaule et qui signifie « brave, valeureux ». Il va, tout au long de son existence, montrer qu'il mérite amplement un tel nom (les Francs avaient l'habitude de donner à leur fils des noms à consonance guerrière : ainsi Clodo-wech, qui devait donner Clovis puis Louis, signifiait « combat de gloire »). A la mort de son père qui, avec le titre de maire du palais, détenait la réalité du pouvoir, au nom du roi mérovingien, Carl prend le contrôle de l'Austrasie (partie nord-est du royaume franc, où se trouvent les grands domaines patrimoniaux du clan familial pippinide, dont est issu par son père le jeune Carl).
Carl ne veut pas se contenter de régner, comme ses aïeux, en Austrasie. Il veut aussi s'imposer en Neustrie. (la partie occidentale du royaume franc). C'est chose faite après de durs combats, qui soudent autour de lui une communauté guerrière composée de chefs de clans qui lui apportent la fidélité de combattants d'élite. Il sait s'attacher durablement ces hommes rudes en utilisant une institution, la vassalité, qui crée une solidarité entre guerriers et devait rester pendant de longs siècles un principe de base dans la société médiévale.
En échange du service armé de son vassal, le seigneur doit lui apporter une rétribution digne de lui. Dans le monde des Francs, la richesse c'est la terre. Carl distribue donc à ses hommes des terres. Mais Carl ne veut pas amoindrir son patrimoine familial. Il «emprunte» donc des terres au plus riche propriétaire foncier de l'époque, c'est-à-dire l'Eglise. En échange de ce procédé cavalier, il apporte à l'Eglise son appui, total, dans l'œuvre d'implantation qu'elle a entreprise en Frise, en Thuringe, en Bavière - toutes régions restées très rétives à l'égard de la christianisation.
Plus encore, Carl se fait le champion de la cause chrétienne face à l'Islam. Lorsqu'une armée arabo-berbère, venue d'Espagne, ravage l'Aquitaine, pillant et détruisant tout sur son passage, et vise la ville sanctuaire de Tours, Carl marche à sa rencontre et la détruit à Moussais, entre Poitiers et Tours. C'est, écrit un chroniqueur anonyme, la victoire des « gens d'Europe, des hommes du Nord » sur les envahisseurs musulmans.
C'est surtout à ce titre que devait passer à la postérité celui qui allait recevoir, dans ces textes du IXe siècle, le surnom de «Martel». C'est-à-dire celui qui frappe comme un marteau. Est-ce un hasard si, dans la mythologie germanique, le dieu de la guerre Thor, a pour arme préférée un marteau ?
P V National Hebdo du 16 au 22 octobre 1997
Pour approfondir : Pierre Riche, Dictionnaire des Francs, Bartillat, 1996.
À l'abbaye d'Echternach, le moine chargé de noter dans un Calendrier les grands événements écrit : « Octobre 741, mort du roi Charles. » lapsus révélateur : le grand chef franc qui vient de mourir à Quierzy, dans la vallée de l'Oise, n'a jamais porté le titre de roi. Pourtant, sa dépouille est ensevelie à Saint-Denis, la nécropole des rois mérovingiens. C'est la meilleure preuve du fait que, sans porter la couronne, Charles Martel a bel et bien été un souverain, un chef du peuple.
Il connut des débuts très difficiles. Fils de Pépin d'Herstal et d'une concubine nommée Alpaide, il a reçu le nom de «Carl», nouveau dans l'anthroponymie de la Gaule et qui signifie « brave, valeureux ». Il va, tout au long de son existence, montrer qu'il mérite amplement un tel nom (les Francs avaient l'habitude de donner à leur fils des noms à consonance guerrière : ainsi Clodo-wech, qui devait donner Clovis puis Louis, signifiait « combat de gloire »). A la mort de son père qui, avec le titre de maire du palais, détenait la réalité du pouvoir, au nom du roi mérovingien, Carl prend le contrôle de l'Austrasie (partie nord-est du royaume franc, où se trouvent les grands domaines patrimoniaux du clan familial pippinide, dont est issu par son père le jeune Carl).
Carl ne veut pas se contenter de régner, comme ses aïeux, en Austrasie. Il veut aussi s'imposer en Neustrie. (la partie occidentale du royaume franc). C'est chose faite après de durs combats, qui soudent autour de lui une communauté guerrière composée de chefs de clans qui lui apportent la fidélité de combattants d'élite. Il sait s'attacher durablement ces hommes rudes en utilisant une institution, la vassalité, qui crée une solidarité entre guerriers et devait rester pendant de longs siècles un principe de base dans la société médiévale.
En échange du service armé de son vassal, le seigneur doit lui apporter une rétribution digne de lui. Dans le monde des Francs, la richesse c'est la terre. Carl distribue donc à ses hommes des terres. Mais Carl ne veut pas amoindrir son patrimoine familial. Il «emprunte» donc des terres au plus riche propriétaire foncier de l'époque, c'est-à-dire l'Eglise. En échange de ce procédé cavalier, il apporte à l'Eglise son appui, total, dans l'œuvre d'implantation qu'elle a entreprise en Frise, en Thuringe, en Bavière - toutes régions restées très rétives à l'égard de la christianisation.
Plus encore, Carl se fait le champion de la cause chrétienne face à l'Islam. Lorsqu'une armée arabo-berbère, venue d'Espagne, ravage l'Aquitaine, pillant et détruisant tout sur son passage, et vise la ville sanctuaire de Tours, Carl marche à sa rencontre et la détruit à Moussais, entre Poitiers et Tours. C'est, écrit un chroniqueur anonyme, la victoire des « gens d'Europe, des hommes du Nord » sur les envahisseurs musulmans.
C'est surtout à ce titre que devait passer à la postérité celui qui allait recevoir, dans ces textes du IXe siècle, le surnom de «Martel». C'est-à-dire celui qui frappe comme un marteau. Est-ce un hasard si, dans la mythologie germanique, le dieu de la guerre Thor, a pour arme préférée un marteau ?
P V National Hebdo du 16 au 22 octobre 1997
Pour approfondir : Pierre Riche, Dictionnaire des Francs, Bartillat, 1996.
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