Une belge au service de l'Autriche (suite)
La marquise de Villeneuve Arrifat voit passer sous ses balcons ces hordes canailles, armées de pics, de faux, de rasoirs emmanchés au bout des bâtons.
Elle est stupéfaite. Est-ce possible? La plus belle ville du monde, la plus civilisée, la plus policée envahie par les barbares, hurlant, les yeux fous, la mousse aux lèvres.
Le carnaval de la terreur n'a attendu ni la Terreur, ni le Père Duchêne pour exister. Dès 89, tandis que les esprits éclairés, jouaient à savoir s'ils se compteraient par têtes ou par ordre, la marée noire baragouinant un sabir venu de tous les bas quartiers d'Europe a couru aux prisons, aux dépôts d'armes, aux magasins et aux couvents. La main sûre qui dirige n'oublie jamais l'Église. Ainsi, le 13 juillet, la veille de la Bastille, le couvent des Lazaristes a été mis à sac. Tout y a été démoli, arraché, détruit ou emporté ! Les portes ont été enfoncées et brisées à coups de hache. Les tableaux, les livres de la bibliothèque, les souvenirs de Saint-Vincent de Paul sont volés. Trente religieux sans armes ni défense sont massacrés. Saint-Just assiste au carnage. Il défaille. Au milieu des cris de joie et de fureur, des sans-culottes passent en portant, au bout d'une pique, un cœur sanglant entouré d'œillets blancs. Plus tard, Saint-Just s'aguerrira. Il déclarera à la Convention: « Pour constituer la République, il faut la destruction totale de tout ce qui lui est opposé! Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres ». Mais cela ne suffit pas à Hébert, ni à Papa Pache.Ils jugent Saint-Just et Robespierre timorés. Ils poussent aux crimes. Guerre aux accapareurs. Guerre aux aristocrates. Guerre aux tyrans. Guerre aux curés. A mort. A mort. C'est Ubu Républicain.
Pourquoi ce délire? Pour Pache, on croit le savoir. Ce Suisse est aussi un agent anglais, payé par Pitt. La note est dans Aulard. Arrêté en même temps qu'Hébert, il échappe à la guillotine qui décolla le Père Duchêne? Pourquoi? Sans doute grâce à la puissance du syndicat international Pouget de Saint-André avance! Très riche Papa Pache avait acheté une abbaye et un vaste domaine à Thin-le-Moutiers, dans les Ardennes. Il y passa une vieillesse paisible en herborisant. Il mourut le 18 novembre 1823, trente ans après la plupàrt des Français qu'il avait contribué à assassiner.
Après les Suisses, les Belges. Desfieux, le copain de Lazowski, avait quitté la Belgique pour s'établir à Bordeaux dans le commerce des vins. Dès le printemps 89, il monte à Paris. Que va-t-il y faire? Il le raconte lui-même: « Le 12 juillet, j'apportai la nouvelle du renvoi de Necker au Palais-Royal et j'y excitai aussitôt à s'armer contre la Cour... Le 13, je fus un des premiers à me rendre à l'église des Petits-Pères.
J'y donnai le mode d'enrôlement pour former la garde nationale, ce mode fut adopté. Le 14, je me trouvai à la Bastille et partout où un patriote devait se trouver... Des affaires m'appelèrent à Bordeaux. J'y prêchai la Révolution. J'y formai une Société populaire connue sous le nom de Club du Café National... Je partis sur l'invitation de la municipalité de Toulouse pour y établir une société populaire... Ma réputation de patriote me fit admettre à la société des Jacobins ... Je fus un des premiers à dénoncer les Brissotins, les Rolandins, les Girondins »
Ce beau zèle le signale. Les Jacobins font de Desfieux leur trésorier. Le voici membre du Comité Révolutionnaire. Bouchotte (ministre de la Guerre) lui confie une mission en Suisse Vice-président des amis de la liberté, Desfieux exige l'exécution de Louis XVI. Mais en même temps, il manigance avec le Baron de Batz qui essaye de sauver le Roi. On le décrit pourtant comme « coquin, voleur, banqueroutier, mais bon patriote ». Patriote belge, sans doute?
Belge comme la belle Liégeoise, Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de Mericourt, fille de cultivateur de Marcourt, dans le Luxembourg belge, enfuie de chez elle à 17 ans pour courir l'Europe galante, petite chanteuse mais grande courtisane. On la trouve à Vienne, à Gênes, à Londres où elle aurait été la maîtresse du Roi d'Angleterre. A Paris enfin, elle tient salon rue de Tournon. Romme (l'inventeur du calendrier), Danton, Mirabeau, l'Abbé Sieyès sont à ses pieds. Elle est l'archiviste du club des Amis de la loi, puis une oratrice appréciée du Club des Cordeliers. Vêtue en amazone rouge, coiffée d'un chapeau à plumes, une paire de pistolets et un sabre à la ceinture, elle est aux Tuileries le 10 août. Elle harangue la foule. Elle excite au massacre des Suisses. Soudain, dans un remous, elle reconnaît un visage. Elle le désigne du doigt. Elle crie :
- Arrêtez-le! C'est un traître ! C'est un immigré! C'est Suleau.
François Suleau, journaliste royaliste, déçu par l'immigration, avait eu le courage de revenir à Paris. Dans son journal il se moquait souvent de l'Amazone de la Révolution. La belle Liégeoise tient sa vengeance. Le malheureux est entouré, frappé à coups de piques et de serpes, dépecé et bientôt, sa tête est plantée dans le fer d'une pique et promenée, comme un trophée, à la mode du jour.
A son tour, Suleau sera vengé. Le 31 mai 1793, sur la terrasse des Feuillants, Théroigne de Méricourt veut défendre Brissot. Une meute de poissardes la saisissent. Elles la fouettent jusqu'à ce que la peau éclate. La belle Liégeoise en devient folle. Elle est internée à la Salpêtrière où elle mourut en 1817.
Certains historiens croient qu'elle travaillait pour le Chancelier d'Autriche Kaunitz.
Encore un Belge, François Robert, né à Gimnée (Namur) en 1762, mort à Bruxelles en 1826 ce qui ne l'empêche pas d'être élu à la Convention. Il vote la mort du Roi et soutient même que tout Français a le droit d'assassiner Louis XVI. Cela ne choque pas qu'un Belge puisse trancher ainsi des affaires et des têtes françaises. Danton en fait son secrétaire au ministère de la Justice, ce qui permet à Robert de trafiquer dans les denrées coloniales.
François Brigneau National Hebdo du 24 au 30 septembre 1987
La marquise de Villeneuve Arrifat voit passer sous ses balcons ces hordes canailles, armées de pics, de faux, de rasoirs emmanchés au bout des bâtons.
Elle est stupéfaite. Est-ce possible? La plus belle ville du monde, la plus civilisée, la plus policée envahie par les barbares, hurlant, les yeux fous, la mousse aux lèvres.
Le carnaval de la terreur n'a attendu ni la Terreur, ni le Père Duchêne pour exister. Dès 89, tandis que les esprits éclairés, jouaient à savoir s'ils se compteraient par têtes ou par ordre, la marée noire baragouinant un sabir venu de tous les bas quartiers d'Europe a couru aux prisons, aux dépôts d'armes, aux magasins et aux couvents. La main sûre qui dirige n'oublie jamais l'Église. Ainsi, le 13 juillet, la veille de la Bastille, le couvent des Lazaristes a été mis à sac. Tout y a été démoli, arraché, détruit ou emporté ! Les portes ont été enfoncées et brisées à coups de hache. Les tableaux, les livres de la bibliothèque, les souvenirs de Saint-Vincent de Paul sont volés. Trente religieux sans armes ni défense sont massacrés. Saint-Just assiste au carnage. Il défaille. Au milieu des cris de joie et de fureur, des sans-culottes passent en portant, au bout d'une pique, un cœur sanglant entouré d'œillets blancs. Plus tard, Saint-Just s'aguerrira. Il déclarera à la Convention: « Pour constituer la République, il faut la destruction totale de tout ce qui lui est opposé! Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres ». Mais cela ne suffit pas à Hébert, ni à Papa Pache.Ils jugent Saint-Just et Robespierre timorés. Ils poussent aux crimes. Guerre aux accapareurs. Guerre aux aristocrates. Guerre aux tyrans. Guerre aux curés. A mort. A mort. C'est Ubu Républicain.
Pourquoi ce délire? Pour Pache, on croit le savoir. Ce Suisse est aussi un agent anglais, payé par Pitt. La note est dans Aulard. Arrêté en même temps qu'Hébert, il échappe à la guillotine qui décolla le Père Duchêne? Pourquoi? Sans doute grâce à la puissance du syndicat international Pouget de Saint-André avance! Très riche Papa Pache avait acheté une abbaye et un vaste domaine à Thin-le-Moutiers, dans les Ardennes. Il y passa une vieillesse paisible en herborisant. Il mourut le 18 novembre 1823, trente ans après la plupàrt des Français qu'il avait contribué à assassiner.
Après les Suisses, les Belges. Desfieux, le copain de Lazowski, avait quitté la Belgique pour s'établir à Bordeaux dans le commerce des vins. Dès le printemps 89, il monte à Paris. Que va-t-il y faire? Il le raconte lui-même: « Le 12 juillet, j'apportai la nouvelle du renvoi de Necker au Palais-Royal et j'y excitai aussitôt à s'armer contre la Cour... Le 13, je fus un des premiers à me rendre à l'église des Petits-Pères.
J'y donnai le mode d'enrôlement pour former la garde nationale, ce mode fut adopté. Le 14, je me trouvai à la Bastille et partout où un patriote devait se trouver... Des affaires m'appelèrent à Bordeaux. J'y prêchai la Révolution. J'y formai une Société populaire connue sous le nom de Club du Café National... Je partis sur l'invitation de la municipalité de Toulouse pour y établir une société populaire... Ma réputation de patriote me fit admettre à la société des Jacobins ... Je fus un des premiers à dénoncer les Brissotins, les Rolandins, les Girondins »
Ce beau zèle le signale. Les Jacobins font de Desfieux leur trésorier. Le voici membre du Comité Révolutionnaire. Bouchotte (ministre de la Guerre) lui confie une mission en Suisse Vice-président des amis de la liberté, Desfieux exige l'exécution de Louis XVI. Mais en même temps, il manigance avec le Baron de Batz qui essaye de sauver le Roi. On le décrit pourtant comme « coquin, voleur, banqueroutier, mais bon patriote ». Patriote belge, sans doute?
Belge comme la belle Liégeoise, Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de Mericourt, fille de cultivateur de Marcourt, dans le Luxembourg belge, enfuie de chez elle à 17 ans pour courir l'Europe galante, petite chanteuse mais grande courtisane. On la trouve à Vienne, à Gênes, à Londres où elle aurait été la maîtresse du Roi d'Angleterre. A Paris enfin, elle tient salon rue de Tournon. Romme (l'inventeur du calendrier), Danton, Mirabeau, l'Abbé Sieyès sont à ses pieds. Elle est l'archiviste du club des Amis de la loi, puis une oratrice appréciée du Club des Cordeliers. Vêtue en amazone rouge, coiffée d'un chapeau à plumes, une paire de pistolets et un sabre à la ceinture, elle est aux Tuileries le 10 août. Elle harangue la foule. Elle excite au massacre des Suisses. Soudain, dans un remous, elle reconnaît un visage. Elle le désigne du doigt. Elle crie :
- Arrêtez-le! C'est un traître ! C'est un immigré! C'est Suleau.
François Suleau, journaliste royaliste, déçu par l'immigration, avait eu le courage de revenir à Paris. Dans son journal il se moquait souvent de l'Amazone de la Révolution. La belle Liégeoise tient sa vengeance. Le malheureux est entouré, frappé à coups de piques et de serpes, dépecé et bientôt, sa tête est plantée dans le fer d'une pique et promenée, comme un trophée, à la mode du jour.
A son tour, Suleau sera vengé. Le 31 mai 1793, sur la terrasse des Feuillants, Théroigne de Méricourt veut défendre Brissot. Une meute de poissardes la saisissent. Elles la fouettent jusqu'à ce que la peau éclate. La belle Liégeoise en devient folle. Elle est internée à la Salpêtrière où elle mourut en 1817.
Certains historiens croient qu'elle travaillait pour le Chancelier d'Autriche Kaunitz.
Encore un Belge, François Robert, né à Gimnée (Namur) en 1762, mort à Bruxelles en 1826 ce qui ne l'empêche pas d'être élu à la Convention. Il vote la mort du Roi et soutient même que tout Français a le droit d'assassiner Louis XVI. Cela ne choque pas qu'un Belge puisse trancher ainsi des affaires et des têtes françaises. Danton en fait son secrétaire au ministère de la Justice, ce qui permet à Robert de trafiquer dans les denrées coloniales.
François Brigneau National Hebdo du 24 au 30 septembre 1987
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