jeudi 26 novembre 2015
mercredi 25 novembre 2015
« Quand la science se fait propagande », par Jean-Gérard Lapacherie
« Les races n’existent pas ». C’est ce que, selon un journaliste du Point, démontrerait la Galerie de l’Homme, inaugurée en octobre 2015. Certes, mais les races ont existé, sinon dans la réalité, du moins dans la science, et la Galerie ne dit pas qui les a inventées ou dans quel but cela a été fait. Quoi qu’il en soit, si les races n’existent pas, la propagande en faveur de la non-existence des races, elle, existe, plus vivace que jamais, au point que l’on peut se demander si ce qui est montré est la non-existence des races ou leur banale existence, car la propagande a pour seule règle la dénégation, laquelle consiste à nier ce qui est avéré.
Il est révélateur que ce lieu ait été nommé galerie. Une galerie, dans un palais ou un édifice d’importance, est un « lieu de promenade à couvert » et un lieu d’apparat, de montre, d‘ostension et d’ostentation, comme la Galerie des Glaces à Versailles ou d’autres galeries à Florence ou à Fontainebleau ou, dans un ordre scientifique, la Galerie de l’Evolution du Muséum d’Histoire Naturelle, le Musée de l’Homme étant justement un musée de ce Muséum prestigieux. De fait, les visiteurs sont invités à déambuler devant des vitrines ou des panneaux placés sur toute la longueur de l’aile ouest du Palais de Chaillot et sur trois niveaux, chaque niveau correspondant à une des trois questions qui organisent l’exposition : Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Une admirable scénographie transforme l’exposition de fossiles, de moulages, d’artefacts anciens, de documents ethnographiques en spectacle pour le plaisir des yeux et de l’intelligence. Certaines vitrines sont exceptionnelles : ainsi la faune du paléolithique avec des animaux empaillés grandeur nature (rennes, cheval de Prjevalski, loup, crâne et défense de mammouth laineux) ; les outils ; les armes de chasse, l’utilisation qui en était faite et les techniques de fabrication ; les rites funéraires ; les moulages en cire de centaines de têtes humaines montrant la diversité des traits du visage, de la couleur des cheveux, du teint de la peau ; l’art pariétal. Si l’exposition s’en était tenue là, elle aurait été parfaite. Mais ses concepteurs ont cru bon d’y ajouter des discours, visant à distinguer le bien du mal. La déambulation à laquelle les visiteurs sont conviés se transforme en audition d’un grand sermon ou en lecture d’une épopée de l’Homme (avec un H majuscule, évidemment) des origines à nos jours. Tout est bavard, prolixe, hâbleur : la Galerie ne se contente pas de montrer ou de mettre en scène, elle patauge dans le verbiage. On se croirait sur les trottoirs des grands boulevards les jours de soldes.
C’est que cette Galerie repose tout entière sur un impensé, qui est au cœur de la Science de l’Homme et de l’histoire des disciplines qui sont à l’origine du Musée de l’Homme : anthropologie et ethnographie. Dans le cadre de ces disciplines a été inventé le concept de race, signifiant « lignée » en français et n’ayant jamais eu de sens dangereux, et cela afin de rendre compte de l’infinie diversité des hommes. Les savants du XIXe siècle ont ouvert la boîte de Pandore du racisme, en classant les hommes, c’est-à-dire en les répartissant dans des « classes », en fonction de la forme de leur crâne, de la couleur de leurs cheveux, du teint de leur peau, de l’angle de leur sphénoïde. Tout classement est ambivalent. Il est typologie ou taxinomie, ce en quoi il est bénin, mais aussi mise en ordre dans une hiérarchie, des meilleurs ou moins bons. Classer n’est pas nécessairement criminel, mais a pu le devenir quand des peuples, armés ou non, se sont déplacés vers des territoires où, depuis la nuit des temps, s’étaient établis d’autres peuples (Australie, Nouvelle-Zélande, Arménie, Amérique, Yiddishland d‘Europe de l‘Est) qui ont été exterminés lentement ou brutalement, par exemple avec des moyens industriels. On comprend que les anthropologues, préhistoriens, ethnologues aient rompu avec les errements de leurs prédécesseurs. Ils auraient pu, pour montrer l’abîme qui les sépare des fondateurs de leurs disciplines, consacrer une ou deux vitrines à l’invention des races. Les discours qui scandent la déambulation couvrent ce passé sulfureux : surtout que personne ne le voie. Un même message est sans cesse répété : il y a une seule espèce ou « une seule humanité, une et indivisible », comme l’est la république ou, sous d’autres cieux, Allah. Le nom humanité, qui désigne une propriété, est employé dans un sens collectif. Par définition, l’humanité est une et indivisible. Ce n’est plus le vocabulaire de la science auquel recourent les concepteurs de la Galerie, mais celui de la politique ou de la religion : « Il y a deux millions d’années, les hommes sortent d’Afrique » (laquelle n’avait pas d’existence pour ces nomades). La métaphore de la sortie est tirée de l’Histoire Sainte : les hommes sortent d’Afrique, comme les Hébreux sont sortis d’Egypte.
L’unité affirmée dans les discours est sans cesse démentie par ce qui est montré et par ce qui est dit. L’humanité est composée d’êtres humains divers. Comment nommer cette diversité ? Tantôt, c’est « cultures », tantôt « langues », tantôt « sociétés », tantôt « groupes humains ». Dans un discours, il est dit « notre lignée » pour désigner l’espèce humaine. Or, « lignée » est le sens premier du nom race. Le discours associe des contraires. Les hommes sont, est-il écrit sur un panneau, « si différents et si semblables », à la fois dans le temps et dans l’espace. Comment concilier différence et ressemblance ? Il suffit de placer la conjonction de coordination et entre les deux termes antithétiques et le tour est joué, d’autant plus qu’un sujet tragique est soigneusement évité, même s’il est nommé : la disparition des hommes de Neandertal sur le territoire de l’actuelle Europe. Une espèce qui était parfaitement adaptée à son environnement a disparu en quelques dizaines de milliers d’années. Disparition ou extermination ? Le fait est que la disparition est concomitante de l’arrivée sur ce territoire d’une nouvelle espèce, celle des Sapiens Sapiens. Mais la question est éludée. Les concepteurs de la Galerie qui ont réponse à tout sur des hommes ayant vécu il y deux millions d’années sont étrangement silencieux sur des faits qui, à l’échelle des temps de la préhistoire, sont nos contemporains : qu’est-ce que 40.000 ans pour une espèce qui est vieille de 4 ou 5 ou 7 millions d’années ?
La propagande atteint son acmé dans la signification qui est donnée à la galerie et que résument les trois questions « Qui sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? », « Où allons-nous ? », que l’on croyait réservées aux potaches s’initiant à la philosophie ou aux élucubrations d’un peintre tenté par une vague mystique occulte, d’autant plus que la réponse à la dernière des trois questions tient de la bouffonnerie. Si l’on en croit ce qui nous est montré, nous allons tous vers la COP21 en taxi brousse bariolé, un lourd véhicule qui doit consommer plus de 20 livres de carburant à l’heure. Que vient faire The 21st Conference of the Partiesau Musée de l’Homme ? Ce n’est pas la science qui parle, c’est la propagande : elle ne parle pas, elle s’égosille, quitte à transformer un « musée laboratoire » en caisse de résonance d’un gouvernement aux abois. Cette comédie est d’autant plus sinistre que la réalité est édulcorée. Soit la mondialisation. Elle a commencé, est-il expliqué sur des panneaux, au XVIe siècle et elle s’accélère depuis un demi-siècle. Cette affirmation relève de la profession de foi. La mondialisation suppose une diversité de mondes, de cultures, de civilisations, de sociétés, d’êtres humains. La « mondialisation » actuelle est une globalisation. Le monde n’est plus qu’un bloc homogène en passe de s’uniformiser. Avec la « globalisation », il n’y a plus qu’un seul marché, un et indivisible : tout se vend et tout s’achète au millionième de seconde et où que l’on soit. La globalisation, et les règles financières, commerciales, économiques élaborées grâce au « consensus de Paris » (Delors, Trichet, Camdessus, Lamy, Hollande, Chavransky, etc.) abolissent l’espace et le temps et, en fin de compte, rendent caduc ce qui est montré dans la Galerie de l’Homme. De même, il est à peine fait allusion à la « démographie galopante », qui, elle aussi, menace de rendre caduque la notion même d’Homme. Le nom homme au singulier n’a plus guère de sens quand les hommes se multiplient à l’infini, partout dans le monde, détruisant le cadre de vie dans lequel ils ont évolué pendant quatre ou cinq millions d’années. La population de la France a doublé en deux siècles, celle du monde a été multipliée par plus de 7. Si elle n’avait que doublé, la planète compterait deux milliards d’êtres humains. Le gaspillage des ressources, les déchets, la pollution des océans, les animaux transformés en réserves de protéines, tout cela n’existerait pas, du moins pas à un tel degré de virulence. Où allons-nous, sinon vers l’extinction des espèces animales, la raréfaction des ressources, la destruction de l’environnement ? Le destin de Neandertal menace Sapiens. Or tout cela est caché par des mises en garde dérisoires contre les douches et les bains qui consomment trop d’eau.
Ce qui, plus encore que les discours, relève de l’idéologie, ce sont les formes. L’expression verbale se ramène à un enchaînement d’éléments de langage obligés, de formes sclérosées, des mêmes mots que l’on retrouve dans les devoirs d’élèves de classe de 3e ou les papiers bâclés de journalistes, de fautes de français (à propos de l’art pariétal, il est écrit en lettres lumineuses que des styles différents « se sont succédés » [au lieu de succédé] en 25000 ans). Ces indices sont éloquents. C’est l’idéologie (ou la propagande) qui parle. Le Musée de l’Homme est l’un des quatre ou cinq musées réunis dans l’immense Palais de Chaillot. Ce bâtiment, construit dans les années 1930, est classé. On en comprend les raisons : la rigueur des lignes, l’ampleur des masses et surtout la singularité de l’architecture. Il n’y a pas beaucoup d’édifices en France qui relèvent de ce style « moderne », et cela sur une colline qui domine Paris, ville qui, en 1937, était la capitale d’un empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait jamais et d’une République qui se croyait universelle. En Italie ou en Russie, on qualifierait cette architecture de « mussolinienne », de « fasciste » ou de « communiste », La Galerie de l’Homme est à l’image de cette architecture : elle célèbre la parousie de l’Homme, son arrogance, sa supériorité sur le monde naturel qu’il a totalement « arraisonné », sa démesure. La Science de l’Homme n’est pas modeste ; le doute ne l’habite pas ; elle fait la propagande d’une idéologie, exactement comme à la fin du XIXe siècle cette même science a célébré la diversité des êtres humains en les répartissant en races.
LES CROISADES, CE QU’IL FAUT SAVOIR…
.Les croisades ? Un des plus grands péchés de l’Eglise, le mal absolu, une sorte de guerre sainte islamiste version chrétienne obscurantiste moyenâgeuse, avec plus de femmes et d’enfants brûlés vifs parce qu’il ne voulait pas endosser le catholicisme déjà intégriste ? Halte au mythe ! Arrêtons tout de suite ce délire contemporain.
http://www.actionroyaliste.com/
http://www.actionroyaliste.com/
mardi 24 novembre 2015
lundi 23 novembre 2015
dimanche 22 novembre 2015
L’Amérique du sud a été peuplée il y a 15.000 ans
Selon les nouvelles informations reçues grâce aux fouilles archéologiques récentes, les chercheurs ont pu estimer que l’Amérique du sud avait été peuplée par les hommes il y a près de 15.000 ans. Les résultats archéologiques ont été rendus publics dans la revue PloS One.
Des fouilles archéologiques ont été effectuées au Monte-Verde, dans le sud du Chili. Les chercheurs ont retrouvé des outils en pierre, ainsi que des restes d'animaux cuisinés et des restes végétaux. Tout cela montre la présence d'hommes à cette époque.
Selon l'auteur de la découverte, une grande partie des pièces retrouvées étaient faites de matériaux en provenance d'autres endroits en Amérique du sud. Parmi les pièces retrouvées, les chercheurs ont pu distinguer des os de grands mammifères.
Il y a près de 40 ans, les scientifiques se sont mis d'accord sur l'idée que l'Amérique du sud avait reçu ses premiers habitants, notamment des nomades d'origine asiatique, il y a près de 13.000 ans. Les chercheurs liaient leur apparition à une culture précise. Ces nouvelles fouilles archéologiques ont permis de découvrir des traces d'une communauté plus ancienne. Ses habitants travaillaient les outils d'une autre façon.
http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20151121/1019708535/amerique-sud-peuplee.html
http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20151121/1019708535/amerique-sud-peuplee.html
Gabriele D’Annunzio : «Entre la lumière d’Homère et l’ombre de Dante»
« En quelque sorte, un dialogue d'esprit, une provocation, un appel... »
Friedrich Nietzsche
Né en 1863, à Pescara, sur les rivages de l'Adriatique, D'Annunzio sera le plus glorieux des jeunes poètes de son temps. Son premier recueil paraît en 1878, inspiré des Odes Barbares de Carducci. Dans L'Enfant de volupté, son premier roman, qu'il publie à l'âge de vingt-quatre ans, l'audace immoraliste affirme le principe d'une guerre sans merci à la médiocrité. Chantre des ardeurs des sens et de l'Intellect, D'Annunzio entre dans la voie royale de l'Art dont l'ambition est de fonder une civilisation neuve et infiniment ancienne.
Le paradoxe n'est qu'apparent. Ce qui échappe à la logique aristotélicienne rejoint une logique nietzschéenne, toute flamboyante du heurt des contraires. Si l'on discerne les influences de Huysmans, de Baudelaire, de Gautier, de Flaubert ou de Maeterlinck, il n'en faut pas moins lire les romans, tels que Triomphe de la Mort ou Le Feu, comme de vibrants hommages au pressentiment nietzschéen du Surhomme.
Il n'est point rare que les toutes premières influences d'un auteur témoignent d'une compréhension plus profonde que les savants travaux qui s'ensuivent. Le premier livre consacré à Nietzsche (celui de Daniel Halévy publié en 1909 ) est aussi celui qui d'emblée évite les mésinterprétations où s'embrouilleront des générations de commentateurs. L'écrivain D'Annunzio, à l'instar d'Oscar Wilde ou de Hugues Rebell, demeurera plus proche de la pensée de Nietzsche,- alors même qu'il ignore certains aspects de l'œuvre,- que beaucoup de spécialistes, précisément car il inscrit l'œuvre dans sa propre destinée poétique au lieu d'en faire un objet d'études méthodiques.
On mesure mal à quel point la rigueur méthodique nuit à l'exactitude de la pensée. Le rigorisme du système explicatif dont usent les universitaires obscurcit leur entendement aux nuances plus subtiles, aux éclats brefs, aux beaux silences. « Les grandes idées viennent sur des pattes de colombe » écrivait Nietzsche qui recommandait aussi à son ami Peter Gast un art de lire bien oublié des adeptes des « méthodes critiques »: « Lorsque l'exemplaire d'Aurores vous arrivera en mains, allez avec celui-ci au Lido, lisez le comme un tout et essayez de vous en faire un tout, c'est-à-dire un état passionnel ».
L'influence de Nietzsche sur D'Annunzio, pour n'être pas d'ordre scolaire ou scolastique, n'en est pas pour autant superficielle. D'Annunzio ne cherche point à conformer son point de vue à celui de Nietzsche sur telle ou telle question d'historiographie philosophique, il s'exalte, plus simplement, d'une rencontre. D'Annunzio est « nietzschéen » comme le sera plus tard Zorba le Grec. Par les amours glorieuses, les combats, les défis de toutes sortes, D'annunzio poursuit le Songe ensoleillé d'une invitation au voyage victorieuse de la mélancolie baudelairienne.
L'enlèvement de la jeune duchesse de Gallese, que D'Annunzio épouse en 1883 est du même excellent aloi que les pièces de l'Intermezzo di Rime, qui font scandale auprès des bien-pensants. L'œuvre entière de D'Annunzio, si vaste, si généreuse, sera d'ailleurs frappée d'un interdit épiscopal dont la moderne suspicion, laïque et progressiste est l'exacte continuatrice. Peu importe qu'ils puisent leurs prétextes dans le Dogme ou dans le « Sens de l'Histoire », les clercs demeurent inépuisablement moralisateurs.
Au-delà des polémiques de circonstance, nous lisons aujourd'hui l'œuvre de D'Annunzio comme un rituel magique, d'inspiration présocratique, destiné à éveiller de son immobilité dormante cette âme odysséenne, principe de la spiritualité européenne en ses aventures et créations. La vie et l'œuvre, disions-nous, obéissent à la même logique nietzschéenne,- au sens ou la logique, désentravée de ses applications subalternes, redevient épreuve du Logos, conquête d'une souveraineté intérieure et non plus soumission au rationalisme. Par l'alternance des formes brèves et de l'ampleur musicale du chant, Nietzsche déjouait l'emprise que la pensée systématique tend à exercer sur l'Intellect.
De même, D'Annunzio, en alternant formes théâtrales, romanesques et poétiques, en multipliant les modes de réalisation d'une poésie qui est , selon le mot de Rimbaud, « en avant de l'action » va déjouer les complots de l'appesantissement et du consentement aux formes inférieures du destin, que l'on nomme habitude ou résignation.
Ce que D'Annunzio refuse dans la pensée systématique, ce n'est point tant la volonté de puissance qu'elle manifeste que le déterminisme auquel elle nous soumet. Alors qu'une certaine morale « chrétienne » - ou prétendue telle - n'en finit plus de donner des lettres de noblesse à ce qui, en nous, consent à la pesanteur, la morale d’annunzienne incite aux ruptures, aux arrachements, aux audaces qui nous sauveront de la déréliction et de l'oubli. Le déterminisme est un nihilisme. La « liberté » qu'il nous confère est, selon le mot de Bloy « celle du chien mort coulant au fil du fleuve ».
Cette façon d’annunzienne de faire sienne la démarche de Nietzsche par une méditation sur le dépassement du nihilisme apparaît rétrospectivement comme infiniment plus féconde que l'étude, à laquelle les universitaires français nous ont habitués, de « l'anti-platonisme » nietzschéen,- lequel se réduit, en l'occurrence, à n'être que le faire valoir théorique d'une sorte de matérialisme darwiniste, comble de cette superstition « scientifique » que l'œuvre de Nietzsche précisément récuse: « Ce qui me surprend le plus lorsque je passe en revue les grandes destinées de l'humanité, c'est d'avoir toujours sous les yeux le contraire de ce que voient ou veulent voir aujourd'hui Darwin et son école. Eux constatent la sélection en faveur des êtres plus forts et mieux venus, le progrès de l'espèce. Mais c'est précisément le contraire qui saute aux yeux: la suppression des cas heureux, l'inutilité des types mieux venus, la domination inévitable des types moyens et même de ceux qui sont au-dessous de la moyenne... Les plus forts et les plus heureux sont faibles lorsqu'ils ont contre eux les instincts de troupeaux organisés, la pusallinimité des faibles et le grand nombre. »
Le Surhomme que D'Annunzio exalte n'est pas davantage l'aboutissement d'une évolution que le fruit ultime d'un déterminisme heureux. Il est l'exception magnifique à la loi de l'espèce. Les héros duTriomphe de la Mort ou du Feu sont des exceptions magnifiques. Hommes différenciés, selon le mot d'Evola, la vie leur est plus difficile, plus intense et plus inquiétante qu'elle ne l'est au médiocre. Le héros et le poète luttent contre ce qui est, par nature, plus fort qu'eux. Leur art instaure une légitimité nouvelle contre les prodigieuses forces adverses de l'état de fait. Le héros est celui qui comprend l'état de fait sans y consentir. Son bonheur est dans son dessein. Cette puissance créatrice,- qui est une ivresse,- s'oppose aux instincts du troupeau, à la morale de l'homme bénin et utile.
Les livres de D'Annunzio sont l'éloge des hautes flammes des ivresses. D'Annunzio s'enivre de désir, de vitesse, de musique et de courage car l'ivresse est la seule arme dont nous disposions contre le nihilisme. Le mouvement tournoyant de la phrase évoque la solennité, les lumières de Venise la nuit, l'échange d'un regard ou la vitesse physique du pilote d'une machine (encore parée, alors, des prestiges mythologiques de la nouveauté). Ce qui, aux natures bénignes, paraît outrance devient juste accord si l'on se hausse à ces autres états de conscience qui furent de tous temps la principale source d'inspiration des poètes. Filles de Zeus et de Mnémosyne, c'est-à-dire du Feu et de la Mémoire, les Muses Héliconiennes, amies d'Hésiode, éveillent en nous le ressouvenir de la race d'ordont les pensées s'approfondissent dans les transparences pures de l'Ether !
« Veut-on, écrit Nietzsche, la preuve la plus éclatante qui démontre jusqu'où va la force transfiguratrice de l'ivresse ?- L'amour fournit cette preuve, ce qu'on appelle l'amour dans tous les langages, dans tous les silences du monde. L'ivresse s'accommode de la réalité à tel point que dans la conscience de celui qui aime la cause est effacée et que quelque chose d'autre semble se trouver à la place de celle-ci,- un scintillement et un éclat de tous les miroirs magiques de Circé... »
Cette persistante mémoire du monde grec, à travers les œuvres de Nietzsche et de D'Annunzio nous donne l'idée de cette connaissance enivrée que fut, peut-être, la toute première herméneutique homérique dont les œuvres hélas disparurent avec la bibliothèque d'Alexandrie. L'Ame est tout ce qui nous importe. Mais est-elle l'otage de quelque réglementation morale édictée par des envieux ou bien le pressentiment d'un accord profond avec l'Ame du monde ? « Il s'entend, écrit Nietzsche, que seuls les hommes les plus rares et les mieux venus arrivent aux joies humaines les plus hautes et les plus altières, alors que l'existence célèbre sa propre transfiguration: et cela aussi seulement après que leurs ancêtres ont mené une longue vie préparatoire en vue de ce but qu'ils ignoraient même. Alors une richesse débordante de forces multiples, et la puissance la plus agile d'une volonté libre et d'un crédit souverains habitent affectueusement chez un même homme; l'esprit se sent alors à l'aise et chez lui dans les sens, tout aussi bien que les sens sont à l'aise et chez eux dans l'esprit. » Que nous importerait une Ame qui ne serait point le principe du bonheur le plus grand, le plus intense et le plus profond ? Evoquant Goethe, Nietzsche précise : « Il est probable que chez de pareils hommes parfaits, et bien venus, les jeux les plus sensuels sont transfigurés par une ivresse des symboles propres à l'intellectualité la plus haute. »
La connaissance heureuse, enivrée, telle est la voie élue de l'âme odysséenne. Nous donnons ce nom d'âme odysséenne, et nous y reviendrons, à ce dessein secret qui est le cœur lucide et immémorial des œuvres qui nous guident, et dont, à notre tour, nous ferons des romans et des poèmes. Cette Ame est l'aurore boréale de notre mémoire. Un hommage à Nietzsche et à D'Annunzio a pour nous le sens d'une fidélité à cette tradition qui fait de nous à la fois des héritiers et deshommes libres. Maurras souligne avec pertinence que « le vrai caractère de toute civilisation consiste dans un fait et un seul fait, très frappant et très général. L'individu qui vient au monde dans une civilisation trouve incomparablement davantage qu'il n'apporte. »
Ecrivain français, je dois tout à cet immémorial privilège de la franchise, qui n'est lui-même que la conquête d'autres individus, également libres. Toute véritable civilisation accomplit ce mouvement circulaire de renouvellement où l'individu ni la communauté ne sont les finalités du Politique. Un échange s'établit, qui est sans fin, car en perpétuel recommencement, à l'exemple du cycle des saisons.
La philosophie et la philologie nous enseignent qu'il n'est point de mouvement, ni de renouvellement sans âme. L'Ame elle-même n'a point de fin, car elle n'a point de limites, étant le principe, l'élan, la légèreté du don, le rire des dieux. Un monde sans âme est un monde où les individus ne savent plus recevoir ni donner. L'individualisme radical est absurde car l'individu qui ne veut plus être responsable de rien se réduit lui-même à n'être qu'une unité quantitative,- cela même à quoi tendrait à le contraindre un collectivisme excessif. Or, l'âme odysséenne est ce qui nous anime dans l'œuvre plus vaste d'une civilisation. Si cette Ame fait défaut, ou plutôt si nous faisons défaut à cette âme, la tradition ne se renouvelle plus: ce qui nous laisse comprendre pourquoi nos temps profanés sont à la fois si individualistes et si uniformisateurs. La liberté nietzschéenne qu'exigent les héros des romans de D’annunzio n'est autre que la liberté supérieure de servir magnifiquement la Tradition. Ce pourquoi, surtout en des époques cléricales et bourgeoises, il importe de bousculer quelque peu les morales et les moralisateurs.
L'âme odysséenne nomme cette quête d'une connaissance qui refuse de se heurter à des finalités sommaires. Odysséenne est l'Ame de l'interprétation infinie,- que nulle explication « totale » ne saurait jamais satisfaire car la finalité du « tout » est toujours un crime contre l'esprit d'aventure, ainsi que nous incite à le croire le Laus Vitae:
« Entre la lumière d'Homère
et l'ombre de Dante
semblaient vivre et rêver
en discordante concorde
ces jeunes héros de la pensée
balancés entre le certitude
et le mystère, entre l'acte présent
et l'acte futur... »
Victorieuse de la lassitude qui veut nous soumettre aux convictions unilatérales, l'âme odysséenne, dont vivent et rêvent les « jeunes héros de la pensée », nous requiert comme un appel divin, une fulgurance de l'Intellect pur, à la lisière des choses connues ou inconnues.
Luc-Olivier d'Algange
source: Le cygne noir numéro 1
samedi 21 novembre 2015
Génocide arménien et populicide vendéen
Avant le terme gréco-latin génocide, datant de la Seconde Guerre mondiale, le ternie populicide, cent pour cent latin, a été conçu par le Comité de Salut public français. Il fait donc partie des valeurs de la république française qu'on ne rappelle jamais aux enfants des écoles. Rappelons le contexte de sa concrétisation. Les Vendéens, catholiques et monarchistes s'il en est, avaient perçu la décollation du Roi Louis XVI comme un crime. Ils étaient de plus choqués par l'arrestation de leurs prêtres réfractaires envoyés en camp d'extermination à Brouage et remplacés par des prêtres jureurs. De plus, des agents de conscription de la république voulaient les envoyer faire la guerre au profit du régime impie. Ils molestèrent ces envoyés du diable, allèrent se chercher des chefs et se soulevèrent en masse dès 1793, cumulant les victoires. C'est alors que le Comité de Salut public décida le populicide des Vendéens. Il s'agissait de massacrer tous ces brigands (sic), hommes, femmes et enfants, d'exterminer le bétail et de brûler les récoltes. Ont participé à ce péché originel de la république des officiers illustres, comme Turreau, Hoche, Kléber, Marceau, dont les noms ornent l'Arc de Triomphe et les avenues issues de la place de l'Étoile à Paris. Cette politique de la terre brûlée accomplie et les brigands exterminés (on parle de trois cent mille morts), on voulait repeupler la Vendée avec de "bons" citoyens. Tel fut le premier génocide des temps modernes, péché originel de la république française qui n'a jamais été expié.
Des autochtones de l’Asie mineure
Le génocide arménien se présente différemment. Les Arméniens, comme les Grecs et d'autres chrétiens des premiers siècles, sont des autochtones de l'Asie mineure où ils se sont installés bien avant notre ère. Les musulmans sont des envahisseurs : Arabes au VIIe siècle, Turcs à partir du Xe siècle, puis Kurdes venus du Zagros et Tcherkèsses, etc. sédentarisés. Les Turcs s'installent et prennent le pouvoir en Asie mineure, puis conquirent l'Europe balkanique et danubienne. Ils encercleront Vienne sans arriver à la conquérir. Le 29 mai 1453, ils s'emparent de Constantinople, dernier îlot de l'Empire byzantin et procèdent à un massacre dé la population. Mais, petit à petit, les chrétiens rescapés s'organisent et le Padisah reconnaît deux Patriarches chrétiens. Le patriarche orthodoxe pour les chrétiens occidentaux, te patriarche arménien pour les chrétiens orientaux. Au sein de l'Empire ottoman, les chrétiens représentent 25 % de la population. Citoyens de deuxième ordre, considérés comme dhimmis ou rayas, n'ayant pas le droit de monter à cheval, ils peuvent néanmoins devenir artisans, musiciens, médecins, fonctionnaires, officiers ou même ministres.
Massacres précurseurs
Au XIXe siècle, l'Empire ottoman va de défaite en défaite. Les populations musulmanes (essentiellement Turcs et Kurdes) sont mécontentes et jalouses des richesses des chrétiens, qui sont des travailleurs sérieux, et plus particulièrement des Arméniens. La fin du XIXe siècle marque l'accélération des massacres de chrétiens et plus particulièrement des Arméniens par les Turcs et les Kurdes en Cilicie et dans le Sud-Est. En novembre 1914, l'Empire, très influencé par les Allemands, entre en guerre aux côtés des empires centraux et le Padisah Resad émet un firman aux termes duquel tous les chrétiens de l'Empire devraient être massacrés. Les Kurdes du Sud-Est en profitent pour attaquer les bourgades chrétiennes, mais, ne recevant du pouvoir central ni argent ni munitions pour parachever cette extermination, ils finissent par conclure des trêves avec les chrétiens.
L'armée russe fait, au cours de l'hiver 1914-1915, une percée spectaculaire jusqu'au Lac de Van et jusqu'à à Bitlis, terres peuplées essentiellement d'Arméniens. Il y a en effet des centaines de villages arméniens avec leurs églises autour du Lac de Van (comme l'atteste la carte de Guréghian). Voyant ces soldats chrétiens arborant des bannières orthodoxes, les chrétiens laissent paraître une allégresse qui va leur coûter cher. Le Comité Union et Progrès qui a le pouvoir sur l'Empire ottoman, est composé de Turcs originaires des Balkans, parfois convertis du judaïsme et qui professent une sorte d'islamisme totalitaire. Il décide l'extermination des Arméniens qui aura des répercussions sur les autres chrétiens : assyriens (essentiellement), chaldéens, grecs, maronites, roums-catholiques, roums-orthodoxes, syriaques catholiques, syriaques orthodoxes, etc.
Le génocide systématique
La nuit du 23 au 24 avril 1915, une rafle capture des centaines d'Arméniens à Istanbul. A partir de la lettre à Talaat Pasha, la rafle va s'étendre à toute l'Asie mineure et au Nord de la Syrie. Elle est suivie d'exécutions pour la plupart des hommes. Les vieillards, les femmes et les enfants sont emmenés à pieds en cadrés par une soldatesque cruelle qui achève les traînards à la baïonnette. Les femmes enceintes qui accouchent en chemin doivent le faire sur le bord de la route caillouteuse et voient leurs nouveau-nés assassinés à la baïonnette et les placentas exposés. Ces convois sont conduits en direction du Sud-Est : Alep, Urfa (Edesse), Mardin, et même jusqu'à Deyr-i-Zor en Syrie sur les bords de l'Euphrate, ce qui représente plus de mille kilomètres de calvaire.
Lorsque la colonne de captifs arrive dans les aires peuplées de Kurdes, les soldats turcs vendent Jes jeunes femmes et les fillettes aux Kurdes qui en feront des prostituées, des épouses surnuméraires, des concubines captives ou des esclaves. Pour cette raison, un nombre important de Kurdes ont des bisaïeules ou des trisaïeules arméniennes. J'en ai rencontré dès mes premiers voyages à partir de 1957, mais, à l'époque, personne n'ébruitait ce métissage et sa descendance. Depuis quelques temps, les média ont abordé ce problème. Un nombre important de personnes élevées dans l'islam se découvrent une ancestralité chrétienne et rencontrent des problèmes d'identité. Mais le retour au christianisme est interdit par les lois islamiques et il correspond en Turquie à une récession sociale, puisque dans ce pays qui fut chrétien, il n'y a plus qu'un chrétien pour mille habitants.
En souvenir de ce chemin de croix de mille kilomètres subi par les Arméniens, un mémorial sis à Deyr-i-Zor en Syrie sur les bords de l'Euphrate avait été érigé. Il a été dynamité récemment par les djihadistes de l'Etat islamique. Cette obsession de détruire les tombes et les mausolées chrétiens, donc de profaner les sépultures n'est pas l'apanage exclusif de cet Etat islamique extrémiste puisqu'on peut l'observer en Algérie et en Europe, pays peuplés par des musulmans jugés modérés par les média.
D’autres génocides de chrétiens
Le génocide systématique va durer aussi longtemps que la Première Guerre mondiale. Ainsi en 1918, lorsque l'Empire ottoman capitule, l’ensemble de l'Asie mineure a été "nettoyé" de ses Arméniens. Dans le Sud-Est, les Kurdes, qui jalousaient les chrétiens et leurs terres, s'en sont pris à tous les chrétiens. Les moines syriaques orthodoxes du monastère Mor Gabriel ont été assassinés et leur monastère occupé par les Kurdes. Les Assyriens (nestoriens, Église de l'Orient), très nombreux dans le Sud-Est, ont dû abandonner leur patriarcat de Qoçannès, leurs églises des bords du Zab et des régions de Gawar et Çemdinan. Un groupe part en direction de l'Iraq. Un autre groupe part en direction du Nord-Est. Ils seront harcelés dans les défilés et les gorges par les Kurdes qui massacrent enfants, femmes vieillards, adultes, prêtres et évêques et finalement le patriarche pris dans le guet-apens que lui a tendu le kurde Simko. Les rescapés du groupe Nord-Est finiront en Iran, dans les régions de Salmas et Ormia, à nouveau massacrés comme tous les chrétiens par les Kurdes, les Azéris et les Turcs appuyés par l'armée ottomane.
Après ces massacres, chrétiens divers et Arméniens pourront s'établir en Iran, notamment en Azerbaijan de l'Ouest où l'on trouve des monastères arméniens comme Saint Thaddée et Saint Stefan. En 1923, les Assyriens voudront revenir en Asie mineure du Sud-Est, mais Mustafa Kemal, qui tolère les chaldéens rescapés, s'oppose au retour des Assyriens et les fait massacrer par la jeune armée turque qui égale en cruauté l'armée ottomane. C'est cet épisode qu'on appelle le génocide assyrien.
L’après génocide
Après la capitulation de 1918, l'armée française occupe la Cilicie et le Sud-Est vidés de leurs Arméniens et protège les rares rescapés. Mais cette armée, battue à Maras, par les insurgés turcs et kurdes kémalistes se replie sur le territoire syrien en abandonnant les chrétiens rescapés (qu'elle accueillera plus tard en Syrie). Mustafa Kémal Ataturk entérinera l'interdiction de retour imposée aux Arméniens qui ont quitté la Turquie et imposera aux Grecs et aux Arméniens rescapés du génocide de s'installer à Istanbul où ils redeviennent très actifs dans l'artisanat et le commerce, mais sont exclus de tous les emplois publics. Grecs et Arméniens acquièrent le statut de minoritaires. Petit à petit, les Grecs quittent Istanbul et vont en Grèce. Lors de mon premier séjour en 1956, ils étaient plus de cinquante mille. Ils ne sont plus que deux mille. Les Arméniens, plus résistants aux vexations, et peu tentés par l'exil en Arménie, alors soviétique, sont restés et sont actuellement au nombre de soixante mille. Mais si, à Istanbul, en 1956, outre le turc moderne, on entendait encore parler grec, arménien et français, en 2015, le turc, encore plus modernisé (ôz turkçé), est concurrencé par le Kurde-kurmanjî et le français disparaît au profit de l'anglais.
La reconnaissance et la réparation des génocides
Cent années ont passé depuis la lettre à Talaat Pasa préconisant le massacre de tous les Arméniens. Il en a ainsi disparu un million cinq cent mille dans des circonstances atroces. Les gouvernements turcs successifs n'ont pas reconnu ce génocide et préfèrent parler de guerre civile. Mais on peut remarquer que les gouvernements français n'ont pas reconnu le génocide vendéen, péché originel de la république française, et préfèrent rendre obligatoire l'enseignement de la Shoah en culpabilisant le gouvernement de Vichy et le peuple français ayant subi l'occupation, nonobstant sa participation à la résistance (j'en suis). En fait, les horreurs du génocide vendéen évoquent celles du génocide arménien. Seul le nombre des victimes diffère. Trois cents mille Vendéens pour un million cinq cents mille Arméniens.
La France a reconnu le génocide arménien par une loi. L'Europe et l’ONU s'en mêlent et ont également reconnu le génocide arménien. Les Arméniens réclament des réparations. Lors de mes voyages récents dans le Sud-Est, j'ai constaté que certains Kurdes reconnaissaient leurs torts. Les uns parlaient d'indemniser ; les autres évoquaient l'éventualité d'un retour des Arméniens et d'une restitution des terres volées, mais pas la restitution des maisons, car la polygamie et la natalité ont fait que les Kurdes sont extrêmement nombreux, soit plusieurs dizaines de millions en Turquie. Outre les villages arméniens, ils ont annexés presque tous les villages chrétiens du Sud-Est. Y a-t-il de la place pour les Arméniens ? Les Arméniens souhaitent-ils reconstruire leurs églises et leurs villages rasés et se réinstaller dans un milieu musulman hostile et rival ? Des syriaques orthodoxes partis dans les années 1980 ont réussi ce retour dans leurs villages du Turabdîn qu'ils ont reconstruits, église comprise, comme Kafro. (Il existe un mémorial du génocide syriaque à Bruxelles.) Les Arméniens ont été tués ou chassés il y a un siècle. Combien d'entre eux sont prêts à revivre une expérience de retour dans des terres déjà surpeuplées ? La réponse appartient aux Arméniens, si l'Occident veut bien les aider.
Jean-Claude C. Chabrier Rivarol du 5 novembre 2015
Bibliographie minimale : outre des ouvrages fondamentaux écrits par des chercheurs (dont celui de Raymond Kevorkian) et des dizaines d'ouvrages disponibles (dont celui de Bernard Antony, tout récent), on pourra consulter : Jean V. Guréghian, Les monuments de la région Mouch-Sassoun-Van en Arménie historique, Paris, Sigest, 2008. Ceux qui, comme moi, voudront vérifier ce qui reste des centaines d'églises et de villages arméniens sis autour du Lac de Van trouveront, soit rien parce que tout a été passé au bulldozer, soit des villages occupés par des Kurdes qui se prétendent autochtones. On trouvera dans Jean-Claude C. Chabrier, Chrétientés violentées : Serbie Turquie Iran Iraq Syrie Liban Monde Musiques Album, Paris, arabesques-C.H.R.I.S.T.O.S, 2014 (en vente à nos bureaux 30 euros franco), des renseignements sur ce qui reste de communautés et monuments arméniens. Enfin, on peut envisager la visite d'Anï ou du Musée du Génocide à Erevan. Sur le génocide vendéen, on peut lire les ouvrages de Reynald Sécher, etc.
Libellés :
1793,
1915,
1918,
Arméniens,
Guerre de Vendée,
Turcs,
XVe siècle
vendredi 20 novembre 2015
Anthropologie politique. Une société anti-humaine. L'enracinement territorial
Tout homme a des racines territoriales, en ce sens qu'il s'identifie à un territoire qui fait partie de son patrimoine moral. Il connaît les lieux de ce territoire, il est attaché à sa physionomie, son histoire et les personnes qui y habitent.
Le déracinement n'est pas d'aujourd'hui et on a connu, depuis l'Antiquité, des migrations plus ou moins importantes, suivies d'un ré-enracinement, c'est-à-dire de l'appropriation d'un nouveau territoire par les déracinés qui ont donc fait muter leur identité en adoptant une nouvelle terre. Cette terre, avec le temps, pouvait devenir une patrie, c'est-à-dire la terre des pères. Ainsi, les Celtes quittant l'Europe orientale et l'Asie centrale pour l'Europe de l'Ouest se sont-ils déracinés pour s'installer dans des espaces nouveaux dont ils firent leur patrie. Ils les façonnèrent, mais aussi leur culture évolua selon les lieux. C'est pourquoi les Celtes ne sont pas les mêmes selon qu'ils aient vécu en Gaule, sur l'île de Bretagne, en Hispanie ou en Italie du Nord. Les hommes présents avant eux sur ces lieux et les particularités géographiques de leurs nouveaux États ont contribué à les façonner, autant qu'ils les façonnèrent.
Un phénomène comparable, mais de plus grande ampleur, peut être observé avec la construction des Etats-Unis au XIXe siècle, État né très largement des migrations venues de toute l'Europe, en somme de déracinés qui se sont approprié la terre américaine et en sont devenus les patriotes.
L'enracinement n'est pas réduit à l'image du clocher et des pâturages. On peut parler, en France ou en Belgique, de ré-enracinement pour les ouvriers du XIXe siècle qui, déracinés de leurs campagnes, jetés dans l'univers déshumanisé des centres industriels, se les sont appropriés, les ont justement humanisés en leur donnant une identité. Il y a, dans ces centres ou anciens centres ouvriers, encore aujourd'hui, une architecture, une culture spécifiques, fruit de la vie de ces hommes pour lesquels ces lieux sont devenus la patrie, la terre des pères.
L'enracinement est une donnée de nature, en ce sens que l'on naît forcément quelque part et que l'on vit, soit dans ce lieu, soit dans un autre, avec le désir d'y faire souche. Si l'on veut quitter sa terre, ce n'est pas pour devenir un apatride, mais pour faire souche quelque part. En somme, on se sent toujours d'un lieu, ou l'on aspire à se sentir d'un lieu, en somme à avoir une pierre ou reposer notre tête… C'est pourquoi, outre le donné de nature, on peut dire que l'enracinement est un besoin vital. Il ne peut pas y avoir de communauté humaine solide sans la stabilisation du peuplement sur un territoire. Cette communauté ne s'exprime pas seulement par des rapports économiques, mais aussi par des échanges culturels, spirituels, amicaux ou matrimoniaux. Pour que ces échanges soient possibles il faut qu'il y ait, à un moment ou un autre cet enracinement qui façonne l'identité, c'est-à-dire qui contribue autant que ma famille, ma foi et mon métier à dire « qui je suis ».
Aujourd'hui, en Europe et plus spécialement en France, il est permis de parler de déracinement perpétuel. Celui-ci est d'autant plus préoccupant. En effet, jusqu'au milieu du XXe siècle, les historiens ethnologues pouvaient écrire que les bassins de peuplement français et européens étaient demeurés sensiblement les mêmes depuis la préhistoire. Il n'y avait pas eu de bouleversement humain majeur malgré les invasions, les migrations ou les catastrophes demeurées marginales par rapport au total du peuple. Les hommes avaient changé mais ils étaient, majoritairement, toujours là où s'étaient installés leurs ancêtres dans la nuit des temps.
Actuellement, la nécessité de quitter sa région ou son pays pour ses études ou pour sa carrière professionnelle entraîne un chamboulement de ces équilibres humains. La tendance s'est inversée et, du moins en France, les jeunes hommes ayant effectué toute leur vie sur un seul territoire sont devenus la minorité, tandis que les autres se sont déracinés pour leurs études ou leur métier. Ce ne serait pas bien grave dans les relations humaines si ce déracinement était suivi d'un ré-enracinement. Mais la multiplication des mouvements géographiques au cours de la vie rend plus difficile le ré-enracinement. En outre, souvent la nouvelle installation se fait dans un territoire déjà bâti et saturé de constructions correspondant à un patrimoine tout à fait étranger, comme les barres HLM où s'entassent des millions de pauvres, sans possibilité pour eux de s'approprier les lieux par la construction.
Par ailleurs, l'affaiblissement de la structure familiale qui crée des bataillons d'orphelins sociaux, amoindrit encore plus les possibilités de ré-enracinement. En effet, il est plus difficile pour l'homme seul d'être identifié par ses semblables dans un territoire nouveau, et il lui est plus difficile d'y tisser ses liens sociaux. L'isolement social et familial diminue la capacité d'insertion territoriale et donc d'identification. L'orphelin, en somme, à l'échelle d'une région ou d'une ville, devient un apatride.
Ce sentiment est encore renforcé par l'état actuel des lois de succession, où le partage équitable entre héritiers et le versement de droits à la puissance publique, rend souvent nécessaire la vente de la maison parentale, perçue comme la maison de l'enfance ou des ancêtres, sans qu'il y ait possibilité de racheter un bien dans le même lieu ou dans le voisinage, faute de réunir le capital suffisant à cause de l'éclatement du patrimoine hérité et de sa diminution par la fiscalité.
On peut dire que tout est fait, dans notre monde, pour créer des générations entières d'apatrides déboussolés et donc d'autant plus fragiles devant l'oppression qu'ils ont moins de repères où se réfugier pour mieux résister.
Comme pour la famille, ce mal frappe en premier lieu les populations socialement les plus fragilisées, car disposant du moins de ressources financières ou d'assise territoriale pour rester en un lieu sur plusieurs générations ou pour se l'approprier en cas de migration.
Cet isolement territorial est doublé d'un isolement dans l'emploi.
A suivre…
Gabriel Privat
Du même auteur :
- Publié le jeudi 17 septembre 2015 : Anthropologie politique. Une société anti humaine. La Famille
Politico rapporte que Bush savait que l’attaque terroriste de 2001 était imminente et qu’il voulait qu’elle ait lieu
Par Eric Zuesse le 18 novembre 2015
Un article extraordinaire de Politico du 12 novembre, intitulé « Les attaques vont être spectaculaires », révèle que le directeur de la CIA George Tenet, et que son chef de l’anti-terrorisme, Cofer Black, avaient prévenu la Maison Blanche, mais qu’on leur avait répondu : « Nous ne sommes pas tout à fait prêts à examiner cette question. Nous ne voulons pas lancer le compte à rebours. » Comme le journaliste de Politico, Chris Whipple, l’explique ensuite : « Traduction: ils ne veulent pas qu’un écrit montre qu’ils avaient été avertis. »
Ça ne pourrait pas être pire. Bush savait que ça allait arriver, mais n’a rien fait pour l’empêcher. Il n’a même pas essayé. En d’autres termes, sa seule vraie préoccupation, à l’époque, était que ce soit fait d’une manière telle qu’on ne puisse pas prouver qu’il le savait – pour qu’il puisse nier qu’il avait laissé consciemment cela se produire. Il a bien insisté là-dessus. Et c’est ce qu’il a fait, il a toujours nié sa participation.
Whipple écrit ensuite:
Le matin du 10 juillet, le chef du département de l’agence qui surveillait Al-Qaïda, Richard Blee, a fait irruption dans le bureau de Black. « Et il a dit : Chef, ça y est. Le toit s’est écroulé, » raconte Black. « Les informations que nous avions réunies étaient absolument incontestables. Les sources se recoupaient. Et c’était en quelque sorte la goutte qui faisait déborder le vase. » Black et son adjoint se sont précipités dans le bureau du directeur pour informer Tenet. Ils sont tous tombé d’accord qu’il fallait organiser une réunion d’urgence à la Maison Blanche.
Cette réunion a eu lieu à la Maison Blanche. Mais avec Condoleezza Rice, la conseillère à la sécurité nationale et l’amie personnelle de Bush, et pas avec Bush lui-même – la possibilité de nier était l’obsession de Bush, et agir de cette façon permettait de la préserver; si on apprenait un jour que cette réunion s’était tenue, Rice serait la seule personne à devoir se justifier. Elle protégeait le Président, qui ainsi n’aurait pas à rendre de comptes sur le fait qu’il avait permis l’attaque – si un jour on lui en demandait. En dépit de l’importance et de l’urgence du problème, Bush n’a pas jugé utile de venir en personne parler à Tenet et à Black, ni de les interroger.
Black et Tenet ont été stupéfaits de sa réponse. Black a dit Politico : « Je continue à ne rien y comprendre. Je veux dire, comment est-il possible d’avertir ses supérieurs autant de fois sans que rien ne se passe ? C’est un peu comme dansLa Quatrième dimension.*»
Toutefois, lorsque la Maison Blanche avait dit: « Nous ne voulons pas lancer le compte à rebours, » la réponse à ce mystère était déjà claire, et Black et Tenet étaient tous les deux des gens intelligents; ils savaient ce que ça voulait dire, mais ils savaient aussi qu’ils se mettraient en danger s’ils venaient à dire publiquement: La Maison Blanche avait l’intention de faire une déclaration du genre, « Nous ne savions pas que ça allait se produire, » après les faits. Et c’est, bien sûr, exactement ce que la Maison Blanche a dit. Et elle continue à le dire : le successeur de Bush n’a aucun intérêt à changer de version ; le président Obama a lui-même menti au public, quand il a dit, par exemple, que les attaques du 21 août 2013 au gaz sarin en Syrie avaient été perpétrées par les forces de Bachar al-Assad, alors qu’elles l’avaient été par les forces qu’Obama soutenait – et il savait pertinemment que c’était elles qui l’avaient fait – ; ou quand il a dit que le renversement, en février 2014, du président ukrainien Viktor Yanoukovitch – démocratiquement élu (mais corrompu comme la quasi-totalité des derniers dirigeants ukrainiens) – était une révolution démocratique, et non pas un coup d’Etat américain que sa propre administration avait commencé à préparer au printemps 2013.
George W. Bush vient d’une famille de pétroliers, et toute l’opération a tourné autour du pétrole. Un autre copain de Bush était «Bandar Bush», le prince Bandar bin Sultan al-Saoud, le membre de la famille royale saoudienne qui était à l’époque ambassadeur du Royaume à Washington, mais qui, par la suite, est devenu le principal stratège international de la famille Saoud. Wikipedia, par exemple, dit de lui qu’« après la fin des tensions avec le Qatar sur l’approvisionnement de groupes rebelles [pour renverser Assad en Syrie], l’Arabie saoudite (sous la direction de Bandar) a détourné ses efforts de la Turquie pour les orienter vers la Jordanie en 2012 ; il a exercé des pressions financières sur la Jordanie pour pouvoir y développer des camps d’entraînement supervisés par son demi-frère et adjoint Salman bin Sultan. »
Le président Obama continue de protéger George W. Bush, et d’empêcher la famille Saoud d’être poursuivie pour être le principal bailleur de fonds des djihadistes (« terroristes »), en maintenant au secret dans une prison fédérale l’homme qui avait servi Oussama ben Laden en tant que comptable d’Al-Qaïda et collecteur de fonds ; il se rendait surtout en Arabie saoudite, la patrie des Sunnites, mais aussi dans d’autres royaumes arabes sunnites, pour recueillir des dons en espèces de plusieurs millions de dollars pour la cause d’Al-Qaïda du djihad mondial, du liquide provenant, entre autres, du prince Bandar bin Sultan lui-même. Le comptable / collecteur de fonds a dit qu’ils payaient de gros salaires à leurs combattants. C’était des mercenaires tout autant que des djihadistes. Le comptable / collecteur de fonds a également dit que « sans l’argent des Saoudiens, rien ne serait possible ». Le témoignage du comptable / collecteur de fonds a été requis dans une affaire judiciaire initiée par des membres de la famille de victimes du 11 septembre, et même le président américain n’a pas réussi à l’empêcher, ou alors il s’en est servi pour signifier subtilement au roi saoudien que nous, les États-Unis nous sommes le boss et que nous pouvons le faire tomber, si Obama décide de le faire. C’est seulement grâce à la collaboration des médias étasuniens que le secret du financement du mouvement de djihad international pourra désormais être gardé.
Mais l’aristocratie américaine ne veut certainement pas que le Président, dont ils sont propriétaires, le fasse ; après tout, les Saoud leur ont toujours énormément rapporté. Comme Thalif Deen de Inter Press Service l’a rapporté le 9 novembre 2015, «Le gros contrat d’armement d’environ 60 milliards de dollars d’armes avec l’Arabie Saoudite, est considéré comme le plus gros de toute l’histoire des États-Unis. Selon le Government Accountability Office (GAO.)**, l’organisme d’audit apolitique du Congrès des États-Unis, environ 40 milliards de dollars de transferts d’armes aux six pays du Golfe ont été autorisés entre 2005 et 2009, et l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis en ont été les plus gros bénéficiaires. « Les Saoud en achetaient plus que toutes les autres familles royales sunnites réunies, plus encore que les Thani qui contrôlent le Qatar. Ces deux pays et les Émirats arabes unis, tous des dictatures fondamentalistes sunnites, ont le plus contribué à faire tomber le leader chiite laïc de Syrie, Bachar al-Assad. L’aristocratie étasunienne a également et de longue date, le soutien de la famille Saoud pour réaliser son vieux rêve de prendre le contrôle de la Russie.
Le 9 octobre 2001, juste après le 11 septembre, Le New York Times a cité Bandar Bush:
« Ben Laden avait l’habitude de venir nous voir, quand l’Amérique, je dis bien l’Amérique, aidait nos frères moudjahidines en Afghanistan par l’intermédiaire de la CIA et de l’Arabie saoudite, pour se débarrasser des forces laïques communistes de l’Union soviétique », a déclaré le prince Bandar. « Oussama ben Laden est venu nous dire : « Merci. Merci d’avoir fait venir les Américains pour nous aider ».
Bien que le communisme soit arrivé à son terme, le gouvernement de la Russie est toujours laïc, et la Russie est un concurrent de plus en plus sérieux pour les dictateurs pétroliers sunnites fondamentalistes sur les marchés pétroliers et gaziers internationaux (en particulier le marché européen); ainsi donc, les dictatures djihadistes et les Etats-Unis font cause commune dans le but de remplacer le gouvernement de la Russie pour le plus grand profit des aristocraties de toutes ces nations.
Et, de plus, pour faire ce travail, les investisseurs de Lockheed Martin et d’autres fournisseurs du Pentagone tirent au passage un grand profit de la vente d’armement, etc.. Le président des Etats-Unis est leur meilleur démarcheur commercial. Dans la Stratégie sécurité nationale 2015*** du président Obama, le terme « agression ». revient 18 fois, dont 17 fois en référence à la Russie. Il s’agit là de la mission qu’Obama assigne au ministère de la «Défense» des États-Unis, car, bien sûr, les Etats-Unis ne pourraient jamais participer à une « agression » ; de fait, le terme « agression » n’est jamais appliqué aux États-Unis eux-mêmes. Par exemple, notre bombardement de la Libye pour se débarrasser de Mouammar Kadhafi, un allié de la Russie, était purement défensif, absolument conforme aux traditions du département de la « Défense » des États-Unis.
Voici un autre extrait de l’article du NYT de 2001 sur Bandar Bush :
Il a reconnu que la cause d’une partie de la rage des milieux islamistes radicaux est économique, et que les droits de l’homme étaient un luxe que certains pays arabes ne pouvaient pas se permettre. « Nous voulons d’abord que la plupart des gens aient assez à manger. Si nous y arrivons, alors il sera temps de s’occuper de tous vos fantasmes, à vous les Américains, » a-t-il dit.
Le roi saoudien est la personne la plus riche du monde, et de loin : il possède le gouvernement saoudien qui détient Saudi Aramco qui possède des réserves de pétrole de 260 millions de barils, ce qui à 40 dollars du baril, équivaut à un trillion de dollars ; et ce n’est qu’un début. Il faut y ajouter la richesse personnelle de personnes comme le prince Bandar, ou le prince Al-Walid Bin Talal Bin Abdulaziz Al Saoud – ce dernier est parmi les principaux actionnaires à la fois de Rupert Murdoch News Corp. et de Citigroup (et d’autres grandes sociétés). Donc, pour ce roi mille fois milliardaire et ces princes milliardaires, les « droits de l’homme » sont un luxe que l’Arabie saoudite ne peut pas se permettre. »
Et voici quelque chose d’autre que Bandar Bush a déclaré au NYT:
« Dans une démocratie occidentale, si vous perdez le contact avec votre peuple, vous perdez les élections », a déclaré le prince Bandar. « Dans une monarchie, vous perdez votre tête. »
Résumons-nous : la raison pour laquelle le pote de Bush (et de la plus grande partie de l’aristocratie américaine), le prince Bandar, ne veut pas de la démocratie en Arabie Saoudite, c’est que c’est une monarchie et que tous les membres de la famille royale pourrait perdre leur tête si leur pays devenait démocratique. Ils veulent que «la plupart des gens aient à manger » dans leur royaume, mais ils ne veulent pas de « tous vos fantasmes à vous, les Américains » Il leur faut d’abord construire des palais. Quand ils en auront assez (ce qui n’arrivera jamais), les Saoud laisseront les « droits de l’homme » entrer dans «leur» pays.
C’est aussi la raison pour laquelle chaque membre de la royauté doit contribuer généreusement aux fonds que les religieux saoudiens – le clergé le plus fondamentaliste de tous les pays à majorité musulmane – leur désignent comme étant saints, à savoir des groupes djihadistes comme Al-Qaïda et ISIS, qui ont pour objectif de propager leur religion dans le monde entier. Tout cela a son origine dans l’accord de 1744, que le clerc anti-chiite fanatique Muhammad ibn Abd al Wahhab et l’ambitieux chef de gang Muhammad ibn Saoud (le fondateur de l’Arabie saoudite) ont conclu, et qui a établi simultanément la nation saoudienne wahhabite et la secte wahhabite de l’Islam, qui ont une seule et même tête : les descendants de Saoud. Cet accord a été fort bien décrit dans le livre d’Helen Chapin Metz publié en 1992 au catalogue de la libraire du Congrès américain,Arabie Saoudite: une étude du pays. (C’est moi qui en souligne une phrase) :
Manquant de soutien politique en Huraymila [où il vivait], Muhammad ibn Abd al Wahhab est retourné à Uyaynah [la ville où il était né], où il a rallié à lui plusieurs dirigeants locaux. Uyaynah, cependant, était tout près de Al Hufuf, l’un des centres chiites duodécimains de l’est de l’Arabie, et ses dirigeants se sont naturellement alarmés du ton anti-chiite du message wahhabite. En partie en raison de leur influence, Muhammad ibn Abd al Wahhab a été obligé de quitter Uyaynah, et il est allé à Diriyah. Il avait auparavant pris contact avec Muhammad ibn Saoud, le chef de Diriyah à l’époque [à qui il avait insufflé sa haine des chiites], et deux des frères[de Saoud] qui l’avaient accompagné [Saoud] quand il [en accord avec les enseignements Wahhabites de la haine des chiites] avait détruit des monuments funéraires [qui étaient sacrés pour les chiites] autour d’Uyaynah.
En conséquence, lorsque Muhammad ibn Abd al Wahhab est arrivé à Ad Diriyah, les Al Saoud étaient prêts à le soutenir. En 1744, Muhammad ibn Saoud et Muhammad ibn Abd al Wahhab ont fait le serment musulman traditionnel de travailler ensemble à établir un État dirigé selon les principes islamiques. Jusqu’à cette époque, les Al Saoud avaient été considérés comme des chefs tribaux traditionnels dont le pouvoir était fondé sur une autorité ancienne, mais vague.
Muhammad ibn Abd al Wahhab a offert aux Al Saoud une mission religieuse clairement définie sur laquelle assoir leur autorité politique. Ce sentiment de mission religieuse imprègne toujours clairement l’idéologie politique de l’Arabie saoudite des années 1990.
Muhammad ibn Saoud a commencé sa mission à la tête d’une armée qui passait dans les villes et les villages du Najd pour éradiquer diverses pratiques populaires et chiites. La campagne a permis de rallier les villes et les tribus du Najd à la loi Al Saud-wahhabite. Dès 1765, les forces de Muhammad ibn Saoud avaient établi le wahhabisme – et avec lui l’autorité politique Al Saoud – sur la plus grande partie du Najd.
Donc: l’Arabie saoudite a été fondée sur la haine des musulmans chiites, et elle a été fondée sur un accord de 1744 entre un dignitaire fondamentaliste sunnite Wahhabite qui haïssait les Chiites, et Saoud, un chef de bande impitoyable, un accord aux termes duquel le clergé accorderait aux Saoud la sainte légitimité du Coran; et, en échange, les Saoud financeraient la propagation de la secte fanatique anti-chiite de Wahhab.
Tandis que l’aristocratie étasunienne veut, à tous prix, conquérir la Russie, l’aristocratie Saoudienne veut, à tous prix, conquérir l’Iran.
Voici ce que le prince saoudien Al-Walid ben Talal al-Saoud aurait dit à ce sujet le 27 octobre 2015, dans le journal Al Qabas du Koweït :
De mon point de vue, le litige du Moyen-Orient est une question de vie ou de mort pour le Royaume d’Arabie saoudite, et je sais que les Iraniens cherchent à renverser le régime saoudien en jouant la carte palestinienne, et donc, pour déjouer leur complot, l’Arabie Saoudite et Israël doivent renforcer leurs relations et former un front uni pour contrecarrer le programme ambitieux de Téhéran.
L’ennemi, pour les aristocrates saoudiens, n’est pas Israël; c’est l’Iran. Ils détestent les Iraniens, plus encore qu’ils ne détestent les Russes. En fait, Talal a également dit ce jour-là : « Je me rangerai aux côtés de la nation juive et de ses aspirations démocratiques si une Intifada palestinienne (un soulèvement) se déclenche. » Les Israéliens haïssaient les Iraniens autant que les Iraniens détestaient les Israéliens, et le Prince Talal accueillait les Israéliens dans sa mission de détruire l’Iran. Donc : les Saoud et Israël sont du même côté.
George W. Bush a continué la guerre de l’Amérique contre la Russie. Le 29 mars 2004, il a fièrement amené dans l’OTAN, le club militaire anti-russe, 7 nouveaux membres, qui étaient tous auparavant des alliés de la Russie au sein de l’URSS et du Pacte de Varsovie. Ces 7 pays sont: la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.
Barack Obama a poursuivi cette politique anti-russe, le 1er avril 2009, en ajoutant l’Albanie et la Croatie, puis en perpétrant un coup d’Etat en Ukraine qui a fait de ce pays un état fanatiquement anti-russe et anxieux d’adhérer à l’OTAN. Obama a également fait tuer le libyen pro-russe, Mouammar Kadhafi, et a fait attaquer le syrien pro-russe, Bachar al-Assad par les djihadistes armés par les familles royales d’Arabie saoudite et du Qatar.
L’ami des familles royales arabes, Oussama ben Laden, a finalement été sacrifié sur l’autel de l’objectif suprême de l’alliance américano-saoudienne, qui était d’éliminer le leader laïc pro-russe de l’Irak, Saddam Hussein, et d’engendrer (via le 11 septembre, etc.) l’hystérie collective qui a permis de faire passer des lois dictatoriales par le Congrès des États-Unis, et par de plus en plus de pays dans le reste de l’Empire américano-saoudien.
En outre, les industries militaires américaines se sont bien remises de l’effondrement boursier qui a précédé le 11 septembre, en grande partie grâce au succès de la campagne pour instiller la crainte de la Russie, à l’augmentation du terrorisme et à l’hystérie publique concomitante qui permet à un pays « démocratique » d’envahir et d’envahir encore pour tuer les combattants djihadistes que « nos amis » les Saoud et d’autres familles royales arabes sunnites financent.
Les Saoudiens sont actuellement très en colère contre Barack Obama pour avoir négocié sérieusement avec les Iraniens. Pour l’aristocratie américaine, la cible à détruire n’est pas l’Iran, mais la Russie. Obama représente l’aristocratie américaine, pas l’aristocratie saoudienne. Les aristocraties étasunienne et saoudienne n’ont pas les mêmes priorités.
Mais leur alliance a été très efficace. Peut-être que, lorsqu’il a surpris et même choqué sa CIA en lui répondant : « Nous ne sommes pas tout à fait prêt à examiner cette question. Nous ne voulons pas lancer le compte à rebours », George W. Bush avait déjà discuté en privé avec son pote Bandar Bush, de la manière d’atteindre les plus importants objectifs des aristocraties étasunienne et saoudienne ; et qu’ensemble ils ont mis sur pied ce plan, bien avant que la CIA n’en ait pris connaissance. Cela semble être l’explication la plus vraisemblable de la réponse énigmatique de Bush, le 10 juillet 2001.
Eric Zuesse | 18.11.2015
Historien d’investigation Eric Zuesse est l’auteur de They’re Not Even Close: The Democratic vs. Republican Economic Records, 1910-2010 et de CHRIST’S VENTRILOQUISTS: The Event that Created Christianity.
Notes :
* La Quatrième Dimension (The Twilight Zone) est une série télévisée américaine de science-fiction (Wikipedia)
** Le Government Accountability Office (GAO) est l’organisme d’audit, d’évaluation et d’investigation du Congrès des États-Unis chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral des États-Unis (Wikipedia).
Article original: http://www.strategic-culture.org/news/2015/11/18/politico...
Traduction : Dominique Muselet
Inscription à :
Articles (Atom)