jeudi 17 octobre 2024

Royauté et sainteté, un lien millénaire

 

Saint Louis
Au cours de l'Histoire, le lien entre royauté et sainteté a toujours été étroit. Si certains monarques se sont parfois égarés et ont penché du côté du Diable, d'autres ont su mener des vies en accord avec Dieu et les dogmes de l'Église catholique. Parmi ces pieux souverains figure le roi des Belges, Baudouin, dont le procès en béatification a été annoncé par le pape François le 28 septembre. Cette démarche souligne ainsi, pour ceux qui en douteraient, l'importance incontestable du christianisme au cœur de notre civilisation contemporaine. Par ce processus, Baudouin pourrait s'ajouter à la longue liste des monarques déclarés saints ou bienheureux, dont l'exemple demeure une source d'inspiration pour ceux qui aspirent à gouverner avec sagesse et vertu.

Louis IX, le saint capétien

Nul ne peut évoquer un saint roi sans penser à Louis IX. Couronné en 1226, il consacre son règne à la promotion de la paix et de la morale chrétienne, valeurs qui lui furent soigneusement inculquées par sa mère, Blanche de Castille. Cette dernière n'a ainsi pas hésité à lui dire : « Mon fils, j'aimerais mieux vous voir mort que coupable d'un seul péché mortel », et lui rappelant qu'« un roi illettré est un âne couronné ». Fort de cette éducation chrétienne, Louis IX instaure des réformes judiciaires, favorisant l'équité et l'accès à la justice pour tous, qu'il exerce, selon l'image d'Épinal, sous un chêne verdoyant. Le roi de France fait également preuve d'humilité, de charité et de simplicité. Lors de banquets, il n'hésite pas à affadir ses plats et à réserver les meilleures portions aux pauvres. Louis IX fonde également la Sainte-Chapelle à Paris, un reliquaire monumental qui abrite en son cœur des reliques sacrées telles que la couronne d'épines portée par le Christ et un fragment de la Sainte Croix. Poussé par sa profonde foi, il entreprend aussi deux croisades, en 1248 et en 1270. C'est lors de cette dernière qu'il décède, loin des fastes du pouvoir, sur un lit de cendres. Canonisé en 1297, Saint Louis demeure un ardent exemple de dévotion aux valeurs chrétiennes qui ont façonné la France.

Sainte Clotilde, reine des Francs

Cependant, s'il existe de saints rois, il convient de rappeler qu'il y a également de saintes reines, dont certaines comptent parmi les premiers souverains chrétiens de France, à l'image de sainte Clotilde. Ancienne princesse burgonde devenue reine des Francs par son mariage avec Clovis, elle joue un rôle crucial dans la christianisation de son peuple, en commençant par son propre époux. Avec l'aide de saint Remi, évêque de Reims, elle convainc Clovis de se faire baptiser, surtout après que celui-ci, suite à sa victoire à la bataille de Tolbiac en 496, a juré : « Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien. » Profondément dévote, la reine Clotilde profite de son statut pour soutenir la fondation et la construction de nombreuses églises et monastères, renforçant ainsi la foi chrétienne et l’évangélisation chez les Francs. Attirée par la vie monastique, après la mort de Clovis, elle se retire dans un monastère près de Tours, où elle consacre la fin de sa vie à la prière jusqu'à son décès en 545. Son exemple inspirera d'autres souveraines, dont sa belle-fille, sainte Radegonde, qui suivra un chemin similaire. Sainte Clotilde reste ainsi à jamais la sainte patronne et mère de la France chrétienne.

Charles Ier de Habsbourg, l’empereur de la paix

Rois et reines ne sont pas immédiatement canonisés, car ce processus exige du temps et que des miracles soient avérés et reconnus par l’Église. En attendant, de pieux monarques peuvent être déclarés bienheureux en reconnaissance de leurs actions remarquables. L'un des souverains récents à avoir reçu cette grâce de la béatification et en attente de canonisation est Charles Ier de Habsbourg-Lorraine. Devenu empereur d'Autriche et roi de Hongrie en 1916, en pleine Première Guerre mondiale, il s'efforça en vain de rétablir la paix en Europe en privilégiant le dialogue et la diplomatie, avec le soutien du pape Benoît XV. Sa politique, opposée à celle des autres puissances belligérantes qui recherchaient une victoire sans compromis, était motivée par ses profondes convictions catholiques et son souci de préserver la vie humaine.
Cependant, Charles Ier dut également affronter la chute des empires européens, ce qui le conduisit à l'exil avec sa famille. Vivant humblement, il succombe à une maladie en 1922, laissant derrière lui une veuve et huit enfants. Béatifié en 2004 par le pape Jean-Paul II, il est reconnu pour son engagement chrétien exemplaire et ses efforts inlassables pour la paix, incarnant ainsi les valeurs d'un souverain dévoué au bien commun. Son petit-fils, l'archiduc Georges de Habsbourg-Lorraine, ambassadeur de Hongrie en France, le décrivait en 2022 dans le magazine Dynastie comme « très religieux et [qui] puisait une grande force dans sa religion. Il avait une grande confiance en Dieu et dans la prière. C’était un homme très optimiste, car il était toujours en contact avec Dieu par la prière. » À la question de savoir si Charles Ier pouvait être un modèle pour l'Europe, l'archiduc a répondu simplement : « Quand [Jean Paul II] a béatifié mon grand-père, il a donné sa vie en exemple. »

Par leurs béatifications et canonisations, l’Église catholique cherche à mettre en lumière l’exemplarité de ces souverains, dont la vie fut intimement liée au destin de l’Europe et, parfois, du monde entier. Ces monarques, bien qu’investis de pouvoirs temporels considérables, ont su incarner les valeurs chrétiennes de charité, d’humilité et de justice, faisant de leur règne un service à la fois spirituel et politique. Ainsi, l’Église nous rappelle que la responsabilité de gouverner doit être exercée avec une conscience morale élevée, inspirée par la foi et le souci du bien commun.

Eric de Mascureau

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