
Un quatorzième texte de notre rubrique « Souvenez-vous de nos doctrines » est à retrouver aujourd’hui, de Maurice Barrès… dans lequel il montre les terribles ravages produits dans les intelligences par une tragique situation : la division et la dissociation des forces naturelles de la nation
De cette situation, les bureaux sont responsables. Le bureau de l’enseignement public les a dégoûtés de leur petite patrie, les a dressés par l’émulation et sans leur inculquer une idée religieuse – religion révélée ou idéal scientifique – qui leur fournirait un lien social. Le systèmes des « humanités » ne rend pas l’homme apte à la culture, au commerce, à l’industrie, mais, au contraire, l’en détourne. L’administration les a préparés seulement pour elle et pour qu’ils deviennent des fonctionnaires. Ils s’y sont refusés… Ce n’est dons pas assez que les corps sociaux soient dissociés : il y a des déserteurs. Ce n’est pas assez qu’il y ait dans ce pays de nombreux ressorts d’action antagonistes : voilà des jeunes gens, et d’une espèce fréquente, qui, dans le vaste et puissant atelier qu’est une patrie, ne sont mis en mouvement que par leur ressort individuel et ne travaillent que pour eux-mêmes. Ils sont mal servis et ils servent mal.
En vérité, il ne faut pas craindre d’y insister. C’est en maintenant le plus longtemps possible notre regard sur ces Lorrains que nous comprendrons l’ensemble de la situation. Et, déjà, nous entrevoyons ceci : dans le massif national, entre les blocs descellés, il se trouve une nombreuse poussière d’individus. C’est un gaspillage de forces. Quand même ce déchet serait formé de déments, d’incapables, d’hommes de mauvaise volonté, il serait regrettable, car dangereux : dans une ville mal balayée, où le service de voierie pèche, le moindre orage détermine des boues insalubres.
Cet émiettement se retrouve jusque dans les consciences. Un homme, en effet, n’appartient pas à une seule œuvre, à un seul intérêt ; il peut être, au même moment, engagé dans des groupements distincts. Que ceux-ci, grâce à l’état général de notre pays, soient antagonistes, voilà un homme en contradiction intérieure et par là diminué, sinon annulé.
En conséquence, ce qui fait question c’est la substance française.
Mais si la substance nationale est atteinte, vraiment il devient fort secondaire de savoir qui sera vainqueur aux élections. Il devient secondaire de savoir si la France, par ses troupes, par sa diplomatie, par ses finances mènera à bien tel ou tel projet. Il devient secondaire de savoir si les théories révolutionnaires d’une minorité, évidemment faible, qui excitent au vol et au pillage par protestation contre la propriété et la misère sont dangereuses et significatives d’un temps nouveau…
Quand de telles questions sont considérées comme essentielles par ceux qui discutent les affaires de ce pays et par ceux qui les mènent, on penche vraiment à conclure que la France est décérébrée, car le grave problème et, pour tout dire, le seul, est de refaire la substance nationale entamée, c’est-à-dire de restaurer les blocs du pays ou, si vous répugnez à la méthode rétrospective, d’organiser cette anarchie…
Des parties importantes du pays ne reçoivent plus d’impulsion, un cerveau leur manque qui remplisse près d’elles son rôle de protection, qui leur permettra d’éviter un obstacle, d’écarter un danger. Il y a en France une non-coordination des efforts. Chez les individus, c’est à de tels signes qu’on diagnostique les prodromes de la paralysie générale.
https://www.actionfrancaise.net/2025/11/01/la-france-decerebree/