Ce n'est pas sans un certain intérêt que j'ai reçu des éditions Tallandier le volume de Benoît Rondeau, camarade auteur dans le magazine 2ème Guerre Mondiale.
 D'abord parce qu'à titre personnel, je connais encore relativement mal 
la campagne nord-africaine du conflit, par rapport à d'autres fronts. 
Ensuite parce que les livres en français sur le sujet, de synthèse ou de
 détail, ne sont pas si nombreux. J'avais commenté récemment le livre de Cédric Mas sur la bataille d'El Alamein, paru chez Heimdal. Plus anciennement, j'avais également fiché l'ouvrage de B. Lemay sur Rommel,
 que j'avais apprécié. Cependant, il semblerait que l'historien canadien
 ait malheureusement repris tels quels de nombreux passages de travaux 
d'historiens autres -je mets le conditionnel car je n'ai pu encore 
vérifier de visu, mais a priori, l'assertion paraît authentique ; du 
coup on se demande s'il a fait pareil aussi pour son Manstein...
Il est vrai que le thème a longtemps fait florès pour une historiographie datée. Les ouvrages consacrés à l'Afrikakorps sont infiniment plus nombreux, en français, que ceux dédiés à la 8th Army
 britannique, son adversaire (sans même parler des articles de 
presse...). Les Italiens sont aussi les grands oubliés du mythe de la "guerre sans haine"
 construit dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'ambition de 
Benoît Rondeau est donc de fournir une synthèse en français sur la 
guerre du désert qui, il faut bien le reconnaître, manquait jusqu'ici. 
Il s'agit de revenir sur des mythes, Rommel, Montgomery, ou des aspects 
méconnus, comme les conditions de vie quotidienne des combattants dans 
le désert. En outre, la campagne du désert est assez marginalisée, à 
l'image du front de l'est d'ailleurs, par rapport aux affrontements de 
l'ouest de l'Europe, qui occupent une place écrasante dans 
l'historiographie. On peut même descendre un degré en-dessus, comme le 
fait Benoît Rondeau, en affirmant que la campagne de Tunisie, pourtant 
très importante, est elle aussi négligée par rapport à d'autres phases 
comme El Alamein.
Le
 livre se divise en cinq parties. Dans la première, Benoît Rondeau 
explique les raisons de l'intervention allemande en Afrique du Nord et 
son déroulement jusqu'au premier siège de Tobrouk. Hitler vient, 
semble-t-il, au secours des Italiens, qui ont eu la mauvaise idée 
d'attaquer l'Egypte britannique, ce qui leur a valu une contre-attaque 
foudroyante des Anglais qui s'avancent en Tripolitaine. En réalité, le Führer a
 envisagé de se lancer sur le théâtre d'opérations méditerranéen, 
notamment parce que cela peut fournir une diversion utile lors des 
préparatifs d'invasion de l'URSS. En outre, la zone est stratégique pour
 les Britanniques : l'Egypte, en particulier, constitue une cible 
tentante pour les Allemands. C'est parce que les Allemands réfléchissent
 à une intervention que Mussolini pousse Graziani à l'assaut de l'Egypte
 en septembre 1940, puis envahit la Grèce un mois plus tard, avec le 
résultat que l'on sait. La Kriegsmarine, de son côté, est 
beaucoup plus sensible à l'intervention en Méditerranée. Hitler, d'abord
 concentré sur la prise de Gibraltar et l'envoi de la Luftwaffe, finit par se rallier à une intervention au sol en Grèce puis à l'envoi, en janvier 1941, d'un Sperrverband (détachement
 d'arrêt), alors même que Wavell, le commandant en chef britannique, 
marque le pas en Tripolitaine. Dès la fin mars 1941, la Luftwaffe aligne
 déjà près de 500 appareils sur le théâtre et marque des points. Le 11 
février, les premiers éléments allemands débarquent à Tripoli. La 5. Leichte-Division, renforcée par la 15. Panzer-Division, constitue l'entame du corps expéditionnaire allemand : le Deutsche Afrika Korps
 (DAK). Les soldats allemands n'ont pas été spécialement entraînés ou 
choisis pour la guerre dans le désert. Les uniformes ne sont pas 
forcément appropriés, les équipements nécessitent une acclimatation. 
Appuyé par les Italiens, Rommel lance ses troupes vers l'est dès le 14 
février. Le désert lui-même, comme champ de bataille, présente bien des 
obstacles. La logistique est capitale pour les opérations des deux 
camps. Le ravitaillement de l'Axe bénéficie de lignes plus courtes par 
mer mais celles-ci sont plus longue par voie terrestre, victimes aussi 
du manque d'infrastructures terrestres ou ferroviaires. Les convois sont
 des cibles pour les unités spéciales alliées comme le LRDG ou les SAS. 
Malte, en position centrale dans la Méditerranée, permet aux 
Britanniques de frapper les convois sur mer et depuis les airs. Dans le 
désert, le sable est l'ennemi quotidien du combattant. Les tempêtes de 
sable, tout comme les mouches, sont un fléau. L'hygiène est des plus 
sommaires, la chaleur affecte la santé, tout comme la froideur la nuit 
venue. Conserver l'eau devient évidemment vital. Après une première 
escarmouche le 24 février 1941, les Britanniques se laissent surprendre,
 en Tripolitaine, par la rapidité d'action de Rommel. Le 24 mars, le DAK
 s'empare d'El-Agheila, puis de Mersa el-Brega une semaine plus tard. 
Malgré les injonctions de Gariboldi, son supérieur italien qui lui 
intime de s'arrêter, Rommel continue sur sa lancée et prend Benghazi le 4
 avril. Une brigade motorisée indienne et la 2nd Armoured Division britannique sont encerclées et décimées à Mechili, mais leur résistance a permis à la 9th Australian Division de
 se replier sur Tobrouk. La propagande nazie, cependant, s'empare des 
exploits du DAK pour monter sa légende, alors même que Tobrouk, pas 
encore prise, va opposer une farouche résistance à Rommel.
C'est
 au siège de Tobrouk, véritable porte de l'Egypte jusqu'à sa chute en 
1942, que s'intéresse la deuxième partie. Romme lance ses troupes 
exsangues sur la place dès le 12 avril 1941. C'est l'échec, devant une 
résistance bien organisée. Le 8ème bataillon de mitrailleurs et le Panzer-Regiment 5 de la 5. Leichte-Division souffrent
 particulièrement. Le 16 avril, un bataillon italien complet capitule 
devant les Australiens. Morshead, qui commande la 9th Australian Division,
 dispose de 24 000 combattants, de 72 canons plus les pièces de prise, 
de 75 pièces de DCA, des canons antichars et de 26 blindés. Les 
Australiens ont remis en état les vieilles défenses italiennes et ont 
organisé trois lignes de défense, les deux premières avec mines et 
barbelés. Ils patrouillent de manière agressive pour contrôler le no-man's land. Rommel doit attendre la 15. Panzerdivision
 car son dispositif est trop distendu pour espérer emporter la place. 
Paulus, qui arrive en observateur le 27 avril, ne peut que constater 
l'inanité des efforts de Rommel, qui perd encore 50 Panzer et 1 500 hommes lors d'une attaque les 2 et 3 mai. Le DAK doit donc mettre le siège devant Tobrouk. La Luftwaffe et la Regia Aeronautica multiplient les frappes. Le talon d'achille de Rommel, c'est sa logistique, qui débarque à 1 000 km de la place, alors que la Royal Navy,
 malgré la menace aérienne et les opérations en Grèce, parvient à 
alimenter Tobrouk tout au long de la bataille. Parallèlement, Rommel a 
envoyé des éléments, dont les premiers de la 15. Panzerdivision, sur la frontière égyptienne. Le 15 mai, après avoir reçu des renforts en chars, Wavell lance l'opération Brevity
 à la frontière égyptienne, pour tenter de dégager Tobrouk. C'est un 
échec : les blindés britanniques sont pris à partie par les antichars 
puis par les blindés du Panzer-Regiment 8, 15. Panzerdivision, accourus de Tobrouk. Le 15 juin, l'opération Battleaxe se heurte aux 88 de la passe de Halfaya, puis à la contre-attaque habituelle des Panzer :
 les Britanniques perdent une centaine de chars. Wavell est remplacé par
 Auchinleck. A Tobrouk, les Australiens ne restent pas inactifs et 
mènent des incursions en dehors de leur périmètre. Les pertes montent, 
cependant, et les Australiens commencent à être relevés par d'autres 
contingents à l'automne. En face, Rommel, surnommé "le renard du désert" depuis Battleaxe, commande depuis le 15 août le Panzergruppe Afrika. Le DAK passe sous les ordres de Crüwell. Celui-ci comprend désormais la 15. Panzerdivision et la 5. Leichte rebaptisée 21. Panzerdivision, plus la division z. b. V. Afrika. Rommel peut aussi compter sur deux corps italiens, le 20ème avec la division blindée Ariete et la division motorisée Trieste, et le 21ème avec 5 divisions d'infanterie. Les défenses à la frontière égyptienne sont renforcées, les Panzer sont
 gardés en réserve entre Tobrouk et la frontière. La tactique d'emploi 
des chars est raffinée. Rommel devient, par consentement heureux, une 
icône de la propagande de Goebbels. Côté britannique, le changement de 
commandement s'accompagne en septembre de la modification du nom de 
l'armée, devenue 8th Army, commandée par Cunningham, chapeauté 
par Auchinleck. Celui-ci prévoit d'attaquer en direction de Tobrouk, sur
 la frontière égyptienne, pour attirer les Panzer et les détruire lors d'une bataille rangée. En prévision de l'offensive, baptisée opération Crusader,
 l'aviation intensifie son action, un commando tente d'éliminer Rommel, 
et le SAS intervient pour la première fois derrière les lignes ennemies.
 Crusader, lancée le 18 novembre 1941, surprend Rommel, même si 
les brigades blindées britanniques se font étriller. La garnison de 
Tobrouk procède à une sortie. Même si la 7th Armoured Division 
subit de lourdes pertes à Sidi Rezegh, Rommel est dans une situation 
difficile. La contre-attaque allemande sur la frontière se heurte à 
forte partie. Rommel manque d'être capturé. Le 26 novembre, Auchinleck 
fait la jonction avec Tobrouk. Les deux commandants de Panzerdivision de
 Rommel sont bientôt mis hors de combat. Rommel ordonne le repli, mené 
cependant de manière agressive. Benghazi est évacué le 17 décembre. Les 
pertes ont été plus lourdes côté britannique mais Auchinleck est maître 
du terrain. Cependant, les renforts allemands arrivent, des unités 
anglaises partent en Extrême-Orient, Kesselring prend la tête de 
l'effort logistique et les U-Boote interviennent en Méditerranée : la 8th Army
 se voit priver d'une victoire totale, comme en 1940 contre les 
Italiens. Dès le 21 janvier 1942, Rommel contre-attaque vers l'est, 
capture une quantité d'équipements et s'arrête sur la ligne de Gazala, 
faute de troupes suffisantes. Hitler le décore des glaives de la croix 
de chevalier de la croix de fer. Si Crusader a pu réussir, c'est 
parce que Malte permet aux Anglais de prélever un lourd tribut sur la 
logistique allemande. Or les Allemands ne s'intéressent réellement à 
Malte qu'au cours du premier semestre 1942. Kesselring coordonne 
l'effort aérien : l'île est neutralisée en avril, mais la victoire n'est
 pas complétée par une invasion, bien que les Italiens aient réfléchi à 
un assaut amphibie et aéroporté. Hitler privilégie finalement la chute 
de Tobrouk et l'offensive en Egypte. La nouvelle Panzerarmee Afrika est renforcée en matériel. Nehring prend la tête du DAK. La Luftwaffe est
 alors particulièrement puissante en soutien. Auchinleck, pressé par 
Churchill de contre-attaquer, n'en fait rien. Le 26 mai 1942, l'attaque 
de Rommel prend les Britanniques au dépourvu, bien que les Panzer aient à affronter un nouvel adversaire, le M3 Grant et
 son canon de 75 mm en caisse. L'attaque vise à contourner par le sud la
 ligne britannique pour foncer vers la côte. Encerclé, Rommel parvient à
 se dégager. Les Français Libres mènent une belle défense à Bir Hakeim, à
 l'extrémité gauche de la ligne britannique, un succès davantage 
psychologique, pour la France Libre, que réellement influent sur la 
bataille en cours. Les Britanniques perdent ensuite la bataille de chars
 sous les coups des Pak, puis des Panzer, et n'ont d'autre
 choix que de retraiter vers l'Egypte. Tobrouk, défendue par la 2ème 
division sud-africaine, est investie méthodiquement le 20 juin avec un 
puissant soutien aérien. La place tombe le lendemain. L'assaut, bien 
coordonnée, a cette fois bénéficié de la surprise : ce sont 33 000 
prisonniers et un équipement considérable qui rejoignent l'inventaire de
 Rommel, nommé maréchal par Hitler. Le 25 juin, Auchinleck prend la tête
 de la 8th Army. Rommel entre en Egypte, alors même que Malte 
n'est pas neutralisée, et va redevenir menaçante dès le mois d'août 
après l'arrivée de deux grands convois.
Le
 24 juin, l'armée de Rommel est entrée en Egypte et remporte un nouveau 
succès à Mersa Matrouh. Des quantités d'approvisionnement sont perdues 
entre Tobrouk et el-Daba. Le 29 juin, les premiers éléments allemands 
arrivent à El Alamein, une gare construite dans les années 20 à une 
centaine de kilomètres d'Alexandrie. La première semaine de juillet 1942
 devient ainsi l'une des plus cruciales de la guerre. Auchinleck met le 
delta du Nil en état de défense. La Panzerarmee a l'Egypte a sa 
portée, mais aucunement le Moyen-Orient, vu sa situation. La victoire 
allemande aurait surtout des répercussions sur les plans logistique et 
peut-être politique ; mais les Américains, Marshall en tête, envisagent 
déjà de débarquer en Afrique du Nord en cas d'effondrement britannique. 
L'évacuation de la flotte d'Alexandrie entraîne un début de panique dans
 la ville ; certains Egyptiens voient d'un bon oeil l'arrivée prochaine 
des Allemands. Auchinleck organise la défense autour d'El-Alamein avec 
des positions défensives -les fameuses boxes- placées notamment 
sur les hauteurs. Il ne pense pas pouvoir arrêter les Allemands car il 
surestime leurs effectifs. Norrie, le chef du 30th Corps 
britannique, pense au contraire qu'il faut tenir coûte que coûte. En 
réalité, Rommel n'a plus que 55 chars en ligne le 30 juin, et manque 
cruellement d'infanterie, alors que la 8th Army, dont les pertes 
ont été comblées en urgence, est hétérogène. Auchinleck bénéficie 
cependant de la supériorité aérienne vraiment acquise de la Desert Air Force
 et de l'arrivée massive du canon antichar de 6 livres, capable de 
mettre hors de combat certains blindés allemands. Le 1er juillet, 
l'attaque allemande de ce qui devient la première bataille d'El Alamein 
démarre dans la confusion. Le DAK se heurte à de violents tirs 
d'artillerie et d'aviation. La division italienne Ariete est balayée. Le 9 juillet, Rommel repart à l'assaut contre les Australiens de la 9th Division
 de Tobrouk, qui tiennent bon et détruisent son unité de renseignements 
si précieuse. Les contre-attaques d'Auchinleck les 14 et 15 juillet 
manquent d'efficacité en raison du problème lancinant de la coordination
 interarmes, en particulier entre les chars et l'infanterie. Le 22 
juillet, une attaque anglaise sur la crête de Ruweisat tourne au 
carnage. Auchinleck cesse finalement ses attaques le 28 juillet. Il a 
réussi à stopper Rommel mais le succès a été coûteux : il manque de 
troupes aguerries. Les Néo-Zélandais, en particulier, ont payé un lourd 
tribut. Churchill, qui vient Egypte début août, remplace Auchinleck par 
Alexander, et nomme Gott à la tête de la 8th Army ; la mort 
inopinée de ce dernier laisse la place vacante pour Montgomery. Celui-ci
 va s'attacher à redonner confiance à son armée, à la préparer au mieux à
 un nouvel assaut. Côté allemand, le moral est bon, des renforts 
arrivent, mais Rommel est malade. En outre, les munitions et le 
carburant manquent en raison des attaques dévastatrices des Britanniques
 depuis Malte. Rommel est cependant contraint de repartir à l'assaut 
pour éviter que la 8th Army ne se renforce trop. Il compte attaquer au sud, là où se trouve le 13th Corps, le
 plus puissant des Britanniques. L'attaque, qui commence le 31 août, est
 marquée par des retards, un matraquage aérien allié sans précédent et 
la perte de nombreux officiers. Rommel donne dans le point fort du 
dispositif adverse et doit ordonner le repli dès le 2 septembre. La 
bataille d'Alam Halfa, qui se termine le 5 septembre, améliore un peu 
les positions allemandes, mais les pertes sont lourdes, et les 
Britanniques ont subi moins de pertes en chars que de coutume. Rommel, 
qui quitte son commandement le 22 septembre pour raisons de santé, a 
veillé à renforcer les défenses, en mixant Allemands et Italiens et en 
créant une certaine profondeur. Près d'un demi-million de mines sont 
disposées devant le périmètre défensif ; les Allemands doivent aussi 
apprendre à se camoufler pour échapper aux attaques aériennes. 
Montgomery, lui, dispose d'une supériorité écrasante : plus de 1 400 
canons antichars et plus de 1 000 blindés, dont 252 nouveaux M4 Sherman américains.
 Mais en réalité, les concentrations sont moins denses dans les secteurs
 d'attaque et le constat est plus équilibré. Cependant, Mongtomery a 
l'avantage écrasant en termes logistiques et la supériorité aérienne sur
 le front. Il prend du temps pour apprendre aux unités à manoeuvrer en 
division entière, reprend l'idée des divisions mobiles d'Auchinleck, en 
mixant infanterie et chars, crée l'équivalent d'un corps d'armée blindé.
 Son plan, l'opération Lightfoot, est une bataille d'usure : 
attaquer au nord tout en menant des diversions au centre et au sud. Les 
raids lancés en septembre pour affaiblir le ravitaillement de l'Axe 
derrière les lignes échouent. L'opération Lighfoot démarre le 23 
octobre et d'emblée se présente comme mitigée. Les progrès sont faibles 
le 24 octobre. Mongtomery réoriente alors l'effort sur son aile droite, 
où les Australiens mènent de très violents combats et subissent les 
contre-attaques des Panzer. Rommel a dégarni son centre. Le 2 novembre, dans la nuit, Mongtomery lance l'opération Supercharge,
 au sud. Dès le lendemain, le DAK atteint le point de rupture. Rommel 
commence à retraiter mais Hitler lui ordonne de tenir sur place. Mais le
 repli s'impose de lui-même les 4-5 novembre. La Panzerarmee Afrika
 a laissé dans la bataille la moitié de ses 100 000 homes et n'aligne 
plus que 38 chars. Montgomery a remporte une victoire nette, mais n'a 
pas détruit l'armée ennemie. Quelques jours plus tard, le 8 novembre, 
les Alliés débarquent en Algérie et au Maroc. Montgomery, devenu le 
vainqueur d'El-Alamein, devient un symbole pour les Britanniques, une 
mascotte : il saura faire fructifier son capital d'image et sa carrière 
suite à ce succès.
La poursuite commence dès le 5 novembre, mais elle reste prudente. Il faut dire que la 8th Army est
 essoufflée après son succès. Il y avait pourtant de quoi faire pour 
être plus agressif, et certains officiers britanniques l'ont suggéré. En
 vain. Rommel, lui, dispose des unités en arrière-garde et se déplace 
aussi de nuit. La Panzerarmee Afrika sort d'Egypte et traverse la
 Cyrénaïque. Tobrouk est reprise le 13 novembre, Benghazi une semaine 
plus tard. Le 24 novembre, Rommel est à Mersa el-Brega, après un repli 
de 1 200 km. Quatre jours plus tard, il s'envole pour Rastenbourg afin 
de convaincre Hitler de se retirer encore plus à l'ouest. Le Führer,
 passablement hors de lui en raison de la crise à Stalingrad, éconduit 
Rommel. Les Britanniques lancent leur offensive contre Mersa dans le 
vide, même si l'Ariete réussit une belle performance, soulignée 
par Rommel pourtant peu prolixe de commentaires flatteurs pour les 
Italiens, le 15 décembre. Les Allemands ont également semé des mines et 
des pièges tout au long de leur retraite. Rommel s'installe à Bouerat, à
 320 km à l'est de Tripoli. L'offensive britannique ne démarre que le 15
 janvier, alors que Rommel a, à nouveau, commencé de décrocher. Le 22 
janvier 1943, la Panzerarmee évacue Tripoli. La 8th Army 
entre en Tunisie début février 1943. Rommel, qui s'y trouve depuis le 26
 janvier, est relevé de son commandement pour raisons de santé, mais on 
lui laisse choisir la date d'abandon de ses fonctions. L'opération Torch,
 de son côté, a réussi, malgré une vigoureuse résistance française, 
notamment au Maroc. Hitler et Kesselring prennent cependant les Alliés 
de court en créant une tête de pont en Tunisie où est rapidement bâtie 
la 5. Panzerarmee confiée à von Arnim. Hitler, jusqu'alors avare 
de ressources avec Rommel, ne veut pas céder un pouce de terrain ; en 
outre tenir en Tunisie retarde un débarquement sur le flanc sud de 
l'Europe. Dès la fin novembre, Kesselring occupe le sud de la Tunisie 
pour permettre à Rommel de faire la jonction. Le terrain est différent 
de celui de la guerre du désert : la densité de population est plus 
importante, le relief montagneux. Arnim attaque dans le sud-ouest 
tunisien fin janvier : si les Français ralliés aux Alliés, malgré un 
matériel obsolète, se défendent bien, les premiers engagements menés par
 les Américains ne sont guère concluants. Rommel, qui s'installe sur la 
ligne Mareth, souhaite une frappe coordonnée des deux armées. 
Mais le commandement bicéphale perdure et chaque armée opère, de fait, 
de son côté. Le 14 février, les Allemands frappent fort, enfoncent le IInd Corps américain
 de Fredendall, mais des problèmes de coordination et de commandement 
sur la suite à donner aux opérations empêchent d'obtenir un succès 
complet. Les Américains, renforcés par les Britanniques, se 
ressaisissent, l'artillerie et l'aviation entrent en action. L'effort 
allemand, trop dispersé, n'a pu faire sauter les quelques verrous tenus 
solidement par les alliés. Patton remplace finalement Fredendall. Rommel
 lance une dernière attaque contre la 8th Army, début mars, qui se solde par un échec ; puis il quitte définitivement l'Afrique du Nord. Le 16 mars, l'opération Pugilist Galop de Montgomery pour enfoncer la ligne Mareth échoue.
 Patton mène ses troupes dans des opérations qui, non sans mal, 
redonnent confiance à la troupe. Montgomery contourne la ligne Mareth puis
 pousse la 1ère armée italienne de Messe, les 5-6 avril, à se replier 
sur Enfidaville. Le 10 avril, Monty est à Sfax ; la jonction avec la 1st British Army est
 faite à Kairouan deux jours plus tard. Mi-avril, l'Axe ne tient plus 
qu'un front en demi-cercle de 130 km de long. Ce n'est que le 7 mai 
cependant que les Alliés pénètrent à Bizerte puis Tunis. Les derniers 
combattants se rendent le 13 mai 1943. La victoire est complète : 
l'armée française d'Afrique rejoint les FFL ; 170 000 hommes de l'Axe 
ont été capturés à la fin des combats, et les pertes en Tunisie se 
montent en tout à 300 000 hommes, contre 75 000 pertes côté allié. 
Paradoxalement, c'est l'insistance allemande à faire durer la bataille 
grâce à la tête de pont en Tunisie qui entraîne un revers très important
 pour le théâtre méditerranéen des opérations. Hitler n'a jamais 
considéré le théâtre nord-africain comme valant la peine d'un engagement
 massif, alors que des opportunités existaient une fois abandonné le 
projet d'invasion de l'Angleterre ; les pertes ont été disproportionnées
 pour un résultat finalement faible, l'Italie étant à la veille de 
l'effondrement après la fin de la Panzerarmee Afrika. A la 
conférence de Casablanca, les Alliés adoptent le principe d'une 
reddition sans conditions. L'armée d'Afrique, qui a servi Vichy, entre 
dans la France Libre, non sans tensions : l'amalgame sera des plus 
pénibles. Les Américains fournissent cependant le matériel moderne et 
l'instruction nécessaires pour que l'armée française retrouve réellement
 sa place sur les champs de bataille. Les Américains ont connu leur 
baptême du feu : ils en sortent avec 4 divisions expérimentées, des 
chefs qui se sont révélés, des adaptations nécessaires mais faites, et 
une place grandissante au sein du camp allié.
La postérité de l'Afrikakorps est
 immense. Et pourtant, le DAK a compté, comme toutes les autres 
formations allemandes de la guerre, de nombreux soldats authentiquement 
nazis, aux côtés d'une poignée d'antinazis. Une grande partie des 
officiers supérieurs a aussi servi en URSS. Certains anciens officiers 
du DAK commettent plus tard des crimes de guerre, en Italie ou dans les 
Balkans. La guerre du désert a-t-elle été vraiment chevaleresque ? La 
reddition est rarement refusée, il est vrai, les prisonniers sont plutôt
 bien traités. Mais les exactions n'ont pas manqué. Les Allemands sont 
imprégnés de leur conception raciale, même à l'égard de leurs alliés 
italiens. La Croix Rouge ne protège pas des tirs, dans les deux camps. 
Les colons italiens ont à souffrir de la présence britannique en Libye. 
Les prisonniers sont bien traités, comme on l'a dit, mais ce n'est pas 
systématique. De Gaulle doit menacer les Allemands de représailles sur 
les prisonniers allemands si les combattants de Bir Hakeim sont 
considérés comme "franc-tireurs" en cas de capture. Rommel refuse pourtant d'appliquer le fameux "ordre des commandos" du 18 octobre 1942. Les prisonniers de l'Afrikakorps envoyés
 aux Etats-Unis partent dans les camps de prisonniers avec un moral 
d'acier, persuadés que l'Allemagne va gagner la guerre. Une justice 
expéditive règne dans les camps, où les défaitistes et ceux qui veulent 
collaborer avec les Américains sont exécutés. Les prisonniers allemands 
de Normandie sont effarés par l'attitude de leurs camarades qu'ils 
découvrent en arrivant dans les camps. La Gestapo a eu une 
antenne en Afrique dès septembre 1941. En juillet 1942, alors que Rommel
 menace de prendre l'Egypte, les premiers SS arrivent pour superviser 
l'application de la Solution Finale. Walter Rauff réapparaît en Tunisie 
en novembre. Des Juifs sont parqués dans un camp, même si la tâche des 
SS est rendue difficile par les Français et les Italiens. Les résistants
 français sont d'ailleurs déportés dans les camps de concentration du 
continent avant la chute de la Tunisie. La propagande nazie a fait de 
Rommel une icône, relayée par les Britanniques, qui avaient besoin de 
souligner le génie de l'ennemi défait. Cinq ans après la fin du conflit,
 le mythe est déjà en place, via l'ouvrage de Desmond Young, puis le 
film Le renard du désert de Hattaway (1951).
 L'épopée de la guerre du désert devient celle des Allemands, non des 
Italiens, oubliés alors que leur contribution a été énorme. Le mythe 
perdure via les chansons, les BD, les wargames, voire parfois les
 cours sur la guerre du désert dans les institutions militaires qui 
étudient les campagnes de Rommel. Depuis le film de Hattaway, les 
successeurs placent plutôt le point de vue du côté allié, sans que 
l'image de la guerre chevaleresque ne disparaisse. Pour preuve le film 
français Un taxi pour Tobrouk, en 1961, qui symbolise ce mythe de la guerre sans haine.
Au
 final, après ce résumé des cinq parties du livre, que conclure sur le 
travail de Benoît Rondeau ? Le titre est à mon avis un peu trompeur : il
 ne s'agit pas à proprement parler d'une étude précise, fouillée, de l'Afrikakorps de
 Rommel, mais plutôt d'une excellente synthèse sur la guerre en Afrique 
du Nord, du début -à partir de l'intervention allemande- jusqu'à la fin,
 de la manière la plus équilibrée possible. Il est vrai que le propos se
 concentre plutôt du côté de l'Axe, dont les motivations, l'engagement 
et ses conséquences sont expliquées un peu plus en détails ; mais cela 
est fait presque autant pour les Britanniques et leurs alliés. Il faut 
souligner aussi que la description des opérations se concentre surtout 
sur la dimension terrestre de l'affrontement, avec évocation de la 
dimension navale et des lignes un peu plus nombreuses sur l'aspect 
aérien. Au niveau de l'équilibre, il faut noter qu'un bon quart du livre
 est consacré à la bataille d'El Alamein, ce qui peut se comprendre au 
vu de son importance, mais ce qui peut-être empêche d'être plus prolixe 
sur d'autres parties. Il y a me semble-t-il des points forts : la 
première partie qui décortique le pourquoi de l'intervention en Afrique 
du Nord, la grosse partie sur El Alamein, justement, et le bloc sur la 
campagne de Tunisie, souvent négligée, de même que la retraite de Rommel
 après El Alamein. Sur les points faibles, les cartes, bien placées au 
fil du texte et plutôt claires, sont peut-être trop peu nombreuses, 
problème classique des ouvrages d'histoire militaire malheureusement, 
que j'ai moi-même connu en tant qu'auteur. On peut peut-être regretter 
que la dernière partie sur la postérité de l'Afrikakorps soit 
réduite à la portion congrue : le mythe Rommel est seulement effleuré, 
et l'historiographie n'est peut-être pas assez développée (à l'étranger 
et en France) de même que les productions postérieures dans différents 
domaines, cinéma, BD, littérature, etc. Les annexes fournissent des 
ordres de bataille pour certaines des opérations traitées. La 
bibliographie est commentée dans une petite introduction : Benoît 
Rondeau souligne les ouvrages datés qui ont entretenu ou continuent 
d'entretenir le mythe. Il est dommage que le même traitement ne soit pas
 appliqué à l'ensemble de la bibliographie listée ensuite, car sur des 
hors-série de magazine comme ceux écrits par Yves Buffetaut, ou François
 de Lannoy, ou les livres écrits par Eric Lefèvre, et même ceux de 
Mitcham, il y aurait probablement à redire. De la même façon, peut-on 
aller jusqu'à intégrer en bibliographie des articles de magazines comme 
ceux de Caraktère, ou pire, ceux d'Yves Buffetaut dans Militaria Magazine
 ? Je me pose la question, personnellement je ne sais pas si je l'aurais
 fait. Ces articles ont leur utilité, tout comme les hors-série 
complets, pour autant, peut-on les citer dans une bibliographie 
d'ouvrage ? Je pense qu'il faut vraiment choisir au cas par cas, et en 
argumentant. Je ne m'étais pas posé vraiment la question pour l'ouvrage 
de Nicolas Bernard, par exemple, mais la bibliographie était dans ce cas
 pléthorique. L'auteur m'a précisé qu'il avait dû supprimer au moins 80 
000 signes, notamment sur la dernière partie, mais aussi sur la 
nourriture dans le désert, les composantes de la 8th Army, 
l'armée italienne...  on aurait souhaité peut-être, aussi, une 
introduction, surtout, et une conclusion un peu plus étoffées. 
Finalement, des quelques questions posées en introduction, c'est à la 
première, le mythe de l'Afrikakorps, que Benoît Rondeau répond le moins, faute de place (malgré des pages intéressantes sur les prisonniers de l'Afrikakorps aux
 Etats-Unis, par exemple). Le mythe de Montgomery est presque plus 
traité que celui de Rommel dans le récit. Le quotidien est en revanche 
bien décrit. Plutôt qu'à une histoire militaire ou socio-politique de 
l'Afrikakorps, c'est à une histoire opérationnelle fouillée et 
globalement plutôt réussie de la guerre du désert que nous convie 
l'auteur. En français, il est certain qu'un trou est quand même comblé.

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