Contrairement
 aux Grecs et aux Romains, qui adoraient des divinités solaires, les 
Germains considéraient que la puissance du soleil, qui donnait vie à 
tous les êtres, était, pour eux, une des puissances les plus sacrées. 
Les innombrables symboles solaires que l’on découvre sur les parois 
rupestres du Nord de l’Europe depuis l’âge du bronze, souvent sous la 
forme de roues solaires, en témoignent de manière fort éloquente. 
Certains d’entre ces symboles ont plus de 3500 ans. Jusqu’ici, il a été 
quasiment impossible d’interpréter avec précision ces signes gravés dans
 les rochers. Par ailleurs, le déchiffrement des signes trouvés, au 
nombre d’environ 7500, sur un rocher canadien, à Petersborough dans la 
province d’Ontario, nous donne l’espoir d’un jour pouvoir déchiffrer les
 milliers de grafittis de l’Ultima Thulé scandinave. C’est un professeur
 britannique, Barry Fell, qui nous a donné la clef d’un tel 
déchiffrement. Les deux alphabets de runes primitives, qu’il est parvenu
 à déchiffrer, il les a appelés “Tifinag” et “Ogham”. Son oeuvre peut se
 comparer au dévoilement du mystère des hiéroglyphes égyptiens par le 
Français Champollion et à la découverte du sens des anciens alphabets 
grecs du “Linéaire A” et du “Linéaire B” par Michael Ventris. Grâce à 
Champollion et à Ventris des pans entiers de la culture antique et 
protohistorique nous sont désormais accessibles. 
Les
 spécialistes allemands des religions et des mythologies, le Dr. Wolfram
 Goegginger et le Prof. Gustav Mensching ont, dans un ouvrage reproduit 
récemment en facsimilé, Volksreligion und Weltreligion im deutschen Brauchtum
 (= Religion populaire et religion universelle dans les coutumes 
allemandes; Faksimile-Verlag, Brème, 266 pages, 1996) ont surtout mis en
 exergue les cultes solaires germaniques et souligné leur grande 
importance. Le livre, dans sa première édition, date de 1944 et avait 
été publié auprès d’une maison d’édition de Riga en Lettonie. L’ensemble
 du stock avait été détruit lors d’un bombardement allié, alors qu’on le
 transportait vers l’Allemagne. La nouvelle édition fait donc oeuvre 
utile. On considère désormais ce travail comme un ouvrage standard dans 
la littérature sur l’histoire des religions.
Thèse
 initiale du travail: au départ de la religion populaire germanique 
primitive, on peut évoquer diverses fêtes du printemps, du soleil et de 
l’hiver, assorties de traditions précises, tant et si bien que la 
pratique de cette religion populaire peut être considérée comme une 
création purement germanique. On ne s’étonnera pas, dès lors, que 
l’Eglise, au moment où le christianisme pénétrait dans l’espace 
germanique et scandinave, ait tout mis en oeuvre pour détruire ces 
traditions mythiques bien ancrées depuis la nuit des temps, comme 
d’ailleurs toutes les autres coutumes et monuments “païens” de nos 
lointains ancêtres. 
On
 comprendra aisément que des populations contraintes de vivre dans de 
sombres forêts pendant près d’une demie année d’obscurité vont adorer 
l’astre solaire avec une vénération plus forte que les peuples du Sud. 
En
 partant d’une présentation de l’essence de la religion chrétienne, pour
 laquelle, comme pour l’islam et le bouddhisme, l’individu est central, 
nos deux auteurs montrent, dans leur ouvrage, que la religiosité des 
anciens Germains est affirmatrice de la vie au contraire de la religion 
chrétienne qui méprise le monde et s’affirme anti-vitaliste. 
Nous
 n’avons pas la place ici d’énumérer, même sommairement, toutes les 
coutumes principales de la liturgie annuelle pratiquée par nos ancêtres,
 raison pour laquelle il conviendrait d’acheter et de lire ce livre 
remarquable, qui comble une formidable lacune dans l’histoire des 
pratiques religieuses en Europe. 
Nos
 auteurs évoquent notamment les combats printaniers contre les dragons, 
représentant les puissances hivernales et mortifères, des fêtes de la 
fertilité et des rites liés aux plus anciennes divinités (Odin, Thor, 
Frigga, etc.), ainsi que les fêtes de l’Ostara et du Huld, qui, elles, 
évoquent la reprise de parole de Dieu. Parmi les cultes commentés, 
signalons le “labourage sacré”, au moment où commence le printemps; ces 
cultes indiquent que ces peuples avaient acquis un degré élevé de 
culture comme le montrent aussi les nombreux dessins rupestres où 
figurent des chariots et des nefs à haute étrave ou haut étambot. Ces 
populations n’étaient donc pas des nomades primitifs en état d’errance 
perpétuelle, comme le prétendaient les missionnaires chrétiens, en 
pensant qu’ils leur apportaient les premiers éléments de religion. 
Les
 dessins rupestres représentent souvent, dans un contexte religieux, des
 arbres de vie (apparemment l’Arbre du Monde, le Frêne Yggdrasil), ce 
qui implique un culte des arbres et de la forêt omniprésente sous ces 
latitudes. L’arbre de Noël en est un écho, surtout lorsqu’il est décoré 
d’artifices lumineux, ainsi que la fête qu’il célèbre, celle du Jul. On 
sait que ces coutumes ne viennent pas d’Orient mais de l’espace 
germanique et scandinave, à partir duquel elles se sont répandues dans 
le monde. Ce n’est pas un hasard si le missionnaire Boniface fit abattre
 le chêne dédié à Thor à Hohengeismar en Hesse dès son arrivée en 
Germanie en l’an 724! De même, l’Arbre de Mai, dénommé soit “Maistande” 
(le mât de Mai) ou “Maibaum”/”Meiboom” est le symbole de la nouvelle vie
 en phase de germination. Les jeux festifs du moment solsticial sont 
encore considérés en Scandinavie comme la plus importante des fêtes de 
la Lumière, placée sur le même plan que la Noël. L’Eglise a débaptisé 
cette fête du solstice d’été en l’appelant “feux de la Saint Jean”. 
Dans
 ce livre magnifiquement relié et reproduit en facsimilé sur les cultes 
et les traditions, la première partie est due à la plume de W. 
Goegginger, tandis que la seconde, dont l’auteur est G. Mensching, 
traite de l’opposition qui existe naturellement entre religiosité 
populaire (ou naturelle) et religiosité universaliste, en assortissant 
cette distinction de premier ordre de réflexions fort profondes. 
Mensching oppose donc les religiosités purement naturelles aux 
religiosités qui se borne à n’exercer qu’un culte. Les religiosités 
naturelles représentent dès lors l’idéal de communauté, de dimensions 
tribales ou populaires; les religiosités universalistes, elles, reposent
 sur une anthropologie strictement individualiste. Dans sa conclusion, 
Mensching écrit: “La vie, et non pas les dieux, est ce qui est relève 
réellement du divin dans le domaine de la religiosité germanique... 
Au-dessus de nous, il y a immanquablement le Dieu éternel, le waltand got,
 l’incompréhensible, celui qui nous envoie notre destin, qui nous 
prodigue notre salut, la force originelle de toute religion et de toute 
force”. 
Frithjof HALLMANN.  http://euro-synergies.hautetfort.com
(recension parue dans “Mensch und Mass”, n°2/1998).
 
 
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