En 1793, la Révolution française est à l’apogée de ses ignominies. Certains révolutionnaires ne cessent de haranguer le peuple et de demander toujours et encore plus de sang. À travers son petit journal, Jean-Paul Marat déclare ainsi à ses lecteurs : « Il y a une année, cinq ou six cents têtes abattues vous auraient rendus libres et heureux. Aujourd’hui, il en faudrait abattre dix mille. Sous quelques mois, peut-être en abattrez-vous cent mille, et vous ferez à merveille. » Comme le déclaraient Robespierre et ses partisans : « La Terreur est à l’ordre du jour. » Ainsi, toute personne considérée comme suspecte ou faisant preuve d’un tant soit peu de modération est considérée comme ennemi de la nation.
Les députés de la faction des Girondins sont ainsi menacés par les Montagnards dont faisaient partie les plus violents meneurs de la Révolution comme l’Incorruptible Robespierre, Danton et Marat. Répondant à l’un des nombreux appels à la violence et au meurtre de ce dernier, le député Pierre Vergnaud lance à l’ami du peuple : « Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! » Mais la repartie et la résistance des Girondins ne les empêchent pas d’être à leur tour considérés comme suspects. Arrêtés en juin 1793, ils sont jugés ennemis de la nation et guillotinés. Les rares survivants de cette purge révolutionnaire partent pour les campagnes et les villes de province. Là-bas, ils tentent de rallier le peuple afin de mettre fin à la folie des Montagnards.
Et c'est dans ce contexte qu'apparaît Charlotte Corday. Issue d’une famille noble sans argent dont la seule richesse était la foi, la jeune Charlotte Corday, de son vrai nom Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont, fut élevée dans des abbayes où elle apprit le sens du sacrifice. Revenue à Caen après la fermeture des institutions religieuses par la Révolution, la jeune Charlotte assiste à une des réunions des Girondins où elle finit par faire sa vocation de la déclaration d’un député : « Faites tomber la tête de Marat et la patrie est sauvée. »
Fermement décidée et consciente de la fin tragique qui l'attend, Charlotte Corday quitte sa Normandie natale et arrive à Paris, au début du mois de juillet 1793. Dès lors, elle tente par tous les moyens d’approcher Marat, qui ne quitte plus son domicile de la rue des Cordeliers. En effet, l’homme sanguinaire ne quitte plus sa baignoire, plongé dans des bains de soufre, pour tenter de soulager les terribles démangeaisons et ulcères que sa maladie de peau dévorante lui provoque. Ce qui ne l'empêche pas de continuer d’écrire ses articles, véritables appels au meurtre. Charlotte Corday, connaissant l’appétit féroce de la bête et afin de pouvoir pénétrer dans son antre, l’appâte avec le sang et la chair de députés girondins qu’elle se dit prête à dénoncer : « Je viens de Caen, votre amour pour la patrie doit vous faire désirer connaître les complots qu’on y médite... J'ai à vous révéler les secrets les plus importants pour le salut de la République. » Avide de savoir où se terrent ses derniers ennemis, Marat accepte de la recevoir, le 13 juillet. Lors de cet entretien qui dure quinze longues minutes, la jeune femme frappe instinctivement sa victime immobilisée dans sa baignoire d'un seul coup de couteau à la poitrine. L’ami du peuple meurt dans l’instant.
La citoyenne Corday est immédiatement maîtrisée par la compagne de Marat et ses domestiques. Emprisonnée, elle est conduite à la Conciergerie, le 15 juillet, afin de comparaître devant le terrible Tribunal révolutionnaire pour y être jugée. Reconnaissant son acte, elle est condamnée à mort et conduite à la guillotine habillée d'une simple chemise rouge, couleur des assassins mais aussi celle du martyre. Charlotte Corday aura su ainsi donner sa vie pour faire « tomber la tête de Marat ».
Eric de Mascureau
https://www.bvoltaire.fr/il-y-a-230-ans-charlotte-corday-monte-sur-lechafaud/
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