Christine de Pisan est la première femme à avoir vécu de sa plume, la première « femme écrivain » donc. Italienne originaire du village de Pizzano, dans les montages proches de Bologne, elle est née à Venise en 1365.
Son père est un célèbre professeur de médecine et d'astrologie. Dans l'Italie de la Renaissance, ces deux disciplines vont de pair car chacun est convaincu que Dieu se manifeste par des échanges entre les étoiles qui brillent dans le ciel et les hommes qui peuplent la Terre. Il importe donc de savoir interroger les étoiles pour guérir les hommes ou prévenir des malheurs.
Devenu le médecin et l'astrologue du roi de France Charles V, le père de Christine fait venir celle-ci ainsi que toute sa famille à Paris, auprès de lui. Il encourage les penchants de sa fille pour la lecture mais ne lui en impose pas moins un mari quand elle arrive à l'âge de quinze ans.
Christine se soumet à la coutume et devient bonne épouse et bonne mère. Mais dix ans plus tard, son mari décède brutalement et la jeune veuve éplorée, contre tous les usages, fait le choix de ne pas se remarier et d'élever seule ses trois enfants.
Au roi Charles V a succédé son fils Charles VI et Christine de Pisan voit s'éloigner ses protecteurs traditionnels. Les difficultés s'accumulent.
Du fait de son éducation, elle déjoue avec habileté les pièges tendus par les créanciers de son défunt mari et réussit à récupérer les sommes qui lui sont dues. Disposant de temps libre, elle se remet à la lecture et écrit de petits textes pour son plaisir personnel puis un livre sur les caprices de la Fortune.
Ses écrits ravissent la cour et le duc de Bourgogne Philippe le Hardi lui propose alors d'écrire la vie de son frère, le roi défunt Charles V le Sage. C'est ainsi qu'elle lui livre en 1404 Le Livre des fais et bonnes moeurs du sage roi Charles V.
Le portrait qu'elle fait du roi coïncide avec celui qu'en font les historiens modernes. Elle dépeint un homme de bureau, efficace et compétent, autrement plus performant que les rois batailleurs qui l'ont précédé :
« Ce roi, par son sens, sa magnanimité, sa force, sa clémence et sa libéralité désencombra le pays de ses ennemis tant qu'ils n'y firent plus leurs chevauchées. Et lui, sans se mouvoir de ses palais et sièges royaux, reconquit, refit et augmenta son royaume qui, auparavant, avait été désolé, perdu et dépris par ses devanciers portant les armes très chevalereux »(Christine de Pisan, Livre des fais et bonnes moeurs du sage roi Charles V, début XVe siècle).
« Ce roi, par son sens, sa magnanimité, sa force, sa clémence et sa libéralité désencombra le pays de ses ennemis tant qu'ils n'y firent plus leurs chevauchées. Et lui, sans se mouvoir de ses palais et sièges royaux, reconquit, refit et augmenta son royaume qui, auparavant, avait été désolé, perdu et dépris par ses devanciers portant les armes très chevalereux »(Christine de Pisan, Livre des fais et bonnes moeurs du sage roi Charles V, début XVe siècle).
Le succès éloigne les difficultés matérielles. Les commandes affluent, motivées moins par la qualité de son style, discutable, que par la nature insolite d'une femme de lettres. Christine de Pisan s'entoure d'un véritable atelier de production avec des copistes et des enlumineurs. Elle-même se fait représenter dans les illustrations de ses manuscrits.
Elle s'en prend aussi aux allusions érotiques, sexuelles ou franchement misogynes duRoman de la Rose, un recueil poétique écrit par Guillaume de Lorris et Jean de Meung entre 1230 et 1280 et très apprécié par les lettrés de son temps. En réaction, elle publie un manifeste destiné à magnifier le rôle des femmes dans l'Histoire. C'est La Cité des Dames.Elle ne manque pas de plaider la cause des femmes dans ses recueils poétiques avec par exemple ces conseils adressés aux hommes :
« Ne sois déceveur de femmes
Honore-les, ne les diffame.
Contente-toi d'en aimer une
Et ne prends querelle à aucune ».
Honore-les, ne les diffame.
Contente-toi d'en aimer une
Et ne prends querelle à aucune ».
Mais le climat s'obscurcit à mesure que montent les rivalités à la cour et au Conseil de régence qui entoure Charles VI le Fou. Après la défaite des troupes royales à Azincourt et l'occupation de Paris par les Anglais, Christine de Pisan tire sa révérence. En 1418, elle entre au couvent comme beaucoup de dames de son âge.
Mais alors que la mort se rapproche, elle apprend une nouvelle incroyable : une Pucelle a sauvé le royaume de la déréliction et tient tête aux Anglais. Enthousiaste, elle se remet à son pupitre et écrit son dernier livre, qui est aussi le premier document sur Jeanne d'Arc : Le Ditié de Jeanne d'Arc :
« Moi, Christine, qui ait pleuré
Onze ans en abbaye close (...)
Ore à prime me prends à rire... ».
Onze ans en abbaye close (...)
Ore à prime me prends à rire... ».
André Larané
Cette courte biographie de Christine de Pisan nous a été inspirée par le beau livre d'Alessandro Barbero, Divin Moyen Âge (Flammarion, 2014).
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