
Physicien, professeur émérite et ancien directeur de recherches à l’université de Tours, François Gervais s’est imposé ces dernières années comme l’un des scientifiques les plus critiques du discours dominant sur le changement climatique. Auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, il conteste les scénarios alarmistes relayés par les institutions internationales et plaide pour un débat scientifique ouvert, loin des dogmes et des pressions idéologiques.
Récemment invité en Loire-Atlantique pour une conférence, François Gervais a développé ses analyses sur l’évolution des températures, les modèles climatiques et les enjeux énergétiques liés aux politiques de transition écologique. À rebours du catastrophisme ambiant, il défend une approche basée sur les données mesurées et non sur des projections modélisées qu’il juge souvent biaisées.
Breizh-info.com l’a interrogé sur ses travaux, ses critiques du consensus climatique officiel et les conséquences des politiques dites « vertes » sur nos économies et nos libertés.
Breizh-info.com : Vous avez été professeur de physique et thermodynamique, médaillé du CNRS et rapporteur critique du GIEC. Comment êtes-vous passé d’un travail académique classique à une prise de parole publique sur les enjeux climatiques ?
Lorsque j’ai pris ma retraite à 67 ans à l’issue de mon troisième et dernier mandat de directeur d’un laboratoire associé au CNRS, j’ai retrouvé des espaces de liberté. Croyant ce qui se disait à l’époque avec le Prix Nobel de la Paix attribué au GIEC, j’ai eu la curiosité de lire son rapport AR4. A ma grande surprise n’y figurait pas le spectre infrarouge de l’atmosphère. Or le spectre infrarouge se révélant une de mes spécialités depuis que je suis physicien devenu Directeur de recherche au CNRS puis Professeur des Universités, cette grave lacune m’a amené à me porter candidat « expert reviewer » successivement pour les rapports AR5 puis AR6.
Breizh-info.com : Le GIEC est souvent perçu comme un organe de consensus scientifique sur le climat. En tant qu’ancien rapporteur critique, quel regard portez-vous sur son fonctionnement interne et sur la place laissée au débat scientifique en son sein ?
Le mot « consensus » relève de la politique, pas de la Science qui privilégie le débat. Il est commode de mettre en avant un prétendu « consensus » en l’absence de conclusion scientifique avérée. Dans les rapports du GIEC, le relevé des observations est intéressant et je les utilise. En revanche, on est en droit de se montrer « sceptique », vertu cardinale en Sciences n’est-il pas inutile de rappeler, sur les modèles de climat qui affichent une incertitude atteignant 500 % et sur lesquels sont pourtant essentiellement basés les conclusions du GIEC. Dans mes quatre rapports successifs au GIEC, j’ai recommandé d’inclure le spectre infrarouge de l’atmosphère et de l’analyser, recommandation restée lettre morte. Pourquoi ? Les conclusions seraient-elles à ce point dérangeantes ?
Breizh-info.com : Votre dernier livre s’intitule Il n’y a pas d’apocalypse climatique. Pourriez-vous expliquer pourquoi, selon vous, la situation climatique est loin d’être catastrophique ?
Selon les propres chiffres du rapport AR6 du GIEC (paragraphes A.1.1 et D.1.1 du résumé à l’intention des décideurs), les émissions de CO2 dues à de combustibles fossiles émanant principalement par ordre décroissant de la Chine, Les Etats-Unis, l’Inde, la Russie, la France n’en étant « coupable » que de 0,8 %, réchaufferaient la Planète de 0,007°C par an, soit 0,00056°C pour la contribution française. Par une belle journée ensoleillée en l’absence de couverture nuageuse, la France expérimente couramment un écart de température de 15°C entre l’aube et le meilleur de l’après-midi. Entre une nuit glaciale au cœur de l’hiver et un épisode estival caniculaire, l’écart atteint ’une cinquantaine de degrés. En comparaison, qualifier 0,007°C par an « d’apocalyptique » n’est-il pas un tantinet disproportionné ?
Breizh-info.com : Vous affirmez que le CO₂ n’est pas un polluant, mais un fertilisant essentiel à la vie. Pourtant, une majorité de climatologues le considèrent comme le principal facteur du réchauffement climatique. Quelle est votre réponse à cet argument ?
Nous tous qui avons porté un masque durant la pandémie COVID ne serions plus là pour en parler si le CO2 était un poison car une partie de ce que nous expirons – du CO2 justement – est réinspiré à cause de la barrière du masque. Mais surtout le CO2 est par photosynthèse une nourriture aussi indispensable qu’irremplaçable des plantes, y compris nutritives. Si la concentration de ce gaz dans l’atmosphère baissait de seulement 60 %, il n’y aurait plus de végétation sur Terre, et donc disparition de la Vie. En regard d’un tel bénéfice, resterait à prouver que quelques dixièmes de degré supplémentaires seraient dommageables à une flore et une faune qui s’adaptent facilement à des écarts de température journaliers et saisonniers bien supérieurs.
Breizh-info.com : Vous évoquez un effet limité du CO₂ sur la température globale, estimant que son augmentation n’a contribué qu’à un réchauffement de 0,4°C en 175 ans. Quels éléments scientifiques vous permettent d’arriver à cette conclusion ?
L’évolution des bandes d’absorption et d’émission infrarouge du CO2 atmosphérique permettent d’en évaluer l’impact thermique. Le phénomène, logarithmique, apparait proche de la saturation d’où le faible impact depuis près de deux siècles.
Breizh-info.com : Selon vous, quelles sont les principales causes du réchauffement climatique observé ces dernières décennies ? Le rôle du soleil et des cycles naturels est-il sous-estimé dans le débat actuel ?
Lors du minimum de taches solaires de « Maunder » de 1645 à 1715, il faisait plus froid avec maladies et mauvaises récoltes historiquement documentées. Il convient de se réjouir que l’astre ait retrouvé depuis son activité bénéfique. Le système CERES disponible depuis le début de ce siècle nous montre qu’un réchauffement de l’ordre d’un degré est dû à l’évolution de la couverture nuageuse et non au CO2. L’Oscillation Atlantique Multidécennale témoigne d’un cycle de 60–70 ans.
Breizh-info.com : Le dernier rapport du GIEC prévoit une augmentation de la température mondiale allant jusqu’à 4°C d’ici 2100. Vous contestez ces projections, pourquoi ?
Vous faites allusion au plus alarmiste des quatre scénarios du GIEC, le RCP8.5, le plus irréaliste car il supposerait que les émissions de CO2 soient dès à présent multipliées par 5. Non seulement la tendance actuelle le récuse mais au-delà, les réserves connues de combustibles fossiles n’y suffiraient pas.
Breizh-info.com : Vous critiquez la politique de réduction des émissions de CO₂ en France, estimant que l’impact réel sur la température mondiale serait insignifiant (0,00056°C par an). Comment expliquez-vous alors l’acharnement des gouvernements à imposer des mesures coûteuses comme la transition énergétique ?
C’est à eux qu’il convient de poser la question. Mais au-delà d’une inquiétante désaffection pour la culture scientifique, point n’est besoin d’être titulaire d’un doctorat pour imaginer la convergence de formidables intérêts financiers qui justifient un tel acharnement.
Breizh-info.com : Vous estimez que la décarbonation massive de l’économie est un gouffre financier. Quel serait, selon vous, un plan énergétique rationnel et réaliste pour la France ?
Contribuant à seulement 0,8 % des émissions mondiales de CO2, la France est déjà plus « vertueuse » en terme d’émissions par point de PIB que ses voisins comme l’Allemagne qui a pourtant beaucoup investi dans les éoliennes. La France le paie cher en contribuant pour partie à creuser de 1000 milliards en 7 ans une dette souveraine atteignant 3500 milliards. Elle est de ce fait handicapée par une charge de la dette en passe de devenir le premier poste de dépense dans le budget de l’Etat. Mon collègue économiste le Professeur émérite Rémy Prud’homme montre que la décarbonation obère le PIB des pays qui la pratique (www.climato-realistes.fr/decarbonation-et-productivite-une-nouvelle-methode-devaluation-des-couts)
Breizh-info.com : Vous évoquez « d’énormes intérêts en jeu » dans la lutte contre le CO₂. Quels sont, selon vous, les acteurs qui bénéficient le plus de la transition énergétique ?
On assiste à une prolifération de sources d’électricité intermittente avec contrats d’obligation d’achat même quand on n’en a pas besoin. Les panneaux solaires photovoltaïques sont importés de Chine, les éoliennes de différents autres pays. Au niveau mondial, la « lutte » contre le CO2 reste très relative puisque 80 % de l’énergie produite continue à y faire appel, montrant l’illusion de la décarbonation par une minorité.
Breizh-info.com : Certains de vos détracteurs affirment que vous minimisez l’impact économique et humain des catastrophes climatiques à venir. Comment leur répondez-vous ?
Le nombre de décès liés aux évènements météorologiques extrêmes a été divisé par 100 depuis le début du vingtième siècle alors que la population mondiale a quadruplé. Mais s’agissant de phénomènes chaotiques au sens physique du terme, il y en aura toujours. Il faut donc amplifier l’adaptation. Par ailleurs, un froid excessif est un « killer » dont l’impact est quelque 9 fois supérieur à une chaleur excessive (co2coalition.org/2023/07/26/the-lancets-graphical-deception-too-common)
Breizh-info.com : Que pensez-vous des politiques d’énergies renouvelables (éolien, solaire) mises en avant par l’UE et la France ? Sont-elles efficaces ou s’agit-il d’un dogme idéologique ?
En France, selon RTE, la demande d’électricité n’a pas augmenté depuis une trentaine d’années. Sa fourniture par le nucléaire et les barrages hydroélectrique est donc suffisante. L’implantation de sources intermittentes ne sert qu’à augmenter par deux ou trois le prix de l’électricité.
Breizh-info.com : Vos positions sont très critiques envers le consensus climatique. Pensez-vous qu’il y a un verrouillage idéologique dans le monde scientifique sur cette question ?
Tout scientifique a besoin d’argent pour travailler. Tant que les décideurs privilégient l’acharnement pour la décarbonation comme vous le soulignez, les scientifiques ont intérêt à rester « bien en cour » s’ils veulent continuer à pouvoir travailler. Quelle tristesse…
Breizh-info.com : Certains scientifiques, comme François-Marie Bréon, vous accusent d’utiliser des données biaisées ou mal interprétées. Comment répondez-vous à ces critiques ?
Depuis 55 ans que je le pratique, le débat scientifique se pratique non via X-ex-twitter ou autres media en vue, mais par des publications dans des revues scientifiques internationales à comité de lecture, ainsi passé sous les fourches caudines de la revue par les pairs, ce qui oblige à réfléchir à ce que l’on écrit, voire à le corriger selon les recommandations des rapporteurs, anonymes. J’ai publié plusieurs articles sur le sujet dans de telles revues. Monsieur Bréon n’a pas adressé de critiques par ce seul canal scientifique qui vaille.
Breizh-info.com : Vous insistez sur la nécessité de différencier climat et météo. Peut-on dire que les médias exagèrent la portée de certains événements climatiques pour alimenter un alarmisme ?
La réponse est dans la question…
Breizh-info.com : Quel message souhaitez-vous faire passer aux jeunes générations qui sont majoritairement sensibilisées aux discours alarmistes sur le climat ?
Il y a suffisamment de vrais problèmes dans notre monde, sources d’inquiétudes légitimes, pour ne pas angoisser les jeunes par des alarmes largement infondées. L’éco-anxiété a été montrée être en raison inverse des connaissances scientifiques sur ces questions. On ne peut donc qu’encourager les jeunes anxieux à investir dans une démarche intellectuelle minimale privilégiant les raisonnements de la physique.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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