Détail de la tapisserie de Bayeux (XIe siècle).
Entre 885 et 886 les Danois assiégèrent Paris. Nous avons connaissance des péripéties grâce à un texte, extrait du livre Le siège de Paris par les Normands,
 écrit par un contemporain, Abbon qui fut moine à l’abbaye de Saint 
Germain des Près. Il s’agit d’une rédaction à posteriori, basé sur la 
mémoire de l’auteur mais corroboré par d’autres ainsi que par 
l’archéologie. Le siège a fait des ravages dans les faubourgs, les 
assiégeants n’ayant pu prendre la cité fortifiée défendue vaillamment 
par les Parisiens. L’empereur Charles le Gros montra sa faiblesse lors 
de ce siège, tant et si bien que cela fut annonciateur du début de la 
fin des Carolingiens, et l’occasion pour une autre dynastie, celle des 
Capétiens de préparer son avènement.
La ville est sauvée par la présence et les troupes d’Eudes, Comte de 
Paris, grand oncle d’Hugues Capet, soutenus par l’évêque Gozlin. Ces 
deux personnages sont emblématiques de la montée en puissance de 
l’aristocratie territoriale qui renversera les Carolingiens et imposa 
les Capétiens.
Si Aix la Chapelle au cœur géographique de l’Empire, était la 
capitale, Paris était toujours une cité prospère et un point stratégique
 sur la Seine. Or les Normands, en l’occurrence des Danois, remontaient 
les fleuves en bateau pour piller les riches campagnes et abbayes de 
l’Empire. Celui-ci commençait à se déliter suite aux divisions 
territoriales consécutives à chaque succession. Et aussi suite à la 
faiblesse des descendants de Charlemagne. Les Danois entendaient 
remonter la Seine en amont de Paris afin d’aller commettre leurs rapines
 au-delà, et pensaient que par lâcheté, les Parisiens leur céderaient le
 passage. 
La détermination de l’évêque Gozlin et le courage de ses ouailles qui
 leur opposèrent une résistance acharnée à l’abri de l’antique rempart 
de l’ile de la Cité, les amenèrent à dévaster les faubourgs nord autour 
de l’abbaye de Saint-Denis. L’Empereur fut sollicité pour venir les 
combattre : il préféra négocier avec eux et leur accorder le libre 
passage. Nous comprenons de ce fait, l’opportunité laissée à Eudes, et 
sa montée en puissance. Issu d’une nouvelle famille de l’aristocratie 
guerrière, il s’illustra aux côtés des Parisiens.
I. Des marins redoutables
Le texte qui nous est parvenu de cette époque lointaine est malgré 
tout suffisamment précis pour qu’une une étude scrupuleuse lui accorde 
du crédit. Il évoque « sept cent navires » à « deux lieues en aval »
 qui se présentèrent sur la Seine au niveau de Paris. On a retrouvé, 
lors de la construction des fondations du pont d’Iéna, des navires 
datant de cette époque pouvant transporter huit hommes. Or les bateaux 
retrouvés en Scandinavie mesurent environ vingt mètres de long sur cinq 
mètres de large et sont munis d’avirons des deux côtés. Ils étaient 
équipés de canots, canots mentionnés également dans le récit : « une multitude innombrable de plus petits ». Si on évalue la place que devait tenir une escadre de navires de telles dimensions, l’estimation de « deux lieues » soit huit kilomètres, n’est pas visiblement exagérée, plusieurs navires pouvant avancer de front.
Les hommes du nord, littéralement « nor mans », étaient divisés en 
plusieurs peuples, très proches les uns des autres mais qui, selon leurs
 origines, sont allés commettre des raids à des endroits différents. Les
 Danois ont beaucoup parcouru la Mer du Nord et la Manche. C’est après 
l’adoption de la voile au VIIIe siècle qu’ils entreprirent des 
expéditions plus lointaines jusqu’à Terre Neuve, et en contournant 
l’Europe par le sud, jusqu’en Sicile. Auparavant ils faisaient du 
cabotage et remontaient le cours des fleuves, de là leurs incursions et 
leur installation en Russie. Ils emportaient des chevaux légers pour 
leurs pillages là où il les commettaient mais ne s’éloignaient jamais 
des navires qui étaient leurs bases de repli. Dans le cas présent de 
Paris, ce fut une expédition assez facile, pour eux que de longer les 
côtes et de remonter le cours de la Seine.
II. Des païens qui ne respectaient rien
Les Danois n’avaient pas été encore été convertis au Christianisme, 
un abîme les séparait des Francs qui avaient vraiment l’impression 
d’avoir affaire au Diable. Abbon évoque la « race danoise, amie de Pluton »
 (le Dieu des ténèbres). Les Danois étaient considérés comme cruels par 
nature. Ils furent décrits souvent par des ecclésiastiques qui ont 
amplifiés leurs crimes, pourtant leurs raids firent moins de victimes 
que les guerres civiles internes à cette époque. 
Ils avaient avec eux leur roi, Siegfried, mais celui-ci n’étant pas 
couronné, encore moins sacré -et pour cause !- comme un roi chrétien. Sa
 royauté ne signifiait rien aux yeux des Parisiens, en tous cas aucune 
légitimité. Et ne parlons pas de leurs croyances et de leurs rites dont 
les contemporains de l’époque n’étaient pas en mesure d’appréhender la 
moindre signification spirituelle. Lors du siège, leur comportement 
montra une incompréhension totale de l’ordre Chrétien, ils tuaient sans 
considération pour l‘âge ou le sexe de leurs victimes, libéraient des 
serfs, et asservissaient des hommes libres… Un choc culturel pour les 
Parisiens ! Ils commencèrent par un raid meurtrier sur les habitants des
 faubourgs nord, près de la tombe du « bienheureux Denis ». L’île de la 
Cité était  protégée, même si une des tours très ancienne donna des 
inquiétudes quant à sa résistance. Les Parisiens étaient les témoins 
horrifiés et impuissants de ce qui se passait à l’extérieur des 
remparts, tentant parfois de venir à la rescousse des victimes.
III. La fin annoncée des Carolingiens
Siège de Paris par les Vikings (gravure anonyme du XIXe siècle).
● L’évêque et le comte, Dieu et le glaive
Siegfried le roi des Danois alla voir l’évêque pour négocier car il 
représentait néanmoins l’autorité suprême, même s’il y avait partage 
d’autorité entre l’évêque et le comte. Il était fils de comte, il avait 
été aussi diplomate et homme de guerre, ayant combattu les Normands et 
fait prisonnier par eux en 858. C’était un homme d’expérience qui 
appartenait à cette caste aristocratique qui se partageait autant les 
bénéfices ecclésiastiques que civils. Mais Eudes, le Comte fit son 
apparition sur les sommets de Montmartre accompagné de ses guerriers aux
 casques étincelants sous le soleil, montrant aux Danois que qu’il 
fallait compter avec lui aussi. Il était le fils de Robert le Fort, mort
 au combat contre les vikings en 866. Cette présence aux côtés des 
Parisiens lui vaudra de devenir roi, ce que le narrateur n’oublie pas de
 mentionner dans son récit : « le futur roi… il allait devenir le rempart du royaume ».
Au moment de ces évènements, les Carolingiens régnaient sur la 
Francie occidentale. On sait que ce siège a constitué un des évènements 
majeurs de ces temps. La situation de Paris inquiétait tout le pays, 
l’archevêque de Reims avait écrit à l’empereur Charles le Gros pour lui 
rappeler que la chute de Paris entraînerait celle du royaume tout 
entier.
● Le crépuscule de l’empire
Avec celui qui était encore Empereur au moment des faits, Charles le 
Gros, était né l’espoir de la reconstitution de l’Empire, morcelée après
 le partage de Verdun en 843. Ce petit fils de Charlemagne avait réuni 
sous son sceptre la Germanie et la Francie occidentale. Mais les 
partages antérieurs avaient porté atteinte à l’unité de cet ensemble, 
déjà ses troupes n’avaient plus d’unité linguistique. On sait que le 
Traité de Verdun signa la séparation linguistique de l’Empire puisqu’il 
fallut en faire deux versions, l’une étant la version ancestrale du 
Français et l’autre de l’Allemand. L’Empereur jouissait pourtant encore 
d’un très grand prestige… 
Las, il laissa pourtant les Danois, aller piller plus en amont, dans 
le pays de Sens, ce qui n’était jamais que leur visée première, obtenir 
le passage contre l’assurance de ne pas ravager Paris. Mieux, Charles 
leur distribua « sept cent livres d’argent » et les Parisiens 
durent supporter leur présence jusqu’au printemps. En fait, les Danois 
eurent gain de cause. L’Empereur, déjà malade, et devant affronter 
beaucoup de problèmes liés à l’immensité de l’empire, ne tarda pas à 
mourir. Suite à ces évènements, si l’idée d’empire perdura chez les 
Germains, les Francs de l’ouest se détachèrent et élurent roi, Eudes. 
Eudes et son frère Robert qui lui succéda sont considérés comme un 
intermède dynastique, celui des Robertiens, entre les Carolingiens et 
les Capétiens dont la dynastie ne commença qu’avec Hugues Capet – petit 
fils de Robert, un siècle plus tard en 987.
● Paris au coeur des enjeux
Au moment du siège, le souvenir de Lutèce est encore vivace même si 
elle est devenue Paris sous Clovis au Ve siècle, prenant le nom de ses 
habitants, les Parisii. L’enceinte qui la protégeait datait du IIIe 
siècle. La Cité était fortifiée au temps des gallo-romains, la ville 
s’étendait au sud et au sud ouest où avait été fondée l’abbaye de 
Saint-Germain-des-Près. Saint-Germain-l’Auxerrois, dite « 
Saint-Germain-le-Rond » est au nord. Le Nord était habité mais à 
découvert ce qui fit son malheur. Il y avait aussi un vignoble, dont 
nous avons l’ultime vestige à Montmartre, une des multiples curiosité de
 la butte.
A cette époque Paris était déjà reconnue comme une ville magnifique, 
qui bénéficiait d’un statut de premier plan par ses richesses et leur 
symbole. Les abbayes déjà nommées étaient détentrices de nombreux 
trésors, raison de la convoitise des pillards venus du Nord… Il est 
amusant de voir les aléas du statut de capitale pour Paris, la ville 
ayant du s’effacer pour Aix la Chapelle quand le territoire de l’Empire 
s’était « déplacé » plus à l’est alors qu’elle avait été de première 
importance sous l’Antiquité, des empereurs romains dont Julien l’Apostat
 et Valentinien y ayant séjourné. Au moment du siège des Danois, Paris 
n’était pas assuré de redevenir la capitale d’un royaume, celle-ci ne le
 redevenant que du fait de la sécession de la Francie occidentale dont 
elle était le coeur.
* * *
La siège de Paris et son dénouement augurent de la donne politique du
 Xe siècle. Les attaques des Normands ont ravagé l’Europe du VIIIe au Xe
 siècle. Les Pippinides avaient mis un peu plus d’un siècle à supplanter
 les Mérovingiens pour imposer la dynastie carolingienne. Ils s’étaient 
hissés au pouvoir par le biais des conquêtes territoriales et en 
contenant l’expansion arabo-musulmane. Ils se montrèrent, moins d’un 
siècle après le couronnement de Charlemagne, impuissants devant le péril
 normand. Ceux qui parvinrent à protéger le royaume les supplantèrent, 
mais ils mirent un siècle pour y parvenir définitivement. Ce haut fait 
d’armes des Parisiens sous la protection spirituelle de Dieu incarné par
 l’évêque mais grâce aux qualités guerrières du comte Eudes, en 
constituèrent les prémisses.
Bibliographie :
ABBON, Le siège de Paris par les Normands, poème du IXe siècle, Paris, Société d’édition les Belles Lettres, Paris, 1942.
BÜHRER-THIERRY, Geneviève, L’Europe carolingienne, Sedes, Paris, Campus Histoire, 1999.
ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS, « les Vikings » et « Paris ».
ABBON, Le siège de Paris par les Normands, poème du IXe siècle, Paris, Société d’édition les Belles Lettres, Paris, 1942.
BÜHRER-THIERRY, Geneviève, L’Europe carolingienne, Sedes, Paris, Campus Histoire, 1999.
ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS, « les Vikings » et « Paris ».
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