En 1921 déjà l’on
parlait du désarmement. Et déjà c’était à coups de bons sentiments
éloquents, d’intentions à coup sûr généreuses, mais aussi de
paralogismes qui faisaient peine à entendre. Maurras a beau jeu de
souligner le caractère incohérent des paroles de lord Balfour,
personnage dont on se souvient essentiellement aujourd’hui à cause de sa
déclaration de 1917 en faveur d’un foyer national juif en Palestine,
tentative qui posa elle aussi de nombreux problèmes dont nous ne sommes
pas entièrement sortis en raison de la politique louvoyante du
gouvernement anglais, qui cherchait à ménager et les communautés juives
sionistes et les Arabes de Palestine.
Que reproche donc
Maurras au désarmement dans cette Politique du 11 septembre 1921, quand
il souligne les erreurs de Balfour ? simplement de ne jamais atteindre
son but. Pour désarmer il faut que la situation s’y prête. Pour désarmer
assez, il faut donc que la situation politique soit assez apaisée, mais
alors le désarmement n’apparaît plus aussi urgent. Pour désarmer
complètement, il faudrait que la paix règne déjà. Et si la paix règne,
qu’a-t-on besoin de désarmer ? Les bons sentiments on le voit tournent
en rond et se révèlent impuissants là où il faudrait du réalisme
politique. Au delà de la bouffonnerie logique, ce que Maurras reproche
au désarmement c’est justement de n’être jamais qu’une promesse
irréalisable qui sert aux politiques à éviter de prendre leurs
responsabilités dans ce qu’elles ont de difficile ; en l’occurence la
chimère du désarmement a surtout servi, aux lendemains de la guerre, à
renvoyer avec de belles promesses ceux qui voulaient non une Allemagne,
mais les Allemagnes, multiples, prospères individuellement, mais aux
ambitions et possibilités militaires limitées. On leur imposa silence
avec la promesse de désarmement de l’Allemagne unie.
Empêcher
l’Allemagne de s’armer en l’empêchant d’exister unie plutôt que chercher
à la désarmer, voilà qui paraissait effectivement une meilleure
solution que les geignements de paix de la SDN. D’autant que le
désarmement pratique d’une Allemagne unie se révèle aussi impossible que
le désarmement théorique est illogique : on ne détruit jamais que les
armes passées ou présentes, et il suffit d’une puissance de production
et d’organisation suffisante pour réarmer à neuf sitôt qu’on veut
reprendre de la puissance. Les lignes de Maurras en 1921 sont ici, une
fois de plus, en avance sur son temps : c’est bien à partir de son
organisation nouvelle et de ses productions industrielles non soumises
aux inspections que l’Allemagne se reconstruira, retrouvera des marges
d’indépendance économiques et politique, désserrera l’étau mis en place
par les Alliés et réarmera jusqu’en 1940.
Et sur ces
considérations qui seront inlassablement exposées par l’A.F. dans
l’après-guerre, Maurras en rajoute en prenant au vol un article de Capus
qu’il commente également dans sa revue de presse du jour : pourquoi
cette impuissance ? en raison du régime. La République c’est
l’impuissance, éventuellement corrigée un peu de l’extérieur comme ce
fut le cas tant que la pression allemande s’exerçait, entre 1870 et
1918. La seule efficacité relative de la république, ça a été l’oeuvre
de Bismarck, puis de Guillaume II. Que penser d’un tel régime qui est
impuissant à conjurer les périls et qui n’a de sursaut que dans la
mesure où l’aiguillon de ces périls le menace ? Et qu’en penser alors
qu’il retombe, en 1921, dans ses défauts les plus prévisibles, endormi
dans la fausse sécurité d’une victoire acquise un prix trop cher et mal
exploitée ?
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