Le 6 juin 1993, Léon Gautier témoignait, avec son ancien frère d’armes, André Bagot, de l’héroïsme de ces hommes exceptionnels. Ils décrivaient ainsi la rudesse des entraînements conduits en Écosse. Il s'agissait « d’être sûr de la qualité des hommes » et de « voir si leur moral tenait ». En effet, l’horreur des combats attendaient ces 177 soldats, souvent bien jeunes et dont certains, d'ailleurs, n'avaient pas hésité à mentir sur leur âge afin « d’être les premiers à libérer la France ». Léon Gautier était lui-même âgé de 17 ans lorsqu’il s’engagea pour un idéal plus grand que sa propre personne et que sa propre vie.
Le 4 juin, avant de s'embarquer pour la Normandie et de participer au jour le plus long, Philippe Kieffer adressa un mot à ses hommes. André Bagot raconta qu’il annonça ce jour-là que peu d’entre eux reviendraient mais que « celui qui ne veut pas partir, il peut sortir des rangs, [qu’il] ne lui en voudrait pas ». Aucun ne sortit des rangs. « Nous sommes tous restés, tous solidaires [...] Nous n’étions plus des copains, nous étions des frères. »
Le D-Day, le 6 juin 1944, le commando Kieffer fut chargé de prendre d'assaut la plage de Sword Beach, située entre Saint-Aubin et Ouistreham (Calvados). Sautant de sa barge et sous le feu des mitrailleuses ennemies, le caporal Léon Gautier fut le deuxième soldat français libre à poser le pied sur le sol français, derrière le lieutenant Alexandre Lofi. Malgré des pertes importantes, le bataillon réussit à atteindre ses objectifs et joua un rôle crucial dans la sécurisation de la plage.
De juin à septembre 1944, le commando Kieffer mena une guerre impitoyable à travers les champs, les bocages, les villes et villages de la Normandie. « On est quand même resté 70 jours en première ligne sans relève. […] On est monté jusque dans l'Eure. À la fin de la campagne, on était 24 à ne pas être blessés », racontait Léon Gautier. Rapatrié en Angleterre afin de reformer le bataillon, ce dernier fut redéployé quelques mois plus tard dans les Flandres et la Hollande avant d’être dissous en 1946.
Par la suite, malgré leur courage et leurs sacrifices, les anciens membres du commando connurent parfois l’indifférence, si ce n’est l’hostilité, de certains Français. Ainsi, dans Ouest-France, Léon Gautier raconta qu’on les avait « laissés tomber […] au lendemain de la guerre », que certains ingrats leur reprochaient d’avoir soi-disant fui en Angleterre comme des déserteurs et de n’être pas restés se battre sur le sol national.
Heureusement, justice est faite aujourd'hui et le commando Kieffer est désormais considéré comme un symbole de l'engagement et du courage des Forces françaises libres pendant la Seconde Guerre mondiale. Devant cette admiration, Léon Gautier déclarait humblement : « Nous ne sommes pas des héros, nous n'avons fait que notre devoir. »
Illustration : le commandant Kieffer et le maréchal Montgomery
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