mardi 31 janvier 2017

La petite histoire : L'intervention française aux États-Unis

La littérature sortie des tranchées - Orages d'acier - 28/01/2017

Découverte d’une incroyable nécropole médiévale au Mont-Saint-Michel

Qui ne connaît pas le Mont-Saint-Michel et sa rue principale, habituellement noire de touristes ? Or sous les pavés se cachait une nécropole datant du Moyen Age. Elle a été découverte lors de travaux de canalisations qui ont commencé en novembre dernier.
Les archéologues de l’INRAP (l’Institut national de recherches archéologiques préventives) ont alors pris la relève des ouvriers. Les fouilles se terminent des jours ci.
Les archéologues ont dénombré 30 sépultures d’adultes mais aussi d’enfants. La datation au carbone 14 et des recherches plus poussées permettront d’en apprendre plus sur ces squelettes et sur leurs conditions de vie.

L’EMPEREUR CALIGULA (12-41 AP. J.-C.) | 2000 ANS D’HISTOIRE | FRANCE INTER

dimanche 29 janvier 2017

Gaston Bergery : entre démocratie dirigiste et dictature

Gaston Bergery : ce personnage ambigu fut un symbole de la crise politique et morale de la France des années 1930 et 1940, écartelé entre volontarisme jacobin et tentation fasciste, à la recherche d'une introuvable synthèse.
Des débuts prometteurs
Ses origines elles-mêmes sont ambiguës. Gaston Bergery voit le jour le jour à Pans le 22 novembre 1892, des œuvres illégitimes d'un financier allemand et de Marie-Louise Morel-Derocle, laquelle fera reconnaître l'enfant par l'homme qu'elle épousera ensuite, Jean-Paul Bergery. Licencié en droit (1912), il devient avocat au barreau de Paris, mais manifeste de plus grandes ambitions intellectuelles, puisqu'il se consacre bientôt à la préparation d'une thèse de doctorat et entreprend des études de philosophie. La guerre l'oblige à y renoncer. Brave au feu, il accède vite au grade d'aspirant et est cité dès mars 1915. Blessé en Champagne, il est versé en 1916 au service de liaison avec l'armée britannique qui lui remettra la Military Cross l'année suivante. Sa formation juridique et ses mérites militaires sont à l'origine de son affectation (avec le grade de sous-lieutenant) au Secrétariat de la Conférence de la Paix (novembre 1918), puis à la Commission des Réparations (1919). En contact avec les milieux politiques, il y trouve des appuis, notamment celui d'Edouard Herriot qui en fait son directeur de cabinet au Quai d'Orsay (juin 1924-avril 1925).
Un radical dissident
Le radicalisme le séduit, et il en souhaite la rénovation dans le sens d'un jacobinisme capable de redonner à l’État sa vigueur réformatrice et d'unir les Français autour d'un idéal patriotique et humaniste. Cette orientation l'oppose à Herriot et à la droite du parti, celle des Caillaux, Sarraut, Chautemps, et l'apparente aux Jeunes Turcs (Zay, Mendès France, Cot) dont il se tient pourtant à l'écart, par un esprit d'indépendance qui ne cessera de le caractériser. Quoique non marxiste, il se révèle dirigiste et planiste en économie, et se prononce en faveur de la nationalisation des grandes entreprises ce qui lui vaut l'appellation de "radical-bochevik ".
Elu député de Seine-et-Oise en 1928 et 1932, il devient vice-président du groupe radical et siège à la commission dés Affaires étrangères. Son intérêt pour la politique extérieure lui vient de son métier. Devenu avocat à la Cour d'appel de Paris, il s'est spécialisé dans les questions de droit international, ce qui l'a amené à fréquenter les milieux diplomatiques de nombreux pays, dont les États-Unis et l'URSS. Il s'intéresse en particulier au Pacte général de renonciation à la guerre, aux dettes interalliées et aux paiements allemands au titre des réparations, à la Banque des règlements internationaux (1929), à la question du règlement des dettes russes. Cette spécialisation ne l'empêche pas de se prononcer sur d'autres sujets et sur la politique générale du gouvernement. En particulier, il ne ménage pas ses critiques les plus acerbes à l'égard du ministère Herriot, pourtant radical et chef de la majorité de gauche qui domine la Chambre depuis mai 1932. La pusillanimité du président du Conseil (qui a tiré les leçons de son échec de 1924-1925 et de celui du Cartel des gauches) en matière économique et financière le rebute à un point tel qu'en décembre, il vote la défiance à l'égard du ministère - à la majorité duquel il appartient pourtant, contribuant ainsi à sa chute. Il préconise une alliance plus étroite avec le parti socialiste SFIO en vue de constituer une gauche puissante capable de restaurer un État assez fort pour réaliser les réformes institutionnelles, économiques et sociales nécessaires au redressement d'une France en plein marasme et au pouvoir gangrené par un parlementarisme perverti. Ce qu'il souhaite, c'est la refondation de la République sur des bases institutionnelles solides, et conformément aux principes d'égalité et de justice issus du legs de la Révolution française. Il n'est pas le seul dans ce cas : des radicaux tels que Mendès France, Jean Zay, déjà cités, et des esprits originaux tels que Bertrand de Jouvenel, Georges Izard, Arnaud Dandieu, Robert Aron et tous les intellectuels non conformistes des années 1930 partagent ces aspirations, il s'agit là d'un état d'esprit fort répandu à l'époque, qui ne parviendra pas à s'imposer en raison de la prépondérance des cloisonnements partisans.
La situation de Bergery au sein du parti radical devient intenable. Les caciques radicaux n'admettent pas le coup de poignard qu'il a donné à Herriot, d'autant plus qu'il ne ménage pas les ministères suivants (Paul-Boncour, Daladier, Sarraut, Chautemps), eux aussi issus de la majorité de gauche dont fait théoriquement partie Bergery. Ce dernier tire les conséquences du conflit l'opposant à ses camarades : il quitte le parti radical en mars 1933.
Un jacobin autoritaire et planificateur
Gaston Bergery entend couper les amarres avec la gauche archaïque que représentent le parti radical et la SFIO parlementaire de Léon Blum, et constituer une gauche plus moderne, émancipée des vieilles idées du XIXe siècle, capable de restaurer l'autorité de l'exécutif et d'entreprendre des réformes conjuguant efficacité économique et souci de justice sociale. Dirigiste, il n'entend cependant pas instaurer un système socialiste, et rejette sans balancer le modèle soviétique dont il connaît les résultats désastreux, de par ses voyages en URSS et ses nombreuses relations, il ne se réclame pas davantage du fascisme, et demeure ancré à gauche, donc attaché à la démocratie et aux libertés publiques, et hostile à l'antisémitisme, alors en vogue, et au racisme. « Le racisme et l'antisémitisme sont contraires à l'idée de nation » déclare-t-il.
Il noue d'ailleurs des rapports amicaux avec la ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme en 1932 par l'entremise de Georges Pioch, président de la Ligue internationale des Combattants de la Paix(1) Le fascisme et la guerre sont ses deux grands ennemis, et c'est un Front commun contre le fascisme, contre la guerre et pour la justice sociale qu'il fonde en 1933, peu après son départ du parti radical. À son initiative, cette formation se rapproche du mouvement Amsterdam-Pleyel, lancé en 1932-1933 par Henri Barbusse et Romain Rolland, et de la Ligue des Droits de l'Homme. En décembre 1933, il dote son mouvement d'un hebdomadaire, La Flèche. Soucieux d'unir tous les partisans d'une gauche moderne, il fusionne son mouvement avec la Troisième Force de Georges Izard, lors d'assises tenues à Lyon les 3 et 4 novembre 1934, constituant ainsi le Parti frontiste. Ce nouveau parti se veut dirigiste, planiste, socialement progressiste, et antifasciste(2). Non sans réticences, il se joint au Front populaire lors des élections des 26 avril et 3 mai 1936, qui lui permettent de retrouver son siège de député. En effet, honnête et soucieux de clarté, il s'était démis de son mandat de parlementaire au lendemain du 6 février 1934, considérant qu'ayant rompu avec le parti radical sous la bannière duquel il avait remporté l'élection de 1932, il devait retrouver une légitimité démocratique , mais il avait été battu lors de l'élection partielle du 29 avril 1934.
Bergery apporte d'abord un soutien critique au gouvernement de Front populaire. Mais, très vite, la critique l'emporte sur le soutien, au point de devenir défection. Bergery reproche au gouvernement de n'avoir pas fait le choix d'une politique résolument dirigiste et planificatrice rompant avec le libéralisme économique, et d'avoir tenté de réaliser ses réformes sociales au sein de ce dernier, incompatible avec elles, engendrant ainsi l'inflation et la récession, et aboutissant à l'échec final. Entre le ministre de l'Economie, Charles Spinasse, planiste, technocrate et "synarchiste" et Vincent Auriol, qui ne remet pas en cause le libéralisme économique, il opte pour le premier. Ces vues le rapprochent dé Marcel Déat et de l’Union socialiste républicaine, dissidence planiste de la SFIO.
Jusqu'à la fin de 1937, Bergery reste un homme de gauche, jacobin, dirigiste et réformateur, attaché à la démocratie représentative. Mais l'inconséquence de la gauche radicale et socialiste, restée attachée à un libéralisme désuet incapable de résoudre les problèmes économiques et sociaux du XXe siècle le tire du côté de la tentation totalitaire, fort répandue durant les années 30, malgré son antifascisme affirmé. A partir de 1937, à ses yeux, seul un régime fort rompant avec la démocratie libérale et parlementaire sera capable d'opérer les réformes dont la France a un impérieux besoin.
Un pacifiste convaincu et lucide
D'autre part, son attachement à la cause de la paix infléchit ses positions vis-à-vis des dictatures fascistes. Non qu'il se sente désormais des affinités avec elles, mais il est parfaitement conscient de la totale impréparation militaire et morale de la France à s'engager dans un éventuel conflit. Aussi approuve-t-il la signature des accords de Munich (30 septembre 1938). Il convient ici de relever la continuité existant chez Bergery dans son pacifisme et son hostilité envers le fascisme. Pacifiste inconditionnel, refusant par principe toute guerre nouvelle, il préféra constamment, jusqu'en 1939, toute voie diplomatique permettant d'éviter cette dernière à une attitude de résistance et d'affrontement tant avec l'Italie mussolinienne qu'avec l'Allemagne hitlérienne. Il appartenait, de ce fait, au camp hétéroclite des pacifistes intégraux, où l'on trouvait des personnalités aussi diverses que Alain (philosophe) et Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères d'avril 1938 à septembre 1939 (tous deux radicaux), Louis Lecoin (anarchiste), Simone Weil et Jean Giono. Et, en accord avec cette inclination naturelle, il se prononça, en 1932, pour le renoncement officiel des Alliés aux paiements allemands au titre des réparations, considérant que cet abandon d'une des exigences du Traité de Versailles était de nature à entraver la marche du parti national-socialiste vers le pouvoir en lui ôtant un argument patriotique.
C'est donc fort logiquement qu'en août 1939, il déploie encore toute son énergie à arrêter la marche à la guerre (qui représente, pour lui, une course vers l'abîme). Avec une quinzaine de députés de tous bords, il met sur pied un Comité de liaison contre la guerre, durant la Drôle de guerre, il ne soutient pas le gouvernement Daladier ; enfin, en fin mars 1940, il refuse la confiance à Paul Reynaud, décidé à la poursuite du conflit, et demande la recherche d'une négociation avec l'Allemagne. Comment juger cette attitude ? Certes, étant donné la situation politique et militaire en mars 1940, la recherche d'une négociation ne pouvait aboutir qu'à une capitulation devant une Allemagne hitlérienne décidée à réduire à sa plus simple expression la France perçue comme l'ennemie héréditaire. Mais, en mars 1940, on pouvait encore penser difficilement, on en conviendra qu'il fallait impérativement négocier l'arrêt des hostilités tant qu'il en était encore temps, autrement dit avant la défaite totale de nos troupes et le déferlement de la Wehrmacht sur notre pays. Un arrêt négocié du conflit en mars 1940 alors que le désastre n'était pas encore complet aurait-il permis d'éviter l'armistice du 22 juin avec ses conséquences aussi catastrophiques qu'humiliantes ? C'est peu probable, mais on peut comprendre que des nommes se soient efforcés d'y croire et aient cru de leur devoir de freiner des quatre fers pour éviter le pire, Gaston Bergery fut de ceux-là.
Rallié par raison au régime de Vichy
D'autre part, la politique est l'art de mettre à profit les opportunités. Gaston Bergery, depuis ses débuts en politique, n'a cessé de critiquer l'obsolescence délétère de nos institutions libérales et parlementaires, dont le mauvais fonctionnement entraîne l'impuissance de l'exécutif et l'impossibilité d'opérer les réformes propres à sortir la France du marasme. Et il s'est efforcé de convaincre la classe politique de la justesse de ses idées et dé la nécessité de s'unir autour d'un grand programme national et social d'inspiration démocratique, jacobine, pacifiste et antifasciste. Il a échoué au sein du parti radical, puis avec son parti frontiste, demeuré sans grande influence, et enfin sous le Front populaire.
En 1940, la preuve lui semble donc donnée de l'incurie totale de la République. Et S voit dans la défaite l'occasion unique d'instaurer un nouveau régime.
À cette fin, il rédige, le 6 juillet 1940, une motion en faveur d'« un ordre nouveau, autoritaire, national, social, anticommuniste et antiploutocratique », signée par de nombreux parlementaires. Et le 10, il vote les pleins pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Il approuve la loi constitutionnelle du 10 juillet et les 5 premiers actes constitutionnels du Maréchal organisant l’État Français(3). Durant tout l'été, il s'active au sein d'un Comité d'organisation chargé de définir les bases d'un Parti national unique, lequel lui semble la base indispensable du nouveau régime. Mais les oppositions entre Marcel Déat, Jacques Doriot, Charles Maurras, de La Rocque, Bucard, Deloncle, Clémenti et autres, et l'opposition du Maréchal provoquent l'échec du projet.
De plus, il se montre favorable à la politique de Collaboration avec l'Allemagne. Cela ne signifie pourtant pas que Gaston Bergery se convertisse au fascisme qu'il a si longtemps combattu. Et, de fait, à la différence de Déat, Doriot et autres, il ne demandera pas l'instauration en France d'un régime imité de celui de l'Allemagne ou même de l'Italie. Son idéal politique reste l'instauration d'un État fort restaurant la prospérité et la grandeur du pays dans un esprit d'égalité et de justice sociale. Il ne comptera pas parmi les orateurs politiques du Vél d'Hiv, ne participera pas aux activités du groupe Collaboration et ne se mêlera pas aux rivalités entre les divers partis collaborationnistes. Peu satisfait par le gouvernement de Vichy, qu’il estime indécis et attentiste, il ne se fait pas non plus le chantre d'un engagement total de la France aux côtés de l'Allemagne. Des divers gouvernements de Vichy, celui qui répond le mieux à ses espérances est sans conteste celui de l'amiral Darlan (24 février 1941-18 avril 1942), technocratique et moderniste, autoritaire sans idéologie fascisante, soucieux seulement d'efficacité au service de la France et des Français. Darlan lui propose d'ailleurs le ministère de la Justice, mais il décline cette offre. Au fond, il regrette qu'il ait fallu que l'occasion d'instaurer le régime dont il rêve soit donnée par la défaite, l'occupation allemande et la domination du fascisme en Europe. Il se contentera de postes diplomatiques. Nommé ambassadeur à Moscou en avril 1941, il est rappelé dès la fin juin de cette année à la suite de la rupture des relations diplomatiques entre l'URSS et la France. En 1942, il est nommé ambassadeur à Ankara. À la fin de 1944, aptes la fin du régime de Vichy, il cède son poste à Jacques Tarbé de Saint-Hardouin, représentant le général De Gaulle.
Son allégeance en demi-teinte à Vichy vaut à Bergery l'indulgence de la justice républicaine. Emprisonné durant quatre mois après son retour (volontaire) d'Ankara, il est inculpé, mais laissé en liberté et finalement acquitté par la Cour de Justice de la Seine en février 1949. Et, peu après, il est réintégré au barreau de Paris comme avocat spécialisé dans le droit international. Mais sa carrière politique est terminée. En 1951, il prête la main à la fondation de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP). Il mourra dans l'oubli, à Paris, le 10 octobre 1974.
Paul-André Delorme Rivarol du12 janvier 2017
1) Journaliste, Georges Pioch (1873-1953) eut un parcours plutôt chaotique. Militant antimilitariste, dreyfusard et hostile à l'antisémitisme à la charnière des XIXe et XXe siècles, il fut proche de la SFIO, puis adhéra au parti communiste naissant, avant de s'en voir exclu dès 1923. Membre du comité central de la Ligue des Droits de l'Homme (1930), il devient président de la Ligue internationale des Combattants de la Paix (1931), mais la quitte en 1939, lui reprochant sa tiédeur à l'égard de la dictature stalinienne et des procès de Moscou. En 1936, il entre au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Son pacifisme inconditionnel le rapproche de Marcel Déat lors du prélude à la guerre en 1939, et il collabore comme critique littéraire à L'Œuvre jusqu'en 1943.
2) Il expose ses idées dans un livre, Notre plan, publié par les éditions de La Flèche en 1937.
3. Du 11 juillet 1940 au 17 novembre 1942, le Maréchal édictera 12 actes constitutionnels, dont 2 (les articles 4 et 12) feront l'objet de révisions partielles par la suite.

La véritable nature de la démocratie moderne

1223470889.jpgVisitez le site du Cercle de l’Aréopage :
http://cercleareopage.org
Conférence au Cercle de l'Aréopage:
La véritable nature de la démocratie moderne
Par Maxence Hecquard et Pierre Magnard
Ouvrage présenté:
https://www.amazon.fr/fondements-phil...
La démocratie est aujourd'hui une valeur sacrée, une véritable religion. Dans un ouvrage passionné, passionnant [...] où toute l'histoire de la pensée politique moderne et contemporaine est citée à comparaître " (P. Magnard), Maxence Hecquard revisite les fondements et la genèse de cette religion séculière. L'antique ordre du monde s'est écroulé. La mort de Dieu, définitive depuis Darwin, fait place à un Etat de droit fondé sur une.. vérité scientifique : le progrès. Oui contesterait un tel régime ? La cohérence remarquable du système apparaît ainsi à l'énoncé de la métaphysique sous-jacente : celle d'un univers en évolution peint par Condorcet et Teilhard de Chardin, mais véritablement pensé par Kant, Hegel et Darwin. La démocratie est le moment politique de ce progrès. Hasard et liberté, droit et morale, intérêt et bien commun forment désormais autant de couples indissolubles. Le lien social devient essentiellement économique...
Retrouvez les évènements du Cercle : 
http://cercleareopage.org/conf%C3%A9r...
Lisez La Relance de la Tradition: Notes sur la situation de l'Église
Broché:
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Pour liseuse:
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HANNIBAL BARCA | 2000 ANS D’HISTOIRE | FRANCE INTER

vendredi 27 janvier 2017

« L’idéologie des droits de l’homme »




Émission de Thibaut de Chassey, diffusée en direct sur Radio Courtoisie le 19 janvier 2017, avec :
le père Louis-Marie, du couvent dominicain d’Avrillé (49), et de la revue Le Sel de la terre.
Jean-Louis Harouel, docteur en droit et agrégé d’histoire du droit, professeur émérite d’histoire du droit à l’Université Paris Panthéon-Assas, auteur notamment des Droits de l’homme contre le peuple, de La grande falsification et de Revenir à la nation.
Ont aussi été évoqués : le dernier numéro de L’Héritage, « revue d’études nationales », qu’on peut se procurer en ligne ici, et dont on peut consulter le site ici.
Le livre de Jean Madiran : Les droits de l’homme DHSD.
A voir aussi, sur la question : L’apothéose humaine, de l’abbé Rioult.
Vous pouvez écouter la radio en direct sur son site ou sur la bande FM :
À Paris et en Ile-de-France : 95,6 Mhz et DAB+ (canal 6D) | Caen, 100,6 | Chartres, 104,5 | Cherbourg, 87,8 | Le Havre 101,1 | Le Mans, 98,8. Sur les bouquets satellite Canalsat (canal 199 pour la mosaïque des radios et canal 641 pour l’accès direct à Radio Courtoisie) et TNTSAT. 
http://www.contre-info.com/lideologie-des-droits-de-lhomme |

Mythologie Slave - Mythes et Légendes #6

L’ARMÉE ROMAINE | 2000 ANS D’HISTOIRE | FRANCE INTER

mardi 24 janvier 2017

Nos raisons pour la Monarchie - 3

« Laissons-les s’amuser avec leur jeu d’échec et disparaissons pendant qu’il en est encore temps » (entretien avec Marie Cachet)

Moins connue que son compagnon Varg Vikernes (l’un des forgerons de la musique black metal), Marie Cachet n’en est pas moins aussi créative et soucieuse de préserver notre culture européenne plurimillénaire. À l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage Le Secret de l’OurseEurope Maxima est allé à la rencontre de cette maman en révolte contre le monde moderne.
Europe Maxima : Les lecteurs d’Europe Maxima vous connaissent sans doute en tant que compagne de Varg Vikernes, artiste prolixe qui a à cœur, tout comme vous, de promouvoir notre héritage et notre culture européenne. En ce qui vous concerne comment avez-vous pris conscience de l’importance de « notre plus longue mémoire » comme le rappelait, après Nietzsche, feu Dominique Venner ?
Cachet-Marie-188x300.jpgMarie Cachet : En fait, depuis toujours. Quand j’étais petite, je me demandais pourquoi je ne pouvais contrôler que moi-même, pour ainsi dire. Je m’interrogeais sur la différence entre autrui et moi-même, sur l’individualité, sur l’infinitude de l’univers. J’étais une enfant renfermée à l’intérieur, et j’avais quelques particularités sensorielles qui n’aidaient pas à mon adaptation sociale. J’avais un attrait viscéral pour la Nature. Je me souviens de la sensation unique, presque oppressante que procuraient les grandes et sombres forêts de châtaigniers en Corse, les sommets des Alpes, les étoiles du ciel. J’observais tout ce que la Nature nous donnais à voir, et je lisais des livres sur la faune sauvage.
C’est cette sensation vertigineuse d’infinitude qui m’a fait prendre conscience de l’importance de notre plus longue mémoire. Plus tard, mais toujours enfant, j’ai farfouillé dans les bibliothèques et ouvert quelques livres de Platon, et surtout les stoïciens, Kierkegaard et Perceval.
Europe Maxima : Ce n’est un secret pour personne que votre compagnon et vous-même êtes extrêmement sévères à l’égard du christianisme et plus largement des monothéismes abrahamiques. Vous ne cachez pas non plus votre paganisme. De ce fait comment envisagez-vous votre identité française ? En effet vous n’êtes pas sans savoir que la France est la fille aînée de l’Église…
Marie Cachet : La fille aînée de l’Église ? La France est beaucoup de choses. La France, c’est aussi le pays avec le plus de vestiges paléolithiques en Europe. Vestiges jalousement gardés et dissimulés par l’Église, pendant longtemps.
La France, c’est La Ferrassie, la plus vieille nécropole du monde (- 39 000 ans), inconnue et abandonnée près d’une route, à peine ouverte à la visite, Le Regourdou, avec le plus vieux « dolmen » du monde (- 70 000 ans), Bruniquel, avec le plus vieux « Mithraeum » du monde (- 126 000 ans). La France, c’est les premiers squelettes d’enfants, de bébé et de foetus au monde (Le Moustier, La Ferrassie, Pech de l’Azé, La Quina), Lascaux, Chauvet, Rouffignac, Pech Merle, Cosquer, Gargas, Font-de-Gaume, Mas d’Azil, la Madeleine, Cro-Magnon… Il y en a tellement que vous vous ennuieriez si j’en faisais la liste.
La France, c’est aussi les innombrables tumuluscairn, dolmens et menhirs, présents non pas seulement en Bretagne, mais dans tout le pays. À chaque fois que vous voyez une croix, vous pouvez être à peu près sûrs qu’il s’agissait d’un lieu important pour nos ancêtres païens.
Elle est là, notre plus longue mémoire. L’Église, a adopté, pour mieux nous attirer, nous tromper et nous soumettre, quelques-uns de nos rituels multi-millénaires. Elle a aussi détruit des vestiges sacrés, constructions gigantesques pour l’époque, posées pour durer des millénaires, comme témoins des énigmes du passé, que vous et moi avons le devoir de savoir lire. Platon disait que la réincarnation d’une âme durait de 3 000 à 10 000 ans ; dans le monde moderne, notre vision du temps est incroyablement étroite. 2 000 ans de christianisme, à l’échelle de nos ancêtres, c’est une poussière de temps.
La France, mon identité française, et l’identité de chaque Européen dont de nombreux ancêtres y ont vécu, c’est tout ce qui est enterré là, sous nos pieds, des milliers d’années de couches de terre, et les trésors qui s’y cachent. La France, c’est le plaisir de savoir qu’en veillant sur un hectare de terre, vous veillez peut-être sur d’importants vestiges.
Europe Maxima : Comment êtes-vous venu au paganisme et comment définirez-vous votre paganisme ? Vous considérez-vous comme völkisch ?
Marie Cachet : Je n’ai pas appris la mythologie. La mythologie c’était pour moi un fouillis de choses diverses. Varg m’en parlait parfois, et alors, avec ma perspective qui était différente, j’ai subitement tout vu clairement. Mon paganisme ? Le paganisme de nos ancêtres était une science, une explication profonde du fonctionnement de la Nature et du monde. De même, la réincarnation est une vérité.
Les traditions, mythologies et contes sont les vecteurs de cette science, et également des outils pour nous sortir de l’Amnésie.
Je ne connais pas les Völkischen, vous savez, je suis loin de toutes ces appellations.
Europe Maxima : Dans l’une des vidéos de votre chaîne YouTube vous affirmez que la permaculture relève du paganisme. Pourriez-vous développer ?
Marie Cachet : La permaculture c’est le paganisme. S’il fallait définir en quelques mots l’opposition fondamentale du paganisme et des religions du désert, je le ferais ainsi : les religions du désert placent l’homme au dessus de la Nature, pour elles, la Nature est l’esclave de l’homme, et l’homme n’a rien a apprendre d’elle, au contraire, il doit la soumettre. Le paganisme, c’est l’exact inverse : l’homme est partie de la Nature, et il est soumis à ces lois, s’il n’obéit pas à ces lois, alors il sera lui-même détruit (bien sûr pas immédiatement, mais après plusieurs milliers d’années). L’homme doit observer la Nature, et apprendre d’elle. Voilà concrètement mon paganisme.
Europe Maxima : Vos positions sur le paganisme, votre critique virulente du christianisme ainsi que votre penchant pour l’écologie peuvent rappeler Robert Dun. Connaissez-vous son œuvre ?
Marie Cachet : Malheureusement, non, sur certains sujets je suis totalement ignorante. Je m’informerai.
Europe Maxima : L’intérêt que vous montrez pour l’Europe en tant que culture s’accompagne-t-il d’un intérêt pour une Europe politique ?
Marie Cachet : Non. Je crois qu’on a fini avec la politique. Les jeux sont faits. La solution moderne revient toute seule : le tribalisme, aussi appelé « communautarisme », l’autonomie et la décroissance. Laissons-les s’amuser avec leur jeu d’échec et disparaissons pendant qu’il en est encore temps. Utilisez l’énergie qu’il vous reste, au sens littéral du terme (le pétrole) pour préparer l’avenir, dans lequel les meilleurs survivront. C’est mon opinion.
L’effondrement de la politique et de l’économie sera alors la meilleure chose qui puisse nous arriver. Quand j’étais ado, ce qu’il fallait faire pour s’en sortir aujourd’hui, c’était apprendre les codes informatiques, aujourd’hui, ce qu’il faut faire, c’est apprendre la permaculture et la décroissance. C’est ça la vraie modernité, c’est ça la vraie révolution.
Europe Maxima : Quel est votre sentiment sur la situation en France et en Europe ?
Marie Cachet : Ne pas s’agiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant.
Europe Maxima : Vous êtes une adepte du survivalisme. L’autonomie maximum possible et la préparation à des temps difficiles sont souvent les motivations premières lorsque l’on entreprend une telle démarche. Est-ce aussi à vos yeux une façon de se rapprocher du mode de vie de nos aïeux ?
Marie Cachet : Oui, c’est les deux à la fois. C’est aussi la découverte d’une vie beaucoup plus rassasiante. La permaculture procure un bonheur intense. Réparons le désert laissé par les générations précédentes !
Europe Maxima : À l’instar de votre compagnon vous êtes à l’évidence quelqu’un de créatif. Vous avez réalisé un film intitulé ForeBears, vous animez un site où vous faites part de vos recherches sur l’homme de Néandertal et vous venez de sortir votre deuxième ouvrage  Le secret de l’Ourse . Comment vous êtes-vous intéressée à ce lointain ancêtre ?
Marie Cachet : Vous l’avez dit vous-même : notre plus longue mémoire. La même passion que celle qui a poussé Roger Constant à creuser un trou gigantesque dans son jardin, jusqu’à la sépulture Néandertalienne du Regourdou, le flair, l’envie de remonter au bout du bout.
Europe Maxima : Des chercheurs ont récemment attesté, grâce à des preuves « irréfutables » trouvées dans la grotte de Goyet en Belgique, que l’homme de Néandertal était anthropophage. Qu’en pensez-vous ?
Marie Cachet : Néandertal n’était pas anthropophage, c’est mon avis. Ces fameuses « preuves », à Goyet, ou sur d’autres sites, sont des traces de découpe sur les fémurs et sur la nuque. J’explique clairement dans mon dernier livre et à travers les rituels et traditions européennes, pourquoi l’on prélevait les fémurs et/ou têtes des ancêtres. Les tombes renfermant des squelettes sans têtes sont innombrables dans l’histoire de l’Europe. Dans le site du Regourdou (Neandertal, – 70 000 ans), la tête (Mimir) est manquante et les jambes ont été remplacés par des jambes d’ours. Ce rituel a été imagé dans le film ForeBears, et était encore d’actualité chez les Celtes.
Europe Maxima : Vous avez sorti en décembre 2016 votre second ouvrage Le Secret de l’Ourse. Pourriez-vous présenter ce second effort aux lecteurs d’Europe Maxima ? Est-ce la suite de votre livre Le Besoin d’Impossible ?
Marie Cachet : Le Secret de l’Ourse, c’est une clef pour comprendre toutes nos traditions, nos mythologies et nos contes classiques. Absolument tout, des sorcières aux différents dieux, en passant par les dolmens, les grottes ornées, et même par les rituels étranges comme « la petite souris », « la galette des rois » et que sais-je encore…
En un sens oui, c’est la suite du premier livre Le Besoin d’Impossible, mais plutôt pour moi-même, car objectivement, les deux livres sont très différents.
Europe Maxima : Votre théorie est donc que nos mythes, contes et légendes sont en réalité « codés » et qu’ils ne sont pas juste de simples histoires pour les petits et les grands. Selon vous, peut-on parler d’ésotérisme ?
Marie Cachet : Oui, dans le sens réel du terme, on peut parler d’ésotérisme. Ce système de mémoire est génial. Tout un chacun, petit et grand, peut se rappeler de ces histoires simples et appliquer des traditions millénaires, ainsi, les énigmes restent disponibles, et puis certains les comprendront.
Europe Maxima : La lecture que vous faites de tous ces mythes et de facto très matriarcale. Vous êtes vous-même mère de cinq enfants. Cela a-t-il d’une manière ou d’une autre influencé ou « guidé » vos recherches ?
Marie Cachet : On m’a dit cela plusieurs fois, mais je crois que ce n’est pas juste. On est habitué à la dichotomie matriarcal/patriarcal, moi, je n’en vois pas. Le rituel de réincarnation est symbolisé par la grossesse, qui, inévitablement, se passe dans un corps féminin. Cependant la mémoire, l’ancêtre, est souvent imagé par le masculin.
La maternité m’a aidé à comprendre des symbolismes énigmatiques que je n’aurais sans doute pas saisi autrement. Un accouchement naturel, pour une femme, c’est une sortie brutale de la domestication moderne, c’est un rituel de passage. Après mon premier accouchement, la sage-femme m’a demandé : « vous voulez voir le placenta ? ». Moi, j’avais 19 ans, j’aurais eu envie de dire non, mais ma belle-mère, qui étais avec moi, a tout de suite répondu « oui ». C’est alors que j’ai vu cet organe mystérieux, ce jumeau, et qu’elle m’en a expliqué le fonctionnement.
D’ailleurs, comme je le précise dans mon livre, le placenta, c’est le père.
Europe Maxima : À travers la lecture de votre livre on se rend compte de l’importance du placenta, ce qui en définitive est le simple reflet de la réalité. Vous êtes-vous intéressée à l’isotropie placentaire, dorénavant illégale dans ce pays de liberté que l’on nomme France, et à ses bienfaits ?
Marie Cachet : Lors de mon dernier accouchement, à cause des pratiques médicales modernes, j’ai vécu une grave hémorragie de la délivrance. Pour me remettre sur pied, j’ai pu éviter une transfusion, mais j’ai dû avoir des perfusions de fer à haute dose. Si j’avais vécu la même chose en situation dégradée, peut-être que je l’aurais mangé, ce placenta, comme le font tous les animaux, car il est rempli de fer facilement assimilable. En cas d’accouchement normal, je ne l’aurais pas jeté, comme c’est le cas dans les hôpitaux aujourd’hui, mais je l’aurais enterré et j’aurais planté un arbre à ses côtés.
Vous savez, en France, vous pouvez toujours négocier…
Europe Maxima : Votre livre soulève la question de nos vies antérieures, et le constat que vous faites est que l’ancêtre « lutte » pour renaître. Cela expliquerait ainsi les souvenirs de vies antérieures de certaines personnes. La prochaine étape pour vous n’est-elle pas justement de vous remémorer ces vies, de développer une nouvelle forme de maïeutique ?
Marie Cachet : Je ne sais pas. Je crois que ces choses sont trop intimes pour être dévoilées, mais je me trompe peut-être.
Europe Maxima : En définitive faire des enfants serait donc un moyen d’être immortel…
Marie Cachet : En quelque sorte…
• Propos recueillis par Thierry Durolle.
• Marie Cachet, Le secret de l’Ourse. Une clé inattendue pour la compréhension des mythologies, traditions et contes européens, préface de Varg Vikernes, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2016, 344 p., 32,60 €.

L’EMPEREUR AUGUSTE : CONQUÊTE DU POUVOIR (44 – 27 AV. J.-C.) | | 2000 AN...

vendredi 20 janvier 2017

La Petite Histoire n°39 : la campagne d'Italie de Bonaparte

Il y a soixante-dix ans, le 16 janvier 1947....

...Entrait en vigueur le premier plan quinquennal français
  Contrairement à une idée très répandue, la planification française ne remonte pas au lendemain de la Libération mais quatre ans plus tôt, lorsque le gouvernement du maréchal Pétain promulgua les lois du 23 février 1941, instituant une Délégation Générale à l’Équipement National (DGEN) et du 6 avril suivant, arrêtant le principe d’un plan décennal, qui fut définitivement établi en mai 1942. Celui-ci, bien que fort détaillé, s’inspirait d’une conception du rôle de l’État comme stimulateur, orienteur et régulateur des activités privées. Il ne prévoyait aucune appropriation collective des moyens de production. En revanche, l’État interviendrait pour accorder des subventions ou des prêts bonifiés. L’objectif portait naturellement sur l’effort de reconstruction nationale et de rattrapage des retards que la France avait accumulés,  principalement dans les domaines de la production industrielle et des équipements dits structurants, depuis, au moins, l’époque du front populaire.
    Devant s’étaler jusqu’en 1952 et ayant commencé à s’appliquer dès la fin de 1942, le plan «  de Vichy » - ce que l’on ignore généralement – ne fut pas vraiment remis en cause à la Libération. Comme d’ailleurs de nombreuses autres lois intervenues dans d’autres matières, en dépit de l’annulation altière par le général De Gaulle de tous les actes juridiques postérieurs au 10 juillet 1940. Et, lorsque ce dernier décida de la création d’un Commissariat Général au Plan, le nouvel organisme chaussa tout simplement, le 3 janvier 1946, les bottes de l’ancienne Délégation, reprenant l’essentiel de ses principes – une planification indicative et incitative, nullement autoritaire –, son mode d’organisation, son fonctionnement, ses personnels, hormis la fonction de direction générale, confiée à Jean Monnet.
   Autodidacte et homme de réseaux, regardant le monde entier comme un ensemble d’entreprises dans lesquelles il postule à des emplois de cadres supérieurs puis dirigeants, il est incontestablement un visionnaire et un stratège de la coopération internationale sous toutes ses formes. Agent, plus ou moins secret, des États-Unis à partir de 1942, leur conseillant de se méfier de De Gaulle et cependant chargé par lui d’importantes responsabilités au plus haut sommet de l’État …
   C’est donc sous sa direction que fut élaboré, entre janvier et septembre  1946, le premier plan quinquennal français, approuvé par l’Assemblée nationale en octobre, pour une entrée en vigueur le 16 janvier 1947. Pour Monnet et son équipe, la France avait désormais le choix entre «  la modernisation ou la décadence. » Il était facile de faire valoir que sans la Révolution et surtout Napoléon, sans les guerres de 1870, de 1914 et de 1939 (deux lourdes défaites et une victoire en trompe l’œil), la France aurait été, au milieu du XXsiècle, une grande nation prospère que n’auraient ponctionné ni la charge faramineuse des opérations militaires, ni les indemnités versées aux vainqueurs,  ni le coût de la reconstruction des régions dévastées.
   «  Reconstruction » restait bien le maître mot mais à la condition de ne pas restaurer une société et une économie vieillies qui avaient pris un retard considérable par rapport à des pays, certes eux aussi embarqués dans des conflits, mais moins systématiques et de façon moins ruineuse.
   Le plan fait partie des instruments stratégiques propres à réaliser cet objectif général. Mais, s’il s’inspire directement de ce que fit Vichy, l’idéologie dominante interdit de le déclarer et on préfère se référer au pays alors à la mode, l’Union soviétique et son Gosplan. Mais, malgré le poids politique du parti communiste (premier parti de France aux élections du 21 octobre 1945 avec plus de 26 % des voix), sans tomber dans l’ornière du totalitarisme économique : il ne faut pas fâcher les américains si l’on veut bénéficier de leur aide. Les plans sont à la mode et aucun pays n’y échappe pour orienter sa politique : ainsi les officines de Washington sont-elles en train de concocter un programme de soutien au rétablissement européen qui évite de faire payer les réparations par l’Allemagne en raison des mauvais souvenirs laissés par la politique menée après la première guerre mondiale. Pour bénéficier de ce qui sera le plan Marshall, signé à Paris le 20 septembre 1947, il faut demeurer dans le cadre d’une économie de marché.
   Le plan français, intitulé « plan de modernisation et d’équipement » vise donc à faire redémarrer l’outil de production – « produire » est le deuxième maître mot de l’époque –, à satisfaire les besoins essentiels de la population encore confrontée à la pénurie (les tickets de rationnement ne disparaîtront que le 1er décembre 1949), à « élever le niveau de vie et améliorer les conditions de l’habitat et de la vie collective. »  Pour ce faire, le plan privilégie six secteurs dits « de base » : le charbon, l’électricité, l’acier, le ciment, les machines agricoles et les transports. Contrôle des prix et nationalisations accompagnent le processus.
   Le bilan que l’on peut dresser du premier plan, parvenu à son échéance de 1952, est incontestablement positif : non seulement, le produit intérieur brut a retrouvé dès 1949 son niveau de 1938 mais la production industrielle dépasse de 12 % son niveau record de 1929. En d’autres termes, la Grande-Dépression est effacée, même s’il aura fallu attendre vingt-trois ans pour cela. Deux points faibles cependant : l’inflation n’est pas jugulée (elle atteint encore 12 % en 1952) faute d’une politique monétaire rigoureuse, et la consommation des ménages a été sacrifiée aux équipements collectifs : on ne pouvait pas tout faire.
   La poursuite de la planification est certes décidée mais, du fait du désordre politique de la IVerépublique, le deuxième plan quinquennal est adopté avec deux ans de retard, couvrant la période 1954-1959. Entre-temps, Jean Monnet, devenu président de la Haute-Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (une autre de ses idées) a été remplacé par son plus proche collaborateur, Étienne Hirsch. L’exercice bénéficie d’une amélioration méthodologique, par une meilleure articulation avec le budget annuel de l’État, mais pâtit sur le fond d’une application considérablement perturbée par la guerre d’Algérie.
   Revenu au pouvoir en 1958, le général De Gaulle croit toujours à la planification et entend lui donner un deuxième souffle. C’est l’époque des grandes ambitions, qui commencent par le choix de formules destinées à faire date : « le plan, ardente obligation », selon de Gaulle, « le plan, anti-hasard, réducteur d’incertitudes » selon son nouveau commissaire général, Pierre Massé. Aux côtés du Commissariat Général au Plan, est créée en 1963 la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR).
    Huit plans se succéderont ainsi jusqu’en 1992, enrichis à partir de 1969 par la politique contractuelle, entre État et régions, État et entreprises nationales, mise en place par le gouvernement Chaban-Delmas. Avec des incidences peu à peu déclinantes. En 1993, un gouvernement totalement asservi à l’idéologie libérale, et fondamentalement insignifiant, renoncera à l’exercice. Pour découvrir, non sans naïveté, avec la crise boursière de 1994, que les lois du marché ne règlent pas tout par enchantement : quelle surprise ! La même que celle de Marie-Antoinette découvrant la misère du peuple…
 Daniel de Montplaisir

LOUIS XI (1423-1483) #2 | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EUROPE 1

mercredi 18 janvier 2017

Les Réprouvés d’Ernst Von Salomon : Grandeurs et limites de l’activisme

Bréviaire de plusieurs générations d’aventuriers et de militants (de « gauche » comme de « droite »), « Les Réprouvés » est l’analyse la plus fine des grandeurs et des limites de l’activisme. A travers le récit d’Ernst Von Salomon, on découvre une époque troublée où les explosifs les plus violents étaient les esprits embrasés et où les hommes pouvaient encore jouer à avoir un destin. « Nous croyons aux instants où toute une vie se trouve ramassée, nous croyons au bonheur d’une prompte décision ».
« Peu importe ce qu’on pense. Ce qui compte c’est la manière de le penser »
L’épopée romantique, ne doit pas faire oublier que ce récit est surtout un témoignage sur une expérience personnelle à laquelle l’Histoire a donné une dimension tragique. Von Salomon se garde de tomber dans le manichéisme, sachant par expérience que les idéologies ne sont que des masques pudiques pour les passions humaines. Reconnaissant la valeur de l’adversaire, que ce soit les insurgés communistes poursuivant sous d’autres drapeaux un combat comparable au sien ou bien Walter Rathenau, à qui il rend un hommage riche d’enseignement, il tire de son époque une morale de l’action qui transcende les clivages : « Agir, agir n’importe comment, tête baissée, se révolter par principe, tendre ses énergies par tous les moyens, avec toutes les audaces, le sang ne coule jamais en vain ! ». Les seuls être qui ne trouvent nulle grâce à ses yeux sont les bourgeois, leur lâcheté les lui rend à jamais méprisables.
Malheureusement cet élan vital ne suffira pas pour faire triompher les valeurs portées par les « réprouvés ». Car le manque d’expérience politique et l’ignorance des forces en jeu amènera les soldats perdus à servir les intérêts de cette classe bourgeoise tant haïe. Qui ne s’enracine pas dans le peuple, se laisse emporter par le vent de l’Histoire. C’est toute l’ambiguïté d’une partie de cette génération de combattants qui s’était sacrifiée pour sa Nation. En réalité, celle-ci les avait cyniquement instrumentalisés alors qu’ils pensaient lutter pour des valeurs héritées, dignes d’êtres défendues. Néanmoins, ils s’étaient plutôt construit une Nation idéale mais, d’une certaine façon, concrètement vécue sur la ligne du front, au coeur de la guerre. Toutefois, que pouvait-elle valoir, lorsque que ces hommes revinrent à la vie civile? Condamner la médiocrité de la vie bourgeoise prosaïque témoigne bien d’une certaine conscience de l’aliénation vécue quotidiennement mais ne suffit pas, pour remettre clairement en question, les fondements du système ayant conduit à la boucherie de la guerre impérialiste.
« La guerre est finie : les guerriers marchent toujours »
Elevé pour servir un ordre qui s’écroule avec l’armistice de Novembre 1918, Von Salomon se retrouve orphelin d’un Empire idéalisé. Il va rejoindre les colonnes revenant du front et, qui comme lui se sentent perdues dans cette Allemagne au bord du chaos.
Seules subsistent encore les valeurs guerrières forgées par les années de tranchées, la communauté fraternelle des camarades servant de refuge face aux bouleversement de leur époque. « La Patrie était en eux, et en eux était la Nation » écrit Von Salomon qui comprit que lorsque la majorité décide de capituler, il ne reste aux hommes libres qu’à rester fidèles à eux-mêmes.
Ces troupes seront mises à contribution par la République de Weimar afin de liquider la révolution spartakiste dans un Berlin surréaliste, où la luxure des cabarets côtoie les derniers combats de rue. Sale besogne qui entachera les drapeaux des corps-francs. Les guerriers vont comprendre trop tard qu’ils ont sauvé leur pire ennemi, la bourgeoisie, et se condamner. C’est alors que vers l’Est de nouveaux combats éclatèrent. La nouvelle époque, celle du Baltikum, permit d’oublier l’amère « victoire » de Berlin. Voulant garantir les frontières de l’Allemagne à l’Est, ils furent utilisés par le système pour faire barrage à l’avancée communiste de la jeune Union Soviétique.
Les « desperados de la Nation » traînèrent leurs guêtres de la Lettonie à la Silésie, combattant sans cesse pour finir une nouvelle fois poignardés dans le dos par le régime de Weimar. « Nous avons tendu la victoire comme une coupe précieuse sur nos mains prêtes au sacrifice. Mais ils l’ont laissé tomber par terre, et elle s’est brisée sur leurs pieds ». La marche vers l’Est avait été un moyen de fuir les bassesses de la démocratie, qui finirent pourtant par les rattraper. Leur retour à la vie civile les laissèrent sans repère : « A l’époque, l’Allemagne était pour lui un pays de soixante millions d’hommes qui avaient le sentiment de ne pas être à leur place et de quelques autres qui n’étaient pas du tout à leur vraie place ».
La Nation Impossible
Condamnés à revenir vers ce monde qu’ils fuyaient, soldats sans armée, il ne leur restait qu’à devenir des terroristes. Ce plongeon dans la clandestinité donne à l’aventure un tournant individualiste qui fait de Von Salomon plus un aventurier qu’un militant. D’abord, dans la Ruhr occupée par les alliés, puis en menant un activisme débridé contre l’Etat. La violence que ces soldats perdus exerceront contre leur propre gouvernement ne pouvait être comprise par les masses.
Le choix d’assassiner Walter Rathenau s’éclaire au soleil noir d’un nihilisme refusant totalement une société négatrice de leurs valeurs (dont le ministre social-démocrate était l’incarnation intolérable). Il fut donc leur victime expiatrice, non du fait qu’il était le responsable de l’armistice ou parce qu’il était d’origine israélite, mais parce qu’il incarnait, par sa valeur, l’avenir du système…
Fournissant la voiture qui servit aux lieutenant de vaisseaux Kerm et Fischer pour abattre leur victime, Von Salomon sera traqué dans sa tentative de retrouver ses camarades encerclés. Ils se suicideront pour éviter la capture, ce destin ne sera pas offert à l’auteur. Arrêté, il passera plusieurs années en prison. Au bout de trois années d’isolement, on l’autorisera à recevoir un livre, Le Rouge et le Noir de Stendhal et à en écrire un, Les Réprouvés. Dès sa publication, il exercera une fascination qui est loin d’être éteinte.
Von Salomon à sa sortie de prison devra assurer sa survie par de multiple petits boulots, avant de trouver sa voie comme scénariste pour les studios de cinéma. Amoureux de la France, il s’installe un temps au Pays Basque. Toujours en contact avec la mouvance national-révolutionnaire, il observe la montée du nazisme. Après la prise de pouvoir par Hitler, il refuse les honneurs que lui offre le régime et s’enferme dans un «exil intérieur» comparable à celui d’Ernst Jünger. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il sera inquiété par les Américains . Ceux-ci n’ayant rien à lui reprocher au final, il sera libéré après plusieurs mois d’internement et reprendra son activité cinématographique,avant de mourir en 1972.

LOUIS XI (1423-1483) #1 | AU CŒUR DE L’HISTOIRE | EUROPE 1

mardi 17 janvier 2017

RFR - Jeanne d'Arc par elle même

Les liaisons dangereuses entre libéralisme et conservatisme

51x9qlfyzdl_sx315_bo1204203200_.jpgConservateurs et libéraux ont souvent fait route ensemble, au risque de brouiller les frontières entre eux, alors que les différences sont de taille. Le conservatisme reconnaît ainsi l'existence d'un bien commun et promeut les communautés et les corps intermédiaires pour le réaliser, accorde une plus grande place à l'autorité charnelle et incarnée, aux hiérarchies ; il est sensible aux excès du projet politique moderne qui est au fond le projet libéral, articulé autour du rationalisme, de l'individualisme égalitaire et de l'utilitarisme. Il fait l'éloge du particularisme, croit à l'existence des peuples et à l'utilité des frontières, rappelle avec Disraeli que "les nations ont un caractère propre aussi bien que les individus", alors que l'anthropologie libérale conduit à al vision d'un individu planétaire unique appelé, à la fin de l'histoire, à être régi par un droit et un marché universels.
"Roger Scruton, de l'urgence d'être conservateur", par Thomas Hennetier, Eléments, n°163

Saint Louis (Louis IX) | Au cœur de l’histoire | Europe 1

lundi 16 janvier 2017

Une promenade en Provence avec Pagnol - Orages d'acier - 15/01/2017

C’est ainsi que naît l’esprit fasciste

notre-avant-guerre.jpg?w=300&h=424« On n’a pas coutume d’écrire ses Mémoires à trente ans ». Robert Brasillach semble s’excuser de rassembler ses souvenirs dans Notre avant-guerre, qu’il publie chez Plon en 1941, et il ajoute : « je voudrais qu’on pût lire ce livre comme un roman, comme une suite d’éducations sentimentales et intellectuelles ; je voudrais qu’on pût le lire comme une histoire plus vaste que la mienne, encore que je désire m’en tenir à ce que j’ai vu ». Il nous raconte donc sa jeunesse durant l’entre-deux-guerres, de l’École normale supérieure à la ligne Maginot, et nous découvrons un petit groupe d’amis, qui se connurent à l’école, travaillèrent pour les mêmes revues et voyagèrent ensemble, dans l’Italie mussolinienne ou encore l’Espagne de l’après guerre civile: leur histoire est bien sûr une célébration de l’amitié mais elle est surtout indissociable de la grande histoire. Car Robert Brasillach est un témoin attentif de son époque. Dans le cinquième chapitre, qu’il intitule « J’avais des camarades », il décrit le Front populaire comme une épisode odieux et grotesque qui saisira « plus tard les historiens de stupéfaction, de rigolade et de honte »:
Des grèves partout. Dans le Vaugirard que nous habitions encore, nous nous heurtions aux quêteurs, aux quêteuses. Les fenêtres étaient décorées avec des drapeaux rouges, ornés de faucilles et de marteaux, ou d’étoiles, ou même, par condescendance, d’un écusson tricolore. Par réaction, le 14-Juillet, les Patriotes pavoisèrent aux trois couleurs dans toute la France, sur l’instigation du colonel de La Rocque. Les usines, périodiquement, étaient occupées. On enfermait le directeur, les ingénieurs, et les ouvriers ne quittaient pas les lieux: cela se nommait « la grève sur le tas ». À la porte, un tableau noir où l’on inscrivait les jours de grève. À l’intérieur, des groupes très photogéniques avec des joueurs d’accordéon à la manière des films russes. Premier ministre depuis juin, M. Blum se lamentait, pleurait deux fois par mois à la radio, d’une voix languissante, promettait l’apaisement, des satisfactions à tous. On publiait, on republiait ses fausses prophéties, ses erreurs innombrables, on rappelait ses livres de jeunesse, son esthétisme obscène et fatigué. En même temps, le 18 juillet, dans l’Espagne affaiblie par un Front populaire plus nocif, éclatait une insurrection de généraux qui devait devenir aussitôt à la fois une guerre civile et une révolution nationaliste. Les communistes manifestaient pour l’envoi à Madrid de canons et d’avions, afin d’écraser le « fascisme », organisaient le trafic d’armes et d’hommes, criaient « Blum à l’action! » et conjuguaient ainsi leur désir de guerre à l’extérieur et d’affaiblissement à l’intérieur.
L’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (A.E.A.R.) avait eu de beaux jours. Couverts d’honneurs, ses membres se promenaient volontiers avec la rosette de la Légion d’honneur sous le revers du veston: ainsi prouvaient-ils leur indépendance vis-à-vis du régime. Le mois de mai 1936 libéra ces consciences scrupuleuses, et les promotions, par une grâce divine, commencèrent en même temps de pleuvoir. La Maison de la Culture était née. C’était une vraie maison d’ailleurs, sise rue de Navarin, avec patente et pignon sur rue. Devant « le péril réactionnaire » elle s’appuyait sur un funambulesque Comité de Vigilance antifasciste où brillaient les professeurs Langevin, Perrin, Joliot-Curie. On vit s’y précipiter toute la littérature du temps, ou peu s’en faut. En même temps, avec l’argent des marquises rouges, se fondait un étonnant journal, Vendredi. […] Le journal était fort ennuyeux, et d’un accent de pion tout à fait caractéristique de ces belles années.
Car la fausse révolution de 1936 fut bien une révolution d’intellectuels. Précipités sur les prébendes, ils n’en tirèrent rien que des rapports et des thèses. Les humoristes eux-mêmes perdaient tout sens du comique. Le vieux journal anarchiste que nous avions lu, le Canard enchaîné, expulsait la plupart de ses collaborateurs coupables d’esprit frondeur, devenait strictement « Front populaire », et flirtait ouvertement avec les staliniens. On paya des sommes folles, à l’Exposition de 1937, pour montrer des spectacles collectifs absolument inouïs: la Naissance d’une cité, de J.-R. Bloch, où il y avait plus d’acteurs que de spectateurs, Liberté, composé en collaboration par douze écrivains, qui avaient chacun traité à leur façon un épisode de l’histoire de France: après une Jeanne d’Arc burlesque, un entretien scolaire entre Pascal et Descartes sur le coeur et la raison, tout s’achevait sur l’apothéose du serment du 14 juillet 1935 pour « défendre les libertés démocratiques ». Car tel était le sens de l’histoire.
Des écrivains de talent se mêlaient parfois à ces jeux. Le plus en vue était André Malraux, dont nous avions lu les sombres, brumeux et durs romans, apologies de la souffrance et du sadisme intellectuel, remplis de tortures chinoises et du crépitement des mitrailleuses, les Conquérantsla Condition humaine: il faisait du recrutement officiel pour l’Espagne rouge, et il fut même lieutenant-colonel commandant l’escadrille España. Devant sa gloire, les autres boute-feux au coin du feu pâlissaient. Mais ils se faisaient une raison en croyant atteindre à l’action, en croyant aller au peuple ils levaient le poing dans des meetings, et Jean Guehenno, un peu plus tard, devait écrire là-dessus quelques pages de cornichon sincère, et quasi-repentant. C’était le temps où dans une réunion sur l’art, si un « peintre du dimanche » déclarait qu’il était communiste, qu’il faisait la grève quand il le fallait, mais que lorsqu’il peignait, il aimait à peindre sa femme ou sa fille plutôt que d’exalter la conscience de classe, il se faisait huer. C’était le temps où Aragon et Jean Cassou déploraient qu’on ne pût dire si une toile avait été peinte avant ou après le 6 février (ces phrases extraordinaires ont été réellement dites, et pensées) et expliquaient la décadence de l’art par les sales gueules des « deux cents familles ».
Car la France était gouvernée par une oligarchie de « deux cents familles ». Aux entrées de métro, les vendeurs criaient: –Demandez la liste officielle et complète des deux cents familles. Nul ne s’étonnait de cette annonce énorme et bouffonne. Les bourgeois blêmissaient, pensaient qu’ils seraient sauvés tantôt par le P.S.F. et tantôt par les radicaux, donnaient aux quêteurs rouges, se laissaient arrêter sur les routes, et avaient une belle frousse. Rares étaient ceux qui faisaient le coup de poing avec les grévistes: il y en avait pourtant, et à qui personne n’osait toucher. D’autres étaient plus mûrs pour les révolutions qui, il faut bien le dire, ne sont pas imméritées pour tout le monde. Dans une entreprise que je connais, on reçut avis que les Rouges viendraient « attaquer » un samedi après-midi. C’était l’été, le patron était sur son yacht. Il téléphona qu’il accourait, et que quelques employés fussent prêts à défendre le capitalisme. Des camarades vinrent donc, avec un petit arsenal, tout l’après-midi. Point d’assaillants. Point de patron non plus. Le lundi suivant, il apparut pourtant, et, doucement railleur, il déclara: -Alors, vous avez été en état d’alerte pieuse, samedi?
On ne s’étonnera pas si, pris entre le conservatisme social et la racaille marxiste, une bonne part de la jeunesse hésitait. Les triomphes de 1936 révélaient des justices abominables, aidaient à comprendre certaines situations, faisaient espérer des réformes nécessaires et justes. Toutes les grèves, surtout celles du début, où il y eut parfois une joie, une liberté, une tension charmantes vers la délivrance, vers l’espoir, n’étaient pas injustifiées. Nous savions bien qu’aucune conquête ouvrière n’a jamais été obtenue de bon gré, que les patrons ont gémi qu’ils allaient à la ruine lorsqu’on établit sous Louis-Philippe la journée de onze heures et l’interdiction pour les enfants de moins de douze ans de travailler la nuit. Nous savions bien que rien n’a été fait sans la lutte, sans le sacrifice, sans le sang. Nous n’avons pas d’intérêt dans l’univers capitaliste. Le fameux « souffle de mai 1936 », nous ne l’avons pas toujours senti passer avec hostilité dans une atmosphère de gabegie, d’excès, de démagogie et de bassesse, inimaginable. C’est ainsi que naît l’esprit fasciste.
On le vit naître. Nous l’avons vu naître. Parfois, nous assistions à ces incroyables défilés de 1936, ces vastes piétinements de foules énormes, entre la place de la République et la place de la Nation. De l’enthousiasme? Je n’en suis pas sûr. Mais une extraordinaire docilité: c’est vers un but rouge et mystérieux qu’allait le destin français, et les passants levaient le poing, et ils se rassemblaient derrière les bigophonistes libres penseurs, les pêcheurs à la ligne antifascistes, et ils marchaient vers les colonnes de la place du Trône décorés de gigantesques drapeaux. On vendait de petits pantins: le colonel de La Rocque. On promenait, à la mode russe, des images géantes: les libérateurs de la pensée, Descartes, Voltaire, Karl Marx, Henri Barbusse. C’était bouffon et poussiéreux, l’esprit primaire devenu maître de tout. Et pourtant, si, aux quêteurs de juillet 36, on répondait: « Non, camarade, je suis fasciste », nul n’insistait. La mode du salut à la romaine faillit même devenir courante, non par goût, mais par riposte, quand les communistes défilaient le poing tendu vers l’Arc de Triomphe. On leva le bras, on chanta la Marseillaise. L’esprit nationaliste réclamait ses rites, et les moscoutaires essayaient de les lui chiper, en chantant, eux aussi, la Marseillaise et en se parant de tricolore, et en déclarant lutter contre le fascisme menaçant, pour les libertés françaises. Ainsi parlait Maurice Thorez, député communiste, depuis déserteur. Drôle d’époque.
Dans un monde parallèle, Notre avant-guerre serait considéré comme un classique du vingtième siècle. Mais voilà: il a été écrit par Robert BrasillachNotre avant-guerre est donc un livre maudit, qu’on ne trouvera jamais par hasard dans une bibliothèque ou dans une librairie. Il ne sera jamais étudié en classe de français, ni même en histoire. Les pontes de l’Éducation nationale ne pourraient permettre, en effet, que ce livre magnifique tombât entre des mains innocentes: il fait trop joliment l’éloge de l’esprit fasciste, présenté comme « l’esprit même de l’amitié, dont nous aurions voulu qu’il s’élevât jusqu’à l’amitié nationale ». L’écriture est trop belle, l’anticonformisme de l’auteur est trop dangereux.