samedi 31 octobre 2009

Le règne de la démagogie

Le drame vient de très loin, et pendant longtemps nul ne s'en douta. 1848 avait vu triompher dans la rue la classe ouvrière. Aux élections qui suivirent, tous les candidats voulurent donc se recommander du prolétariat triomphant, même ceux qui n'avaient rien à voir avec lui. Ouvrier, c'était la suprême référence sur les affiches électorales d'avril 1848. Celui qui il 'avait jamais travaillé de ses mains exhibait les souvenirs manuels de quelque lointain parent. Le candidat Levassor expliquait dans sa profession de foi : « Mon grand-père était ouvrier. Mon père était ouvrier. Je suis ouvrier moi-même, ouvrier notaire. »
Sévit alors ce que le caricaturiste Cham appelait « la députamanie ». Les hommes de lettres en furent les premiers et les plus gravement atteints. Alphonse Karr se présentait au Havre et expliquait aux citoyens :
- « Je n'étais pas républicain, mais je défendais sans relâche par mes écrits tous les droits du peuple. Je n'étais pas républicain, mais je ne choisissais pas mes amis parmi les plus riches et les plus puissants. »
A quoi ses adversaires répondaient : « M. Alphonse Karr est un républicain du lendemain ».
Alfred de Vigny lui-même, candidat en Charente où il possédait une propriété, exposait : « J'apporte à la fondation de la République ma part de travaux dans la mesure de mes forces. Quand la France est debout, qui pourrait s'asseoir pour méditer ? ». Il ne recueillit que dix voix. Il est vrai qu'il n'avait même pas fait l'effort de quitter Paris pour aller saluer les électeurs charentais.
Les conversions étaient nombreuses après tant de révolutions et tant de régimes successifs. Répondant à Odilon Barrot, Ledru-Rollin lui lançait :
- « Vous vous dîtes attaché à la République. Je veux croire que vous l'aimez, mais vous l'aimez comme vous aimiez la dynastie d'Orléans que vous avez renversée tout en l'aimant. »
Le même Odilon Barrot devait faire un peu plus tard un bel exercice d'équilibre en donnant à la fois des gages au général Cavaignac et au prince Louis-Napoléon Bonaparte. Il est vrai que lorsque ce dernier présenta sa candidature à la présidence de la République, il enregistra les ralliements de la plupart de ceux qui allaient un peu plus tard mener la lutte contre l'Empire. Victor Hugo, Molé, Emile Ollivier, Montalembert, Thiers, furent à ce moment bonapartistes.
Emile Ollivier raconte dans ses souvenirs que ce fut son porteur d'eau qui persuada Thiers de se rallier à Louis-Napoléon.
Victor Hugo fit alors l'apprentissage douloureux de la vie de député. Le projet du prince-président de modifier la loi électorale avait successivement amené à la tribune Cavaignac, Jules Favre, Lamartine, Léon Faucher, lorsque Victor Hugo intervint et, sous les applaudissements de toute la gauche, il entreprit de dénoncer une manœuvre du « parti-prêtre » :
- « Cette loi, dit-il, je ne dirai pas, à Dieu ne plaise, que c'est Tartuffe qui l'a faite, mais j'affirme que c'est Escobar qui l'a baptisée. »
Montalembert, qui détestait Hugo depuis longtemps, bondit alors à la tribune pour lui répondre. Il le traita de « poète politicomane », lui reprocha d'avoir chanté successivement toutes les causes, d'avoir célébré sous la Restauration le baptême du duc de Bordeaux et le sacre de Charles X, puis il enchaîna :
- « Aussitôt après la révolution de Juillet, comme pour racheter cette faute de jeunesse, il a chanté les obsèques des héros de Juillet, et cela au lendemain de la chute de Charles X... Oui, je n'ai pu me défendre d'un mouvement d'indignation quand je me suis souvenu d'avoir entendu moi-même, en pleine Cour des Pairs, adressée par lui au roi Louis-Philippe, les paroles les plus adulatrices qui aient jamais frappé mes oreilles, et qu'ensuite, deux ans après, à cette même tribune où je parle, il est revenu à l'Assemblée constituante féliciter le peuple de Paris d'avoir brûlé le trône où siégeait ce vieux roi, naguère adulé et d'où était descendu sur lui le brevet de pair de France. »
L'assemblée acclama celui qui venait ainsi de démasquer l'idole.
Cette assemblée de la Ile République finit le 2 décembre 1851. Les soldats de Saint-Arnaud se chargèrent alors de conduire vers les cellules qui leur étaient destinées les députés qui avaient émis la prétention de siéger en face du coup d'État. Ce fut pour quelques-uns d'entre eux l'occasion de prononcer des mots historiques. Au moment de monter dans le panier à salade, le duc de Montebello lança d'une voix forte aux soldats :
- « C'est aujourd'hui l'anniversaire de la bataille d'Austerlitz et le gendre du maréchal Bugeaud fait monter dans la voiture des forçats le fils du maréchal Lannes. »
Victor Hugo chercha vainement a soulever les faubourgs ouvriers pour défendre les droits de l'Assemblée. Le peuple goguenard refusa de se laisser entraîner. Regardant passer les voitures qui transportaient les députés vers la prison, les ouvriers applaudissaient en criant : « Les vingt-cinq francs sont coffrés... Bravo !... C'est bien joué... ».
P.F. National Hebdo du 20 au 26 octobre 1988

vendredi 30 octobre 2009

Les druides

La religion celtique a ceci de particulier, qu'elle ne possède pas seulement des prêtres, comme les religions grecque, romaine et germanique. Mais est formée d'une classe sacerdotale hiérarchisée et organisée, profondément structurée. Fondé sur le savoir, la hiérarchie sacerdotale comportait de nombreux grades et des spécialisations qui excluaient toute ambiguïté.

Savants, philosophes.....
Guides religieux des peuples celtiques, ils sont chargés du culte-des-cultes, de l'éducation, de la réflexion commune, de l'établissement d'une philosophie.
Leurs compétences sont multiples :
- druides au sens religieux, théologiens,
- ovates (mages adeptes de la civilisation naturelle),
- bardes (chroniqueurs, poètes, passeurs de mémoire collective et de la culture).
[ - Strabon (IV-4) fut l'un des rares à tenter d'opérer une distinction au sein de cette classe sacerdotale :
« On rend de très grands honneurs à trois sorte d'hommes : les bardes, les vates et les druides ; les bardes sont chanteurs et poètes, les vates sacrificateurs et physiologues, les druides outre les sciences de la nature, étudient la philosophie morale. »
- Cicéron dans De Divinatione (I-40) fait ce portrait :
« La divination n'est même pas négligée en Gaule. Parmi les druides, j'ai connu cet Eduen Diviciacos, ton hôte et admirateur qui prétendait connaître les lois de la nature, ce que les Grecques appellent physiologie ; il prédisait ce qui devait arriver, soit par des augures, soit par conjoncture. »
- Diodore de Sicile (V-28) assure que :
« La doctrine pythagoricienne prévaut parmi eux, enseignant que les âmes des hommes sont immortelles et revivent dans un autre corps. »
- Lucain est l'un des rares auteurs classiques à avoir saisi cette perception de l'illimité qui caractérise les Celtes :
« D'après les druides, les âmes ne descendent ni dans les demeures silencieuses de l'Erèbe(1), ni dans les profondeurs des pâles royaumes de Pluton. Le même souffle les anime dans un autre monde, et la mort n'est que le milieu d'une longue existence. » ]
(1) Erèbe représente la partie la plus ténébreuse des enfers. Il est le fils du Chaos et le frère (et l'époux) de la Nuit. (Nyx) ...

La première et peut-être la plus importante doctrine des druides est inscrite dans l'étymologie(2) de leur nom : dru-ui-des « les très savants », la science étant à prendre ici dans l'acceptation triple de sagesse, de science sacrée et de connaissance.
Le nom de druide conjugue la sagesse, la connaissance et le savoir, par l'étymologie réelle et la force (c'est-à-dire essentiellement la capacité de traduire leur savoir en pratique) par l'étymologie symbolique.
(2) Science qui étudie l’origine et l’histoire des mots et des locutions.
C'est en application ou en conséquence de ce symbolisme que l'on rencontre parfois des druides qui font la guerre ou qui portent des armes.

La caste des druides est au sommet de la hiérarchie.
En raison de son statut et du prestige attaché à sa fonction, parce qu'il juriste, il est le détenteur « des relations diplomatiques pour prévenir la guerre ou régler les compensations après l'agression ». Il est aussi le gardien de la mémoire de la « tribu ».
Pour certains auteurs les druides seraient les successeurs des hommes-médecine du Chamanisme archaïque et devinrent peu à peu les hommes du savoir.
« Progressivement, les hommes de savoir, groupés en confrérie comme l'étaient déjà les chamanes, devinrent hommes de réflexion, autrement dit des philosophes. À ce point donné, la mutation était achevée : les druides avaient remplacé les chamanes. » (Marc Questin, La tradition magique des druides)

Les druides dictaient le dogme et la morale, réglaient la liturgie des cérémonies religieuses, observaient les mouvements des astres afin d'établir le calendrier nécessaire à la tenue des grandes fêtes annuelles, pansaient les blessures, réduisaient les fractures, pratiquaient la magie et transmettaient au coeur des forêts leur enseignement aux jeunes aristocrates de moins de vingt ans.
Les futurs druides recevaient une éducation scientifique et théorique, qui durait vingt ans. Comme les pythagoriciens, les druides formaient une sorte de secte qui cherchait à reproduire son savoir et à le prolonger dans le temps.
N'utilisant pas l'écriture, ils transmettaient toutes leurs connaissances de manière orale. Certains se cantonnaient à un domaine précis tandis que les plus compétents acquièrent une vue encyclopédique sur les sciences de leur temps, on pressentaient ainsi une sorte de « hiérarchie savante » chez les druides. Les aristocrates faisaient parfois venir à domicile un maître, druide ou intellectuel.

« Les druides dissertent abondamment sur les astres et leurs mouvements, sur la grandeur du monde et de la Terre, et sur la nature des choses, sur la puissance des dieux immortels. » (J. César)
Un exemple frappant de la connaissance des astres par les druides est la célèbre cruche de Brno Haloměrěce, retrouvée en 1941 sur la nécropole celtique du même nom. Celle-ci en effet possède sur son pourtour la représentation du ciel de Brno en 280 av J.C dont la constellation du Cygne, un ciel d'été et la constellation du Taureau un ciel d'hiver. On trouve aussi les Gémeaux, et le soleil à ses deux solstices.

Depuis la Haute Antiquité, la plupart des peuples gaulois élisaient chaque année, un chef pour la gestion des affaires intérieures ( le vergobret) et désignaient un stratège pour la guerre. D'après Strabon, ce système existaient depuis au moins le Ve-IVe siècle av J.C. Cette élection d'un magistrat civil et la désignation d'un magistrat militaire était une réponse particulièrement efficace à toute tentative de tyrannie ou de restauration des anciennes monarchies.
Dans l'établissement de ces magistratures et de constitutions qui les accompagnaient, les druides ont joué un rôle prépondérant dont témoigne une autre règle, également mentionnée par César à propos des Éduens : le verbroguet est élu sous la présidence des/et avec les prêtres.
Les druides choisissaient ou faisaient choisir les hommes qui avaient leur confiance. Il est probable que souvent, c'était un des leurs qui devenait magistrat, c'est le cas de Diviciac (Diviciacos), chez les Éduens.
Les constitutions des civitates gauloises montraient une réelle originalité. Les chefs avaient des pouvoirs définis et limités, les assemblées populaires, guerrière et sénatoriale leurs opposaient un contre-pouvoir efficace, mais en sous-main les druides exerçaient une influence majeure.

Contrairement à l'opinion de César, qui affirma que le point essentiel de la doctrine des druides serait la morale, les historiens des religions celtiques comme Vendryes ou N.L. Scoested considère que les notions d'ordre moral ou philosophique - au sens humaniste du mot - en sont absentes à peu de chose près ; on a conservé qu'un seul précepte en usage, sous forme d'une triade, ce qui devait être un mode d'expression courant : honorer les dieux, fuir le mal, pratiquer la bravoure. C'est l'unique vestige d'un enseignement qui devait développer la croyance en l'immortalité de l'âme et exalter le courage et le mépris de la mort, si l'on croît ce qu'en ont pu connaître ses contemporains.
Enfin, l'enseignement devait transmettre toutes les formules et les rites des cérémonies religieuses. Or, il paraît certain que plus encore chez les Gaulois que chez les autres peuples que l'on appelle «primitifs», la religion embrasse tout le cycle des connaissances, comme elle paraît avoir déterminé chez eux tout le cycle de la vie quotidienne, marquant les grands événements comme les besognes familières.
Ce caractère commun à différents peuples, est plus fortement marqué en civilisation celtique que partout ailleurs, puisque les druides sont à la fois prêtres et enseignants, seuls prêtres et seuls enseignants.

Le druidisme n'est pas mentionné par les Galli en Italie, non plus dans les Alpes. La thèse qu'il serait venu des Îles britanniques, n'a pas été réfutée jusqu'ici et d'autant moins, que pour le centre continental de la région des Carnutes - correspondant aux citées ultérieures de Chartres et d'Orléans - des contacts avec des «experts» druidiques d'outre-Manche sont mentionnés.
Certaine pour la Gaule, l'immolation des victimes humaines, cette pratique, l'est moins pour les Galli d'Italie : les Romains qui les ont connu le mieux et le plus longtemps, n'en parlent pas... ce qui suggère une relation de cause à effet entre la présence des druides et le sacrifice humain.
- Diodore de Sicile ajoute que les philosophes sont aussi des devins : « Ces devins à qui on accorde une grande autorité, prédisent l'avenir en observant les oiseaux... C'est surtout quand ils consultent les présages pour quelques grands intérêts qu'ils pratiquent un rituel incroyable et bizarre. Après avoir consacré un homme, ils le frappent avec une épée et quand la victime est tombée, ils prédisent l'avenir d'après la chute, l'agitation des membres et écoulement du sang... »
Même si les druides choisissaient de préférence des criminels comme victimes, les sacrifices ritualisés d'êtres humains, horrifiaient les Romains. Tibère puis Claude les interdirent définitivement. Ce n'est donc pas seulement pour des raisons politiques que le pouvoir des druides et le pouvoir romain s'excluaient réciproquement. Les druides avaient compris tout de suite le danger des influences romaines pour l'emprise qu'ils avaient sur l'âme des populations celtiques... Leur succès limité dans l'appel à la lutte contre César indique ainsi les limites de cette emprise avant même la victoire des Romains.

Royauté
[ La « royauté », fonction de chef spirituel propre aux peuples indo-européens remonte à des temps forts anciens et n'avait qu'une réalité très affaiblie dans la Gaule des cinq siècles précédent la conquête romaine. C'est d'ailleurs ce qu'indiquent tous les témoignages historiques disponibles... Cette « royauté » avait tout l'air d'une magistrature suprême, accordée pour une durée déterminée, par le sénat ou aux aspirations de la jeunesse.
Les quelques « rois » gaulois qui ont laissé des traces dans l'histoire ont en effet deux particularités concomitantes, celle de ne pas avoir obtenu leur titre de façon héréditaire, et celle d'avoir été nommé par le sénat. ]
Il y avait une impossibilité théologique, doctrinale et pratique du druide de devenir roi ou du roi de devenir druide.
Le druide et le roi étaient les deux parties, indissociables et solidaires, d'un tout qui se nomme souveraineté. Le druide et le roi étaient souverains dans la mesure où le druide conseillait le roi, c'est-à-dire l'autorité spirituelle, et où le roi mettait en pratique le conseil du druide, c'est-à-dire exerçait le pouvoir temporel.
Jamais le druide ne contrariait le roi quand ce dernier n'avait commis aucune faute mettant en péril l'essence de la royauté. Il ne le contraignait non plus à faire quelque chose contre son gré.
L'autorité spirituelle du druide n'était pas transposable ou transformable en pouvoir temporel.
Avec la suppression de la royauté, la montée d'oligarchies et d'ambitions nobiliaires, il restait aux druides les choses de la religion et l'enseignement traditionnel. Mais dans ces deux domaines, ils ont été concurrencés, immédiatement, d'une part, par l'instauration du culte impérial et la diffusion de la religion romaine officielle et d'autre part par la fondation d'écoles latines ou l'enseignement qui n'était plus oral mais écrit, ne pouvait inclure la littérature orale gauloise.
Quand la Gaule fut sous domination romaine, la religion ne fut pas oubliée des administrateurs, si le clergé et le culte lui-même furent respectés, ils subirent des transformations, moins volontaires qu'indirectes. Les druides gaulois étaient des nobles.
... Comme l'ensemble de la noblesse, ils se retrouvèrent parmi les cadres locaux de l'administration des cités. Auguste (27 av J.C.) se contente d'interdire la fonction de druide et le culte druidique, (les sacrifices) à tous les citoyens romains et à tous ceux qui prétendaient le devenir. Rapidement le clergé gaulois vit son recrutement se tarir. Avec lui, c'est le culte et toute la mémoire religieuse des Gaulois qui s'appauvrit pour disparaître presque entièrement.
Sources :
Religions et histoires N°10
Dossier pour la science N°61
http://jfbradu.free.fr/lesceltes./savoi ... ruides-htm.
Archéologia octobre 2007
Actualité de l'histoire janvier 2008
La civilisation celtique : Christian.J.Guyonvarch, Françoise Le Roux
La société celtique : Christian.J.Guyonvarch, Françoise Le Roux
Les Gaulois : Jean-Louis Brunaux
Les Gaulois : Régine Pernou
Histoire de France / Les origines : karl Ferdinand Werner

Pat

mardi 27 octobre 2009

Les secrets de la Réserve Fédérale, institut d’émission monétaire des Etats-Unis

Contrairement à une croyance générale, l’institut d’émission des États-Unis est, en fait, une machine à fabriquer de l’argent détenue par un cartel bancaire privé, qui gagne d’autant plus que les taux sont élevés. Mine de rien, il imprime des dollars à bon marché et les revend plus cher.
L’institut d’émission des États-Unis, appelé aussi « Réserve fédérale » ou « FED », revient constamment en point de mire lorsque le monde financier international se demande, anxieux, s’il va modifier son taux directeur ou non.
L’abréviation FED se rapporte au « Board of Governors of the Federal Reserve System », c’est-à-dire à la conférence des gouverneurs du « Federal Reserve System » érigé il y a 93 ans.
Il s’agit non pas d’une ­banque centrale traditionnelle, mais de la réunion de cinq banques privées régionales tout d’abord, de douze banques actuellement, disséminées aux États-Unis, habilitée chacune à porter le nom de Federal Reserve Bank, un petit nombre d’initiés seulement sachant à qui elles appartiennent.
Un seul point est certain : elles n’appartiennent pas à l’État. Néanmoins, elles exercent les fonctions d’un institut d’émission de l’État.
Elles prennent leurs décisions au sein du Federal Reserve Board, dont le président les représente à l’extérieur et dont les séances ont lieu à Washington dans leur propre et imposant monument historique. La plus importante de ces banques privées est la Federal Reserve Bank of New York, qui contrôle l’énorme place financière de cette ville.

Privilèges d’une machine à fabriquer de l’argent


Ce cartel de banques privées dispose de privilèges incroyables, dont trois doivent être soulignés :
En imprimant des dollars, la FED convertit à moindres frais du papier sans valeur en dollars et prête ceux-ci aux États-Unis ainsi qu'à d’autres États et à d’autres ­banques contre reconnaissances de dettes.
Au cours de son histoire, le cartel a donc créé des milliards de créances à partir du néant et encaissé des intérêts en permanence, ce qui lui assure un profit annuel atteignant des milliards.
Ainsi, aucun gouvernement américain ne doit se faire des soucis à propos du déficit budgétaire, tant que ces messieurs en complet sont à ses côtés et – tel est le cas du financement des guerres durant la présidence de Bush – mettent en branle la planche à billets en cas de besoin.
Le privilège des intérêts permet à la FED de fixer elle-même les taux et il est évident qu’elle a le plus grand intérêt à encaisser les plus hauts intérêts possibles. Les taux at­teignent donc un niveau souvent particulièrement élevé et occasionnent périodiquement des crises – ce qui est le cas actuellement [2007] et donne l’occasion à la FED d’intervenir ultérieurement comme sauveur.
Les intérêts opèrent en permanence une ponction sur le pouvoir d’achat des citoyens américains en faveur des banquiers de la FED, par les intérêts des crédits comme par les impôts transformés en intérêts dus à la FED en raison de l’énorme service de la dette publique.
Modifiant constamment les taux d’intérêt, la FED change les conditions cadres de la plus grande économie du globe et de la plus importante bourse des actions, celle de Wall Street, qui, principale bourse du monde, diffuse des signaux en direction des autres bourses.
Pour être en mesure de résoudre les crises bancaires, la FED gère les réserves monétaires de ses banques membres (rémunérées à raison de 6% par année), qu’elle remet à disposition du système bancaire lors de l’éclatement d’une de ces crises.
Actuellement [2007], la FED s’efforce de prévenir, en fournissant à maintes reprises des liquidités aux banques, une crise financière mondiale causée par le krach du système de financement immobilier américain. Comme de nombreuses banques améri­caines de crédit hypothécaire ont sagement lié leurs crédits à des papiers-valeurs et transmis ainsi leurs problèmes à des banques européennes, celles-ci ont commencé aussi à vaciller.
Mais c’est la FED et son ancien président, Alan Greenspan, qui ont provoqué cette crise. En abaissant rapidement et dramatiquement les taux d’intérêt – après avoir porté le taux directeur jusqu’au niveau exorbitant de 6% –, et avoir approvisionné l’économie américaine excessivement en liquidités, Greenspan avait tenté, à partir du 3 janvier 2001, d’enrayer la plus forte chute boursière depuis 50 ans.
Au 25 juin 2003, le taux directeur était tombé à son niveau minimal de 1%, ce qui avait permis aux banques d’octroyer des crédits aux taux extrêmement bas et ce qui avait fait tomber de nombreuses familles dans le « piège du crédit », les incitant à acheter des logements à crédit, à des conditions auxquelles elles ne pouvaient faire face qu’à des taux bas.

Crise provoquée par la FED

A la fin du cycle des taux d’intérêt, Greenspan avait provoqué une situation qui avait déclenché une avalanche.
En effet, la FED a majoré douze fois de 0,25% son taux directeur, du 30 juin 2004 au 29 juin 2006, le portant alors à 5,25%. Il dépasse ainsi de 525% le taux fixé il y a quatre ans !
Les taux fixés pour les crédits hypothécaires sont montés en conséquence et ont atteint un niveau que toujours davantage de familles ne peuvent pas supporter. Comme la propension à épargner est actuellement négative aux États-Unis, que la plus grande partie de la population doit recourir au crédit et que les carnets ­d’épargne ne jouent guère de rôle, la crise s’accentue.
Vu que, depuis l’année précédente, toujours davantage de bailleurs de fonds hypothécaires sont – tout comme leurs clients – en retard dans leurs paiements à d’autres banques, le système bancaire est en crise, celle-ci ayant atteint un point culminant en août 2007, lorsque la FED et la Banque centrale ­européenne (BCE) n’ont pu stabiliser le système que par plusieurs injections de liquidités.
La crise des liquidités bancaires s’est immédiatement répercutée sur la bourse, qui réagit généralement de manière sensible aux variations de taux de la FED. En effet, la hausse des taux rend les titres à intérêt fixe plus attrayants que les actions, freine l’économie, est donc un poison pour la bourse et abaisse les cours des actions. Ainsi a commencé septembre 2007.


Les motifs des banques de la FED

Pour comprendre la manière d’agir et les motifs de la FED, qui paraissent parfois curieux, il faut jeter un coup d’œil sur l’histoire de l’institut d’émission.
La proposition d’établir une banque centrale est due au banquier allemand Paul Warburg.
La crise financière et bancaire déclenchée en automne 1907 par la faillite de Knickerbocker Trust Co. et la situation menaçante de Trust Company of America a mis en péril 243 banques, car aucune institution n’était en mesure de mettre temporairement des fonds à leur disposition pour surmonter leurs difficultés de paiement.
Dans un discours prononcé peu de mois auparavant à la Chambre de commerce de New York, le banquier John Pierpont Morgan avait prévu par hasard cette crise et appelé à fonder une ­banque centrale. La crise se prêtait à merveille au soutien de cette revendication. Par la suite, Morgan a joué un rôle essentiel, à l’arrière-plan, dans la réalisation du projet.
Initialement copropriétaire de la banque Warburg de Hambourg, Paul Warburg avait épousé en 1893, lors d’un séjour aux États-Unis, la fille de Salomon Loeb, de la banque new-yorkaise Kuhn, Loeb & Co., qui a fait de lui et de son frère Felix des partenaires de la banque (fusionnée en 1977 avec ­Lehman Brothers).
Pourvu généreusement par la Banque ­Kuhn Loeb d’un salaire annuel de 5 millions de dollars, Paul Warburg s’est occupé uniquement, pendant les six ans qui ont suivi la crise bancaire, d’une « réforme bancaire » tendant à ériger une banque centrale d’après le modèle de la Banque d’Angleterre, laquelle appartenait alors à des banquiers privés.
Ce faisant, il a été soutenu par le sénateur Nelson D. Aldrich, beau-père du premier héritier milliardaire américain, John D. Rocke­feller junior, connu comme porte-parole du banquier J.P. Morgan au Congrès des Etats-Unis.

Conspiration au yacht-club de Jekyll Island


En novembre 1910 finalement, un groupe de personnes triées sur le volet s’est rassemblé, sous prétexte d’une excursion de chasse, dans un wagon de chemin de fer aux jalousies fermées du yacht-club que possédait le banquier J.P. Morgan à Jekyll Island, en Géorgie.
Lors de cette réunion secrète, taxée ultérieurement de conjuration, Paul Warburg, représentant de Kuhn Loeb et d’autres banques ainsi que deux banquiers de J.P. Morgan, représentant aussi les intérêts du groupe Rothschild, et deux du groupe Rockefeller ont décidé d’aider le sénateur Aldrich à rédiger en neuf jours un projet de loi que le Républicain vaniteux entendait présenter en son nom au Congrès.
Il s’agissait non pas d’une banque centrale, mais seule­ment d’une société privée nationale de réserve dont plusieurs comptoirs devaient être disséminés aux États-Unis et dans lesquels des banques affiliées volontairement de­vaient déposer des réserves monétaires de crise.
En raison de ses relations bien connues avec le centre financier et boursier de Wall Street, Aldrich a échoué, la majorité méfiante des députés voyant à juste titre dans son projet un plan tendant à assurer à un cercle restreint de banquiers puissants et liés les uns aux autres une position dominante et, partant, la possibilité de réaliser des profits énormes dans l'économie américaine.
Les requins de Wall Street ne se sont évidemment pas découragés et ont profité des élections présidentielles de 1912 pour faire élire le candidat démocrate ­Woodrow Wilson, qu’ils ont soutenu massivement sur le plan financier.
Pendant la lutte électorale, il s’est fait passer pour un adversaire du « Wall Street Money Trust » et a promis au peuple un système monétaire exempt de main-mise des banquiers internationaux de Wall Street. En fait, la conception de la banque centrale a été élaborée par le groupe­ment qui semblait avoir perdu la partie.
En tout cas, les Schiff, Warburg, Kahn, Rockefeller et Morgan avaient misé sur le bon cheval.
Sous le titre de « Federal Reserve Act » qui dissimule sa portée et qui prétendument réduit à néant le projet de banque centrale formulé par Wall Street, ils ont déversé le 23 décembre 1913 sur des députés démocrates des mieux disposés et avec le soutien du président Wilson, un projet de loi très peu modifié et ont requis l'approbation du Congrès alors que de nombreux députés non informés prenaient déjà leurs vacances de Noël et que très peu avaient lu le texte du projet.

Le plus grand cartel du monde

Les rares députés qui ont perçu la nature de ce jeu pervers n’ont guère pu se faire entendre. Avec sagesse, le conservateur ­Henry Cabot Lodge senior a prévu « une inflation énorme de moyens de paiement » et que « la monnaie d’or serait noyée dans un flux de papier-monnaie non échangeable ».
Après le vote, Charles A. Lindbergh senior, le père du célèbre aviateur, a déclaré au Congrès: « Cette loi établit le cartel le plus important au monde […] et légalise ainsi le gouvernement invi­sible de la puissance financière […]. Il s’agit du projet de loi Aldrich déguisé […]. La nouvelle loi provoquera de l’inflation tant que le cartel le souhaitera […].»
Lindbergh avait raison, comme le prouve le « privilège du dollar ». Avant l’établissement du Système fédéral de réserve, des banques privées avaient déjà imprimé des billets. Dans les années soixante du XIXe siècle, il y avait encore 8.000 sortes de billets, émises par des « State Banks » privées avec l’autorisation de l’État. A partir de 1880, 2.000 banques pourraient avoir encore émis leurs propres billets. Depuis 1914, le chiffre s'est limité à la douzaine de banques privilégiées.
Quand le président Abraham Lincoln a eu besoin d’argent, en 1861, pour financer la guerre civile et que les crédits des ­banques Rothschild, financiers traditionnels des guerres, lui sont devenus trop chers, il a éludé le privilège des banques privées et fait imprimer un billet d’État, le « Greenback ». Il ne devait pas survivre longtemps à cette démarche téméraire. En 1865, il a été assassiné par un tireur isolé, abattu lui-même lors de sa fuite.
Le successeur de Lincoln, Andrew Johnson, a suspendu l'impression de billets pour des raisons inexplicables.
Le prochain président qui a voulu redonner à l'État le monopole de l’impression de billets a été John F. Kennedy.

Tentative de Kennedy de priver la FED de son pouvoir

Peu de mois avant son assassinat, John F. ­Kennedy a été semoncé par son père Joseph dans le salon ovale de la Maison Blanche. « Si tu le fais, ils te tueront ! »
Mais le président ne s’est pas laissé dissuader. Le 4 juin 1963, il a signé l’acte exécutif numéro 111 110, abrogeant ainsi l’acte exécutif 10289, remettant la production de billets de banque dans les mains de l’État et privant en grande partie de son pouvoir le cartel des banques privées.
Après que quelque 4 milliards de dollars en petites coupures nommées « United States Notes » eurent déjà été mises en circulation et alors que l'imprimerie de l'Etat s'apprêtait à livrer des coupures plus importantes, Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963, soit 100 ans après Lincoln, par un tireur isolé abattu lui-même lors de sa fuite.
Son successeur s’appelait Lyndon B. Johnson. Lui aussi a suspendu l’impression de billets pour des raisons inexplicables. Les douze banques fédérales de réserve ont retiré immédiatement les billets Kennedy de la circulation et les ont échangés contre leurs propres reconnaissances de dette.
Grâce à son monopole de production illimitée d’argent, le cartel bancaire du Système fédéral de réserve dispose d’une énorme machine à fabriquer de l'argent, qui lui permet de gagner énormément.
Qui se cache derrière ce système est un secret bien gardé. Car il faut distinguer entre les banques propriétaires et les simples banques membres, qui déposent des réserves monétaires pour, le cas échéant, être sauvées par la suite.
Il y a quelques années, la Federal Reserve Bank of New York a publié les noms de ces banques membres, qui n’ont par ailleurs aucun droit. La rémunération annuelle de leurs dépôts se chiffre à 6%. Mais le niveau de leurs parts est tenu secret comme les noms des propriétaires des banques fédérales de réserve, initialement trois, aujourd'hui quatorze.


Critique après le krach de 1929

Paul Warburg a refusé la présidence du Federal Reserve Board en 1910, alors que ce juif allemand à l'accent prononcé, juste avant le début de la guerre contre l'Allemagne, venait d’acquérir la nationalité des États-Unis. Toute­fois, il devint membre du Conseil d'administration et du puissant Council on Foreign Relations (CFR), qui passe encore aujourd'hui pour le berceau des politiciens américains et des banquiers de la FED.
Les efforts qu’il a déployés pendant de longues années pour fonder l'institut d’émission américain lui ont valu non seulement de l'argent et des honneurs dans la haute finance, mais aussi la pire expérience de sa vie. En 1928, il a exigé sans succès une limitation de la circulation monétaire afin de freiner la spéculation boursière qui rappelait la ruée vers l'or. Mais ceux qui étaient disposés à l'entendre sont restés rares ; on le nommait la Cassandre de Wall Street.
Après le krach d’octobre 1929, il devint la cible de ceux qui avaient perdu leur patrimoine. Des rumeurs, des brochures et des articles de presse l'ont décrit, lui qui avait tenté d’entraver les catastrophes financières, comme « l'auteur non américain » de la panique boursière d’alors. On a pu lire que « Paul Warburg avait prêté avec sa bande de l'argent au Système fédéral de réserve afin de mettre en mains juives les finances américaines et d’exploiter l'Amérique jusqu’à son épuisement. » De telles légendes se sont poursuivies jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Aigri par ces attaques, il est décédé en 1932. En 1936-1937, les cours des actions ont baissé de 50%, en 1948 de 16%, en 1953 de 13%, en 1956 de 13%, en 1957 de 19%, en 1960 de 17%, en 1966 de 25% et en 1970 de 25%. Ont suivi le krach ­d’octobre 1987, les chutes de cours de 1990, 1992 et de 1998 ainsi que, finalement, la forte baisse d’avril 2000 à mars 2003 et la crise actuelle qui a commencé en août/septembre 2007 et dont les effets sont incertains.
Aujourd'hui, on répand le bruit – mais ne le confirme pas – que le groupe bancaire Rocke­feller détient 22% des actions de la Federal Reserve Bank of New York et 53% de tout le Système fédéral de réserve. Principal acquéreur de bons du Trésor des Etats-Unis, la Banque du Japon possèderait 8% de ces actions. On attribue 66% aux banques purement américaines et 26% aux vieilles ­banques européennes (dont 10% aux banques Rothschild).

http://fortune.fdesouche.com
Source : « International » III/2007 [revue trimestrielle autrichienne de politique internationale]
(Traduction Horizons et débats, N°1/2, 14 janvier 2008)

Les fusillés et les charognards

Ces politiciens qui choisissent le quatre-vingtième anniversaire de la fin de la Grande Guerre pour se battre à coups de cadavres de Poilus sont des ignares et des salauds. Jospin et Chirac mais aussi Seguin, Millon, Villiers, Devedjian et autres, qui, le cul vissé dans leurs fauteuils, osent gloser sur des gosses crevés dans la boue, le froid et la merde voilà quatre vingt ans, tous poursuivent, dans cette querelle d’un autre âge, des visées de basse politique.

Les uns déterrent les mutins fusillés pour peaufiner leur image auprès de la Gauche-Plurielle ; les autre renvoient au néant ces pauvres morts pour plaire à la Droite-Plus-Rien.

Le socialiste Jospin adresse un message aux gangs d’extrême gauche et aux bandes allogènes en déguisant les mutins en précurseurs de la coalition PS-PC-Verts : citoyens, internationalistes, pacifistes et même immigrationnistes puisqu’en somme, ils auraient été partisans d’accueillir les sans-papiers venus d’outre-Rhin.

Le gaulliste Chirac joue l’indignation à l’intention des abrutis qui le croient encore patriote alors qu’il a accepté tous les abaissements : repentances à répétition, suppression du service militaire, réduction du budget des armées, reconnaissance des tueurs des Brigades internationales comme anciens combattants, maintien du traître Boudarel au sein de l’université et hommage algérien, en France, aux porteurs de valises du FLN.

Bien sûr, tous se réconcilient pour cracher sur Pétain. Chirac en refusant l’hommage traditionnel du 11 novembre au vainqueur de Verdun, Jospin en l’accusant, avec la complicité des merdias d’avoir été le fusilleur des mutins.

Seuls des charognards peuvent se livrer, en vertu de calculs aussi sordides, à une pantomime aussi obscène autour des restes de quelques pauvres gars.

Car les mutineries de 1917 ne furent ni acte politique ni remise en cause des valeurs patriotiques. Seulement un drame humain.

Les mutins ne furent ni martyrs de la Grande Révolution ni traîtres à la patrie.
Rien que des malheureux harassés et révoltés par l’incompétence d’un Etat Major que l’affaire des fiches avait livré aux officiers les plus nuls pourvu qu’ils fussent bien vus des Loges. De la viande à canon que l’on ne tirait de l’enfer des tranchées que pour l’envoyer à la mort dans des offensives inutiles dont certaines furent, en une journée, plus meurtrières que l’actuelle catastrophe climatique en Amérique centrale (vingt sept mille Français tués le 24 août 1914 !).

Même au Comité secret que l’Assemblée avait institué dans l’espoir (déçu, bien sûr) de débattre de la guerre sans que des députés corrompus trahissent le secret-défense, ces chefs furent dénoncés comme des incapables.

Et puis, cette mobilisation du ban et de l’arrière-ban de la politicaille et des merdias autour d’un drame quasi séculaire est grotesque. Aussi douloureux qu’il soit, l’événement est très exactement un "détail de l’histoire de la première guerre mondiale". Détail affreux, lui aussi, mais détail. Les refus d’obéissance affectèrent moins d’un combattant sur cinquante, durèrent moins de six semaines sur deux cents de guerre et n’entraînèrent que soixante-quinze morts sur un million et demi de tués.

Mais, autour de ce détail-là aussi, que de mensonges !
Les mutins n’étaient inspirés ni par l’exemple de leurs "frères" de l’armée russe qui avaient mis crosse en l’air, ni par les appels des pseudo-pacifistes socialistes stipendiés par Berlin que Léon Daudet appelait les embochés.

Au front, on tenait les premiers pour des déserteurs, les seconds pour des planqués et les deux pour des traîtres. Témoins et historiens sérieux sont d’accord là-dessus.
Pierre Miquel raconte(1) que les troupes russes du 1er bataillon de la 3e brigade combattant en France, le premier à désobéir, furent si mal traitées par les Poilus qui les considéraient « moins bien que des blessés allemands » qu’on les renvoya à l’arrière pour éviter des lynchages.

Guy Pedroncini a établi(2), sur les dossiers de la Justice militaire et de l’Etat-major, que dans les 115 unités (75 régiments d’infanterie, 23 bataillons de chasseurs et 12 régiments d’artillerie) les mutineries furent un « phénomène spontané » qui ne se manifesta que dans un milieu particulier du front où l’on n’avait que méfiance et mépris pour l’arrière.

Jacques Chastenet explique(3) que Pétain, loin d’être un fusilleur, améliora l’ordinaire et le régime des permissions, se rendit dans les unités contaminées, parla directement aux hommes, s’adressant à leur coeur, et leur montra qu’ils n’étaient pas « aux yeux des chefs une pure machine, une simple chair à canon ».

Pour autant, l’indignation théâtrale de Chirac est hors de proportion. Jospin n’a pas demandé la réhabilitation des mutins. Il s’est borné à proposer de « réintégrer dans la mémoire collective ces soldats fusillés pour l’exemple ».

Est-ce si scandaleux ? Cela mérite-t-il que des politiciens qui n’ont jamais entendu siffler que les balles de tennis montent sur leurs grands chevaux pour dénoncer cette « réhabilitation inopportune » ?

Les mutins de 17 ont payé pour le crime qu’on leur imputait il y a près d’un siècle. Ils avaient, avant de craquer, connu comme leurs camarades l’enfer des tranchées, la faim, le froid, les rats, la souffrance, les blessures, les bombardements, le spectacle quotidien de la mort, la colère de voir l’arrière se goberger.

N’ont-ils pas droit à ces circonstances atténuantes qu’on accorde aujourd’hui aux criminels les plus pervers ?
Au surplus, ces fusillés ne furent pas les seuls mutins. D’autres, épargnés, ou condamnés puis graciés, reprirent le combat et sont aujourd’hui des héros.
Pourquoi faut-il, là aussi, là encore, que des caciques gaullistes, toujours eux, fassent obstacle à la réconciliation des Français ?

Encore une fois, témoins et historiens sont formels : les mutins n’étaient ni des déserteurs ni des saboteurs ; ils étaient des soldats épuisés, dont certains n’avaient pas eu de permission depuis deux ans. Des hommes excédés par la discipline imbécile qu’on leur imposait, à eux, combattants plus que suffisamment aguerris, de la chair à canon qu’épouvantait l’incompétence de certains chefs.

A propos de l’ardeur au combat, le médecin aide-major Benoît, qui servait au Chemin des Dames pendant les mutineries, écrit en date du 30 avril 1917(4) : « Nos hommes sont des gars qui en ont vraiment dans le ventre. Quand on leur dit que pour la troisième fois nous allons remonter, ils grognent leur habituel "Y’a d’l’abus !" et, tout en marmonnant, ils remettent sac au dos ».

Sur la discipline, l’écrivain Georges Duhamel, médecin héroïque pendant la Grande Guerre et qui n’est suspect ni de gauchisme, ni de pacifisme ni de défaitisme, raconte(5) comment un soldat nommé Bouin fut puni pour l’unique raison qu’il portait le même patronyme qu’un médecin. Désigné par erreur pour la garde, ce dernier, n’ayant pas obtempéré, avait été inscrit au tableau des punis alors que son grade et sa fonction le protégeaient d’une telle sanction. « La punition a été portée au tableau pour un Bouin ; comme il faut qu’elle soit faite, paraît que c’est vous qui la ferez ! » décréta un gradé.

Autre témoignage, celui du tonnelier Louis Barthas(6), contraint pendant des heures à faire des demi-tours, des à droite-droite, à se présenter au chef en claquant les talons (jamais assez fort), à saluer vingt fois le même officier (jamais assez raide) : « Passe encore, quand on a vingt ans, de faire ces singeries, mais à quarante ans ! Et après avoir subi trois ans de service et trois ans de guerre ! »

Quant à la valse des ordres et contre-ordres, le même Barthas en donne un aperçu à la date du 16 avril 1917 : « Depuis huit jours, ordres, contre-ordres se succédaient, prouvant l’incohérence complète qui régnait en haut lieu. Un jour, on apprenait que le 296e régiment était affecté à tel corps d’armée, pour s’entendre dire le lendemain au rapport qu’on était remplacé dans notre division qui allait au repos. Brusquement on annonçait un départ pour les lignes le soir même. Un coup de téléphone au dernier moment différait ce départ au lendemain et le lendemain au surlendemain... Ce désarroi du commandement, ces incertitudes avaient une fâcheuse répercussion sur l’esprit du soldat... »

Quant aux mutineries elles-mêmes, le médecin aide-major Benoît raconte : « Cela s’est passé ainsi : un régiment qui était descendu des tranchées recevait l’ordre d’y remonter. Il refusait, demandait des permissions d’abord, du repos ensuite. A ma connaissance aucun officier ne fut molesté. A leurs objurgations, les hommes répondaient qu’ils étaient tous dans le même sac et que les officiers devaient se joindre à eux. Puis ils lançaient des fusées éclairantes, des fusées rouges, un petit feu d’artifice. Un enfantillage, quoi ! »

Ces "enfantillages" envoyèrent au conseil de guerre quatre mille soldats dont six cent vingt-neuf furent condamnés à mort et soixante-quinze exécutés.

Encore faut-il savoir que ces exécutions réparties sur dix mois ne changèrent rien à la moyenne puisque, mutinerie ou pas, on fusilla entre août 1914 et novembre 1918 huit hommes par mois (pour désertion au feu, pillage, refus d’obéissance au feu, etc.).

De plus en plus d’historiens s’accordent donc à penser que les « décimations » sont une légende et que la modération avec laquelle les arrêts du tribunal militaire furent appliqués est à porter au crédit de Pétain qui, loin d’être le fusilleur que la mafia politico-médiatique voudrait décrire, se montra économe du sang des Poilus et soucieux de leur confort, décidant d’attendre « les tanks et les Américains » avant de reprendre l’offensive dont « le sieur Nivelle », général imposé par les Loges, avait fait une boucherie où cent cinquante mille hommes furent dépecés.

Henri Castex et Abel Clarté notent(7) que le parlementaire qui exposa les raisons profondes des mutineries s’appelait Pierre Laval et que le général qui les fit cesser, non par les pelotons mais par une ferme conciliation, s’appelait Pétain...
En somme, le résultat le plus clair de l’imbécile querelle que feignent d’avoir Jospin et Chirac pourrait être de rappeler que, vingt ans avant 1940, « le Maréchal et le Maquignon » servaient déjà ensemble la même cause : la défense du sang français.
Serge de Beketch Le Libre Journal de la France Courtoise - du 11 novembre 1998

(1) Pierre Miquel, La Grande Guerre (Ed. Fayard)
(2) Guy Pedroncini, Les Mutineries (P.U.F.)
(3) Jacques Chastenet, Histoire de la IIIe République (Ed. Hachette)
(4) Dr Benoît, La Sainte Biffe (Ed. Don Bosco)
(5) Georges Duhamel, Civilisation (Mercure de France)
(6) Henri Barthas, Carnets de guerre (Ed. Maspero)
(7) Henri Castex et Abel Clarté, Les Comités secrets (Ed Roblot)

dimanche 25 octobre 2009

Serfs et servage dans l'Antiquité

C'est bien à tort que l'on assimile le mot de servage ou de serf avec le Moyen-Âge. C'est à tort également qu'on le confond avec l'esclavage. De fait, le servage est une condition intermédiaire entre l'esclave et l'homme libre. Certes, le serf n'est pas son propre maître et dépend d'un autre homme, mais il jouit d'une certaine protection légale, quant l'esclave n'est rien de plus que l'équivalent d'un meuble ou d'un animal.
La Grèce antique offre plusieurs exemples de servage. Le plus connu est le cas des hilotes de Sparte. Appelés à cultiver la terre, les hilotes n'avaient en principe aucun droit ni aucune liberté. Dans les faits cependant, ils étaient parfaitement libres de cultiver comme bon leur semblait, pouvaient améliorer leur condition de vie et même acheter leur affranchissement, le tout moyennant une redevance fixe.
Sous les Ptolémées et les Séleucides, le servage était également monnaie courante, notamment du au fait que les Grecs préféraient imposer une sujétion héréditaire plutôt que de réduire en esclavage. Une sujétion qui impliquait également l'attachement à la terre. Cette institution orientale semble avoir été le socle du "colonat" des Romains, qui devait se répandre au IIe et IIIe siècles de notre ère.
A côté des esclaves et des hommes libres, se forma alors une catégorie de plus en plus importante d'hommes demi-libres, de serfs. Apparu en Asie, en Egypte, en Afrique du Nord ou en Gaule, le colonat se composait de descendants de cultivateurs qui se voyaient assigner de petites exploitations découpées dans de grandes seigneuries. Hommes libres ayant tous les droits inhérents à la puissance paternelle, les colons étaient cependant fixés à la terre qui leur avait été attribuée - le colonat devient héréditaire au IVe siècle. S'ils abandonnaient cette terre, ils pouvaient être poursuivi comme des esclaves fugitifs. En revanche, nul ne pouvait les séparer de leur terre. Par ailleurs, ils devaient au maître ou au seigneur de la terre, 1/10e de leur récolte, ainsi que des corvées de travail sur les terres directement exploitées par le maître. Invités à produire le plus possible, ils avaient le droit de garder le produit de ce travail. 1/10e de la récolte quand, aux temps modernes, on doit 40% de son travail, de quoi faire - presque - rêver…
Alix Ducret http://www.historia-nostra.com

jeudi 22 octobre 2009

Philippe IV le Bel Un roi administrateur

Philippe IV le Bel devient roi à 17 ans, le 5 octobre 1285, à la mort de son père Philippe III le Hardi, victime du typhus à Perpignan au retour d'une catastrophique expédition contre l'Aragon.
Marié l'année précédente à Jeanne de Navarre, qui lui a apporté en dot la Champagne et la Brie et à laquelle il restera toujours fidèle, il est sacré à Reims avec sa femme le 6 janvier 1286, selon la tradition capétienne.
Sous son règne, en près de trente ans, la France consolide ses frontières. La monarchie échappe à l'emprise du pouvoir religieux. Elle s'écarte des traditions féodales en se dotant d'une administration moderne et en faisant appel à des fonctionnaires zélés issus de la bourgeoisie.

Échec en Flandre
Quand il monte sur le trône, à seulement 17 ans, le roi manifeste déjà une autorité qui rappelle son grand-père Saint Louis plutôt que son père, le terne Philippe III. Mais tout au long de son règne, il va rechercher les conflits plutôt qu'il ne va les éviter à la différence de Saint Louis, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Ainsi prend-il prétexte d'une rixe entre marins français et anglais à Bayonne, en 1292, pour citer devant la cour son vassal le duc de Guyenne, qui n'est autre que le roi d'Angleterre, et lui confisquer son duché le 19 mai 1294.
Le conflit tourne au désavantage de la France lorsque le comte de Flandre, Guy de Dampierre, vassal du roi capétien, prend le parti de l'Anglais. C'est que ses sujets, habitants d'Anvers ou de Bruges, sont de plus en plus liés avec les éleveurs de moutons anglais auxquels ils achètent la laine pour alimenter leurs ateliers de tissage.
Philippe le Bel fait occuper la Flandre. Mais il ne s'en tient pas là. Il attire par ruse le comte à Paris, le séquestre et confie l'administration de ses terres à Jacques de Châtillon. Par ses maladresses, celui-ci s'aliène très vite les habitants. C'est ainsi que le 18 mai 1302, les habitants de Bruges massacrent la garnison française. Ces « Mâtines de Bruges » (par analogie avec les Vêpres siciliennes) sont suivies d'une défaite de la chevalerie française à Courtrai le 11 juillet 1302. Le roi capétien prendra sa revanche à Mons-en-Pévèle le 17 août 1304.
De ce conflit date la scission actuelle de la Flandre, le nord s'émancipant de la suzeraineté capétienne, le sud (Lille, Douai, Béthune) étant livré à Philippe le Bel par le traité d'Athis-sur-Orge, le 24 juin 1305, conclu avec le comte Robert de Béthune.

Impopulaires impôts
Philippe le Bel a besoin d'argent pour poursuivre la guerre contre les Flamands et maintenir le train de vie de l'État malgré quelques signes de dépression économique. Il ne lui suffit pas de dévaluer la monnaie ni de dépouiller les juifs et les banquiers lombards. Il crée aussi de nouveaux impôts, tel celui sur les ventes que le peuple surnomme la «maltôte» ou mal levé. Le mot finira par désigner tout impôt illégitime.
Pour élaborer ses décisions et faire passer ses réformes, le roi s'appuie sur un Conseil composé de personnes qu'il choisit en fonction de leurs compétences. Ce sont généralement des juristes pétris de droit romain. Issus de la bourgeoisie, ils sont dévoués au roi, auquel ils doivent tout. Les grands féodaux, jaloux, ne manquent pas d'attiser contre eux le ressentiment populaire.
À partir de 1302, le roi prend aussi l'initiative de réunir à Notre-Dame des représentants du clergé, de la noblesse et des bourgeois pour obtenir leur acquiescement à ses réformes et ainsi faire passer celles-ci plus aisément. Ces réunions occasionnelles préfigurent les «états généraux» (les derniers seront réunis en 1614 et 1789).
Philippe le Bel commence par ailleurs à organiser son administration et constituer des services spécialisés. C'est ainsi que prend forme le «Parlement» ébauché par son grand-père. Il siège à Paris et traite les affaires judiciaires en appel. Il crée une Chambre des Comptes chargée de contrôler la gestion des officiers royaux. Il confie à ses proches conseillers Pierre Flote puis Guillaume de Nogaret la garde du Sceau royal au sein d'une chancellerie. À eux revient l'enregistrement et l'expédition des actes royaux.

Le petit-fils de Saint Louis en conflit avec le pape
Le roi lève en 1295 un impôt occasionnel sur le clergé, la «décime». Le clergé s'incline, bien que le roi se soit dispensé de demander l'autorisation au pape de lever cet impôt. Il est vrai que l'on ne saurait rien refuser au petit-fils du pieux Louis IX, d'autant que celui-ci est canonisé par le pape Boniface VIII le 11 août 1297.
Cela n'empêchera pas le roi d'entrer en conflit avec la papauté pour une absurde affaire liée à quelques insultes proférées par l'évêque de Pamiers Bernard Saisset à son égard. Il fait arrêter l'évêque le 12 juillet 1301. L'année suivante, le pape Boniface VIII proteste et menace d'excommunication Philippe IV.
Guillaume de Nogaret, fidèle serviteur du roi, se rend en Italie en vue de destituer le pape. La rencontre a lieu le 8 septembre 1303, à Anagni, au sud de Rome. Elle tourne mal. On parle d'un «attentat» contre la personne du pape, qui aurait été souffleté. Cet événement marque une rupture avec le XIIIe siècle, siècle chrétien par excellence durant lequel les gouvernements se soumettaient bon gré mal gré aux exigences du pape. Philippe IV le Bel se pose en précurseur du gallicanisme et de la laïcité, autrement dit de la séparation de l'Église et de l'État.
Le pape meurt quelques semaines plus tard et, le 5 juin 1305, c'est un Français, à l'instigation de Philippe le Bel, monte sur le trône de Saint-Pierre sous le nom de Clément V. Empêché de s'installer à Rome pour cause de troubles dans la Ville éternelle, il se fixe à Avignon, à la frontière avec la France. Cette résidence provisoire va se prolonger jusqu'en 1376.
La grande affaire du règne est l'arrestation des Templiers le vendredi 13 octobre 1307. Ces moines-soldats, depuis la fin des croisades, vivent en France de leurs rentes. L'opinion ne les aime guère et le roi lorgne sur leurs biens. Après leur arrestation, ils sont torturés, jugés et condamnés. Les derniers, dont le grand maître Jacques de Molay, sont brûlés en 1314 à l'extrémité de l'île de la Cité, à Paris. Quelques semaines plus tard meurent à leur tour le pape qui les a abandonnés et le roi qui les a fait condamner.

Bon ordre apparent
La fin du règne est altérée par le scandale de la Tour de Nesle et la révélation de l'adultère des belles-filles du roi... Mais le royaume, à la mort du roi, le 29 novembre 1314, paraît en ordre et plus puissant que jamais.
Jean Brillet http://www.herodote.net

lundi 19 octobre 2009

La poudrière du Caucase

Au nord de la Turquie et au sud de la fédération de Russie, la barrière du Caucase abrite un incroyable enchevêtrement de peuples musulmans traditionnellement hostiles au pouvoir russe. La fin de l’empire soviétique y a créé une situation totalement anarchique. A chaque instant, la poudrière caucasienne risque d’exploser. On ne défie pas impunément les lois de l’histoire. Les peuples du Nord-Caucase sont actuellement regroupés en plusieurs républiques autonomes : la RA d’Abkhazie sur la mer Noire, la RA des Tcherkesses, la RA des Kabardino-Balkars, l’Ossétie du Nord, la RA des Tchétchéno-Ingouches, ou Tchétchénie, et la RA du Daghestan.

Le Nord-Caucase a longtemps été influencé par les Scythes et plus particulièrement par l’un de leurs peuples, celui des Alains, des Indo-Européens.

Au sud de la barrière du Caucase, les composantes ethniques ont largement été orientalisées par les Perses, ce qui les distingue nettement de leurs "cousins" du nord. D’ouest en est les peuples de Transcaucasie sont répartis en plusieurs républiques : celles d’Adjarie, de Géorgie, d’Ossétie du Sud, d’Azerbaïdjan et d’Arménie.

Pour compliquer encore cette mosaïque ethnique, raciale et linguistique, d’incessantes vagues d’invasion ont implanté dans le Caucase des populations nouvelles, comme celles se rattachant à la famille turco-mongole, à tel point que, pour qualifier cette multitude, les géographes arabes médiévaux donnèrent au Caucase le nom de "Montagne des langues".

Parmi tous les peuples autochtones du Nord-Caucase, le plus connu est celui des Tcherkesses, les Kassogues des géographes de l’Antiquité. C’est à tort et à travers que leur nom a été utilisé pour désigner la totalité des populations nord ou cis-caucasiennes.

Or, ne sont tcherkesses que les groupes caucasiques du nord-ouest : Tcherkessk, Adyghès, Kabardes et, à l’extrême rigueur, Abkazes du nord-ouest de la Géorgie ; c’est ainsi que le célèbre chef Chamil, présenté comme le héros de l’épopée tcherkesse, était en réalité originaire du Daghestan et n’était donc pas ethno-linguistiquement parlant tcherkesse. Comme tous les peuples du nord du Caucase, les Tcherkesses avaient une longue tradition de mercenariat. Ils formaient des unités de cavalerie légère destinées à harceler l’ennemi. Ils servirent l’Empire mongol, le Khânat de Crimée, les royaumes de Pologne et de Lituanie ou même le tsar de toutes les Russies. C’est cependant au service de la Turquie qu’ils s’illustrèrent le plus car, et le fait est peu connu en Europe, ils constituèrent avec les représentants d’autres peuples du Caucase, l’essentiel de la milice des Mamelouks.

En 1250, les Mamelouks s’emparèrent de la Syrie et de l’Egypte où des souverains tcherkesses régnèrent de 1382 à 1517, date de la conquête ottomane. Puis le sultan ottoman leur laissa l’administration de l’Egypte qu’ils perdirent à la suite de la campagne que Bonaparte y mena. C’est à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe que la poussée slave atteignit véritablement la région du Caucase après s’être imposée au terme de longs siècles de combats qui opposèrent l’Empire russe à la Turquie et à la Perse. En 1801, les Russes annexèrent la Géorgie puis les régions situées au sud du Caucase ; les populations du Nord-Caucase étaient donc prises à revers et, durant un demi-siècle, elles opposèrent une résistance désespérée à l’armée russe. C’est à cette occasion que s’illustra le célèbre Chamil, chef des montagnards du Daghestan qui ne sera capturé par les Russes qu’en 1859. La grande guerre du Caucase fut très dure et très meurtrière. Les Tcherkesses furent les derniers à résister, puis des dizaines de milliers d’entre eux, cédant sous la poussée numériquement supérieure des Cosaques, choisirent l’émigration et allèrent se placer sous protection ottomane. Les véritables conquérants du Nord-Caucase furent les Cosaques. Les premiers d’entre eux étaient originaires de la région du Don, puis ils furent renforcés par les Cosaques du Terek qui s’étaient primitivement installés dans le pays tchétchène. A partir de la fin du XVIIIe siècle, les Zaporogues d’Ukraine furent rebaptisés Cosaques de la mer Noire et encouragés à s’installer sur le Kouban, c’est-à-dire en pays tcherkesse. Dans la première moitié du XIXe siècle, cent mille paysans ukrainiens vinrent les y rejoindre. Placé au carrefour de la steppe ukraino-russe et des mondes turc et persan, le Caucase est à nouveau entré dans une période de turbulences, renouant avec une tradition historique séculaire en raison du vide politique laissé par l’effondrement de l’Empire soviétique.
par Bernard Lugan

dimanche 18 octobre 2009

« Bref résumé de la situation en Ukraine » (D'après les informations du Département spécial du front Sud-ouest, pour la période du 15 au 30 avril)

2 juin 1920
L'Ukraine connaît en ce moment une nouvelle vague de soulèvements. Dans les provinces de Kharkov, Donetzk et Tchernigov, les soulèvements ont nettement un caractère importé. Ils se sont étendus en provenance des provinces limitrophes de Kourtsk, Ekaterinoslavl et de Kiev. Dans celles-ci, les soulèvements ont un caractère nettement organisé. Ainsi, dans la province d'Ekaterinoslavl, principalement dans les districts d'Alexandrov et de Pavlograd, ce sont les partisans de Makhno[1] qui sont à l'oeuvre, et à qui il arrive de passer dans la province de Donetsk. Dans la province de Kiev, on voit agir des bandits professionnels (tels que Strouk et Katzouro) connus depuis l'année dernière. En plus de ceux-ci, on voit apparaître de nouveaux compères du style de Petlioura[2]. Dans la province de Poltava, opèrent plusieurs bandes. L'une d'elles (près de 200 baïonnettes) est nettement du type de celle de Petlioura, quant aux autres, plus petites, elles ne représentent, vu leur mauvaise organisation, aucun danger. Dans la province de Kherson, sévit la bande de Tioutiounik[3], forte de 2 500 baïonnettes et 700 sabres. Cette bande a pris la ville de Voznessensk. Telle est, à ce jour, la dislocation des bandes dans les provinces ukrainiennes.
Les bandes des provinces de Kiev et d'Ekaterinoslavl constituent à proprement parler le berceau de tout le mouvement insurrectionnel ukrainien. Il n'y a guère que là que les soulèvements portent un caractère organisé. Dans les autres provinces, les soulèvements ont été importés des provinces avoisinantes et n'ont pas de racines profondes.
Ainsi, le 22 avril, nos forces ont pu liquider le soulèvement des districts de Soumsk et d'Akhtyrsk qui s'était propagé du district de Graïvoronsk (province de Koursk). Dans la province de Kharkov, on ne compte qu'une seule bande originaire de la province, forte de 1 500 déserteurs environ, concentrés dans le district Valkovskii. Dans la province de Kherson, exception faite de la bande de Tioutiounik, venue d'Ekaterinoslavl et ayant occupé la ville de Voznessensk, on n'a plus enregistré d'autre soulèvement. Dans la province de Tchernigov, on ne note aucun soulèvement nouveau. Dans la province de Donetz, opèrent des détachements makhnovistes en provenance de la province d'Ekaterinoslavl. Dans la province de Poltava, opèrent de petites bandes qui commettent des vols et des cambriolages sans poursuivre d'autres buts. À une seule exception près — la bande de Romachko, composée de 200 hommes, qui sévit dans le district de Pereiaslavl. Ses membres sont coiffés de bonnets que portent les bandits de Petlioura. Cette bande a fait son apparition du côté de la province de Tchernigov. La population lui est hostile et aide les soldats de l'Armée rouge dans leur lutte contre la bande.
Ainsi, il n'y a que deux foyers du mouvement partisan a proprement parler : la province d'Ekaterinoslavl et celle de Kiev. Dans la première, sont à l'oeuvre, pour l'essentiel, des partisans de Makhno. Dans la seconde, des rebelles professionnels, de teinte nationaliste ukrainienne, sympathisants de Petlioura. Dans quasiment chaque district, existe un chef de bande autonome, un ataman.
Dans la province d'Ekaterinoslavl, l'un des foyers permanents des bandes de Makhno se trouve à Gouliaï-Pole (district d'Alexandrov). On l'appelle aussi « Makhnopole ». C'est là que se trouvent la résidence du « petit père » Makhno et son quartier général. C'est de là que partent les ordres de mobilisation de tous les partisans. Makhno « travaille » en mettant en avant les mots d'ordre suivants : « Les soviets aux sans parti », « Indépendance de l'Ukraine », « Suppression de la commune ». Il faut reconnaître que le noyau dur de son armée est constitué par de jeunes paysans pauvres, auxquels le pouvoir soviétique en Ukraine n'a rien su donner d'autre qu'un droit formel sur la terre. L'approvisionnement des unités de Makhno est constitué exclusivement par ce que les partisans parviennent à prendre dans les régions qu'ils occupent ou dans les détachements qu'ils ont réussi à désarmer. Pour pouvoir se ravitailler, les bandes de Makhno doivent constamment changer de place. En règle générale, les bandits makhnovistes évitent l'engagement et préfèrent attaques-surprises et razzias. Quand on parvient à les encercler, ils se dispersent aussitôt pour se regrouper ensuite dans un autre lieu. Le service des renseignements du front du sud-ouest n'est pas en mesure de communiquer des informations plus précises concernant le nombre et la structure de l'armée de Makhno. Il est évident que le travail de renseignement dans ce domaine n'a pas encore atteint un niveau suffisant d'organisation. Pourtant, c'est précisément un bon travail du service de renseignements qui aurait pu apporter des résultats inestimables dans la lutte contre les bandes de Makhno et les mouvements de partisans en général.
Ainsi, la situation en Ukraine peut être résumée en bref de la façon suivante. La situation dans les provinces de Kharkov, Tchernikov et Donetzk est plus ou moins tranquille. Il y a des révoltes provoquées par les exactions commises par les détachements de réquisition ou de conscription. Ces révoltes présentent en général un caractère purement local. Pour les liquider, il suffit d'envoyer des régiments fidèles des Troupes internes.
Dans les provinces de Kherson et de Poltava, le mouvement des partisans n'est pas de caractère local. Il vient des provinces de Kiev et d'Ekaterinoslavl et la population n'aide pas les bandits. Ici aussi, on observe des mouvements de révolte à caractère local qu'on peut mater facilement. En somme, il n'y a que les provinces de Kiev et d'Ekaterinoslavl qui continuent à être des foyers de révolte permanente. Il faut par conséquent y porter une attention particulière.
Les bataillons des troupes internes sont mal équipés et laissent à désirer sous tous les rapports. Naturellement, ils ne suffisent pas à la tâche. Dans les bandes de Makhno et les détachements des partisans de Petlioura, le travail de propagande ne donnera aucun résultat car les bandes de Makhno ne sont pas cimentées par des slogans politiques mais par l'autorité personnelle du « petit père » Makhno. En ce qui concerne les partisans de la région de Kiev, ce sont des professionnels de la révolte et des bandits endurcis.
On ne pourra mater le mouvement des partisans en Ukraine que par des mesures militaires appropriées. Les services de renseignement doivent décupler leurs énergies et fournir le plus de renseignements possibles concernant la composition, le nombre, la dislocation et les plans des partisans.
Une nouvelle vague de révoltes doit commencer à la mi-juillet quand les travaux des champs seront terminés. Les services de renseignement doivent se tenir prêts pour cette période.
Pour le vice-directeur de département du renseignement du département spécial.
(Signature illisible)
Source : RGVA 33987/2/74/7-8
Notes
- [1]. Nestor Makhno (1888-1934) fut le principal dirigeant paysan anarchiste ukrainien. En 1918, à la tête d'une armée paysanne basée dans le district de Gouliai-Pole, Makhno mena des opérations militaires principalement contre les forces d'occupation allemandes. En 1919, les partisans de Makhno — plus de 30 000 hommes — combatirent sur trois fronts, à la fois contre les Blancs, les Rouges et les partisans de Simon Petlioura. À la fin de 1920, après avoir refusé que ses forces fussent intégrées à l'Armée rouge, Nestor Makhno fut défait par les bolcheviks. Il réussit néanmoins à remettre sur pied une nouvelle armée, forte de 20 000 hommes au début de 1921, qui tint une partie de l'Ukraine profonde des campagnes jusqu'à l'été 1921. Cerné par les unités de l'Armée rouge, Makhno passa, avec quelques centaines d'hommes, en Roumanie, à la fin du mois d'août 1921. Après un bref séjour en Pologne (1921-1922), Makhno se réfugia en France où il mourut en 1934.
- [2]. Simon Petlioura (1879-1926) fut l'un des principaux dirigeants du mouvement national ukrainien antibolchevique. Après la révolution de février 1917, il fonde le Comité ukrainien du front. En juin 1917, il est élu président du Comité militaire ukrainien de la Rada. Au moment de l'indépendance de la République ukrainienne (1918), il fait partie du Directoire — l'organe du pouvoir exécutif de la République ukrainienne. En février 1919, il prend la tête du Directoire et s'oppose à la soviétisation de l'Ukraine. Vaincu par les forces bolcheviques, il se réfugie en Pologne. En mai 1920, à l'occasion de la reprise de Kiev par les troupes polonaises, il participe à un éphémère gouvernement ukrainien, avant de reprendre le chemin de l'exil en Pologne. Il est assassiné en mai 1926 par les services secrets de la Tcheka à Paris.
- [3]. Iouri Tioutiounik fut un dirigeant du mouvement national ukrainien antibolchevique. Membre de la Rada et du directoire de la République ukrainienne en 1918-1919. En 1920, il dirige l'opposition armée aux bolcheviks dans la région d'Odessa. Ses détachements armés, soutenus par les Polonais, comptent plus de 10 000 hommes. Après la reprise de l'Ukraine par les forces bolcheviques, Tioutiounik lance, à partir de ses bases arrières en Pologne, une série de raids dans les districts frontaliers d'Ukraine occidentale (été 1920 — été 1921). En 1923, retourne en Ukraine et se rallie au régime soviétique.

jeudi 15 octobre 2009

La République contre l'Église

Au commencement furent les Lumières. Non que le christianisme n'ait connu d'adversaires avant le XVIIIe siècle : comme l'écrit Jean de Viguerie dans son livre Christianisme et Révolution, « Des athées, des rationalistes, le monde en avait toujours vu, mais en très petit nombre et de petit public. » Mais la nouveauté est ailleurs : « Il s'agit maintenant des plus grands noms de la littérature : Voltaire, Diderot, Grimm, Marmontel, La Harpe, pour ne citer que ceux-là. Les écrivains antireligieux sont les auteurs à succès. Les adversaires du christianisme sont les maîtres de l'opinion publique. »

Ils triomphent dans les salons, ont le soutien des élites et même, contre les défenseurs de l'Église et de la monarchie, celui des autorités : de 1750 à 1763, la librairie, chargée de délivrer les permissions d'imprimer, est gouvernée par Malesherbes avec, écrit Rousseau, « autant de lumières que de douceur, pour la plus grande satisfaction des gens de lettres » « Écrasons l'infâme », s'exclame Voltaire en désignant le catholicisme ; et des romans comme La Religieuse de Diderot n'ont pas grand-chose à envier au Da Vinci code en fait d'hostilité envers l'Église. Ces attaques font mouche et se diffusent des salons à l'opinion. Elles déboucheront, quelques années plus tard, sur la persécution révolutionnaire, la constitution civile du clergé, les massacres et déportations de prêtres, les condamnations de religieuses ou de fidèles, la déchristianisation et les fermetures d'églises, les mariages ou les « déprêtrisations », les guerres de Vendée et leur cortège d'horreurs... Si la persécution se calme après le 9 thermidor et la chute de Robespierre, elle reprend après le coup d'État de fructidor. La haine du Christ et de l'Église n'est pas un effet de la Révolution, elle en est le moteur. C'est pour abattre l'autel que l'on fit tomber le trône.
Bonaparte ramène la paix religieuse, Napoléon conclut avec Pie VII le concordat de 1801, la Restauration honore l'Église, mais l'anticléricalisme prend sa revanche en 1830 : les insurgés mettent à sac l'archevêché de Paris, Notre-Dame et plusieurs maisons de congrégations. Le départ de Charles X et l'accession au trône de Louis-Philippe ne désarment pas les ennemis du catholicisme : même en province, les processions sont lapidées. En 1831 Saint-Germain-l'Auxerrois, l'archevêché et plusieurs églises parisiennes sont encore saccagés.
Des faits similaires se reproduiront pendant la Commune, pendant laquelle les communards tenteront d'incendier Notre-Dame et fusilleront plusieurs prêtres, dont l'archevêque de Paris, Mgr Darboy. Mais le temps des grandes insurrections touche à sa fin. Avec la IIIe République, la Révolution triomphe et s'institutionnalise. L'anticatholicisme accède au pouvoir.

25 ans de persécution aux débuts de la IIIe République
« Et d'un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qui ne se rallumeront plus », s'écriait le radical René Viviani après l'adoption de la loi de séparation de l'Église et de l'État, en 1905. La IIIe République n'avait cependant pas attendu Émile Combes, ni Aristide Briand, pour être anticléricale : elle l'était dès l'origine et Jean Sévillia, dans son livre Quand les catholiques étaient hors-la-loi, rappelle à juste titre le mot d'ordre lancé par Gambetta dès 1877 : « Le cléricalisme, voilà l'ennemi ! ». Dès 1869, dans son programme de Belleville, le meneur républicain, alors député d'opposition, annonce le programme en effet : suppression du budget des cultes, séparation des Églises et de l'État, instruction primaire gratuite, laïque et obligataore ... En 1878, il y ajoute la dispersion des congrégations, l'application au clergé de toutes les lois civiles, la rupture avec le Vatican... « Ce projet correspond exactement à celui qui sera mis en œuvre, d'étape en étape, jusqu'en 1905 », remarque Jean Sévillia. Cependant, tandis que les anticléricaux s'emparent du pouvoir, le catholicisme connaît en France un renouveau spectaculaire. « Un catholicisme puissant, un anticléricalisme croissant : tout est en place pour la guerre des deux France », constate encore Jean Sévillia. Dans cette guerre, la franc-maçonnerie joue un rôle de premier plan. Son but pourrait être défini par celui que se fixe alors Jules Ferry : « organiser l'humanité sans Dieu et sans rois ». D'autres réseaux œuvrent dans le même sens : la Ligue de l'enseignement, la libre-pensée, les protestants libéraux. La bataille s'installe très vite sur le front de l'enseignement, qu'il convient de contrôler pour décatholiciser et républicaniser les jeunes esprits.
En 1880 le gouvernement Freycinet publie deux décrets contraignant l'ensemble des congrégations à présenter une demande d'autorisation et liquidant les établissements des jésuites, qui sont expulsés de leur maison mère fin juin, non sans que des coups soient échangés entre la foule catholique et la police : premières escarmouches d'un combat qui va durer un quart de siècle. En octobre, Ferry, devenu président du conseil, décide de sévir contre les autres congrégations non autorisées.
Entre le 16 octobre et le 9 novembre 1880, 261 couvents sont fermés par la force publique, 6 000 religieux expulsés.
L'affaire rebondit à l'aube du XXe siècle, avec la loi de 1901 sur les associations, très anticléricale, qui prévoit la confiscation des biens des congrégations non autorisées. Vers la même époque, en juin 1902, Emile Combes, ancien séminariste violemment anticatholique, devient président du conseil. Entre 1900 et 1903, date à laquelle sont examinées par les chambres les demandes d'autorisation des congrégations, pas moins de 430 congrégations sont interdites. Les expulsions donnent lieu à de nouveaux affrontements entre fidèles et forces de l'ordre, tandis que les organisations anticléricales et maçonniques se déchaînent, attaquant les églises ou les processions. En juillet 1904 une nouvelle loi interdit tout enseignement aux congrégations. Combes se vante d'avoir fait fermer 14 000 écoles catholiques depuis 1902. Un mois plus tard commence l'affaire des fiches : on apprend que le général André, ministre de la Guerre, a fait appel au Grand Orient de France pour établir des fiches sur les opinions politiques et religieuses des officiers. L'avancement de ces derniers est favorisé ou bloqué en fonction des appréciations portées par les francs-maçons, qui réalisent un véritable travail de délation. Le scandale est tel qu'en janvier 1905, Combes est contraint de démissionner. Deux mois plus tard, Aristide Briand n'en présente pas moins à la Chambre un projet de séparation des Églises et de l'État. Votée en décembre de la même année, la loi prévoit de dresser un « inventaire descriptif et estimatif » des biens ecclésiastiques, objets du culte compris, provoquant la colère des catholiques lorsqu'une circulaire du ministère des Finances ordonne l'ouverture des tabernacles dans les églises. Partout à travers la France, les fidèles s'opposent aux profanations. En Haute-Loire, dans le Nord, des catholiques sont rués par les gendarmes. Pie X, de son côté, qualifie dans une encyclique la séparation de l'Église et de l'État de « très pernicieuse erreur » et considère la loi « comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu ».
Jean-Pierre Nomen monde & vie du 25 avril 2009
(avec l'aimable autorisation de monde & vie)

mardi 13 octobre 2009

Henri BLÉHAUT : « L'évolution a forcément procédé par des sauts »

Le Dr Henri Bléhaut, qui collabora avec le professeur Lejeune, s'intéresse lui aussi depuis longtemps aux mystères de l'évolution. Il explique ici ce que la génétique nous en révèle. Il est directeur de la recherche à la Fondation Jérôme Lejeune

M & V : La thèse du professeur Lejeune au sujet de l'évolution était celle d'une évolution par sauts qualitatifs brusques. On voit bien ce qu'il en est pour l'homme, mais si l'on considère l'ensemble des espèces, est-il concevable que de tels sauts, qui sont des événements très rares, puissent concerner l'ensemble des espèces? L'évolution a-t-elle pu procéder de cette façon ?
Docteur Henri Bléhaut : L'ensemble de l'évolution a forcément procédé par des sauts, des accidents. Il existe entre chaque espèce des différences de nombre de chromosomes. Or ; le changement de nombres de chromosomes résulte d'un accident chromosomique. Par conséquent, l'évolution n'a pas pu être progressive. A l'époque de Darwin, la notion de chromosomes n'existait pas et même les notions d'hérédité des lois de Mendel n'étaient pas encore connues, c'est pourquoi il a pensé à la possibilité d'une évolution progressive. Il n'en va plus de même depuis la découverte des chromosomes. Au sein d'une espèce, il existe, certes, une sélection des plus performants, il est même tout à fait possible qu'il y ait une sélection de couleurs ou de plumages - mais on reste dans une même espèce. En revanche, la spéciation, le changement d'espèce, est forcément accidentel : c'est un changement de nombre de chromosomes, qui ne peut pas être progressif. Les chromosomes vont par paires et l'on ne peut pas en changer un morceau, ce n'est pas comme ça que ça se passe.

M & V : Pour en revenir à l'homme, nous sommes des homo sapiens sapiens, mais il a existé d'autres types d'hominidés. Dans quelle mesure s'agissait-il d'êtres humains ?
Dr H. B. : Il est difficile de le préciser, d'autant plus que nous ne connaissons pas, par exemple, le nombre de chromosomes de l'australopithèque - comme Lucy, qui vivait voilà deux millions d'années. La définition qui a été donnée à l'homme, c'était finalement qu'il marche sur ses deux pieds : le redressement complet. L'australopithèque, qui était un hominidé, appartenait-il à la branche "homme" ou à la branche "primate" ? Les généticiens pensent que les singes ne sont pas nos ancêtres. Il existe un ancêtre commun à la branche singe et à la branche homme, c'est-à-dire à l'ensemble des primates, et cet ancêtre a disparu. Lucy, en revanche, est beaucoup plus proche de nous. On peut penser qu'elle possédait comme nous 46 chromosomes, alors que les grands singes en ont 48. Peut-être est-elle mon arrière grand-mère ? Je ne saurais l'affirmer.
Quand l'homme est apparu, et quelle que soit la manière dont il est apparu, il s'est produit un accident chromosomique ; et si l'ancêtre commun avait 48 chromosomes, cet accident chromosomique en a réduit le nombre à 46 chez un individu. Comme vous l'avez souligné c'est un accident majeur et si exceptionnel qu'on ne l'a même jamais vu. Or, s'il est arrivé à un individu, il aura fallu, pour qu'il fasse souche, que le même accident soit arrivé à peu près au même moment à un autre individu du sexe opposé, dans le même groupe ethnique - et les groupes ethniques, à cette époque, ne comptaient pas plus de 50 individus. Il est très étonnant, et même invraisemblable, que le même accident ait pu se produire deux fois au même moment. Ce que je vous dis là est vrai pour toute spéciation, aussi bien pour la naissance de l'homme que pour celles du zèbre et du cloporte : à chaque fois que se crée une nouvelle espèce, c'est le même mystère. Ce sont des énigmes très compliquées à résoudre et l'on se rend bien compte qu'il est statistiquement impossible que cela tienne au hasard. La tentation d'expliquer ces accidents par le hasard - qui, dans une certaine mesure, n'est qu'une manière biaisée de nier l'existence de Dieu est anti-scientifique. Un bon scientifique se demandera : quel phénomène naturel peut-il expliquer que de tels accidents chromosomiques arrivent de temps à autre ? Je suis en effet convaincu qu'il existe à cela une explication scientifique.

M & V : Le professeur Lejeune avait émis une hypothèse sur les vrais jumeaux ...
Dr H. B. : Oui. Il estimait très peu probable que dans une toute petite tribu, un accident chromosomique majeur ait pu se produire à la fois chez un petit garçon et chez une petite fille. Il avait donc émis l'hypothèse d'un accident génétique sur une grossesse gémellaire de vrais jumeaux. Le changement de nombre de chromosomes, à ce moment-là, devait se retrouver chez les deux jumeaux. Le problème, c'est qu'ils devaient être de sexes différents. Jérôme Lejeune pensait donc que l'un d'entre eux était un garçon, XY, et l'autre un "Turner", XO. En effet, les jumeaux monozygotes sont issus du clivage d'un seul œuf en deux embryons. Il arrive qu'à partir d'un œuf mâle porteur de 46 chromosomes dont un X et un Y, le chromosome X se perde lors de la séparation. On a donc bien deux jumeaux : un garçon XY et une fille ne possédant que 45 chromosomes, XO. Elle se portera très bien - vous en avez certainement déjà croisé dans la rue - mais ces jeunes femmes sont en général stériles. Toutefois on connaît quelques cas ; de "Turner" qui ont eu des enfants. A partir de là, on pourrait imaginer la naissance d'une nouvelle espèce par une gémellité très particulière. C'est ce que Jérôme Lejeune appelait l'hypothèse du monogénisme.

M & V : En admettant que l'apparition des Australopithèques se soit passée de cette façon, et que Lucy soit notre arrière-grand-mère, aurait-il fallu d'autres évolutions du même type pour en arriver à l'homo sapiens ?
Dr H. B. : Bien qu'il existe sans doute des différences assez importantes sur le plan chromosomique entre Lucy et nous, l'évolution est plus facilement imaginable dès lors que nous avons le même nombre de chromosomes. Cependant, même ce qui concerne l'homo sapiens reste mystérieux. Ainsi existe-t-il deux homo sapiens : homo sapiens sapiens, et homo sapiens neanderthalis, qui était sans doute relativement proche de nous, de sorte qu'il aurait pu y avoir une reproduction croisée avec l'homo sapiens sapiens. Il avait un cerveau nettement plus gros que le nôtre. Les raisons de sa disparition, voilà environ 30 000 ans, restent obscures : selon une hypothèse, il aurait été pacifique et l'homo sapiens sapiens, beaucoup plus agressif, l'aurait éliminé ; mais il a pu y avoir des croisements et nous avons peut-être quelques gènes d'homo sapiens neanderthalis dans notre patrimoine génétique.

Propos recueillis par Hervé Bizien monde et vie. 25 avril 2009
(avec l'aimable autorisation de monde et vie)

jeudi 8 octobre 2009

7 octobre 1571 : La flotte turque est détruite à Lépante

Le 7 octobre 1571, une flotte chrétienne livre bataille à la flotte turque. C'est le point d'orgue d'une croisade organisée par le pape Pie V pour délivrer l'île de Chypre que les Turcs viennent de conquérir.
Les Turcs sont défaits à la surprise générale. Avant Lépante, ils n'avaient connu aucune défaite face aux chrétiens, après Lépante, ils n'allaient plus connaître aucune victoire.

Des Occidentaux peu empressés de se battre
Quand le pape appelle les chrétiens d'Occident à une nouvelle croisade, l'empire ottoman est déjà sur le déclin.
Le sultan qui réside à Istamboul a nom Sélim II Mast, c'est-à-dire l'Ivrogne. Il est le fils aîné du sultan Soliman le Magnifique qui porta l'empire à son apogée.
Seules des grandes puissances, l'Espagne, la Sicile, la Savoie, Gênes, Malte et la République de Venise, suzeraine de Chypre, répondent à l'appel du pape Pie V.
Il est vrai que la ferveur religieuse en cette fin de Renaissance n'est plus ce qu'elle était au coeur du Moyen Âge, trois ou quatre siècles plus tôt...
Les États alliés forment solennellement une «Sainte Ligue» le 24 mai 1571 à Rome. Leurs galères se regroupent aussitôt à Messine, au sud de l'Italie, sous le commandement de don Juan d'Autriche, demi-frère du roi Philippe II d'Espagne. Même le modeste duc de Savoie Emmanuel Philibert contribue à l'effort militaire en envoyant ses trois galères basées à Nice.

Victoire totale
En secret, les Vénitiens construisent dans leur chantier naval de l'Arsenal, sur la lagune, six galères d'un genre inédit : baptisées galéasses, elles sont équipées de canons pointant dans toutes les directions.
Les Turcs, de leur côté, se préparent à l'affrontement en regroupant leur flotte près de la base navale de Lépante, non loin de la ville grecque de Corinthe.
La rencontre entre la flotte croisée et la flotte turque se produit dans le golfe de Lépante. Elle met aux prises les 213 galères de la «Sainte Ligue» (dont une moitié de vénitiennes) et quelques 300 vaisseaux turcs.
On estime à environ cent mille le nombre total de combattants (marins et soldats) dont 30.000 du côté chrétien.
Les équipages des deux camps sont composés de Grecs. Du côté chrétien, ils viennent des îles Ioniennes occupées par Venise, du côté turc du reste de la péninsule.
Les navires s'éperonnent et très vite les fantassins s'affrontent sur les ponts comme sur un champ de bataille. Les Occidentaux, dont les galéasses font des exploits, remportent une victoire complète. Une cinquantaine de galères turques sont coulées, une centaine d'autres capturées.
L'amiral turc Ali Pacha est fait prisonnier et décapité. 15.000 captifs chrétiens sont libérés. Les croisés eux-mêmes ne perdent que 12 navires et (tout de même) 8.000 hommes.

Retentissement de Lépante
La victoire de Lépante a un immense retentissement dans la chrétienté car elle libère les Occidentaux de la peur ancestrale des Turcs.
Elle permet accessoirement au roi d'Espagne de se poser en champion de la Contre-Réforme catholique.
Pour Venise, cependant, Lépante a le goût amer d'une victoire à la Pyrrhus. Ruinée par l'effort de guerre et la suspension de son commerce avec l'Orient ottoman, la République se détache de ses alliés et négocie avec les Turcs. À ceux-ci, elle reconnaît la possession de Chypre, qui avait été pourtant son but de guerre, en échange de la reprise de son commerce.
Les Turcs n'ont guère de raison de se réjouir. Ils conservent l'île de Chypre malgré leur défaite mais ne sont plus en état de se lancer dans de nouvelles aventures.
Ce tournant est lourd de conséquences pour l'empire ottoman. Sa richesse ne reposait en effet que sur l'expansion territoriale et l'exploitation des nouvelles conquêtes, comme beaucoup plus tôt l'empire arabe. À la différence de l'Occident chrétien, il était incapable de se développer par lui-même. Dès lors que l'ère des conquêtes est close, il ne va plus cesser de s'appauvrir.
Marie Desclaux. http://www.herodote.net

lundi 5 octobre 2009

Faut-il brûler Ernst Nolte ?

Le Figaro Magazine - 29/03/2008
L’historien allemand montre l’interdépendance entre le communisme, le fascisme et le nazisme. Une thèse qui perturbe les nostalgiques de la révolution d’octobre 1917.

Maître d’oeuvre du Livre noir du communisme, Stéphane Courtois estime qu’Ernst Nolte, dont plusieurs ouvrages sont réédités dans un volume de la collection « Bouquins », a « ouvert la voie des études historiques sur les totalitarismes » (1). D’autres considèrent toujours l’historien allemand comme un personnage sulfureux. L’ont-ils vraiment lu ?
Né en 1923 en Rhénanie-Westphalie, Ernst Nolte est philosophe de formation. Ayant échappé à la guerre, il poursuivra une carrière universitaire. C’est par intérêt pour l’étude des idéologies qu’il est amené, un jour, à se pencher sur le fascisme. Sa trilogie Le Fascisme dans son époque, parue en 1963, contribue à sa nomination aux chaires d’histoire moderne de Marburg et de l’université libre de Berlin. Il passe alors pour un esprit avancé.
Tout bascule en 1986, à la suite d’un article qu’il publie dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung : « Un passé qui ne veut pas passer. » Il s’agit du texte d’une conférence que Nolte devait donner devant un forum de la gauche intellectuelle, mais qu’on lui a refusé de prononcer. Il y expose la thèse du livre qu’il est en train d’écrire et qui sera en librairie en 1987, La Guerre civile européenne, vaste synthèse englobant, de 1917 à 1945, l’histoire du communisme, du fascisme et du nazisme (2). Quelques semaines après la parution de l’article, Jürgen Habermas, philosophe d’extrême gauche, sonne la charge, accusant Nolte (et deux autres chercheurs) de vouloir réévaluer le national-socialisme pour en réduire les responsabilités. Deux ans de polémique s’ensuivront, cette « querelle des historiens » (Historikerstreit) suscitant la publication de près de 1 200 articles et d’une trentaine d’ouvrages.
Que dit Nolte ? Il affirme sans ambiguïté que « l’image négative du IIIe Reich n’appelle aucune révision, et ne saurait faire l’objet d’aucune révision ». Cependant, replaçant le national-socialisme dans son contexte, il s’interroge : si l’assassinat de masse a été la caractéristique fondamentale de ce régime, l’a-t-il été des seuls nazis ? Et d’affirmer l’existence d’un « noeud causal » entre le goulag et Auschwitz : Lénine, selon Nolte, a inauguré un processus abolissant toute distance entre la théorie et les actes. Le discours marxiste sur l’abolition de la bourgeoisie a conduit à la terreur bolchevique, et le discours léniniste et stalinien sur l’élimination des koulaks a entraîné la famine organisée en Ukraine. De même, au terme d’un antisémitisme d’emblée violent, mais purement verbal, les nazis sont passés de la théorie à la pratique avec l’extermination des Juifs. « Le noeud causal, commente Stéphane Courtois, c’est le passage à l’acte fondateur : le crime de masse. » Nolte regarde donc le fascisme et le nazisme comme des phénomènes qui ont leur nature propre, mais qui naissent comme des répliques au libéralisme, et surtout à la violence communiste.
En 1995, dans Le Passé d’une illusion, l’historien François Furet, tout en marquant ses désaccords avec Nolte, saluait à travers lui « une oeuvre et une interprétation qui sont parmi les plus profondes qu’ait produites ce dernier demi-siècle ». Un hommage qui entraînera un échange de lettres entre les deux hommes, dialogue qui paraîtra en 1996 et 1997 dans la revue Commentaire, et qui sera édité ensuite sous le titre Fascisme et communisme (3).
Le « noeud causal » entre communisme et fascisme, Furet le repère plutôt dans la Première Guerre mondiale et le traumatisme qu’elle a laissé en Europe occidentale, provoquant dans des pays comme l’Allemagne et l’Italie une crise du modèle démocratique. Mais l’historien français souligne bien le lien entre les deux systèmes totalitaires : « Personne ne peut comprendre l’un des deux sans considérer aussi l’autre, tant ils sont interdépendants, dans les représentations, les passions et la réalité historique globale. »
Lire Nolte, c’est se confronter à cette méthode comparative. Elle a ses limites. L’historien allemand voit ainsi dans l’Action française, mouvement conservateur et royaliste, une manifestation pré-fasciste, ce qui, dans l’édition « Bouquins », ne convainc même pas Bernard Bruneteau, l’universitaire chargé d’introduire cette partie du Fascisme dans son époque. Par ailleurs, si Nolte, dans Les Fondements historiques du national-socialisme, montre ce que Hitler tirera du pangermanisme, du néo-darwinisme ou de l’antisémitisme de l’Allemagne wilhelminienne, son oeuvre, au total, ne s’étend guère sur les attributs endogènes du nazisme, fruit paroxystique du nationalisme allemand. Cette discrétion gêne le lecteur français, qui n’a pas oublié que la politique étrangère de Hitler (revanche sur le diktat de Versailles, accord avec la Russie contre l’Ouest) rejoignait les buts poursuivis par la République de Weimar.
Il reste l’essentiel. Nolte ne fait scandale que pour ceux qui n’acceptent pas cette réalité : au XXe siècle, le totalitarisme eut deux visages, l’un communiste, l’autre fasciste. Ils furent différents, mais également hideux.
Jean Sévillia
(1) Fascisme & totalitarisme, d’Ernst Nolte, Robert Laffont, « Bouquins », 1 088 p., 32 euros. Etablie et présentée par Stéphane Courtois, cette édition comprend Esquisse d’une biographie intellectuelle, Le Fascisme dans son époque (1. L’Action française, 2. Le Fascisme italien, 3. Le National-socialisme), Les Mouvements fascistes, La Querelle des historiens, Les Fondements historiques du national-socialisme.
(2) La Guerre civile européenne, 1917-1945, d’Ernst Nolte, Editions des Syrtes, 2000.
(3) Penser le XXe siècle, de François Furet, Robert Laffont, « Bouquins », 2007. Ce volume reprend notamment Le Passé d’une illusion et Fascisme et communisme.
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