mercredi 30 septembre 2009

Le calvaire que la IIIe République à fait gravir à l’Église en France

« Voici, en traits rapides , les étapes du long calvaire que la IIIe République à fait gravir à l’Église en France.
En 1879, loi interdisant l’enseignement, même dans les établissements privés, aux membres des congrégations religieuses non autorisées (1) ; loi écartant les ministres du culte des commissions administratives des hospices.
En 1880, le 29 mars, décret ordonnant l’expulsion des Jésuites et des membres des autres congrégations non autorisées. En juillet et novembre, dragonnades républicaines ; crochetage de 260 monastères ; plus de 5.000 religieux sont chassés de leurs demeures par la force et dépouillés de leurs biens.
La même année, loi supprimant les aumôniers militaires ; loi abrogeant celle de 1814 sur la célébration du dimanche ; loi frappant les biens des congrégations autorisées d’un impôt de mainmorte et d’une taxe d’abonnement.
En 1881, les fabriques et les menses épiscopales sont déclarées inaptes à recevoir les libéralités destinées aux pauvres.
En 1882, première loi sur l’enseignement laïque : l’entrée de l’école est interdite au prêtre ; les heures de catéchisme ne devront jamais concorder avec les heures de classe ; les crucifix sont enlevés des écoles.
En 1883, avis du Conseil d’État autorisant le gouvernement à supprimer, à son gré, les traitements des ministres du culte. Décret interdisant l’entrée des églises aux troupes chargées de rendre les honneurs funèbres.
En 1884, loi municipale : pouvoir discrétionnaire accordé aux maires sur les manifestations extérieures du culte. Loi du divorce. Loi supprimant les prières publiques pour la rentrée du Parlement.
En 1885, désaffectation de l’église Sainte Geneviève qui redevient le Panthéon : on en expulse la patronne de Paris pour y mettre Voltaire, Jean-Jacques Rousseau et, plus tard, le scatologue Zola et Jaurès le mauvais Français.
En 1886, deuxième loi sur l’enseignement primaire, prescrivant la prompte laïcisation de toutes les écoles de garçons et de filles.
Fermeture, par la violence, d’un certain nombre de chapelles dites non concordataires. C’est en protégeant l’une de ces chapelles qu’Henriette Bonnevie, ouvrière papetière, est tuée d’un coup de revolver, par un gendarme, à Châteauvillain (Isère).
En 1889, loi de recrutement : les curés sac au dos !
En 1893, loi sur la comptabilité des fabriques et des menses épiscopales, qui sera désormais surveillée par les agents du fisc.
En 1900, abolition du deuil du Vendredi-Saint dans la marine française.
En 1901, loi Waldeck-Rousseau contre les congrégations religieuses : toutes les autorisations accordées par les divers gouvernements, depuis cent ans, sont annulées ; toutes les congrégations devront solliciter du Parlement une autorisation législative ; celles qui ne l’obtiendront pas seront dissoutes et leurs biens liquidés.
En 1903, rejet en bloc par la Chambre (sur le rapport du F :. Rabier) de toutes les demandes en autorisation présentées par les congrégations religieuses vouées à l’enseignement, à la prière, à la prédication. Laïcisation des hôpitaux de la Marine : l’accès en est interdit au prêtre, à moins qu’il ne soit expressément appelé (par écrit) par un moribond. Les crucifix sont arrachés des prétoires.
En 1904, suppression de l’Ambassade de France auprès du Vatican. Cette rupture des relations diplomatiques est suivie - fait inouï dans les annales du monde civilisé - du viol de la Nonciature et du vol des papiers officiels et personnels qui s’y trouvaient.
Troisième loi sur l’enseignement qui sera désormais, à tous les degrés et jusque dans les écoles libres, interdit aux religieux, même à ceux appartenant à des congrégations antérieurement autorisées. Fermeture de plusieurs milliers d’écoles chrétiennes.
Spoliation des établissements congréganistes qui n’étaient pas essentiellement charitables.
En 1905, loi de Séparation : le Concordat est aboli et le budget des cultes supprimé. Cependant, le budget du culte catholique représentait la rente (à un taux très modique) des biens dont l’Église de France avait été expropriée en 1790, pour cause d’intérêt national.
Le raisonnement des J...s et des Francs-Maçons, maîtres de la République, était le suivant : « ou bien le Pape acceptera les associations cultuelles prévues par la loi de séparation, ou bien il les rejettera. S’il accepte, l’autorité des évêques sera bientôt annihilée, la loi donnant toute indépendance aux cultuelles en matière administrative et faisant trancher, par la juridiction civile, les conflits d’intérêt qui pourront s’élever entre l’évêque et ces associations. Alors l’Église de France se désagrégera, sous l’influence des querelles intestines et des schismes qui éclateront de toutes parts.
« Si le Pape refuse, tous les biens de l’Église, en l’absence des institutions cultuelles instituées par la loi, deviendront biens sans maîtres et nous en disposeront à notre guise.
« Dans ce dernier cas, au bout de peu de temps, les prêtres catholiques n’auront plus de quoi se vêtir, se loger et se nourrir, et l’Église n’aura échappé à l’anarchie et aux schismes que pour mourir d’inanition. »
La sagesse du Souverain Pontife, éclairé par le Saint-Esprit, l’abnégation du clergé français et la générosité des fidèles ont fait échouer ce plan diabolique. Le Pape, jugeant le péril moral qui menaçait l’Église infiniment plus grave que les maux matériels dont elle allait souffrir, repoussa le cadeau empoisonné des cultuelles génératrices de schismes. Prêtres et fidèles de France se soumirent de tout cœur à la décision du Saint-Père et donnèrent ainsi un éclatant démenti à l’habituelle accusation maçonnique que le catholicisme est une religion d’argent. A leurs impôts, à la charge de leurs écoles libres, les catholiques français ajoutèrent l’obligation de faire vivre leur clergé et d’assurer les frais du culte. Les prêtres acceptèrent courageusement une existence médiocre et parfois la misère. Au prix de leurs souffrances, l’Église de France était sauvée.
En 1906, nouvelles dragonnades républicaines ; effraction violente et inventaires des églises ; nombreux catholiques blessés, notamment dans Paris, à Sainte-Clotilde et à Saint-Pierre-du-Gros-Caillou. André Régis est tué à Montregard (Haute-Loire) et René Ghysel à Boschoeppe (Nord).
La même année, l’entrée des hôpitaux militaires est, comme dans la Marine, interdite au prêtre, s’il n’est pas expressément appelé par un moribond.
En 1907, suppression, sur les monnaies, de la vieille devise qui était en même temps une prière : « Dieu protège la France ! »
En 1908, loi de spoliation définitive de l’Église de France : tous ses biens meubles et immeubles, cathédrales, églises, palais épiscopaux avec leurs œuvres d’art, séminaires avec leurs bibliothèques, presbytères, dotations des menses et des fabriques, fondations des messes, etc…, sont volés par la République et attribuées à l’État, aux départements, aux communes ou à des établissements laïques. La presse républicaine pousse un long cri de triomphe.
En 1909, arrêt du Conseil d’État rejetant le pourvoi formé par le cardinal archevêque de Paris (2). Cet arrêt déclara la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre propriété de la Ville de Paris. […]
En 1910, décret confisquant, au profit de la commune de Lourdes, la basilique, la crypte, l’église du Rosaire et la grotte de Massabielle.
En 1911, décision ministérielle interdisant aux militaires l’accès des cercles catholiques. »
texte extrait de Un Apologiste du Catholicisme, Charles Maurras par le Commandant Dublaix (Editions de l’Action Française, 1925).
le texte complet sur le site http://vexilla-regis.com/textevr/Commandant%20DUBLAIX.htm
(1) Cette mesure visait spécialement les Jésuites, parce que les succès remportés, chaque année, dans les concours d’admission aux grandes écoles, par leurs élèves de la rue des Postes, à Paris, du Caousou, à Toulouse , etc., excitaient la colère et l’envie des Francs-maçons.
(2) Cardinal Richard.

mardi 29 septembre 2009

De la coutume au droit coutumier

« Un usage juridique né de la répétition d'actes publics et paisibles qui, pendant un long laps de temps, n'ont reçu aucune contradiction ». Telle est la définition qu'Olivier-Martin donne de la coutume. Une coutume qui devait être la loi du genre durant une bonne partie du Moyen Âge. Une coutume cependant qui prédominait essentiellement dans les pays nordiques, les terres de langue d'oïl, celles de langue d'oc ayant depuis longtemps fait poindre une nette prédominance du droit romain. De fait, il est assez difficile de parler d'un droit coutumier, ce dernier étant, par nature même, variable selon les fiefs puis les "grands fiefs" : Normandie, Bretagne, Champagne… Des coutumes aussi diverses que les fiefs donc mais des coutumes qui, toutes, trouvaient une large inspiration dans le droit germanique. Un droit, là encore, non écrit, mais si ancien, si profondément ancré dans les mentalités qu'il vaut, au moins autant, que le droit écrit de Rome et de ses provinces. Pendant des siècles les pays de langue d'oc prétendront à une large supériorité de civilisation du fait même de ce droit antique, oubliant volontiers que la mise par écrit n'équivaut nullement à un plus haut degré d'intelligence, voir de savoir ; oubliant surtout que la « civilisation » se joue avant tout sur ce qui est écrit et non parce que cela est écrit.
Ecrit par Constance Cousin __ http://www.historia-nostra.com

samedi 19 septembre 2009

Les héros du 20 juillet 1944

Le Figaro Magazine - 24/01/2009
Au moment où sort « Walkyrie », le film qui met en scène l’attentat raté contre Hitler, de nombreux livres brossent le portrait de Stauffenberg et relatent un complot qui aurait pu changer le cours de l’Histoire.

Le 20 juillet 1944, Claus von Stauffenberg décolle de Berlin pour se rendre au quartier général de Hitler, la Wolfschanze (« la Tanière du loup »), en Prusse-Orientale. Alors chef d’état-major du commandant en chef de l’armée intérieure, le colonel doit assister à une conférence d’état-major présidée par le Führer. Son aide de camp transporte avec lui deux charges d’explosif. A leur arrivée, ils apprennent que la réunion a été avancée d’une demi-heure. Il faut faire vite. Déclarant vouloir se changer, Stauffenberg s’isole avec son aide de camp. L’irruption d’un sous-officier dans la pièce où ils se sont installés les empêche d’activer la totalité de l’explosif. Dans la salle de conférences, l’officier dépose sous la table la serviette qui contient la bombe, puis, au prétexte d’un appel téléphonique, quitte la réunion, puis la Tanière du loup.

Quelques minutes plus tard, c’est l’explosion. Treize personnes seront tuées ou gravement blessées. Parmi les rescapés, il y a Hitler, à peine contusionné. Rentré à Berlin, Stauffenberg, persuadé d’avoir atteint sa cible, déclenche l’opération « Walkyrie » : un plan de prise de contrôle du Reich par l’armée en cas d’insurrection. Certaines unités, commandées par des officiers liés au complot, marchent aussitôt. Les autres attendent la confirmation : Hitler est-il vraiment mort ? Il ne faudra que quelques heures pour que le dictateur prenne la parole à la radio.

Le soir même, Stauffenberg est appréhendé et fusillé, en compagnie des têtes du complot. Dans les jours qui suivent, 200 conjurés, civils ou militaires, sont arrêtés, torturés, condamnés à mort. Leurs femmes seront emprisonnées, leurs enfants, regroupés dans des centres de détention spéciaux. L’épuration de la Wehrmacht durera plusieurs mois, touchant plus de 7000 personnes et achevant la nazification de l’appareil militaire allemand.

Pour l’essentiel, Walkyrie, le film de Bryan Singer, relate bien la genèse et le déroulement du 20 juillet 1944. Au-delà du hasard, pourquoi l’affaire a-t-elle échoué ? L’historien britannique Ian Kershaw, dans un récit tiré de la biographie qu’il a consacrée à Hitler, n’hésite pas à parler de « dilettantisme » : trop de paramètres de calendrier, de coordination et de communication ont été négligés (1).

Claus Philipp Marie Schenk, comte von Stauffenberg, est la figure emblématique de cette aventure. Jean-Louis Thiériot, à qui l’on doit des biographies de François-Ferdinand d’Autriche et de Margaret Thatcher, raconte son itinéraire. Vieille aristocratie, esprit patriotique, carrière d’officier : comme des millions de ses compatriotes, Stauffenberg commence par subir l’attraction du nazisme. En 1939 et en 1940, il participe sans état d’âme à l’attaque contre la Pologne et la France. C’est la guerre contre la Russie, à partir de 1941, qui provoque son retournement.

Découvrant les erreurs stratégiques de Hitler et les crimes commis contre la population civile, notamment contre les Juifs de l’Est, l’officier est conduit à ce que Thiériot nomme le « choix d’Antigone » (2). Faisant appel à saint Thomas d’Aquin - qui a défini à quelles conditions une guerre peut être dite juste et dans quel cas tuer un tyran peut être légitime -, ce catholique conclut qu’il faut éliminer Hitler. Dans le film, cette profondeur du personnage, sa dimension spirituelle, est sans doute ce qui manque le plus.

Roland von Hoesslin, lui aussi livré au bourreau, avait suivi Stauffenberg parce qu’il était, explique August von Kageneck, « désespéré de la passivité des généraux devant Hitler » (3). Le complot du 20 juillet 1944, à quelques exceptions près (les généraux Beck, Stülpnagel, Witzleben, Olbricht ou Tresckow), est une entreprise menée par des colonels. Tel Philipp von Boeselager, qui aura l’incroyable chance de n’être pas pris et de survivre à la guerre (4).

Comment les rescapés et les familles ont-elles vécu les suites du complot ? Comment le 20 juillet 1944 a-t-il été reçu dans l’Allemagne de l’après-guerre ? Et aujourd’hui ? L’enquête menée par Jean-Paul Picaper, ancien correspondant du Figaro à Bonn, s’avère à cet égard passionnante. Non seulement l’auteur a interviewé les derniers témoins, mais il expose le long chemin parcouru pour que Stauffenberg et ses amis soient reconnus (5).

Joachim Fest, un historien allemand, montre la diversité des courants de ce qu’on a appelé après coup la « résistance allemande » : militaires, conservateurs, monarchistes, chrétiens-sociaux, libéraux, socialistes (6). Il souligne néanmoins que la seule entreprise sérieuse a été celle du 20 juillet 1944.

Et s’ils avaient réussi ? L’Europe de l’Est n’aurait pas échappé aux Soviétiques, mais la guerre aurait été écourtée, et des millions de victimes - soldats des deux camps, civils et déportés - auraient eu la vie sauve.

Songe-t-on au courage de ces hommes ? Il leur fallait affronter le danger qui menace tout rebelle au sein d’un État totalitaire, mais encore passer pour des traîtres, eux dont la vocation était de défendre leur pays. Avant de mourir, Peter von Wartenburg, un des conjurés, écrira ces lignes : « Peut-être viendra un temps qui nous jugera non pas comme des canailles, mais comme des prophètes et des patriotes. »
Jean Sévillia  http://www.jeansevillia.com

(1) La Chance du diable, le récit de l’opération Walkyrie, de Ian Kershaw, Flammarion.

(2) Stauffenberg, de Jean-Louis Thiériot, Perrin.
(3) De la croix de fer à la potence, un officier allemand résistant à Hitler, d’August von Kageneck, Perrin, «Tempus».
(4) Nous voulions tuer Hitler, de Philipp Freiherr von Boeselager, Perrin, « Tempus ».
(5) Opération Walkyrie, de Jean-Paul Picaper, L’Archipel.
(6) La Résistance allemande à Hitler, de Joachim Fest, Perrin.

lundi 14 septembre 2009

Le quart d'heure antisémite du PCF

Cocos collabos !
On savait que, en 1940, peu après l'entrée des troupes allemandes à Paris, la direction clandestine du Parti communiste avait négocié (en vain) avec les Allemands pour obtenir le droit de faire reparaître l'Humanité. On ignorait en revanche qu'elle était allée jusqu'à dénoncer « le juif Mandel » !
Il y a soixante ans à l'Assemblée nationale, le député MRP Pierre de Chevigné, compagnon de la Libération, avait créé un incident de séance. En possession d'un procès verbal d'interrogatoire de sa collègue Denise Ginollin, député communiste de la Seine, après que celle-ci, alors simple militante communiste, avait été arrêtée par la police française le 20 juin 1940 près de la station de métro Saint-Martin (1), il avait entrepris de dénoncer les contacts pris par la direction clandestine du Parti communiste français avec l'occupant dans les jours suivant l'entrée des troupes allemandes dans Paris, le 14 juin 1940, afin d'obtenir le droit de faire paraître L'Humanité.
Le tollé avait été à la hauteur de l'accusation. « Tout cela est une affaire de police et de flics », avait lancé Jacques Duclos. « C'est absolument faux », s'indignait un autre. « On a mis deux ans pour fabriquer un faux ! », s'étranglait un troisième élu de ce qui était devenu, de façon très abusive, le « parti des 75 000 fusillés », tandis qu'un quatrième parlait d'une « insulte à nos morts » et que Madeleine Braun, vice-présidente communiste de l'Assemblée nationale et médaillée de la Résistance, osait : « C'est un roman d'Agatha Christie que vous nous racontez là. »
Depuis, les faits ont été établis et il ne restait plus, dans les années 1970, que quelques irréductibles staliniens, comme la veuve Thorez, pour prétendre que, si de tels pourparlers avaient pu avoir lieu, ils étaient le fait de « quelques camarades » ayant pris une malheureuse initiative sans en référer à la direction du Parti qui les en aurait empêchés, et que, « après l'invasion [...], [le Parti] s'engagea sans réserve dans la résistance à l'occupant ». Ce qu'on ignorait en revanche, et que révèle l'ouvrage Juin 1940, La Négociation secrète, de Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, c'est jusqu'à quel degré d'ignominie une partie de l'appareil communiste était allée, en parfaite connivence avec Moscou.
Le PCF totalement aligné sur Moscou
Les deux historiens, collaborateur (pour le premier) et dirigeant (pour le second) du « Maitron », l'irremplaçable Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, ont découvert dans les archives de la Ville de Paris un document jusqu'alors totalement inconnu, saisi par la police sur Denise Ginollin lors de son arrestation, et qu'ils intitulent « La Déclaration d'intention du 20 juin ». Ce texte dactylographié constitue l'argumentaire que celle-ci doit, sous les ordres de Maurice Tréand, responsable de la commission des cadres du Parti après avoir été formé à l'École léniniste internationale de Moscou, développer devant les plus hauts responsables allemands à Paris.
Quelques rappels du contexte historique sont nécessaires. Après la signature, le 23 août 1939, du pacte germano-soviétique, l'Allemagne national-socialiste et l'Union soviétique sont alliées. Or, comme le rappellent Besse et Pelletier. « depuis le VIIe congrès de l'Internationale communiste [en 1935], aucun congrès n'a été convoqué et l'Internationale communiste n'est plus qu'un appareil appliquant les stratégies staliniennes » sur lesquelles la direction du PCF est alignée. Le Parti communiste, allié de Berlin, via Moscou ? Exactement.
Le 1er septembre 1939, jour de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne, la mobilisation générale est décrétée en France et en Angleterre, qui déclarent la guerre à l'Allemagne deux jours plus tard. Le 24 août, la presse communiste a déjà été interdite. Le 26 septembre, le Parti communiste est dissous par décret du gouvernement Daladier, ainsi que toutes les organisations qui lui sont affiliées. Les dirigeants qui n'ont pas pris la fuite sont arrêtés, les locaux perquisitionnés. Le 10 avril 1940, un décret du gouvernement Reynaud assimilera toute activité communiste à un acte de trahison, passible de la peine de mort.
Ce 20 juin 1940 donc, cela fait trois jours que le maréchal Pétain a demandé l'armistice ; deux que le général De Gaulle a lancé son célèbre appel. La veille, à la radio de Londres, il a encore dénoncé « la confusion des âmes françaises ». Nous y sommes.
Le « juif Mandel » dénoncé à trois reprises
Pour le Parti communiste, la guerre que la France vient de perdre était une « guerre impérialiste ». La « classe ouvrière » en a été la victime. S'il n'avait tenu qu'à lui, jamais la France n'aurait déclaré la guerre à l'Allemagne. Alliés, les communistes et les nazis, dans Paris occupée ? Plus que jamais !
Sténographiée par Denise Ginollin, la « déclaration d'intention du 20 juin » reproduit, en une dizaine de points, tous les messages que Maurice Tréand et Jacques Duclos, rentré de Belgique où il avait fui en octobre 1939 - et qui obtiendra 20,5 % des voix à la présidentielle de 1969... - entendent faire passer à l'occupant. Les points deux et trois sont hallucinants : « 2°) Sommes communistes, avons appliqué ligne PC sous Dal[adier] Ray [Reynaud], juif Mandel, juif M[andel] après Dal[adier] nous a emprisonné[s]. Fusillé des ouvriers qui sabotaient défense nat[ionale]. Sommes PC français pas eu peur 3°) pas cédé face dictature Juif M[andel] et du défenseur des intérêts capitalistes anglais Raynaud [Reynaud] » (2)
« Juif Mandel »... A trois reprises est dénoncé, pas comme adversaire politique mais bien comme « juif », celui qui était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Reynaud et qui mourra assassiné par des miliciens en juillet 1944 en forêt de Fontainebleau, tragique fin d'une carrière politique brillante tout au long de laquelle, parce qu'il était né Louis Georges Rothschild, cet homme de la droite libérale fut la cible des attaques antisémites les plus viles et les plus véhémentes (3).
A quand une repentance pour les sabotages meurtriers ?
Le livre de Besse et Pennetier tout juste paru, le Parti communiste français a publié une mise au point, que Marie-George Buffet s'est empressée de faire porter au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Cette fois, pas question d'arguer d'un quelconque faux. Les deux historiens, qui sont proches de la gauche communiste, sont « reconnus pour le sérieux de leurs travaux scientifiques ». Aussi le PCF dénonce-t-il des « propos antisémites tout à fait odieux » qui s'inscriraient dans une « stratégie injustifiable » menée toutefois « sous la pression de l'Internationale ». Et d'accabler prioritairement les « cadres dirigeants de l'URSS et de l'Internationale communiste », initiateurs d'une stratégie « heureusement abandonnée à partir d'août 1940 ».
Le PCF veut se dédouaner. il s'enfonce et reconnaît explicitement - pour la première fois ! - que les dirigeants français étaient totalement, absolument aux ordres de Moscou, quitte à trahir la France et à assassiner des Français ainsi que l'indique le passage sur les saboteurs qui ont été fusillés. En mai 1940 par exemple, plusieurs aviateurs français trouvèrent la mort à bord d'avions sortis des usines Farman qui avaient explosé en plein vol pour l'unique raison que des ouvriers communistes avaient sectionné une pièce de l'appareil. A quand une « repentance » du Parti communiste ?
Dans leur « déclaration d'intention » Duclos et Tréand se vantent d'ailleurs d'avoir œuvré... pour la victoire de l'Allemagne ! « Notre défense du pacte [germano-soviétique] vous a avantagé. Pour l'Urss, nous avons bien travaillé, par conséquent pour vous. » Et de développer une ahurissante dialectique : « En interdisant L'Huma, vous montrez que vous voulez combattre les classes ouvrières [...], que vous voulez combattre l'URSS à Paris » accompagnée de ces promesses tout aussi incroyables : « Nous prenons engagement ne pas faire l'éloge d'Hitler et de l'URSS mais rien contre vous. Prenons engag(ement] de nous taire [...] Nous ne ferons rien pour vous mais rien contre vous »...
Un axe Paris-Berlin-Moscou sérieusement envisagé
Aux militants qui, le 18 juin, rechignaient à s'engager dans ce qu'il faut bien appeler la voie de la collaboration, en allant négocier de la sorte avec Otto Abetz, plénipotentiaire du ministère des Affaires étrangères auprès du commandement militaire en France - il sera nommé ambassadeur d'Allemagne en novembre 1940 -, Maurice Tréand aurait répondu : « Ce sont les ordres de la Maison. »
Denise Ginollin s'est bien rendue à la Kommandantur. Différents contacts avaient même été pris afin que, si une filière échoue, un autre canal de négociation soit prêt à être opérationnel. Le journaliste collaborationniste Jean Fontenoy avait été sollicité en ce sens. La reparution d'une Humanité ni pour ni contre Hitler devait être effective pour le 21 juin. Son arrestation par la police française retarda l'événement mais ne stoppa pas le processus.
Libérée sur ordres des Allemands, elle se retrouve, le 26 juin 1940, dans le bureau d'Abetz en compagnie notamment de Tréand et de Jean Catelas, membre du comité central du Parti. En sortant, ces derniers cosignent une lettre à Abetz. Les propos sont plus prudents mais ils promettent tout de même ceci : « L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de dénoncer les agissements des agents de l'impérialisme britannique qui veulent entraîner les colonies françaises dans la guerre [...] L'Humanité, publiée par nous, se fixerait pour tâche de poursuivre une politique de pacification européenne et de défendre la conclusion d'un pacte d'amitié franco-soviétique qui serait le complément du pacte germano-soviétique et ainsi créerait les conditions d'une paix durable »... Un axe Paris-Berlin-Moscou en somme, dont l'invasion de l'Union soviétique par les troupes allemandes, le 22 juin 1941, ruinent tout espoir de concrétisation.
Après la Libération encore, le Parti communiste français faisait de l'adhésion pleine et entière au pacte germano-soviétique un élément d'appréciation majeur de bonne conduite des militants du Parti. Jusque dans les années cinquante, racontent Besse et Pennetier, « on demande aux militants : « Quelle a été votre position au moment de Munich » et « au moment du traité germano-soviétique » et on double la question « Quels sont les arguments que vous développez en face d'adversaires sur ces deux problèmes ? » »
« Certes, pourra-t-on lire dans le rapport du Xe congrès du PCF tenu à Paris en juin 1945, le travail réalisé par un camarade avant septembre 1939 ou après août 1944 doit être considéré comme très important. Toutefois, la fidélité envers la ligne politique se vérifiant plus particulièrement dans les moments dangereux, les éléments suivants sont déterminants : position d'août 1939 [... ] à juin 1940. » Ne manquait qu'un bilan politico-ethnique de l'action du « juif Mandel ».
Gabriel Giauque le Choc du Mois Janvier 2007
Juin 40, La Négociation secrète, par Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier, Les éditions de l'Atelier, 208 pages, 14,90 euros.
1). Son procès verbal d'interrogatoire par le commissaire Lafont est reproduit dans le tome 1 du Dictionnaire de la politique française d'Henry Coston.
2). Les passages entre crochets ont été ajoutés par Besse et Pennetier afin de rendre mieux compréhensible ce mémo où ne figurent parfois que des abréviations ou des initiales.
3). Nicolas Sarkozy lui a consacré une biographie : Georges Mandel, le moine de la politique (Grasset, 1994).

De la paix de Brest-Litovsk à la guerre civile

Le 3 mars 1918, à Brest-Litovsk, en Biélorussie, les bolcheviques russes signent la paix avec les Allemands et leurs alliés. Ils se retirent de la Grande Guerre, laissant choir la France et l'Angleterre qui s'étaient engagées aux côtés du tsar.
Les Allemands en profitent pour une offensive de la dernière chance sur le front français...
La Révolution au prix de la défaite
Dès le 8 novembre 1917, soit le lendemain de la prise de pouvoir par les bolcheviques des centres vitaux de Petrograd (Saint-Pétersbourg), Lénine a signé un décret qui propose une « paix sans annexions » à tous les belligérants. Mais ce décret d'un agitateur au pouvoir encore incertain est resté lettre morte.
Le 15 décembre, il se résout à demander l'armistice pour prendre de court ses compatriotes qui veulent continuer le combat, y compris dans son parti. Soucieux de consolider son pouvoir sur la Russie, il veut en finir avec la Grande Guerre commencée trois ans plus tôt.
Trotski, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, dirige les négociations d'armistice. Cet intellectuel rigide pense que les Allemands ne tarderont pas à suivre les Russes dans la voie de la Révolution prolétarienne. Convaincu que les vainqueurs finiront par être balayés par la révolution, il est prêt à concéder aux Allemands tout ce qu'ils voudront.
La Finlande, l'Ukraine et d'autres provinces de l'Empire russe profitent des négociations de paix pour s'émanciper. Lénine ne peut rien faire contre les Finlandais mais il réussira plus tard à reprendre le pouvoir à Kiev, capitale de l'Ukraine, par la force.
Lénine seul contre tous
Enfin est conclue le 3 mars 1918 la désastreuse paix de Brest-Litovsk avec l'Allemagne et ses alliés (Autriche-Hongrie, Turquie et Bulgarie).
La Russie perd par ce traité léonin la Pologne, la Finlande, l'Ukraine, les pays baltes (Lithuanie, Lettonie, Estonie), plusieurs territoires cédés à la Turquie, alliée de l'Allemagne... La Russie d'Europe se trouve ramenée à ce qu'était le grand-duché de Moscovie avant l'avènement d'Ivan le Terrible au XVIe siècle !
De leur côté, les Allemands tirent parti du cessez-le-feu et de la paix à l'Est pour redéployer leurs troupes à l'Ouest et porter leurs ultimes efforts sur le front français. Ce sont quarante divisions qu'ils vont réorienter vers l'Ouest sitôt la paix signée.
Lénine, avant tout soucieux de sauver sa Révolution, fût-ce au prix de la défaite et du démembrement de l'empire russe, pèse de tout son poids en faveur du traité. Il s'ensuit de violentes tensions parmi les membres du gouvernement.
Les ministres socialistes-révolutionnaires de gauche démissionnent et rentrent dans l'opposition. Ils ne vont plus cesser de combattre la dictature de Lénine.
La guerre civile
C'est le moment où se réveillent en ordre dispersé les partisans du régime tsariste ou de la République démocratique issue de la Révolution de Février.
Dans le Kouba, le général Kornilov a constitué une « armée des volontaires » ; en Ukraine, en avril 1918, l'ethman (chef cosaque) Skoropadski prend le pouvoir avec le concours des Allemands ; dans le Caucase, en mai 1918, Géorgie, Azerbaïdjan et Arménie se proclament indépendantes. Dans le même temps, en avril 1918, les Anglais, que la défection de la Russie inquiète, débarquent à Mourmansk. Les Japonais occupent de leur côté Vladivostok. Enfin, des gouvernements rebelles se constituent à Omsk, en Sibérie, et à Samara, dans l'Oural.
En mai 1918 survient l'offensive d'une brigade de combattants tchèques. Déserteurs de l'armée austro-hongroise, ils s'étaient engagés quelques mois plus tôt aux côtés des Russes pour combattre l'Autriche-Hongrie et libérer leur pays. Après la paix de Brest-Litovsk, ils craignent d'être livrés à Vienne. D'où leur rébellion.
Profitant de la décomposition du pays, les Tchèques s'emparent du chemin de fer du Transsibérien et dominent de la sorte la Sibérie. Ils s'approchent d'Ekaterinbourg, où est détenue la famille impériale. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, les bolcheviques massacrent celle-ci dans la crainte qu'elle ne soit délivrée par les Tchèques.
Les Tchèques lancent peu après une offensive sur Kazan tandis qu'une armée tsariste aux ordres de Krasnov et Denikine, les Gardes blancs, marche vers Tsaritsyne (plus tard Stalingrad).
Partout, dans l'immense Russie, les bolcheviques semblent perdus mais ils vont se tirer de cette situation quasiment désespérée grâce à l'énergie et aux talents d'organisateur de Trotski, lequel prend le commandement de l'Armée Rouge et n'hésite pas à y intégrer d'anciens officiers tsaristes. Ils vont profiter aussi des divisions et des querelles chez leurs ennemis, tant de la gauche républicaine que de la droite tsariste.
Victoire à la Pyrrhus
Tout en combattant leurs rivaux politiques, les bolcheviques pressurent les ouvriers. Ils imposent le travail forcé le dimanche. Ils répriment les grèves avec la dernière énergie. Lénine lui-même prône des «exécutions massives» pour briser une grève de cheminots. Les paysans ne sont pas épargnés. Victimes des réquisitions de céréales, beaucoup meurent de famine.
Les exécutions sommaires, les massacres, les réquisitions, les prises d'otages... ne sont pas l'apanage des «Rouges». Les «Blancs» les pratiquent aussi volontiers, avec le désavantage sur les bolcheviques de susciter la haine des masses paysannes, qui se vengent de plusieurs siècles d'oppression. Les bolcheviques ne se font pas faute d'exciter cette haine.
En deux années, la guerre civile va faire environ 5 millions de victimes parmi les combattants, non compris autant de civils victimes des famines et des exécutions sommaires. C'est bien plus que la Première Guerre mondiale. Cette guerre civile va se conclure par la mainmise des bolcheviques et de Lénine sur un pays ruiné.
En 1921, confronté à un début de famine et à une désorganisation complète des rouages de l'État, Lénine lâche du lest, annonce une nouvelle politique économique et fait appel à l'aide américaine !
André Larané.
http://www.herodote.net

samedi 12 septembre 2009

La loi salique : une mystification

Si la parité peine à progresser, c'est parce que la France a toujours refusé le pouvoir aux femmes ? En raison d'une loi du Ve siècle, léguée par les Francs saliens, qui a écarté la gent féminine de la succession au trône ? Élire une femme à la présidence de la République mettrait donc fin à 1500 ans d'ostracisme ? Faux, faux et faux ! Des vérités sont à rétablir d'urgence.
Une femme au pouvoir, ce serait nouveau, prometteur ou renversant. Et ce serait justice après des siècles d'obscurantisme et de patriarcat misogyne... Et bien non, car invoquer la loi salique pour expliquer la faible représentation féminine dans le corps politique aujourd'hui revient à accréditer un mensonge colossal. Et à effacer d'un trait reines et régentes qui exercèrent réellement le pouvoir sur nos terres, sans craindre la comparaison avec leurs homologues masculins.
Las ! la légende de la loi salique, une création du XVe siècle, soit mille ans après les premiers Francs saliens, a prospéré. Elle alimente encore aujourd'hui l'analyse politique et le discours sur la parité : « Cette situation s'explique [...] par des raisons historiques : la loi salique a écarté les femmes de la succession au trône de France » (Corinne Deloy, Les Femmes en politique, Fondation pour l'innovation politique) ; « Mon hypothèse est que fonctionne encore la loi salique, cette loi française, d'abord française, qui interdit la transmission de la couronne à une femme » (Geneviève Fraisse, colloque La Démocratie « à la française » ou les femmes indésirables).

Un texte conçu à des fins purement militaires
Au moyen d'une scrupuleuse enquête, Eliane Viennot, professeur à l'université de Saint-Etienne et présidente de la Société internationale pour l'étude des femmes de l'Ancien Régime, vient heureusement claquer le museau aux lieux communs. Son ouvrage, La France, les Femmes et le Pouvoir- L'invention de la loi salique (Ve - XVIe siècle), paru en octobre chez Perrin, met pour la première fois en perspective, sur le long terme, l'existence d'un partage du pouvoir entre hommes et femmes.
Car, soulève-t-elle d'entrée, « dans un contexte où la doxa présentait la rupture révolutionnaire comme un "grand commencement" (certes difficile) pour les femmes, c'est bien plutôt les preuves de leurs pouvoirs au cours de la période précédente et l'ambiguïté (pour le moins) de la Révolution qui paraissent devoir être mises en lumière. [...] Non seulement nos ancêtres durant près de dix siècles n'ont pas connu de règle écartant les femmes du pouvoir, non seulement ils n'ont jamais vu d'inconvénient majeur à mettre l'une d'elles à leur tête, mais ils l'ont fait longtemps après l'invention de la "loi salique" [...]. A l'aune de cette histoire fort longue, les trois derniers siècles apparaissent comme une anomalie. »
Suivons l'historienne dans son procès en réhabilitation. La « loi salique » a bel et bien existé. Elle fait partie de l'un des « codes barbares », dont les peuples germaniques (férus de droit, inventeurs des assemblées égalitaires d'hommes libres et bâtisseurs de royaumes) se dotèrent de concert à la fin du Ve siècle, c'est-à-dire peu après leur installation en Europe de l'Ouest sur les ruines de l'Empire romain.
Burgondes, Bavarois, Wisigoths, Lombards, Francs ripuaires, Alamans et les fameux Francs saliens (sis entre Meuse et Escaut) couchèrent donc sur parchemin des ensembles de procédures pénales et civiles. Autrement dit, des textes relevant du droit privé, qui n'ont jamais rien eu à faire, et la nuance est importante, avec une constitution politique.
L'article de loi qui servit plus tard à bâtir la fable de l'exclusion des femmes du trône de France traite des « alleux », terme qui désigne les biens propres. Voici ce qu'il indique : « concernant la terre salique, qu'aucune portion de l'héritage n'aille aux femmes, mais que toute la terre aille au sexe masculin. »

Chez les Francs, la femme valait deux hommes !
Non seulement il n'est pas question ici d'une quelconque transmission du pouvoir, mais l'adjectif « salique » ne désigne qu'une portion de l'héritage, celui de la terre ancestrale. Or, au Ve siècle, les premières terres « ancestrales » des Francs saliens à l'ouest du Rhin étaient des tenures militaires, concédées par le fisc impérial aux soldats frontaliers pour leur service armé, et donc, C.Q.F.D., réservées aux hommes. Conclusion sur le premier épisode de l'affaire, selon la formule d'Eliane Viennot : la « masculinité » invoquée dans l'article « n'est pas germanique mais militaire ».
A l'occasion, l'historienne trouve bon de rappeler que les Francs eurent « sûrement une société plus égalitaire que celles qui suivirent », avec des coutumes qui favorisaient largement les femmes. « Non seulement, rappelle Jean-Pierre Poly (Le Chemin des amours barbares, Perrin), le sexe féminin n'est pas exclu de la succession descendante, mais lorsque les biens remontent, il est privilégié : la succession échoit à la femme la plus proche, la mère suivie de ses enfants, frères et sœurs du défunt, puis la tante maternelle, fille de la grand-mère... »
Pour autre exemple, le « prix de la vie » (« le wergeld ») d'une femme, tel qu'il était alors réglementé, était toujours le double de celui d'un homme. Pour illustration encore, ces figures de reines des premières dynasties, qui furent épouses influentes - le rôle de Clotilde dans la conversion de Clovis au christianisme est attesté -, mères souveraines dans la minorité de leurs enfants - fracassantes Brunehilde et Frédégonde mais conformes à leur époque sans tendresse -, ou veuves héritières du royaume, comme Nanthilde, Bathilde, Bertrade, première reine carolingienne, ou Judith de Bavière, qui exercèrent seules le pouvoir suprême.
Quelques siècles plus tard, l'âge des seigneurs et des dames ouvre la merveilleuse époque des lignages, quand se développent la mystique du sang et de l'héritage familial, portés par les femmes, et celle de l'amour courtois. Georges Duby s'était attaché à mettre en lumière la puissance féminine d'alors, qu'on pense simplement à Héloïse, Aliénor d'Aquitaine ou Marie de France, dans les trois tomes de ses Dames du XIIe siècle : « Au terme de l'enquête, écrivait-il, [elles] m'apparaissent plus fortes que je n'imaginais, si fortes que les hommes s'efforçaient de les affaiblir par les angoisses du péché. »

Un faux en écriture pour conforter les Valois
En effet, peut-être par un renversement de tendance, tout n'ira plus aussi bien pour les dames par la suite. La thèse que développe Eliane Viennot porte sur le rôle de la clergie, à partir du XIIIe siècle, comme véritable ennemie des femmes. La clergie, à ne pas confondre avec l'Église, désigne les savants, les clercs des universités, cohortes masculines en constante recherche d'ascension sociale et d'influence. Cette internationale d'intellectuels, abreuvée à des pères de l'Église violemment misogynes, imbue de son savoir, se met peu à peu au service des Etats - en clair, elle envahit les « administrations centrales » pour y imposer sa loi.
La collusion entre le discours qu'elle diffuse pour saper l'ordre féodal et l'image de la femme à son seul profit - par tous les moyens de communication alors disponibles : disputatio publiques, pamphlets, romans... - et le pouvoir acquis par les ordres mendiants, bras armé de l'Inquisition, conduira aux bûchers des sorcières.
Puis sa stratégie d'écrasement s'étendra à tous les rivaux gênants : « bonnes femmes » pratiquant la médecine et l'obstétrique, religieuses et monastères féminins trop indépendants, Juifs, Templiers qui étaient aussi les banquiers de la Couronne, sans oublier de réécrire l'histoire en occultant les reines de France ou en les traînant dans la boue - amnésie ou opprobres qui perdureront dans l'enseignement de la République...
Cette prise de pouvoir de la clergie n'est pas spécifique à la France, mais à partir du moment où le royaume capétien fait ouvrir au XIIe siècle l'Université de Paris, notre pays devient pour plusieurs centaines d'années le centre de gravité de ce nouvel ordre technocratique,
C'est dans ce contexte qu'un membre de la clergie, Jean de Montreuil, produit, en 1408 ou 1409, le faux en écriture : la loi salique nouvelle version, Elle lui permet de conforter la légitimité des Valois - contestée depuis qu'ils se sont emparé du trône au détriment de Jeanne de France, fillette de 5 ans et unique héritière en droite ligne de la Couronne. Et d'écarter juridiquement les femmes du pouvoir. En changeant simplement, dans le texte original, le mot « terre », par le mot « royaume » pour signifier que la disposition avait bien un sens politique. Puis, pour finir, d'imposer aux souverains une loi qui leur préexiste, sur laquelle ils n'ont donc pas prise.
A partir de cette date lien n'arrêtera plus la légende en marche, même si son officialisation prendra encore du temps. Car la grande noblesse conservera, à la fois un mépris indicible pour la clergie et son estime pour ses femmes et ses reines. Comment aurait pu être acceptée, sans cela, la présence au pouvoir des Blanche de Castille, Anne de France, Louise de Savoie ou Catherine de Médicis ?
L'ironie de l'histoire est que l'on doit à la Révolution française d'avoir, pour la première fois, avec sa première Constitution, paraphé la « loi salique » du XVe siècle. Un enregistrement que les monarques successifs avaient pris garde d'éviter. Et d'avoir écarté les femmes de la vie publique pour cent cinquante ans, en en faisant civilement des citoyennes mais en oubliant leurs droits politiques.
Eléonore Pasquet Le Choc du Mois Janvier 2007

En Espagne, l'Église sauvé des milliers de républicains

Alors qu'en France, le monde médiatique et universitaire s'émeut de l'affaire Gouguenheim (1) du nom de cet excellent historien qui remet en cause la thèse de l'influence de l'Islam dans la transmission de la culture grecque aux temps médiévaux, l'Espagne, elle, semble plus prompte à revisiter les dogmes intellectuels et politiquement corrects de l'histoire. Et même de son histoire la plus brûlante.

Dans deux ouvrages parus récemment (2), le prêtre et historien Vicente Carcel Orti a remis en cause l'idée d'une Église soutenant à tout prix le régime franquiste.
Docteur en histoire religieuse et en droit canon, l'auteur a rendu public les premiers résultats de l'exploitation des archives secrètes du Vatican, couvrant la période du pontificat de Pie XI. Il a fallu attendre la fin de l'année 2006 pour que ces dernières puissent être exploitées. Le résultat en est saisissant : « Le pape Pie XI et les évêques espagnols sauvèrent des milliers de vies de républicains » avance sans ambages le Père Carcel. Ainsi, Monseigneur Olaechea, archevêque de Pampelune pendant la guerre civile, intervint auprès de Franco en faveur de plus de 2000 condamnés à mort du fort San Cristobal (Navarre). Gens simples, travailleurs, pères de famille destinés à la peine capitale pour des raisons politiques... Le Père Carcel a étudié chacun de ces cas concrets, en relevant ceux qui ont pu échapper au châtiment, grâce à l'action de Mgr Olaechea.

Le mythe de l'Église franquiste

Le Saint Siège, naturellement, suivait la chose de très près. L'action de cet archevêque, poursuit l'historien, fut loin d'être isolée et entra dans le cadre général du besoin de réconciliation et de paix que l'on retrouvera aussi après la guerre civile, malgré la difficulté que constituaient de tels objectifs. Quoi qu'il en soit, ces recherches font voler en éclat la thèse, longtemps défendue par la gauche, d'une Église soumise et aliénée au pouvoir franquiste : « Cette accusation est complètement fausse. Le Saint Siège mit deux ans à reconnaître le régime de Franco [...] et maintint des relations diplomatiques avec la République jusqu'en 1938. Ainsi, l'accusation d'une Église alliée à Franco dès le début de la guerre est historiquement fausse ».

Déjà, à la lin de l'année 2007, le quotidien El Munda avait invité l'historien à s'exprimer dans ses colonnes sur un sujet particulièrement sensible. Dans cet entretien, le Père Carcel expliqua que ce ne fut qu'après l'assassinat de 6000 prêtres que l'Église espagnole demanda à ses ouailles de choisir le camp des franquistes, tandis que le Saint Siège préserva malgré tout des relations diplomatiques « formelles » avec le pouvoir légal républicain. Finalement, le Vatican ne reconnut le pouvoir franquiste qu'une fois l'issue de la guerre civile certaine, et après plusieurs autres États, notamment la France et la Grande-Bretagne.

De la lecture des archives vaticanes, il ressort en effet que nul ne pouvait véritablement dire quelle allait être la durée du succès franquiste, d'où la réserve de Pie XI. Sans compter sur la politique que mena ce dernier en faveur d'un règlement pacifique du conflit, ou des doutes qu'il exprima au moment du soutien militaire d'Hitler et de Mussolini aux forces du Caudillo.

A l'appel pour la paix du 25 décembre 1938, Franco répondit sèchement que la guerre était la guerre et que seul était envisageable la victoire de l'un des belligérants... Le pape, tout comme les évêques espagnols, traita aussi des cas particuliers en intervenant directement pour tenter de sauver des politiques, comme ce fut le cas pour un indépendantiste catalan, catholique et père de cinq enfants, finalement exécuté du fait de l'arrivée tardive de la requête pontificale...

Pie XI, cela va sans dire, n'en restait pas moins horrifié par les persécutions religieuses du camp républicain. Mais les nuances sont bien là. Placer l'Église à la botte du franquisme apparaît donc comme un raccourci idéologique. Un François Furet n'aurait pas hésité à le replacer dans le sillon de "l'antifascisme", qui ne s'embarrassait guère de vérités historiques.

Christophe Mahieu - Monde& Vie du 28 juin 2008.
____________
1). Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Le Seuil.
2). Caidos, victimas y martires, édité par Espasa-Calpe et Pio XI, entre la Républica y Franco, paru chez BAC disponible sur http://www.baceditorial.com.

mercredi 9 septembre 2009

La religion des Gaulois

La religion celte et donc gauloise était fondée sur un grand respect des forces naturelles. Les Gaulois portaient un culte tout particulier aux éléments de la nature, sommets, astres, sources, fleuves, eaux dormantes à l'image des anciens cultes naturistes pratiqués par les populations préhistoriques, cependant sans que cela ne montre aucune trace d'idolâtrie ni (1) d'anthropomorphisme.
Il y a dans la philosophie sous-jacente à leur religion, la conscience que l'univers est un passage continu d'une forme de vie à une autre (2). Pour cette raison, leurs divinités peuvent prendre plusieurs formes. Dans la société gauloise, la religion a un rôle classificatoire, elle donne une cohésion à des groupes humains répartis selon une stricte hiérarchie.
Elle fait partie intégrante de l'existence quotidienne et touche à tous les domaines. Il n'y a pas à proprement parler de distinction entre le profane et le sacré. La religion est indissociable de la vie. Elle était enseignée et maintenue par les druides et était le plus grand, sinon, le seul facteur d'unité chez les peuples gaulois.
C'était un système de croyances très élaboré. Citons entre autres, la croyance en la fin du monde, en la vie éternelle et en la réincarnation des âmes ( une croyance qui expliquait, selon César, le courage des Gaulois au combat.)
L'univers est quant à lui conçu comme une sorte de construction pyramidale divisée en trois parties, abysses infernales, terre et ciel, ce dernier apparaissant comme une voûte fragile et inquiétante sur laquelle s'appuie l'univers.
Des lieux géographiques précis, appelés sidh sont établis sur le territoire de la tribu, en périphérie à l'ouest du territoire et en relation avec l'eau.
L'Ouest est en rapport avec le soir, le coucher du soleil, avec l'automne, la fin de la vie. Le sidh permet de faire communiquer le monde des vivants et celui des morts.
Les Gaulois qui donc croyaient en la survie de l'âme, croyaient aussi à la nécessité d'accomplir certains rites pour le repos du défunt et la purification des vivants. D'autre part, on redoutait la vengeance des défunts si on négligeait les rites funéraires. Deux modes de sépultures ont été pratiqués, l'incinération domine du premier siècle au troisième siècle, ensuite l'inhumation s'impose.

Le culte
Le culte se pratiquait dans un sanctuaire entourant d'une enceinte (le néméton) soigneusement close, un ou des bosquets par lequel on pénétrait par un monumental propylée (3), un fossé les cernaient (certains des fossés retrouvés contenaient des ossements humains). Seules quelques dizaines de participants assistaient au culte.
Au centre de ce sanctuaire se trouvait un autel sous la forme d'une grande fosse creusée dans le sol, pour le protéger des intempéries, il était couvert par un dais supporté par des poteaux.
Dans ces lieux, se déroulaient deux rites principaux :
1) Le sacrifice de boeufs, de moutons et de porcs, appelé « de commensalité », on supposait que ceux qui offraient ces sacrifices partageaient ensuite le repas avec les dieux aux quels ils l'ont offert.
Dans l'autre sacrifice qui était plus exceptionnel les bovidés, vaches, boeufs et taureaux étaient offerts dans leur totalité aux dieux ; égorgés, abattus d'un coup de hache ou de merlin (suivant les fêtes ou le but du sacrifice), ceux-ci étaient déposés entiers dans la fosse de l'autel où ils se pétrifiaient pendant des mois, comme pour alimenter le dieu qui vivait dessous.
Le sol du sanctuaire de Gourmay a été creusé de plusieurs fosses dont la plus grande, surmontée d'un toit, recevait les carcasses de boeufs sacrifiés, des restes humains et des milliers d'armes «tuées», c'est à dire rituellement déformées.
2) L'autre rite est de nature votive, c'est l'offrande d'armes qui sont arrivées dans leur grande majorité sous la forme de panoplies prestigieuses (épée dans son fourreau, chaîne de ceinture, lance, bouclier). Les armes parfois avaient déjà servi (dépouilles prises à l'ennemi). On les fixait, à l'aide de clous et de liens de cuir, en hauteur sur les parois du sanctuaire et y restaient pendant des années, jusqu'à ce que les liens se rompent et qu'elles tombent sur le sol.
Cette chute annonçait la fin de l'acte d'offrande qui était alors désacralisé. Alors on la brisait et jetait dans le fossé bordant le mur d'enceinte du sanctuaire. Quelques fois dans les sanctuaires, étaient déposées les victimes de batailles qui avaient lieux à proximité de celui-ci. (4)

Le personnel religieux
Le personnel religieux gaulois n'est pas composé des seuls druides : les bardes, chargés de perpétuer la tradition orale, occupant une place tout aussi importante. Ces gardiens de la mémoire gauloise, considérés comme de véritables chantres sacrés, louent les exploits des hommes et des dieux, accompagnés d'un instrument proche de la lyre. Egalement oubliés, les «vates» sont les maîtres du sacrifice et de la divination, au cœur du culte gaulois.

Fêtes religieuses
Quatre grandes fêtes celtiques introduisent les saisons : l'Imbolc le 1er février, le Belteine le 1er mai, le Lugnasad le 1er août, le Samain le 1er novembre.

Le banquet
Le banquet est l'un des lieux les plus importants dans la vie religieuse et sociale des Gaulois. Celui-ci était donné dans un sanctuaire, entouré de hauts murs, situé au milieu de l'oppidum. Dans ce sanctuaire se trouvait une grande cour entourée de portiques, où sont construits des bâtiments dont le nombre variait suivant les sites.
Les sanctuaires pouvaient varier suivant les différents peuples gaulois.

Le gui
Les Gaulois vénéraient le gui pour ses grandes vertus curatives. Mais surtout le gui provient du chêne, arbre sacré, choisi par la divinité. Dans l'art celtique, la feuille de gui qui est omniprésente, est une des formes que prend Lug « le Lumineux » : divinité solaire. Le gui se comporte vis à vis de l'arbre, comme l'âme immortelle vis à vis du corps humain.
On sait d'après les témoignages anciens que les Celtes croyaient à une forme d'immortalité de l'âme. Derrière tout cela, il existe une tradition millénaire qui repose sur le culte des astres et le retour cyclique de la vie. Le soleil renaît chaque jour et, dans sa course annuelle, il parcourt un cycle complet. Il y a, dans le couple du gui et du chêne, le signe d'une alliance qui reflète cette éternité de la vie.

Les divinités gauloises
Parmi les divinités gauloises principales, l'une des plus honorées a été Lug qui a laissé son nom à la ville de Lyon (Lugdunum). Dans la légende, il est le bon ouvrier, capable d'exécuter n'importe quel ouvrage. C'est qu'il est à la fois charpentier, forgeron et poète. Protecteur du commerce, il est l'inventeur des arts et des techniques. C'était l'une des divinités les plus populaires du monde celtique, au point que l'on choisit le jour de sa fête le 1er août, pour instaurer le culte de l'empereur en son lieu et place, suivant le procédé de romanisation familière aux vainqueurs.
Cernunos, autre célèbre divinité est le dieu cornu au cou orné d'un torque. La plupart du temps, il est entouré d'animaux sauvages dont presque toujours un serpent.
Cernunos est à la fois maître de la nature et dieu du monde en dessous. Il est l'époux de la déesse de la fécondité, il est aussi un génie primordial et un maître de la magie.
Toutatès quant à lui, est le dieu suprême, le maître du cosmos : il protège le chef et le roi ainsi que le père de famille et les petits-enfants.

L'historien J. Vendryes écrivit : « À mesure qu'on avance dans l'étude de la religion Celtes, on a l'impression de poursuivre un objet qui recule sans cesse et se dérobe à toute prise. » La religion des Celtes
La responsabilité en incombe d'ailleurs aux gaulois eux-mêmes car ils ne nous ont laissé aucun écrit. Leur religion comme leur philosophie, leurs traditions et leurs poèmes.... etc., n'ont été transmises que par voie orale.

Notes :
(1) - Les Grecs reconnurent chez les Celtes, que par ailleurs ils méprisaient, une haute philosophie pythagoricienne.
(2) - On a quelques fois parlé de métempsycose à leur sujet. Ca signifie tout simplement que, pour les Celtes, la mort n'est que le début d'une autre vie.
(3) - Le propylée est un vestibule à colonnes d'un temple ou d'un palais gréco-romain.
(4) - Il y a un fait particulier et incroyable chez les Celtes d'en haut (du nord) concernant les enceintes consacrées aux dieux. Dans les sanctuaires et dans les enceintes sacrés, érigés dans ces régions, on a jeté beaucoup d'or en offrande aux dieux, et aucun habitant ne s'en empare par crainte des dieux, bien que les Celtes aiment l'argent à outrance. (Poseidonios d'Apamée, résumé par Diodore de Sicile.
Pat
Sources :
Renée Grimaud, Nos ancêtres les Gaulois
Maurice Meuleau, Les Celtes en Europe
Barry Cunliff, Les Celtes
Régine Pernoud, Les Gaulois
L'Archéologue, février-mars 2008
Religions et Histoire, septembre-octobre 2006
Jean Markale, Druides et chamanes
Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois

mardi 8 septembre 2009

L’Epuration

Si la « Libération » de la France fut, du point de vue de celui que René Béhaine appelait « le général d’Andouille », un coup d’état réussi, il ne faut pas non plus oublier qu’elle fut aussi pour les Bolchéviks une tentative de revanche de leur défaite de la guerre d’Espagne ; grâces à Dieu, deux grandes nations évitèrent de peu - mais à quel prix ! -, à quelques années d’intervalle, d’être transformées en goulags.

Voici ce que l’on peut lire dans une circulaire adressée le 15 octobre 1943 sous le timbre « Insurrection » par le « Secrétariat général des Mouvements unis de Résistance », directement rattaché au Secrétariat à l’Intérieur, alors occupé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie, qui fut après la guerre député para-communiste d’Ille-et-Vilaine. « Le jour J sera la crise décisive qui doit amener, non seulement la libération du territoire, mais encore et surtout la disparition et le châtiment de Vichy et de ses complices. L’insurrection a pour but... de garantir l’élimination en quelques heures de tous les fonctionnaires d’autorité, la répression révolutionnaire en quelques heures de la trahison, conforme aux aspirations des militants de la Résistance... » Il est dommage de ne pouvoir citer plus longuement ce texte révolutionnaire, digne d’un Danton ou d’un Lénine ; il portait en exergue cette phrase du général De Gaulle : « La libération nationale est inséparable de l’insurrection nationale ».
L'Epuration fut préparée de longue main, d’abord à Londres, puis à Alger où furent promulguées les ordonnances des 27 juin et 26 août 1944. La première créait les commissions d’épuration ; la seconde institua rétroactivement un crime contraventionnel inédit, l’indignité nationale, et une sanction nouvelle : la dégradation nationale. L’une et l’autre sont explicitement basées sur le concept de « justice politique » [entendez, au choix, vengeance politique ou justice révolutionnaire] « où le législateur retrouve son entière liberté et plus particulièrement celle de tirer à tout moment les conséquences de droit que comporte un état de fait ».

Une nouvelle série d’ordonnances suspendit tous les journaux qui avaient continué à paraître 15 jours après le 25 juin 1940 en zone Nord, 15 jours après le 11 novembre 1942 en zone Sud ; leurs titres mêmes sont interdits. En réalité les entreprises de presse faisant partie de la « presse pourrie » furent occupées manu militari par des groupes de résistants au fur et à mesure de la libération du territoire. A Paris, le Président de la Fédération de la Presse clandestine, Francisque Gay réclamait, avec Albert Bayet, « la protection des droits acquis les armes à la main ». Ainsi réussit, selon Francisque Gay lui-même (Assemblée Nationale, séance du 7 mars 1945) « la plus grande entreprise [de spoliation] de l’histoire de la presse mondiale. Les régimes totalitaires, eux-mêmes, ont reculé devant l’immensité de l’effort, et nous, nous avons réussi cette œuvre ».
L’Epuration fut, pour la France, sur le plan humain, un désastre. M. Pierre-Henri Teitgen, devenu Ministre de la justice, dressant, à la tribune de l’Assemblé nationale, le 6 août 1946, le bilan des quelque cent mille condamnations prononcées jusqu'à cette date par les Cours de justice et les chambres civiques répondait à ceux qui souriaient en constatant que « c’était bien peu » : « Vous jugez sans doute que, par rapport à Robespierre, Danton et d’autres, le Garde des Sceaux qui est devant vous est un enfant. Eh bien ! ce sont eux, Messieurs, qui sont des enfants si l’on en juge par les chiffres ».
Les Comités départementaux de libération ont fait procéder, au cours des années 1944 et 1945 à « un million d’arrestations et de détentions arbitraires, soit le dixième de la population active » (Le Figaro, 6 avril 1946) - arrestations et détentions le plus souvent accompagnées de crimes et de délits contre les personnes et contre les biens.
Plus de cent mille Français ont été assassinés et beaucoup d’entre eux ont été horriblement torturés. Dès l’automne de 1944, les Services des Affaires civiles des armées anglaise et américaine fixaient à quatre-vingt-dix mille le nombre des victimes, dont cinquante mille dans la moitié sud du pays. En février 1945, le socialiste Jean Tixier, alors ministre de l’Intérieur dans le gouvernement De Gaulle, déclarait au colonel Dewavrin, dit « Colonel Passy », alors chef de la police politique du régime, que, d’après les rapports des préfets, il avait été commis, de juin 1944 à février 1945, cent-cinq mille exécutions sommaires ; ce chiffre, donné par le Ministre de l’Intérieur au chef de la Police politique n’a jamais été contesté (1). Le pire est que les criminels ont bénéficié d’une sorte d’auto-amnistie ; en effet, la loi Minjoz du 5 janvier 1951 absout les crimes commis jusqu’au 1er janvier 1946 « dans l’intention de servir la cause de la libération définitive du territoire » , « de quoi il faut conclure, écrivait Jean Pleyber, en 1957, qu’il y a eu deux libérations : une provisoire lorsque la Wehrmacht a quitté la France, et une définitive qui a consisté dans la chasse aux traîtres et aux collaborateurs et qui a légitimement duré jusqu’au 1er janvier 1946 ».

L’épuration administrative est un aspect de l’épuration généralement mal connu, mais qui a fait un grand nombre de victimes et qui a apporté, dans des années particulièrement dures, la gène, la souffrance et la misère dans un très grand nombre de foyers. Elle fut réalisée par des commissions d’épuration composées, comme les Cours de justice, de fonctionnaires sectaires et, la plupart du temps, dominées par les communistes. Le nombre de personnes frappées est très difficile à établir. Une étude publiée en 1951 dans le numéro spécial de la revue Défense de l’Occident consacré à l’Epuration indique que « si l’on fait entrer dans le calcul les personnes qui ont été frappées au titre de l’Epuration professionnelle, qui ont perdu leur situation, soit sous la pression des syndicats, soit par diverses causes tenant à l’application de la législation de l’épuration, le chiffre des Français ayant perdu leur situation ou leur gagne-pain par la suite de l’Epuration, a dépassé largement 1 million ».
Brutale ou larvée, l’épuration sévit aussi dans l’armée où elle frappa un nombre immense d’officiers. Sur les 30.000 officiers que comptait l’armée française avant la guerre, les 2/3 furent épurés ou dégagés des cadres, alors qu’au même moment l’armée recevait 10.000 officiers en provenance des F.F.I. Notons que cet appauvrissement tragique, en quantité et plus encore en qualité, a eu lieu en pleine guerre d’Indochine, au moment où, selon l’affirmation de M. Vincent Auriol, nous perdions chaque année l’effectif d’une promotion de Saint-Cyr.

(1) Il a été, par contre, longuement discuté par les historiens, notamment par Robert Aron dans sa volumineuse Histoire de l’Epuration, et par Henri Amouroux dans le 9e volume de son Histoire des Français sous et après l’occupation.

http://xaviersoleil.free.fr

lundi 7 septembre 2009

Du bon usage du carbone 14

Les résultats des analyses des fragments du Saint Suaire par le Carbone 14 fournissent la preuve des limites de ce procédé. Mon but n’est pas d’étudier ici l’authenticité de ce linceul car Daniel Raffard de Brienne a magistralement traité de la question(1), et d’une manière qui semble définitive, mais de tenter de voir si le C 14 peut ou ne peut pas être efficacement utilisé comme un moyen de datation historique.
Dans le domaine que je crois connaître un peu et qui est celui de l’Afrique, le C 14 permet, faute de mieux, des approches chronologiques bien utiles car nous sommes en ce domaine confrontés à l’absence de sources datables. En d’autres termes, les analyses au C 14 permettent, au mieux, de graduer des phénomènes dans l’échelle chronologique. Mais elles n’autorisent rien d’autre car leur utilisation peut vite devenir idéologique, comme dans le cas du Saint Suaire où elles ont été immédiatement utilisées par le courant anticatholique pour tenter de nourrir son matérialisme.
C’est ainsi qu’une des grandes questions de l’histoire africaine est celle du peuplement et de la colonisation de l’Afrique centrale, orientale et australe par les Noirs. Nous savons que cette colonisation s’est faite du nord vers le sud, mais, sans le C 14, il serait impossible de dire quand elle s’est produite. L’inconvénient est que les Africains, voulant faire reculer le plus possible ces périodes, ont tendance à utiliser toutes les datations qui vont dans le sens de leur thèse, et cela, sans tenir compte des anomalies ou des incohérences que tout utilisateur sérieux, compétent et honnête du C 14 intègre dans son interprétation. De même, une autre grande question que se posent les Africanistes est de savoir pourquoi l’Afrique noire fut toujours un continent récepteur et non concepteur. Prenons un seul exemple : pourquoi ce continent n’a-t-il connu la métallurgie du fer que plus de deux mille ans après son "invention" au Proche-Orient ? Le C 14 ne permet certes pas de répondre à cette question mais il indique les périodes d’apparition ou d’introduction. C’est ainsi que nous disposons de centaines de dates et que, chaque année, des dizaines d’autres sont publiées qui nous permettent d’obtenir des "fourchettes" chronologiques ; mais rien de plus. Ces résultats d’analyses placés sur un diagramme montrent de fortes probabilités avec des concentrations sur des périodes qui sont celles que les historiens peuvent licitement utiliser. Mais ils indiquent également des aberrations aux deux extrémités chronologiques. Elles peuvent être dues à de multiples causes : échantillons pollués par des micro-organismes, prélèvements faits en l’absence de stratigraphie sérieuse, erreurs de manipulation, etc., tous phénomènes que les véritables archéologues connaissent bien et qu’ils intègrent à leur réflexion. Le problème apparaît quand ces résultats sont utilisés par des idéologues ou par des ignorants. Ainsi, quand, pour tenter de montrer que le retard de l’Afrique n’est pas aussi important que ce que l’on pourrait penser, certains n’utilisent pour défendre leurs théories que les datations aberrantes qui feraient croire à une ancienne connaissance de la métallurgie du fer en Afrique noire. Mais, dans ce cas précis, ce n’est pas le C 14 qui est en cause mais la méthode de ceux qui s’en servent.
Durant plusieurs années j’ai utilisé ce procédé pour mes fouilles au Rwanda. La question qui m’intéressait était de tenter de dater trois grandes séquences : la fin du dernier âge de la pierre, qui correspond à la fin de l’époque des chasseurs-cueilleurs exclusifs, le début du premier âge du fer, également associé à l’arrivée des populations bantuphones, et le début du deuxième âge du fer, lié à d’autres populations. Je n’ai travaillé que dans des abris sous roche et je n’ai fait dater que du charbon prélevé par moi-même. Je n’ai jamais donné à analyser des charbons recueillis dans le fond de mes excavations. Tout échantillon était d’abord repéré en place avant d’être soigneusement prélevé et déposé dans un sachet hermétique. De plus, à la différence de bien de mes collègues, j’ai toujours appliqué le vieux principe juridique du « testis unus, testis nullus ». En d’autres termes, je ne me suis jamais tenu à une seule analyse par site. Les résultats de mes analyses m’ont permis, avec une marge d’approximation allant 60 années à 150 années en plus ou moins, de "calibrer" les périodes sur lesquelles je travaillais. Le C 14 est donc utilisable. Il est même parfois nécessaire mais il ne doit pas être accepté comme étant, primo, infaillible et secundo, comme donnant une datation précise. Enfin, et là est précisément le travail de l’historien, il est nécessaire de savoir en critiquer - au sens scientifique - les résultats. Un exemple caricatural permettra de comprendre ce que je viens de dire : si une analyse au C 14 d’un charbon trouvé à côté d’une grenade datant de la première Guerre mondiale donne une datation de l’an 800 avec une marge d’erreur de 45 ans en plus ou moins, cela n’autorisera évidemment personne à affirmer que les armées de Charlemagne utilisaient des grenades quadrillées. Et c’est pourtant ce que les matérialistes adversaires de l’authenticité du Saint Suaire font.
par Bernard Lugan
(1) "Le Secret du Saint Suaire" - Editions Chiré - 86190 Chiré-en-Montreuil
http://www.francecourtoise.info

Comment la CGT du Livre a pris en otage la presse française

Le 30 octobre dernier, la quasi-totalité des quotidiens nationaux a été empêchée de paraître, en raison d'une grève des ouvriers du Livre CGT protestant contre un plan de restructuration des NMPP. Une fois n'est pas coutume, les éditorialistes des titres concernés - Le Monde et Libération compris - ont condamné le mouvement avec véhémence. Voilà pourtant longtemps que la CGT du Livre prend la presse en otage. Ancien rédacteur en chef du Parisien à l'époque où ce titre appartenait à Emilien Amaury, notre collaborateur Bernard Cabanes apporte ici un témoignage de première main sur les méthodes des syndicalistes communistes.

Abordons-nous, avec la présente crise, une nouvelle ère de sabotages professionnels ? Celui des caténaires de la SNCF encouragera-t-il les violents à frapper à nouveau nos ports et nos journaux ? La récente grève de la distribution des quotidiens parisiens peut le faire craindre, de même que le refus de la loi du 4 juillet par les responsables cégétistes des ports de Marseille et du Havre. Les dockers et grutiers formaient, avec les égoutiers et les ouvriers du Livre CGT, l'un des trois monopoles syndicaux stratégiques dont le pacte Hitler-Staline d'août 1939 accentua le caractère totalitaire. En dépit des diversions officielles, le sabotage a des racines profondes dans le passé d'un syndicalisme français par trop politisé.
Un petit tour en arrière s'impose. Le socialiste Léon Jouhaux, patron de la CGT triomphante en 1936, reste en 1942 à la tête de la CGT clandestine au sein du mouvement Libération en zone Sud. Mais le Livre parisien CGT connaît une évolution bien différente dans Paris occupé. Entre alliés qui se partagent la Pologne et l'Europe du Nord, la fraternisation est de rigueur. L'occupant est reconnaissant des efforts communistes de désarmement de la France et cégétistes de sabotage de son armement. Devenu Corporation du Livre, le Livre parisien CGT imprimera sans une grève, de juin 1940 à août 1944, le Pariser Zeitung et les journaux des deux partis de la collaboration, dirigés par l'ex-député communiste de Saint-Denis Jacques Doriot et l'ex-dauphin de Léon Blum à la tête de la SFIO, Marcel Déat. Revenu de Bruxelles à Paris avec les avant-gardes allemandes le 14 juin 1940, Jacques Duclos couvre les dirigeants du Livre, qui festoient avec l'occupant et communient avec lui dans le souvenir des cégétist fusillés « par l'impérialisme » comme saboteurs en 1939-1940. L'agression hitlérienne contre l'URSS n'y change rien. Staline attend son tour de saboter notre économie.

Eliminer le « journal bourgeois lu par la classe ouvrière »

Reprenant le label cégétiste à la Libération, Corporation du Livre parisien impose son monopole en excluant des ateliers libérés les ouvriers de la CFTC qui ont imprimé la presse clandestine dans les caves de l'hôtel Sangnier, boulevard Raspail. Elle maintient le nombre de 5 équipes quand la pénurie papier réduit les quotidiens à un feuillet face et dos, pour multiplier ensuite par le nombre de pages. Sabotage évident : les 65 journaux nés de la Libération croulent sous le poids des charges résultant de cette inflation des effectifs. Parmi ses victimes figurent Le Populaire du PS, L'Aube du MRP et, plus tard, La Nation de l'UNR. Le débat politique disparaît, ce dont la V' République s'accommode : elle enterrera la loi Moisan d'avril 1956, qui interdit la discrimination syndicale dans l'embauche. Des partis de gouvernement, seul le PC conservera son quotidien, L'Humanité, même sans lectorat.
Mais le tirage du Parisien lui fait de l'ombre au point qu'en novembre 1974, ce quotidien tombe sous le coup d'un oukase de Boris Ponomarev, secrétaire du Département international du PC de l'Union soviétique, ordonnant aux « détachements étrangers » l'élimination du « journal bourgeois lu par la classe ouvrière ».
La CGT, docile, sabote sa distribution : cinq mois durant, des réunions d'équipes en cascade lui font rater les trains. Le petit format du Parisien, qu'Emilien Amaury m'a confié, survit seul à la grève générale illimitée avec occupation de ses deux imprimeries parisiennes déclenchée en avril 1975. Alignant alors 10 000 imprimeurs ou supposés tels, le Livre parisien CGT lancera jusqu'à 1 200 hommes contre les imprimeries de substitution que le quotidien trouve en province et en Belgique. Cependant, le journal construit à la hâte une imprimerie moderne hors Paris. Elle occupe l'ancien hangar de réparation de locomotive des chemins de fer du Nord, qui abritait jusqu'alors le parc automobile du Tour de France, au lieu dit la Cave aux huiles à Saint-Ouen.
Jusqu'à la grève supposée fatale, le Livre nous imposait de rétribuer 1389 ouvriers et cadres travaillant, ou supposés le faire, dans nos ateliers. L'imprimerie assiégée de Saint-Ouen en emploiera 70, dont des rotativistes de Force ouvrière, chassés des imprimeries parisiennes par la CGT. Soit vingt fois moins !

Emilien Amaury, résista aux oukazes du syndicat du Livre CGT.

Assassinats et tentatives d'enlèvement

L'introduction de la photocomposition n'explique pas cette différence. Avant le monopole installé par l'occupant en juin 1940, tel des 15 quotidiens parisiens, journaux d'opinion ou de parti, paraissait avec 9 imprimeurs. L'inflation des effectifs, dans les ports comme dans l'imprimerie de presse parisienne, trahissait une visée stratégique. Ces monopoles ne faisaient pas seulement vivre nombre de permanents du PC et de ses organisations de masse. Ils traduisaient les visées du "bloc socialiste" sur l'Europe de l'Ouest, désireux de saboter l'arrivée de renforts alliés, du pétrole et des matières premières.
Le sabotage s'exercera dans nos ports à chacun de nos conflits, en particulier lors de la guerre d'Indochine.
Dans l'imprimerie de presse, le monopole du Livre constituait, avec celui des égoutiers, la base d'un "coup de Paris", sur le modèle du coup de Prague de 1948. A Prague, des camions avaient attendu une partie des effectifs du Livre à la périphérie boisée de la capitale, avec des armes tirées d'ambassades amies, pour faire le tour des ministères et de la radio. Ce scénario devait être appliqué à Paris tandis qu'attendrait, au Bourget et à Roissy, une des huit divisions aéroportées soviétiques. La crainte de retombées massives sur l'Est, du fait du vent d'Ouest dominant, avait amené le Kremlin à renoncer au feu roulant nucléaire et chimique de la doctrine Sokolovski pour miser (doctrine Ogarkov) sur des projections aéroportées et héliportées, qui plaçaient Paris dans la zone des combats dès l'heure H. Dans ce contexte, le réseau des égouts donnait à la brigade "à destination spéciale" (Spetznaz) infiltrée dans Paris le moyen de rayonner pour triompher des résistances rencontrées par le Livre parisien.
Chef d'escadron de Spahis, prisonnier évadé, contact parisien du premier envoyé du général De Gaulle dans Paris occupé, chef du groupe de résistance de la rue de Lille, Emilien Amaury mourra brutalement, officiellement d'une chute de cheval, alors qu'il résistait au nouvel occupant potentiel. A la même époque, je survivrai quant à moi à deux attentats, dont le premier tuera par erreur, le 13 juin 1975, un homonyme et ami journaliste de l'AFP.
(L'attentat à la bombe qui détruisit son appartement fut revendiqué par un appel anonyme à une radio annonçant avoir « détruit le domicile de Cabanes, du Parisien Libéré »). Deux tentatives d'enlèvements seront également perpétrées, l'une contre moi-même, l'autre contre ma fille aînée.
Bernard Cabanes monde & vie du 22 novembre 2008

samedi 5 septembre 2009

L’Africano-centrisme ou l’Histoire falsifiée

Parlant de l’Afrique noire, Victor Hugo écrivait : « Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire. »
L’auteur des "Misérables" avait-il raison ? A l’exception de l’Ethiopie et du Rwanda, l’Afrique sub-saharienne était un monde sans Etats ayant eu une profondeur historique, une continuité séculaire. Plus singulier encore, rien de ce qui a permis le progrès de l’humanité n’est sorti de l’Afrique noire. Le continent noir fut et continue d’être un continent récepteur et non concepteur.
Cette réalité insupportable aux nationalistes africains des années 1950-1960 fut combattue par Cheick Anta Diop, autodidacte aussi brouillon que prolifique. A la faveur des indépendances, ce barde africain fut propulsé à la tête du prestigieux Institut français d’Afrique noire, dont le siège était à Dakar.
Dans ce cadre privilégié, et grâce aux crédits français, il élabora de pseudo-théories scientifiques tolérées durant trois décennies par le microcosme africaniste décérébré par l’anticolonialisme et couché devant l’idéologie dominante. Prudents caméléons, presque tous les Africanistes français vivaient dans la terreur de risquer l’accusation de racisme s’ils avaient simplement osé dire tout haut ce qu’ils pensaient tout bas, à savoir que les thèses du Cheick Anta Diop n’étaient rien de plus que des élucubrations de griot.
Le postulat de Diop est, en effet, sans nuances : les Egyptiens ont tout inventé et la Grèce, puis Rome, sont les héritières de l’Egypte. Or, les Egyptiens étaient des Noirs. Conclusion : les Noirs sont donc les créateurs de la Civilisation de l’Antiquité classique.
Timidement, les linguistes tentèrent d’expliquer, avec humilité, qu’entre l’Egyptien ancien et le Grec, les liens étaient aussi évidents qu’entre un pommier et un baril de clous et que le simple rapprochement de sens ne prouvait pas un apparentement linguistique. Dans le cas contraire, l’existence du lac Kasba au Canada aurait permis à Diop d’affirmer que le Bey d’Alger taquinait le goujon à l’ouest de la baie d’Hudson...
Avec toutes les précautions, les Egyptologues risquèrent timidement une remarque de bon sens : les Egyptiens n’étaient pas des Noirs, ainsi que les milliers de momies mises au jour en apportent la preuve. Certes, la Nubie fut, durant certaines périodes tardives, une dépendance de l’Egypte, mais cela ne veut pas dire pour autant que les Nubiens aient peuplé la moyenne et la basse vallée du Nil.
Un énorme complot
Calembredaines, affirmait le "savant africain" car l’Egyptologie constitue un énorme complot contre la race noire. Et comment, demanderez-vous ? Mais tout simplement parce que les Egyptologues détruisirent systématiquement les momies noires pour ne garder que les blanches. CQFD ! Cette entreprise de falsification de l’histoire aurait pu en rester au niveau de l’anecdote. Elle aurait, à la limite, pu être étudiée dans nos universités comme un cas d’école d’idéologie appliquée à l’histoire par un autodidacte obnubilé par sa théorie et ignorant de l’ensemble d’une matière assimilée dominée.
Or, elle est devenue l’Histoire officielle. Dans l’ "Histoire de l’Afrique" de l’Unesco, tome II, édité en 1980, Cheick Anta Diop développe, en effet, longuement ses fantasmes historico-racistes, à peine contredit par les Egyptologues avec lesquels il débat. A aucun moment, dans cette monumentale histoire éditée dans toutes les langues du monde, aucun spécialiste n’ose écrire ce qu’il faut penser des affirmations de Cheick Anta Diop, tant le tiers-mondisme dominant exerce une dictature intellectuelle interdisant toute critique. Les théories de Cheick Anta Diop furent reprises et amplifiées aux USA ; dans les universités noires, elles furent à la base du courant Africano-centriste. Pauvres USA ! La juxtaposition de ses peuples et de leurs cultures fait que désormais chaque minorité raciale y enseigne sa propre vision de l’histoire.
Les Noirs, qui ont leurs universités et leurs professeurs, apprennent donc que l’Afrique noire, mère de la Civilisation et qui a tout inventé, fut non seulement pillée par les Blancs qui ont bâti leur puissance sur son pillage, mais encore stoppée dans son "merveilleux" élan par la colonisation qui l’empêcha d’atteindre la phase suivante de son évolution créatrice.
Or l’Africano-centrisme des Noirs américains a pour soubassement les affirmations de Cheick Anta Diop. En Afrique même, les écoliers et les étudiants sont formés dans le même moule. Comment pourraient-ils mettre en doute cette histoire officielle puisque l’UNESCO lui a donné sa caution scientifique ? Comment ne pas la prendre pour "argent comptant" quand, au Cameroun et ailleurs, les professeurs d’histoire présentent Cheick Anta Diop comme "le plus éminent égyptologue actuel".
Alain Froment, chercheur à l’ORSTOM, vient donc de rendre un immense service à la rigueur scientifique en publiant dans la revue "Cahiers d’Etudes africaines", n° 121-122, une mise au point définitive intitulée : "Origine et évolution de l’homme dans la pensée de Cheick Anta Diop : une analyse critique".
De cette article, dont le sous-titre pourrait être "Epitaphe pour un mensonge politico-historique", l’on peut extraire cette citation qui résume toute la question : « Cheick Anta Diop a discrédité la recherche africaine par l’insuffisance de sa méthodologie, ses conclusions hâtives et la subordination des préoccupations scientifiques à celles de l’idéologie (...) De sérieuses lacunes bibliographiques et l’absence de recours à des procédés statistiques objectifs, la préférence allant au choix orienté de photographies et de radicaux sémantiques, jettent des doutes sur ses qualités scientifiques. Cependant, il est devenu une telle figure emblématique du nationalisme africain qu’on considère, en Afrique, comme très malvenu de mettre en doute ses travaux. »
par Bernard Lugan
http://www.francecourtoise.info