samedi 23 février 2008

Constitution européenne


A LA RECHERCHE DU TRAITÉ QUI N'EXISTE PAS

Vincent Browne est l'un des plus célèbres journalistes irlandais (directeur du magazine Village, chroniqueur à l'Irish Times et au Sunday Business Post, titulaire d'une émission de radio quotidienne jusqu'à l'année dernière). De gauche, naturellement. Sa dernière chronique du Sunday Business Post est fort intéressante, et plus intéressante encore lorsqu'on sait l'influence du personnage.

Vincent Browne raconte qu'il est allé aux bureaux de la Commission européenne à Dublin, pour demander un exemplaire du traité de Lisbonne, sur lequel les Irlandais vont devoir se prononcer par référendum. A la réception, on lui a donné une photocopie du texte (seule forme sous laquelle il était disponible). Il découvre que l'article 1 dit ceci : « Le traité sur l'Union européenne est modifié conformément aux dispositions du présent article. » Et qu'en bas de la page est écrit : « Le troisième alinéa est remplacé par le texte suivant: L'Union est fondée sur le présent traité et sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après dénommés " les traités ".) »

Un irlandais rue dans les brancards

Il demande alors s'il peut avoir un exemplaire du « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne », puisqu'il n'est manifestement pas possible de comprendre le traité de Lisbonne sans avoir ce traité-là. Les personnes de l'accueil lui répondent qu'elles n'ont pas ce texte. Quelqu'un descend l'escalier, Vincent Browne lui expose son problème. Cette personne lui répond qu'il n'existe rien qui ressemble à un « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ». Elle pense que le conseil de l'Union européenne a décidé d'en publier une version en avril, mais elle n'en est pas sûre.
Arrive une autre personne, qui lui explique que le « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » est en réalité unè compilation de tous les traités antérieurs. Elle ajoute qu'elle peut lui donner un résumé du traité de Lisbonne, ce qui suffit amplement à expliquer en quoi il consiste.
Non, répond-il : Je voudrais me faire ma propre opinion sur le traité, et je voudrais le comprendre, mais comment le pourrais-je si je n'ai pas un exemplaire du traité qu'il est censé amender ?
L'interlocuteur répond alors, comme le précédent, que le conseil des ministres de l'UE pourrait le publier en avril, mais que ce n'est pas certain.
Vincent Browne réplique:
Comment peut-on voter pour ce traité si l'on ne peut pas savoir ce qu'il signifie ?
Réponse: Nos hommes politiques, démocratiquement élus, pourront dire aux citoyens ce que contient le traité, et sur cette base nous pourrons voter.
Cela ne me satisfait pas, insiste Vincent Browne, car je veux me faire ma propre idée.
Une autre personne lui dit alors que l'Institut des Affaires européennes a publié une version annotée du traité de Lisbonne, qui explique tout. Vincent Browne : « J'ai dit que je voulais me faire ma propre opinion, or l'Institut des Affaires européennes n'est qu'une pom-pom girl de l'Union européenne et ne peut pas m'offrir une analyse objective du traité. »
Quelqu'un de la réception a une autre idée : pourquoi ne pas traverser la rue et aller au Journal officiel?
Vincent Browne traverse la rue, et demande au Journal Officiel s'ils ont le « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ». Ils n'en ont jamais entendu parler. Ils regardent leur catalogue : rien. Ils consultent I' ordinateur: rien.

Puisqu'on ne peut pas savoir, il faut voter non

Il lui reste donc à essayer de lire le traité de Lisbonne. Mais il est totalement incompréhensible de bout en bout si l'on n'a pas en regard le « traité sur le fonctionnement de l'Union européenne » pour s'y référer à chaque article. .
Vincent Browne commente :
« Considérez seulement l'arrogance effarante de nos élites qui veulent que nous nous rendions aux urnes comme des moutons et que nous votions oui à un traité qu'il est impossible de comprendre à partir de la documentation mise à notre disposition. Si un directeur de banque ou un agent immobilier vous demande de signer un formulaire, est-ce que vous n'insistez pas pour savoir ce que c'est avant de le signer ? »
« Comment peut-on attendre de nous que nous approuvions un traité qui modifie notre Constitution, alors que nous ne pouvons pas comprendre de quoi il s'agit autrement qu'en croyant sur paroles ces arrogants artistes de la tromperie ? Je parierais mon premier dollar qu'aucun membre du gang suivant n'a la moindre notion de ce que dit le traité article par article, pour la bonne raison qu'il est littéralement incompréhensible »(suivent les noms des principaux ministres irlandais, et du président dé l'Institut pour les affaires européennes) .
Conclusion : « La seule attitude responsable, sensée, raisonnable, intelligente, à adopter est de voter non à ce traité, au motif que nous ne savons pas, et que nous ne pouvons pas savoir, ce qu'il veut dire. »
Yves Daoudal : National Hebdo du 21 au 27 février 2008.

mercredi 20 février 2008

L'affaire Philippe Daudet


L'affaire la plus grave_ dans laquelle furent compromises la police et la classe politique fut à coup sûr celle de Philippe Daudet. Fils du polémiste royaliste Léon Daudet, il n'avait encore que quinze ans le 23 novembre 1923 lorsqu'il fut découvert avec une balle dans la tête chez le libraire anarchiste Le Flaoutter, indicateur de police notoire.
- « Suicide », déclarèrent alors les enquêteurs.
- « Assassinat commis par l'instigation du directeur de la Sûreté Marlier et de Lannes, le beau-frère de Poincaré », répliqua Léon Daudet.
Certains journalistes de gauche comme Séverine furent persuadés que tout n'était pas faux dans les accusations lancées par la presse monarchiste.
Le 28 novembre, derrière le cercueil du jeune Philippe, se retrouvèrent Emile Buré, Eugène Lautier, Paul Bourget, Georges Bernanos, Paul Morand, François Mauriac, Joseph Kessel, Raymond Poincaré, Raoul Péret et Jean Cocteau.
Le 2 décembre, Le Libertaire publia un numéro spécial qui annonçait que Philippe Daudet était devenu anarchiste.
« Nous accusons Léon Daudet, y lisait-on, d'avoir maquillé la mort de son fils. »
L'Action française répondit aussitôt :
« Une vengeance atroce : Philippe Daudet a été assassiné. »
Très vite, les rapports étroits qui existaient entre la police et les milieux anarchistes furent révélés, et le quotidien communiste L 'Humanité ne manqua pas de les mettre en évidence. Daudet dès lors que son fils avait été délibérément assassiné dans le sous-sol de la librairie. Plusieurs de ses amis crurent plus simplement que la police avait abattu un jeune homme que Le Flaoutter avait dénoncé au contrôleur général Lannes comme un terroriste dangereux. Découvrant ensuite qu'il s'agissait du fils de Léon Daudet, elle aurait maquiller le meurtre en suicide.
De toute façon, la thèse de la police boîteuse. Comment Philippe aurait-il pu, comme on le disait, quitter librement une boutique surveillée par douze inspecteurs ? Comment se faisait-il qu'aucune balle n'ait été retrouvée dans le taxi où l'enfant, affirmait-on, s'était suicidé? Comment se faisait-il que le contrôleur généra! Lannes, beau-frère de Raymond Poincaré, ait été un client assidu d'une librairie spécialisée dans la littérature obscène?
C'était l'époque étrange de l'après-guerre. De 1925, qui fut l'année de l'Exposition des arts décoratifs, André Fraigneau devait écrire:
"C'était l'époque nègre, l'époque jazz, celle de la robe-chemise, des nuques tondues, du cubisme apprivoisé, des audaces sexuelles, des actes gratuits et des suicides sans raison. Le veau d'or est toujours debout mais on n'en parle pas. C'est un boeuf qui domine les toits de Paris..."
1925, ce n'était plus l'après-guerre. Ce n'était pas encore l'avant-guerre.
L'affaire Philippe Daudet continuait. Léon Daudet avait porté plainte pour meurtre le 26 janvier 1925 contre les policiers Colombo, Martier, Lannes et Delange. L'enquête allait durer six mois et aboutir à un non-lieu.
En un autre temps, la crédulité des hommes politiques en face des aigrefins de classe avait été illustrée par l'affaire de Thérèse Humbert et du faux héritage des Crawford. Les plus grands s'y laissèrent prendre pendant vingt ans.
A vrai dire, jamais femme ne fut aussi experte dans l'art d'exploiter les gogos. Fille d'une commerçante de Toulouse, Thérèse Daurignac avait épousé en 1878 Frédéric Humbert, le fils d'un éminent professeur de droit qui devait devenir Garde des Sceaux en 1882, dans le cabinet de Freycinet. Elle était fort disgracieuse mais habile calculatrice.
A partir de l'histoire authentique d'un Américain tombé en syncope devant la boutique de sa mère, Thérèse imagina le fabuleux héritage des Crawford dont elle se prétendait la bénéficiaire. Elle engagea même un procès contre tous ceux qui, disait-elle, contestaient le testament, et Waldeck-Rousseau accepta de plaider pour elle. Il devait admettre plus tard qu'il avait été inconsciemment le complice de la plus grande escroquerie du siècle.
On devait découvrir que le beau-père, l'éminent légiste, avait été le conseiller de Thérèse pour cette procédure.
Elle disposa dès lors d'un immense crédit. Elle était à la veille de fonder la Société des rentes viagères lorsque le magistrat Forichon, alerté par les révélations du Matin, ordonna l'ouverture d'une enquête judiciaire. Il ordonna que soit fouillé le coffre dans lequel elle prétendait avoir enfermé la fortune des Crawford. Il était simplement garni de titres de rente périmés .
Elle fut extradée de Madrid avec toute sa famille et fut condamnée à cinq ans de réclusion.
" Dans son coffre-fort, a écrit Bernard Lecache, on trouvait un lapin en guise de fortune, mais, dans son portefeuille, on découvrit le Gotha républicain. "
Du scandale Humbert, l'opposition allait tenter alors de faire une arme redoutable contre le gouvernement Combes, le gouvernement des lois anticléricales. Ce fut sans doute la raison pour laquelle, se sentant menacé, le Garde des Sceaux Vallée fit diligence et fit en sorte que l'année 1902 s'achevât par ce spectacle qui réjouit la droite française de la famille Humbert débarquant à Hendaye, menottes aux mains, pour rendre ses comptes à la justice républicaine.
- « Où est le château de Marcotte ? Où sont les Crawford? Où sont les millions? », interrogeait le président Bonnet.
- «Tout cela existe, répondait l'accusée, je peux le prouver, mais il me faudrait alors faire une révélation si effrayante que je ne m'en sens pas le courage. »
Tout un monde sans morale, descendu avec tous ses vices d'un XIXe siècle impudique, prenait ainsi le visage de cette femme grassouillette et vulgaire qui avait si longtemps tiré les ficelles du Régime. Et toute la comédie s'achevait par les éclats de rire du bon peuple.
Ce fut alors que commença la grande offensive de la gauche.
P.F National Hebdo février 1988

lundi 18 février 2008

Ce Dauphin que l'on oublie trop vite


Abattu et un peu inerte en juillet 1789, le bon roi Louis XVI? Entre nous, il avait de quoi; on oublie trop facilement qu'il venait de perdre un fils le mois précédent
Après Marie-Thérèse - Madame Royale, future duchesse d'Angoulême - la reine Marie-Antoinette avait, en effet, mis au monde un enfant mâle, louis, en 1781. Il ne faut pas confondre ce premier fils avec le petit Dauphin du temple, né en 1785.
Louis était un bel enfant, peint à plusieurs reprises avec sa mère par Mme Vigée-lebrun. Mais, rapidement, sa santé s'altéra et il devint, notamment, rachitique. Ses parents décidèrent donc, en mars 1788, de l'envoyer au Château-Neuf de Meudon, avec son gouverneur, le duc d'Harcourt, dans l'espoir que sa santé se rétablirait sous l'effet du bon air.
Mais lorsqu'en octobre, il regagna Versailles pour y passer l'hiver, rien ne s'était arrangé; les médecins d'alors n'étaient pas en mesure de diagnostiquer la tuberculose osseuse qui rongeait l'enfant
De retour à Meudon en un printemps glacial, le jeune Louis continue à dépérir dans une chambre calfeutrée où la reine venait parfois partager ses repas.
Le petit prince ne peut se reposer qu'étendu sur un billard que l'on a approché d'une fenêtre. Il souffre horriblement.
Dernières sorties dans le parc dans un fauteuil roulant, en mai. Dernière apparition derrière une fenêtre le 29, jour de la Fête-Dieu.
Le 4 juin, le roi arrive à Meudon. Marie-Antoinette en larmes tente de lui rendre un peu d'espoir: « Ayons du courage, mon ami, la Providence peut tout espérons encore qu'elle nous conservera notre fils bien-aimé ».
Le soir, Paris apprend la mort du prince et prend le deuil. Au Théâtre Français, la représentation s'est arrêtée à la fin du premier acte.
Au matin du 6, alors que toute la famille royale est réunie pour prier dans la chapelle ardente, une députation du Tiers Etat insiste à trois reprises pour être reçue, sans nul respect pour la douleur du souverain. louis XVI finit par céder, avec une exclamation qui traduit sa peine : « N'y a-t-il pas un de ces hommes qui soit père !»
Et, vers midi, sous la Simple escorte de quelques gardes, un carrosse drapé de blanc, par Sèvres, le bois de Boulogne et le chemin de la Révolte, emporte le corps vers la nécropole des Rois à Saint-Denis.
Un petit mort bien oublié dans ces commémorations du Bicentenaire, mais surtout, occultés de notre Histoire, les sentiments d'un couple pas comme les autres. louis XVI n'est pas seulement un père de famille en deuil, il est égaiement, devant Dieu, le responsable de la transmission du principe monarchique. Il n'a pas su conserver un Dauphin à la France et l'on n'a rien compris au désarroi du souverain à la veille de l'émeute du 14 juillet si l'on s'obstine à passer sous silence la double mort de ce fils premier-né, ce petit garçon qui devait être roi.

Michel Miot. National Hebdo

Quand Chirac embrassait Hussein

Curieuse, la grande discrétion de Chirac et Giscard après le coup de force du président irakien Saddam Hussein contre l'émirat du Koweit. Beaucoup d'observateurs en ont été surpris.
Chez les plus avertis, en revanche, c'est la douce hilarité. Eux savent bien qu'un tel effacement n'a rien à voir avec un quelconque désintérêt à l'égard du Moyen Orient en général et de l'Irak en particulier. Ils n'ont pas la mémoire courte et se souviennent que pendant les deux ans où il était le Premier ministre de Giscard (mai 1974 août 1976), Jacques Chirac entretint des rapports privilégiés avec Saddam Hussein, alors vice-président du « Conseil de commandement de la révolution» de l'Irak.
Le 30 novembre 1974, le leader gaulliste effectue une visite de trois jours à Bagdad. Visite historique puisqu'il est le premier chef de gouvernement français à se rendre en Irak. les contrats signés ou prévus entre Paris et Bagdad au terme de ce voyage portent sur un montant de quinze milliards de francs. Chirac en profite pour faire devant Saddam Hussein l' éloge du national-socialisme ... irakien ! : « Le nationalisme au meilleur sens du terrile, le socialisme comme moyen de modifier les énergies pour assurer l'avenir, sont des sentiments très proches du peuple français », déclare-t-il alors.

Comme un ami

Quelques semaines plus tard, le 3 mars 1975, celui qui n'est pas encore le président du RPR reçoit Saddam Hussein à déjeuner à l'hôtel Matignon. Il le reverra en septembre de la même année, puisque le n° 2 irakien vient à cette époque en visite officielle en France.
Le 5 septembre 1975, à Orly, Chirac l'accueille à sa descente d'avion comme un « ami personnel » auquel il fait part de son « estime », de sa« considération» et de son « affection ». Les deux potes passent le week-end à Oustau de Baumanière, près des Baux-de-Provence et profitent de l'occasion pour visiter le centre nucléaire de Cadarache. Le premier ministre déclare : « L'Irak est en train de mettre au point un programme nucléaire cohérent.
La France veut s'associer à cet effort, dans le domaine des réacteurs à eau pour l'instant. » A l'issue de son voyage, Saddam Hussein se voit offrir par son hôte un déjeuner qualifié d' « intime» par la presse. C'est alors qu'est annoncée la conclusion prochaine d'un accord de coopération nucléaire qui sera signé le 18 novembre suivant à Bagdad par le giscardien Michel D'Ornano, ministre de l'industrie et de la recherche. Deux autres protocoles d'intention sont aussi paraphés qui fixent un « cadre de coopération privilégiée entre les deux pays ».
Retour de New Delhi en janvier 1976. Jacques Chirac qui a, comme chacun sait, un sens aigu de l'amitié, _ demandez donc à Chaban et à Giscard _fait une halte pour saluer Saddam Hussein. Le journal Le Monde rapporte alors: « Pour prendre congé en fin de matinée, sur l'aérodrome de Bagdad, de M. Saddam Hussein, vice-président du Conseil national de la révolution, M. Chirac l'a embrassé à la façon arabe. Cette manifestation de sympathie illustrait la satisfaction des deux chefs de gouvernement à la suite de leurs longs entretiens; »
Alors, comprenez qu'après tout cela ...
J. -F. J. National Hebdo août 1990

dimanche 10 février 2008

Origines de la France et tradition spirituelle


L’idée qu'un peuple se fait de son identité influe sur certains comportements individuels et collectifs qui influent à leur tour sur le destin national.
Assurément, les vertus, les énergies que nos aïeux ont déposées en nous constituent l’assise naturelle des grandes entreprises de la nation. Cependant, les meilleures ressources du tempérament ne servent de rien si un certain esprit, une prise de conscience collective ne viennent pas vivifier la communauté nationale.
Or, durant tout notre Moyen-Age, et pour l’essentiel jusqu’à la fin de l’ancien Régime, notre patriotisme est un patriotisme franc. Il tire ses racines de la nation des Francs établie en Gaule et qui a joué un rôle de catalyseur de l’âme nationale. A ce sujet, il ne faut pas oublier l’étroite parenté des Gaulois et des Germains. En la matière, il faudrait citer l’avalanche des témoignages des auteurs de l’Antiquité qui, eux, avaient l’avantage de voir, sur le tas, les uns et les autres, contrairement aux actuels scribouillards qui osent se prétendre historiens parce qu’ils obéissent au conformisme du « politiquement correct ».
Pour nous, le principal souci doit consister à être nous-mêmes avec force sans avoir à nous définir par rapport aux uns ou aux autres et sans plus de gêne que les armées franques qui soumirent les tribus saxonnes.
Cependant, il est un autre mobile d’un ordre supérieur et surnaturel auquel correspond cette mission des Francs. Il résulte de la convergence des Francs et des Gallo-romains au sein de la religion catholique romaine après la conversion et le sacre de Clovis. Il faut savoir que, lors du baptême et du sacre de Clovis par Saint Rémy un miracle se produisit. Comme l’huile sainte nécessaire pour conférer le sacre venait à manquer, Saint Rémy se mit en prière et une colombe venue du Ciel apporta cette huile sainte dans un petit réceptacle. Celui-ci, appelé « ampulla », en latin, sera appelé la « Saint Ampoule » par les anciens Français.
Des témoignages écrits, dont tout indique qu’ils datent de l’année qui suivit la mort de Saint Rémy, attestent de ce miracle. Or, il faut également savoir qu’à partir de la dynastie capétienne, au moment du sacre de chaque roi, celui-ci recevait l’onction royale grâce à une huile consacrée à cet effet. Mais, préalablement, on mêlait toujours à cette huile consacrée une faible quantité des restes de l’huile qui avait servi pour le sacre de Clovis et qui était pieusement conservée dans la Sainte Ampoule auprès du tombeau de Saint Rémy.
Et il y avait bien là une vertu Divine, une force Divine attachée, dans ces conditions, au sacre des rois de France. En effet, chaque fois qu’un roi avait reçu cette onction aux origines miraculeuses, et s’il n’avait pas de faute grave sur la conscience, il était capable d’opérer des guérisons en imposant les mains et en prononçant la formule « Dieu te guérisse, le roi te touche ». Ainsi se manifestait le signe visible et lui-même miraculeux d’une alliance entre le Christ et le Roi de France, et à travers lui, du Christ avec la France héritière de la nation et la tradition spirituelle des Francs.Faut-il ajouter que nos annales historiques sont remplies des témoignages écrits de ces guérisons (jusqu’au dernier roi sacré à Reims, Charles X, au XIXe siècle) ?
Des papes, des prophètes, des saints et notamment Sainte Jeanne d’Arc proclameront que « le Royaume de France est le royaume de Dieu même ». Le pape Grégoire VII, qui régna de 1085 à 1095, pourra dire que les rois de France sont autant au-dessus des autres rois que les souverains sont au-dessus des particuliers. Tels sont les faits qui ont inspiré l’antique adage « Gesta Dei per Francos » et qui attestent d’une mission Divine de la France. Mais il ne s’agit pas là de la soi-disant France maçonnique et antichrétienne s’offrant à toutes les intrusions étrangères. Il s’agit de la France des rois, pères de la Nation, qui jouaient un rôle de médiateur entre la Nation et le Christ-Roi. Il faut savoir que les rois de France, les nobles Français, le peuple lui-même, se considéraient comme les héritiers de la Nation élue des Francs qu’ils entendaient continuer. Ils se considéraient comme les héritiers de Charlemagne et de l’Empire de Charlemagne. De là prenait naissance la politique royale, celle d’un certain hégémonisme français en Europe.
Il nous appartient d’assumer cet héritage franc de la France empreint d’un esprit de foi, de fidélité, de force, renaissant perpétuellement de lui-même. Au XXIe siècle, il appartient aux vrais Français de se reconnaître comme les détenteurs de cette tradition royale et impériale franque. Il leur appartient de faire en sorte qu’un jour la France puisse devenir le noyau central d’une puissance impériale de la catholicité européenne.
Louis Lefranc
Source : l'héritage

9 mars 1945 : De Gaulle déclenche le drame indochinois

LE 9 mars 1945, en Indochine, dans la nuit, l'armée japonaise frappait. En s'attaquant aux forces françaises, les Nippons ouvraient sans doute, le premier acte d'une des plus sanglantes tragédies du vingtième siècle. Mais cette guerre, qui allait déclencher une cascade de conflits atroces par leur cruauté et leurs séquelles, on ignore trop que C'EST LE GÉNÉRAL DE GAULLE QUI L'AVAIT VOULUE.
Simplement parce que, fidèle à son personnage, il jugeait " indigne et dérisoire " la « complaisante passivité », c'est-à-dire la neutralité de l'Indochine. Il la voulait parce qu'il ne pouvait accepter de la seule condescendance des Alliés le droit de parler en vainqueur aux Nippons.
Les textes sont là, indiscutables. Pour le général. « malgré le manque d'effectifs et de moyens matériels, la participation de nos farces aux opérations militaires en Extrême-Orient était une nécessité »(...),« Seule notre participation effective et par les armes à la libération de l'Indochine pourra nous rétablir dans la plénitude de nos droits », écrivait-il le 29 février 1945 au chef de la Résistance en Extrême-Orient, le général Mordant.
LE MYTHE DE LA RÉSISTANCE ET SES RAVAGES
Mais De Gaulle ne voyait pas la guerre comme un simple affrontement entre deux armées. Il essaya de créer là-bas un mouvement de Résistances comparable à celui qui lui avait si bien réussi en France. Il affirmait : " C'est surtout de l'efficacité de cette résistance intérieure de l'Indochine que dépendra le retour incontesté de l'Indochine à l'Empire français. " De plus, proclamant que les Indochinois se sentaient les « enfants de la mère patrie », il imagina une résistance associant colons et colonisés. Il écrivait au général Mordant : « Je ne conçois pas la résistance comme étant uniquement militaire, je la conçois comme faisant entrer dans le combat et dans la lutte aussi bien les autorités civiles que la population française et indochinoise. »
Et aux Français, De Gaulle déclarait : " Il est essentiel, qu'elle (la résistance intérieure) se dresse et qu'elle combatte (les Japonais). (...) Il y va de l'avenir de l'Indochine française. Oui, de l'Indochine française, car, dans l'épreuve de tous et dans le sang des soldats est scellé, en ce moment, un pacte solennel en la France et les peuples de l'Union indochinoise. "
Bref, Charles De Gaulle considérait la lutte comme un " creuset bouillonnant " d'où sortirait une nouvelle solidarité franco-indochinoise.
Les faits contrecarrèrent rapidement ces calculs. Le 14 mars, dans un discours radiodiffusé, De Gaulle présentait le drame en ces termes : " De durs combats se sont engagés en Indochine depuis six jours entre les forces françaises et les forces japonaises. (...) Aujourd'hui la lutte engagée entre l'envahisseur et nos forces d'Indochine se déroule suivant le plan arrêté par le Gouvernement et sous les ordres des chefs qu'il a désignés. " En réalité, la surprise fut complète : en quelques jours 200 officiers, 900 sous officiers et soldats français furent tués, le reste capturé ou contraint à la retraite, telles les deux colonnes commandées par les généraux Sabattier et Alessandri qui parvinrent à se réfugier en Chine.
Quant au renouveau des rapports franco-indochinois, il prit un tour imprévu. Dès l'annonce du coup de force, après avoir adressé ses félicitations aux Nippons, l'empereur Bao-Dai déclara que l'action japonaise libérait le Vietnam de la domination étrangère et le 11 mars, le « Du » n° 1 (proclamation impériale) déclarait : " Le Gouvernement du Vietnam proclame publiquement que, à dater de ce jour, le traité de protectorat avec la France est aboli et que le pays reprend ses droits à l'indépendance. " Peu après, le Cambodge suivait la même voie.
Même attitude dans les classes populaires. Bien loin de s'entendre avec les Français pour organiser une résistance commune, elles manifestèrent violemment contre eux. La presse se lança dans d'énergiques campagnes contre le colonialisme, soulignant l'immixtion continuelle des Français dans les affaires indochinoises, l'emprisonnement des patriotes, l'exploitation économique. Et les manifestations se succédèrent.
UN HOMMAGE INATTENDU À LA FRANCE
Paradoxalement les Nippons conseillèrent la modération. Ayant éliminé l'armée française, ils auraient souhaité bouleverser le moins possible l'administration du pays.
Le 16 mars, ils interdirent une manifestation de masse organisée à Saigon par les nationalistes " pour montrer la gratitude de la nation à l'égard de l'armée japonaise qui nous a délivrés de nos ennemis français ".
Le 25 avril le nouvel ambassadeur du Japon, M. Yokobama, déclarait à Hué : " Nous ne devons pas confondre un système politique avec les qualités inhérentes aux Français. Il y en a beaucoup parmi eux qui ont œuvré pour le bien de l'humanité. A l'égard de ceux-là. nous devons nous conduire selon les principes communs à la Grande Asie : « Quand un oiseau blessé se tord de douleur dans les mains du chasseur, celui-ci ne l'achève pas. » D'après l'esprit du Bushido, rien n'est plus méprisable que de maltraiter des faibles sans défense. Les autorités japonaises conseillent au peuple d'Annam d'imiter cette attitude. "
Mais les Nippons n'avaient pas compris la force du mot d'ordre d'indépendance.
Le 17 avril, l'empereur Bao Daï avait demandé au professeur Tran Trong Kim de former le gouvernement. Connu pour ses opinions nationalistes, celui-ci profita à fond de la situation. Au lendemain du coup de force, le commandement japonais avait publié une proclamation affirmant que tout Français (fonctionnaire, technicien, etc.) qui accepterait de collaborer avec le nouveau pouvoir garderait ses fonctions et percevrait le même traitement. Tentant de préserver ce qu'un accident de l'Histoire venait de restituer à son pays. Tran Trong Kim pressa les autorités nippones de renoncer à employer les ressortissants français. En quatre mois. il obtint le transfert de la plupart des services français, la dissolution du gouvernement général et la reconstitution de l'unité du Vietnam divisé par la France.
Tous les commentateurs s'accordent pour le reconnaître : le 9 mars 1945, les Nippons ne balayèrent pas seulement les forces militaires françaises, ils pulvérisèrent également nos positions économiques et culturelles. En un jour, l'emprise française s'effondre, minée à la base par la tragédie. Aux yeux des « indigènes », la France perdit le " mandat du ciel ".
INCONSCIENCE ET IGNORANCE GAULLISTES
Pourtant, inconscient de la gravité de ce qui se passait, Charles De Gaulle déclarait le 14 mars 1945 : « Nous savons bien qu'il est facile à l'adversaire japonais de bâtir par feintes et artifices-comme on fabrique un dragon de papier-, l'apparence d'un consentement apporté à sa tyrannie par les populations occupées. Mais nous connaissons assez les réalités pour ne pas nous tromper à ces faux-semblants. En vérité, jamais l'Union Indochinoise n'a été plus opposée à l'ennemi venu du Nord, ni plus résolue à trouver en elle-même, avec l'aide de la France, les conditions de son propre développement...»
Cette phraséologie n'était qu'une riposte aux désillusions, elle ornait inutilement un désastre. Pour De Gaulle, c'était l'échec complet. Jamais peut-être dans l'histoire, les conceptions d'un homme d'Etat n'avaient été aussi vite et aussi complètement balayées.
Tels sont les faits. Ils montrent que le général n'était pas, comme l'insinuait sa propagande et comme continuent à le prétendre ses thuriféraires, un homme en avance sur son temps. Il ne se doutait pas des problèmes que posaient les colonies. Il sous-estimait la passion cachée derrière le mot de nationalisme et la haine suscitée par le colonialisme. Il ne réalisait même pas que; les Vietnamiens ressentaient les simples mots d'« Union indochinoise » comme des menotte les liant arbitrairement à des pays avec lesquels ils ne ressentaient pas d'affinités.
Voyons maintenant l'interprétation que l'on donna de ces évènements. La tragédie étant trop récente, un point de vue a prévalu : celui des plus forts, donc des gaullistes. Ils ne se tourmentent pas pour savoir ce qui se serait passé si, au lien d'annoncer à coups de trompette la prochaine entrée en guerre de l'Indochine, De Gaulle avait suivi les conseils de prudence que lui prodiguaient conjointement son adversaire l'amiral Decoux et le propre chef de la Résistance, le général Mordant.
Ils ne s'étonnent pas de voir les Japonais se lancer dans une agression alors qu'ils savaient la guerre perdue et qu'ils faisaient procéder à des sondages de paix à Moscou. Ils trouvent naturel que les Nippons aient attaqué sept mois après l'arrivée des gaullistes à Paris alors que le pouvoir nouvellement installé avait déclaré la guerre au Japon le 8 décembre 1941. Ils ne remarquent même pas que, se sentant en faute, De Gaulle occulta dans ses « Mémoires » deux faits extrêmement importants : sa déclaration de guerre au Japon et l'appel qu'il lança aux populations d'Indochine de résister aux Nippons.
L'affaire semble entendue. En Extrême-Orient, le feu couvait sous la cendre. Inévitablement l'embrasement devait se produire. Néanmoins, De Gaulle souffla si ostensiblement sur les braises que certains de ses actes exigent une explication. Pourquoi voulut-il entraîner dans la guerre 40 000 Français perdus au milieu de trente millions de Jaunes hostiles au colonialisme? Et pourquoi, dans ses conférences de presse, parlait-il d'une armée de secours qui devait chasser, les Japonais, alors qu'elle n'existait pas? Et, surtout comment un homme de son âge a-t-il pu concevoir le combat comme un moyen de renouveler les relations franco-vietnamiennes?
Difficile d'escamoter de telles maladresses, d'autant plus difficile qu'en inquiétant les Japonais, elles leur fournirent un prétexte d'intervention. Au cours de l'entretien qui précéda le coup de force, les préoccupations japonaises exprimées par le délégué nippon n'eurent trait qu'aux déclarations du général De Gaulle au sujet de l'Indochine.
TOUJOURS LE BOUC EMISSAIRE AMÉRICAIN
Prétendant à la rigueur scientifique un ouvrage collectif présenté par l'Institut Charles de Gaulle ("Le général de Gaulle et l'Indochine ") a tenté de fournir une explication. Cachant les responsabilités gaullistes derrière la complexité du problème, ce livre pose la question : " Que savait exactement le général De Gaulle de l'Indochine en 1942 et 1943, lorsque il dut prendre un certain nombre de décisions très importantes? " En somme, il ne connaissait pas le problème, comme la réponse le prouve : " à partir de 1942 et de 1943, une infinité de données, de renseignements parvenaient au général De Gaulle, mais les nécessités des autres théâtres l'auraient peut-être empêché de s'intéresser directement à l'Indochine ", Ainsi, préoccupé par d'autres soucis, le général n'aurait pu se consacrer suffisamment a la question. Explication étonnante. Comme si un séjour de quatre ans en Syrie ne lui avait rien inspiré sur l'avenir des colonies! Comme si les importantes désertions de tirailleurs indochinois pendant les combats de Lang Son contre les Japonais en 1940, et lors des batailles contre les Siamois en 1941 n'avaient pas de quoi alarmer un officier de carrière !
Sentant la légèreté de l'explication, un participant proposa une justification plus subtile : " Je pense que si les Américains n'avaient pas toujours nié le caractère représentatif de ce mouvement (gaulliste), niant qu'un jour, il incarnerait tous les sacrifices consentis sur l'ensemble du territoire français occupé, si le gouvernement américain avait eu une autre position, le général De Gaulle lui-même n'aurait pas tenu à ce point à ce que la résistance intérieure de l'Indochine prépare l'entrée dans la guerre de cette terre. C'est précisément parce qu'il était sous cette pression qu'il connaissait bien, qu'il avait subie ailleurs, qu'il a prit cette décision essentielle : pour avoir le droit à la discussion au moment de la paix, il fallait revenir en Indochine les armes à la main. " En somme toujours le méme bouc émissaire : les Américains!
Jusqu'au 9 mars l'Indochine traversa le cyclone sans crise grave. lorsque De Gaulle entra à Paris, notre possession d'Extrême-Orient était florissante. Alors De Gaulle rêva. Pour parler en vainqueur, il voulut la guerre et c'est sans doute avec satisfaction qu'il accueillit la nouvelle du coup de force japonais. Il ne se doutait pas que, encore miraculeusement épargnée, l'Indochine allait devenir, et pour tout le reste du millénaire, l'Etat martyr de l 'Extrême-Orient.
Frédéric JEANNIN RIVAROL 9 mars 1985

dimanche 3 février 2008

5 janvier 1720 : La spéculation, miroir aux alouettes


LE 5 JANVIER 1720 est le jour de gloire pour John Law : il est nommé contrôleur général des Finances du royaume de France. Quelle ascension pour ce fils d'un orfèvre d'Edimbourg qui, après avoir dissipé sa fortune à Londres entre 1691 et 1695, a entrepris de courir l'Europe pour étudier les divers systèmes financiers et bancaires des pays visités ! De retour dans son Ecosse natale, il publie le fruit de ses cogitations dans un livre intitulé Considérations sur le numéraire et le commerce, dont l'idée centrale est révélatrice d'une mentalité typiquement libérale : il faut émettre du papier monnaie garanti sur les terres du pays (le papier monnaie, emblématique de ce "nomadisme" qu'un Jacques Attali exalte comme étant le fin du fin de la civilisation, au détriment d'un enracinement dans le terroir qu'un Bernard-Henri Lévy dénonce, dans L'idéologie française (Grasset, 1981) comme la matrice de la "barbarie ").
Soucieux d'appliquer sa théorie, Law adresse un mémoire au gouvernement français, empêtré dans le difficile financement de la coûteuse et interminable guerre de Succession d'Espagne (1701-1714). Il voudrait obtenir l'autorisation d'ouvrir une banque d'émission à Paris.
L'Europe se débat alors dans un marasme économique marqué par une dépression générale des prix, qui provoque accroissement de la rente, recul du profit, augmentation du coût du capital. La France est particulièrement touchée: les dépenses de l'Etat ont doublé de 1689 à 1697 puis doublent à nouveau de 1701 à 1714. Spirale vicieuse, entraînant des expédients douteux qui sont autant d'aveux de faiblesse de l'Etat : emprunt, refonte des espèces monétaires, émission de papier monnaie dont la valeur chute rapidement. Le poids très lourd de la dette publique semble devoir plomber toute tentative de redressement.
Selon Law, la clef est dans la monnaie : l'insuffisance monétaire bloque la croissance, il faut donc démultiplier l'instrument monétaire. En créant une institution publique de crédit, calquée sur la Banque d'Angleterre (fondée en 1691), qui émettra un papier solide, on restaurera la confiance et on pourra résorber la dette publique. Il y a, dans ce raisonnement, un élément très important, que les économistes ont eu et ont encore tendance à trop négliger : le facteur psychologique, c'est-à-dire l'état d'esprit optimiste ou pessimiste - des producteurs-consommateurs est déterminant dans l'évolution d'une situation économique (mais échappe très largement aux calculs trop mathématiques, trop rationnels : la confiance - ou la défiance - ne se met pas en équation, quoiqu'en pensent polytechniciens et énarques).
En exposant son projet dans son Essai sur un nouveau système de finances, Law gagne la confiance du Régent, qui l'autorise à créer une banque privée d'escompte et d'émission. Son caractère privé ne l'empêche pas d'avoir un solide appui de l'Etat: alors qu'elle émet des billets au porteur, 75 % de son capital est en billets d'Etat et le pouvoir autorise le paiement des impôts en billets. Après une phase d'attentisme face à cette nouveauté, le public et les professionnels de la banque font un succès aux billets de la banque Law. Le financier peut alors passer à la réalisation d'une autre idée qui lui est chère: créer une compagnie de commerce pour mettre en valeur la Louisiane récemment acquise par la France (1682).
La réussite semble sourire à Law: sa banque transformée en banque royale, l'appel au crédit et l'émission continuelle de monnaie fiduciaire prennent des proportions spectaculaires. L'apogée est son accession au contrôle général des Finances. Le désastre suit de peu. Le volume excessif des émissions, la fureur spéculative, le climat de surexcitation entretenu au siège de la banque, rue Quincampoix (atmosphère bien rendue dans les versions filmées successives du roman de Féval Le Bossu) contribuent au caractère artificiel du système Law. Quand les premiers signes de défiance apparaissent, Law croit trouver la parade en dévaluant. Cela ne fait qu'augmenter l'inquiétude. Beaucoup cherchent à se débarrasser de billets devenus suspects. Le coup de grâce est donné par le duc de Bourbon et le prince de Conti qui se défont des sommes considérables qu'ils avaient en billets et actions. Law multiplie les mesures déflationnistes mais il est trop tard pour inverser la tendance.
Les décrets d'octobre et de décembre 1720 suppriment le billet et la banque de Law qui, pour éviter d'être lynché, doit s'enfuir en catastrophe et se réfugier à Bruxelles puis en Italie, où il finit dans la misère. Mais il n'est pas le seul à avoir été ruiné par son système, qui va laisser de si mauvais souvenirs que les Français garderont longtemps une grande méfiance à l'égard de la spéculation. Ce qui ne les empêchera pas d'en être à nouveau régulièrement victimes ... jusqu'à nos jours.
Pierre VIAL. RIVAROL janvier 2008